L’INVESTISSEMENT ET LE CAPITAL COMME DECISION MICRO ECONOMIQUE (6) 1 L’investissement, en tant qu’opération à l’origine de la formation du capital, est une décision stratégique de l’entreprise qui conditionne aussi sa croissance et sa compétitivité. I. Capital et investissement De nombreux adjectifs confèrent au terme capital des sens quelque peu différents. En effet, le capital peut être selon les cas : biens de production, monnaie ou encore titre de créance (obligation par Ex). toutefois, quelle que soit sa forme, il est toujours intégré à l’acte productif. A. Le capital : un détour de production Selon Böhm Bawerk, le capital est « l’ensemble des biens directs ou intermédiaires qui, à travers des détours productifs féconds et moyennant une dépense de temps, ont la vertu de rendre plus productif le travail ». le capital est donc le résultat d’un « détour de production », c’est à dire d’un investissement qui rend le travail plus efficace. Il implique l’existence d’une épargne préalable. B. Les différentes formes de capital La notion de capital renvoie à une triple dimension : financière, physique et humaine. 1. Le capital financier Le capital financier se compose du « capital argent » provenant de l’épargne et transformé en actifs financiers (actions, obligations…). Il sert au financement de l’acquisition des bâtiments, des machines, du mobilier… Une partie de ce capital, constitué des différents apports effectués par les associés, représente le capital social de la société. Le complément correspond à des capitaux empruntés. 2. Le capital physique Le capital physique est composé de tous les biens concourant à la production d’autres biens (Ex : robots servant au montage d’automobiles, peinture, moteurs…). On distingue : - Le capital circulant : biens qui sont transformés (tôles, verre… ensemble des matières premières) ou détruits (énergie) au cours du processus productif. - Le capital fixe : biens qui sont utilisés dans plusieurs cycles de production et qui se déprécient dans le temps, soit par usure physique, soit par obsolescence (machines, bâtiments…). Ces biens formant le capital fixe sont appelés biens d’équipement. 3. Le capital humain Ce concept est apparu aux USA dans les années soixante. Gary Becker (prix Nobel d’économie en 1992) désigne comme investissements en capital humain les « activités qui influencent les revenus monétaires futurs ». Ces investissements sont qualifiés « d’immatériels ». Le capital humain est un patrimoine constitué des capacités physiques et intellectuelles qu’un individu peut mobiliser pour produire . ce capital s’accroît grâce à la formation. Tout comme le capital fixe, le capital humain est le résultat d’investissements passés qui vont générer des revenus futurs. « le capital apparaît comme un ensemble de ressources hétérogènes et reproductibles dont l’emploi permet, par un détour de production, d’accroître la productivité du travail humain. » (Raymond Barre) L’INVESTISSEMENT ET LE CAPITAL COMME DECISION MICRO ECONOMIQUE (6) 2 C. La formation du capital : l’investissement L’investissement est une opération par laquelle une entreprise ajoute des biens de production (flux positifs de biens) à un stock de capital existant. La « formation brute de capital fixe (FBCF) » est le terme utilisé par la comptabilité nationale pour désigner l’investissement brut. Toutefois, ce stock de capital se trouve lui même déprécié avec le temps. Cette perte de valeur du capital est prise en compte par l’amortissement. Investissement net = investissement brut - amortissement Le taux d’investissement est un indicateur important du dynamisme d’une économie Taux d’investissement = investissement/valeur ajoutée (PIB) Il conditionne la croissance et la compétitivité. Sa chute pendant la première moitié des quatre vingt dix (de 18,9% du PIB en 1990 à 15,8% en 1994 pour les entreprises) correspond à une phase de ralentissement de la croissance en France. 1. Investissement financier et investissement productif En terme d’investissement, la croissance de l’entreprise peut se réaliser de deux manières : 1. L’investissement financier : il permet une croissance externe par fusion absorption ou prise de participation. Après cette opération, la capacité totale de production de l’entreprise est accrue. En revanche, au niveau national, le potentiel productif reste identique et peut même, très souvent, être réduit sous l’effet de restructurations. 