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Introduction générale
Huit années après la crise qui a frappé l‟Argentine en décembre 2001, les mémoires en
conservent des éléments spectaculaires. Même sur l‟autre rive de l‟Atlantique, on se souvient
de ces images télévisées montrant un hélicoptère avec à son bord un président démissionnaire,
qui décolle d‟un palais présidentiel entouré d‟une foule hostile ; c‟était le 20 décembre. On se
souvient aussi de ces manifestations impressionnantes d‟Argentins des classes moyennes,
frappant sur des casseroles dans les rues de Buenos Aires et exigeant de pouvoir disposer de
leurs dépôts bancaires. Le Corralito, mesure instaurée le 1er décembre, limitait les retraits à
250 pesos hebdomadaires. Ces manifestations sont dans le même temps l‟expression du rejet
massif de la classe politique et dirigeante, et rejoignent les revendications plus anciennes des
Piqueteros, ces groupes de chômeurs apparus au milieu des années 1990, qui coupaient les
voies de communication en guise de protestation. C‟était déjà afin de protester contre la
politique menée, ressentie comme responsable de leur situation.
Lorsque la crise monétaire et financière se déclenche, elle est bien indissociable d‟une
crise politique de forte magnitude. Le gel des dépôts bancaires offre une date indiscutable qui
permet de repérer l‟épisode critique. On sait alors que le régime monétaire adopté en 1991,
qui avait instauré un Currency Board avec ancrage paritaire du peso (l‟unité de monnaie
nationale) sur le dollar, ne pourra être conservé. Le 25 décembre, un président resté une
semaine au pouvoir annonce le défaut du pays sur sa dette publique externe.
L‟extrême fragilité de l‟économie argentine semblait perceptible au moins depuis la
fin du premier trimestre 2001. Les retraits massifs de dépôts traduisent l‟inquiétude des
Argentins eux-mêmes envers la solidité de l‟arrangement monétaire. Dans le même temps, les
flux de capitaux étrangers à destination de l‟Argentine se tarissent. Les marchés financiers
internationaux ne perçoivent plus l‟Argentine comme l‟économie émergente modèle, pourtant
souvent présentée comme le symbole de la réussite des politiques de libéralisation des années
1990, et qui avait su résister à la crise mexicaine de 1994. Le contraste est d‟autant plus