Le recours à l`inflation peut-il être une stratégie de sortie de crise ?

Le recours à l’inflation peut-il être une stratégie de sortie de crise ?
© Joël Hermet 2010
Pour bien délimiter le cadre du sujet, un exercice simple est de le modifier légèrement :
Le sujet n’est pas « L’inflation évite-t-elle les crises ? » car si on évite une crise, logiquement on
n’a pas à en sortir, ni « L’inflation favorise-t-elle la croissance ? » car les effets positifs ou négatifs
de l’inflation en période de croissance, par exemple pendant les 30 glorieuses, sont hors-sujet.
Le sujet n’est pas non plus « Quelle est la vision de l’inflation pour les keynésiens et les
monétaristes ? » car cela dépasse le cadre du sujet (les causes de l’inflation par exemple) même si
la vision de l’inflation par ces deux courants nourrira notre réflexion.
La réponse dépendra de nature de la crise : crise de l’offre ou de la demande ? Le terme
« crise » étant pris dans son sens courant de récession ou dépression.
Pb : face à une crise, doit-on recourir à des politiques qui favorisent ou provoquent de l’inflation ?
I) L’inflation non anticipée peut à court terme entraîner un effet de relance
1) L’inflation permet de restaurer une demande atone :
* hausse de l’emprunt par l’effet de levier, permettant d’accroitre la consommation et
l’investissement privés
* hausse des recettes fiscales du gouvernement et baisse de la valeur réelle de la dette publique
(lien avec le niveau élevé de la dette publique en période de crise) ce qui permet d’augmenter la
demande publique quand la demande privée faiblit
* l’inflation a en outre le grand avantage pour ses partisans d’éviter la déflation qui pointe le bout
de son nez en cas de récession en raison de la baisse de la demande ; Roosevelt a d’ailleurs
pratiqué une politique de reflation en 1933 pour sortir les USA de la déflation.
2) L’inflation permet de diminuer un chômage élevé : Courbe de Phillips
* pour les keynésiens, la politique de relance budgétaire et monétaire permet d’augmenter la
demande globale, de baisser le chômage tout en accroissant l’inflation ; ici l’inflation n’est pas la
solution mais plutôt l’effet secondaire. Cf. l’effet des relances Chirac et Mauroy.
* pour les monétaristes, la relance monétaire entraîne de l’inflation, une diminution des salaires
réels et une hausse des embauches
* pour les néo-keynésiens, l’inflation permet une plus grande flexibilité des salaires réels quand les
salaires nominaux sont rigides, or en Europe cette flexibilité serait un facteur de reprise
3) L’inflation permet de favoriser les agents les plus à même d’entrainer la reprise :
* « L‘inflation facilite la vie de ceux qui empruntent — les jeunes et les créateurs d’entreprise — au
détriment de ceux qui amassent les créanciers et les détenteurs d’actifs financiers — l’inflation a la
singulière vertu de déstabiliser les situations acquises, de stimuler les désirs et d’exciter les croissances. Ce
n’est pas un hasard si les pays qui affichent aujourd’hui les croissances les plus fortes sont aussi ceux où
l’inflation est la plus élevée » écrivait Jacques Marseille en février 2008 dans le magazine Investir.
* l’inflation permet en outre de masquer certaines contraintes, d’éviter des conflits sociaux, de
satisfaire tout le monde : les autorités peuvent dépenser plus pour les banquiers et les constructeurs
automobiles sans dépenser moins pour les agriculteurs, les routiers, les RMIstes, etc.
II) Mais l’effet de relance à l’inflation va s’annuler à moyen terme
1) L’inflation ne permet pas d’augmenter durablement la demande
* l’effet de levier va vite se transformer en effet massue quand le gouvernement devra ralentir
l’inflation, par exemple pour restaurer l’équilibre commercial détérioré par la baisse de
compétitivité des entreprises domestiques
* la hausse des dépenses du gouvernement risque d’entrainer la baisse de celles des agents privés
par anticipation (théorème d’équivalence)
2) L’inflation ne permet pas de diminuer durablement le chômage :
* phénomène expliqué par les monétaristes : une fois l’illusion monétaire dissipée, les salaires
nominaux vont s’accroitre et les embauches vont diminuer, le taux de chômage revient à son
niveau naturel, la courbe de Phillip de longue période est verticale
* phénomène observé avec la stagflation des années 1970, la relance monétaire relance l’inflation
mais pas la croissance ; cf. les boucles de Phillips
3) L’inflation ne permet pas de sortir durablement de la récession :
* théorie autrichienne du cycle : la banque centrale peut initier un effet de relance en augmentant la
masse monétaire via la baisse des taux d’intérêt, ce qui provoque un accroissement de la demande
de biens d’investissement. Mais au bout d’un certain temps, l’offre augmente sans qu’en face une
demande équivalente ne soit présente. De nombreux investissements ne sont pas rentables.
* c’est la crise de la surcapitalisation. La relance monétaire et donc l’inflation provoquent une
déformation de la structure de production de l’économie, fâcheuse à long terme.
III) Et l’inflation va entrainer de nombreux effets pervers à long terme qui vont
aggraver la crise
1) L’inflation pervertit l’étalon monétaire :
* elle entraine des couts d’usure et d’affichage car les agents essayent d’éviter l’érosion monétaire
* ces couts sont d’autant plus élevés que l’inflation est forte, mais justement le propre de l’inflation
est de s’autoalimenter (boucle prix/salaires).