2. L’investissement productif : il se réalise par la mise en place de nouveaux matériels, de nouvelles usines qui augmentent effectivement la capacité de production pour l’entreprise et pour l’économie nationale. Le choix entre l’une ou l’autre forme d’investissement varie selon la conjoncture économique et la stratégie des firmes. Avec la mondialisation et l’accentuation de la concurrence internationale, les firmes ont opéré, ces dernières années, de vastes mouvements de restructuration financière au détriment des stratégies purement productives. 2. L’investissement immatériel Les économistes reconnaissent aujourd’hui le caractère économique d’investissement à certaines charges immatérielles. Ces investissements recouvrent généralement les activités de recherche et développement, d’achat de brevet et licences, de formation professionnelle, de mercatique et de logiciels. Il s’agit de dépenses qui conditionnent la compétitivité de l’entreprise. depuis une quinzaine d’années, leur part dans l’investissement total n’a cessé de progresser et représente aujourd’hui environ la moitié de la FBCF. L’investissement immatériel est une charge permettant de dégager des recettes supplémentaires pendant plusieurs exercices. 3. Investissement de productivité, investissement de capacité et investissement de renouvellement Selon que le marché est saturé et fortement concurrentiel ou, au contraire, en pleine expansion, l’entreprise optera pour un investissement de productivité ou pour un investissement de capacité. INVESTISSEMENTS OBJECTIFS Investissement de productivité Investissement de capacité Investissement de renouvellement Rationalisation de l’outil de production. Réduction des coûts par l’utilisation d’un matériel plus performant. Recherche d’une meilleure productivité dans un environnement très concurrentiel. Accroissement des capacités de production pour faire face à une demande anticipée accrue. Réponse à une expansion du marché de l’entreprise. Remplacement du matériel usagé. L’INVESTISSEMENT ET LE CAPITAL COMME DECISION MICRO ECONOMIQUE (6) 3 II. La décision d’investir La décision d’investir concerne à la fois l’acquisition de capital productif nouveau (matériels, bâtiments, véhicules…) et le financement de ces acquisitions. A. Les déterminants de l’investissement En investissant, l’entreprise est amenée à engager des capitaux importants dans une opération qui s’effectue nécessairement dans un avenir incertain et, actuellement, particulièrement fluctuant. Cette décision est déterminée par différents facteurs : Des perspectives d’avenir favorables : elle portent sur l’évolution économique générale, en particulier sur les prévisions en matière de croissance et d’évolution de la demande. L’entreprise ne prendra la décision d’investir que si des débouchés existent pour écouler sa production. Un taux d’utilisation des capacités de production élevé : pour qu’une hausse de la demande soit un facteur d’investissement, il faut que l’entreprise puisse la satisfaire avec les biens d’équipement déjà en place. Il n’y aura investissement que si le taux d’utilisation des capacités de production est élevé. Un taux d’intérêt faible : il encourage l’investissement productif en rendant le financement par emprunt peu coûteux et en n’incitant pas l’entreprise à placer ses capitaux disponibles sur le marché financier. Un taux de profit suffisant : la recherche du profit est un objectif permanent de l’entreprise. une insuffisance de profits anticipés est donc un frein à l’investissement productif. La décision d’investir est toujours une décision risquée, qui dépend essentiellement des perspectives économiques et des profits anticipés. B. Le financement de l’investissement Le financement de l’investissement doit se réaliser par le biais de ressources à moyen ou long terme. Celles-ci peuvent provenir des résultats de l’entreprise elle même (autofinancement), de l’émission de titres (actions ou obligations) ou encore de crédits obtenus auprès des institutions financières. Depuis le début des années quatre vingt dix, le financement des investissements est marqué par plusieurs tendances : - L’accroissement du taux d’autofinancement (épargne/investissement) : celui ci dépasse le seuil des 100% depuis 1993. Ces nouvelles capacités financières ont permis aux entreprise de se désendetter massivement et d’assainir leur bilan, - Le recours plus important à l’émission de titres (actions, obligations), - Une moindre utilisation du crédit bancaire. Ces tendances sont à la fois les conséquences de la baisse du taux d’investissement, de l’accroissement des marges et d’un changement de comportement financier des entreprises. III. Investissement et efficacité du processus productif Compte tenu des processus permanents d’innovation et de modernisation, tout accroissement de capital devrait engendrer une amélioration de l’efficacité du processus productif mesurée par la productivité. Cette amélioration pose alors le problème du remplacement de l’homme par la machine. A. La productivité du capital et la mesure de l’efficacité La productivité du capital complète la productivité du travail dans l’analyse de l’efficacité de l’appareil productif. Elle ne doit cependant pas être confondue avec d’autres indicateurs. 1. La productivité du capital Productivité du capital = volume de production/volume de capital Elle indique la quantité produite pour un franc de capital. La comptabilité nationale calcule la productivité apparente du capital : Productivité apparente du capital = valeur ajoutée/capital fixe 2. Le coefficient de capital Coefficient de capital = capital fixe/valeur ajoutée L’INVESTISSEMENT ET LE CAPITAL COMME DECISION MICRO ECONOMIQUE (6) 4 Ce coefficient est l’inverse de la productivité du capital. Il indique la quantité de capital nécessaire pour obtenir un franc de production. Une augmentation du coefficient de capital signifie qu’il faut davantage de capital pour obtenir le même volume de production. Cette hausse peut provenir d’une substitution du capital au travail dans le processus productif. 3. L’intensité capitalistique Intensité capitalistique = capital/travail Elle mesure le volume (ou la valeur) de capital utilisé par travailleur. L’intensité capitalistique dans un secteur est donc d’autant plus forte que le secteur utilise de capital par rapport au travail. Situé entre 30 000 F et 90 000 F pendant la première moitié du XIX° siècle, la valeur du capital fixe par emploi a ensuite progressé à un rythme très élevé pour dépasser le million de francs aujourd’hui. Cette évolution traduit l’accélération du phénomène de substitution du capital au travail depuis les trente glorieuses, et est renforcée encore par la crise et la stratégie de globalisation des firmes. 4. La rentabilité Elle mesure le rapport entre le résultat d’une activité et le capital mis en œuvre. On distingue la rentabilité économique et la rentabilité financière. a) La rentabilité économique Rentabilité économique = excédent brut d’exploitation/capital fixe Elle est un indicateur d’efficacité de l’entreprise et correspond pour certains auteurs au taux de profit. La rentabilité économique est calculée avant paiement des frais financiers (elle est donc indépendante des moyens de financement), de l’impôt sur les sociétés et des dividendes versés aux actionnaires. b) La rentabilité financière Rentabilité économique = résultats nets/capitaux propres C’est un indicateur qui représente le point de vue de l’actionnaire en lui fournissant une évaluation de la rentabilité des capitaux propres engagés dans la production . B. La combinaison des facteurs de production et la substitution du capital au travail Pour produire, l’entreprise combine ses facteurs de production (travail et capital) de la manière la plus efficiente possible. Il existe, cependant, plusieurs procédés technologiques pour parvenir à un même niveau de production. Dans le secteur automobile, par exemple, la robotisation a, en partie, remplacé le travail à la chaîne. Le capital s’est substitué au travail. Deux causes expliquent la substitution des facteurs de production : 1. Le coût relatif des facteurs de production : l’élévation du coût du travail (salaires mais aussi charges sociales) peut inciter les entreprises à investir dans des équipements nouveaux exigeant l’emploi de moins de salariés. 2. Le progrès technologique : le progrès technique permet d’obtenir une production identique avec moins d’emplois. le processus de production utilise alors plus de capital et moins de travail, l’intensité capitalistique s’accroît. Dans les deux cas, les investissements améliorent la productivité du travail, puisqu’un même volume de production est obtenu avec une quantité moindre de facteur de travail. L’accumulation du capital permet donc une amélioration de l’efficacité du travail.