2) L’inflation freine la croissance potentielle
* elle n’incite pas au progrès économique en nuisant à l’épargne qui est à la source de
l’investissement, en incitant les entreprises à augmenter les prix plutôt qu’à innover
* elle complique les calculs économiques en brouillant le système d’information constitué par les
prix relatifs en étant de plus en plus volatile
3) L’inflation attise les antagonismes sociaux :
* L’inflation entraîne d’insidieuses redistributions de ressources, car toutes les catégories ne sont pas
également protégées contre les hausses de prix. Des titulaires des revenus fixes (rentes, loyers,
pensions, intérêts obligataires, etc.) vers ceux qui peuvent hausser les prix de vente (commerçants,
artisans, prof. libérales), des salariés des secteurs concurrencés par les produits étrangers vers ceux
des secteurs protégés, des salariés précaires vers ceux qui bénéficient de conventions collectives et
de syndicats puissants. L’inflation ne crée pas de richesse, ceux qui gagnent le font au détriment de
ceux qui perdent. Le jeu est à somme nulle.
* D’où des injustices entre gagnants et perdants et des conflits sociaux. Chaque groupe social
combat pour le maintien de son revenu réel, ce qui se traduit par de l’inflation. Cette spirale peut
aboutir à l’hyperinflation, elle-même facteur de troubles politiques (guerres ou révolutions).
L’inflation, si elle n’est pas arrêtée à temps, peut détruire une société.
Conclusion :
* Certains experts prédisent une forte inflation comme suite logique des politiques de relance,
d’autres au contraire pensent que nous nous orientons vers un scénario à la japonaise, c'est-à-dire
une récession prolongée accompagnée d’une absence de hausse des prix voire de déflation. Lequel
de ces scénarios va l’emporter ? L’avenir le dira.
* L’inflation serait opportune si nous étions dans une crise de la demande, or nous sommes dans
une crise de la dette. Pour sortir d’un endettement excessif, il faut que les agents épargnent plus, or
l’inflation nuit à l’épargne et donc nous éloigne de la solution à la crise. Et même si nous étions
dans une crise de la demande, il ne faut pas oublier que l’inflation est un phénomène qui par nature
commence bien et qui finit mal.
Plan plus simple en 2 parties.
Le recours à l’inflation constitue-t-il une stratégie de sortie de crise ?
Problématique : une hausse des prix modérée peut-elle permettre de retrouver le chemin de
la croissance ?
I- Une inflation rampante pourrait être favorable à la reprise de l’expansion
1- L’inflation donne des marges de manœuvre au gouvernement pour relancer l’économie
Inflation => baisse de la valeur réelle de la dette publique => atténuation de la crise de la dette publique
L’inflation permet une hausse des ressources du gouvernement et donc une hausse des dépenses
publiques. L’inflation entraîne la hausse des recettes fiscales : le produit de la TVA augmente car il est
indexé sur les prix. Le produit de l’impôt sur le revenu augmente aussi car les bases d’imposition ne sont
pas non relevées proportionnellement au taux d’inflation.
2- L’inflation permet d’augmenter la demande et de diminuer le chômage :
L’inflation implique une monnaie qui perd de sa valeur, les ménages vont diminuer l’épargne et
accroître la consommation. Cela entraîne un flux de dépenses favorable à l’activité économique.
L’inflation entraîne des taux d’intérêt réels faibles ce qui freine l’épargne et pousse à emprunter et
à consommer.
Lecture keynésienne de la courbe de Phillips : politique de relance => plus de demande => plus d’inflation
et moins de chômage
3- L’inflation augmente la rentabilité des entreprises
Si les prix augmentent plus vite que les salaires, les profits augmentent.
L’effet de levier accroit le taux de profit : quand le taux de profit est supérieur au taux d’intérêt (nominal)
des capitaux empruntés, la rentabilité des fonds propres augmente.
Le taux d’intérêt réel très bas, voire négatif, rend la plupart des projets rentables.
II- Cependant, l’inflation risque en fait d’aggraver la crise
1- L’inflation détruit la croissance à long terme :
Elle incite les ménages à emprunter plutôt qu’à épargner. Moins d’épargne => moins d’investissement =>
moins de croissance.
Elle détruit les signaux de prix, devient vite volatile et incontrôlable, fausse les calculs économiques.
2- L’inflation laisse la demande en termes réels inchangée :
L’inflation opère une hausse des revenus nominaux, mais pas des revenus réels. Donc la demande en
termes réels reste la même et la production en volume ne va pas augmenter.
L’inflation une fois installée durablement, les préteurs exigeront des taux d’intérêt plus élevés, ce qui
découragera l’emprunt et affaiblira la demande. Effet massue.
Risque de baisse du pouvoir d’achat si les salaires augmentent moins vite que les prix, ce qui sera sans
doute le cas en raison du chômage de masse et de l’affaiblissement syndical
On risque d’avoir inflation et récession : c’est la stagflation, phénomène des années 1970.
3- L’inflation va nuire à la compétitivité
La compétitivité-prix va baisser si la hausse des prix > baisse du taux de change
La compétitivité-qualité va baisser : baisse du taux de change => faibles efforts de productivité =>
spécialisation dans les produits bas de gamme
1 / 3 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !