Centculottesetsanspapiers deSylvainLevey Carnetartistiqueetpédagogique CarnetpédagogiquerédigéparMarieBernanoce,maîtredeconférencesenétudesthéâtrales,professeuragrégéede lettres. Sous la plume de Sylvain Levey, l’école devient le miroir de notre société et de sa consommation effrénée. Il recense ces affairesfutilesouutilesquelapubetlesgoûtstententd’imposerauxenfants. Ilmontreceschosesquirévèlentcequ’onest;ildévidelacomplainteduprogrès;ildresseuninventairesensibledecesobjets inanimésracontanttouteunehistoiredeFrance,dessans-culottes…auxsans-papiers. Àcoupsdepetiteschroniquespoétiquesoud’aphorismespolitiques,vraismatériauxpourlascène,l’auteurobservelarelation entreleshabitsetlesenfantsetlanceiciunpavé,commeunpetitmanueld’instructioncivique. l’auteur SylvainLevey, également comédien, est parmi les jeunes auteurs de théâtre les plus prometteurs. AprèsPar les temps qui courent(Lansman,LaScèneauxados1,2004),sapremièrelonguepièce,Ouasmok?,aétépubliéedanslacollectionjeunesse de Théâtrales (2004), ouvrant son œuvre jeunesse. Se dessine une écriture en connexion profonde avec l’univers de l’adolescence et de l’enfance. Sylvain Levey, même dans son théâtre généraliste, commeEnfants de la middle class ou Quelquespagesquel’onretrouvedansThéâtreencourt1auxÉditionsThéâtrales(2005),écritlemondedupointdevuedela jeunesse. Sonthéâtres’engage.Dèsl’enfance,l’hommeestconditionnéparunesociétédefausseslibertés:grouilleunpetitmondetrop policé de cochons qui s’ignorent, d’inceste familial, de couples sclérosés, de bourgeois engoncés dans leurs habitude superficielles.Despersonnagescependantsebattentavecforce:dansAlicepourlemoment(ÉditionsThéâtrales,2008),cesont lesparentsd’Alice,exploitésparlechômageetlesassureursrapaces,maiscapablesderirecommedesfousquandleurvoiture vientd’exploser;c’estViktorLamouche,dansThéâtreencourt3(ÉditionsThéâtrales,2008),unjeunehommepromisauplus belavenirquidécidedetoutabandonnerpourcéderaurêved’amourdescontesdefées,quisedéroberasouslui. Au final, c’est le chemin qui compte, la route d’Alice, de ses parents, avec l’humour qui accompagne tout regard distancé permettant d’avancer : sans doute est-ce là aussi le chemin d’écriture de l’auteur Sylvain Levey. Son oeuvre théâtrale, qui représente aujourd’hui d’une quinzaine de pièces, est marqué par un jeu physique à la fois oral et graphique sur le rythme, sensibledanslaponctuation,lesreprisesdesons,dephrases,destructures.Lalangue,faussementorale,s’adresseaulecteur pourlesortirdesatorpeur,l’interpeller,sanscynismedanslesombre,sansfadeurdanslejoyeux.Pourplusdeprécisions,se reporter à l’analyse deOuasmok ? dansÀ la découverte de cent et une pièces de Marie Bernanoce (Éditions Théâtrales, 2006,pp.248-251)ouaudossierconsacréàSylvainLeveydanslen°217delarevueGriffon(n°demai-juin2009),pp.14-16. Planducarnet A.Chemineraucœurdutexte A.Unestructuredramaturgiquenonconventionnelle:despetitsrefuspourungrandrefus B.Unestructuredramaturgiqueenformedemontage:despetitesquêtespourunegrandequête B.Miseenvoix/Miseenespace A.Unemiseenvoixchorale:dudireaumontrer B.Unemiseenespacecontrastée:dudireauvoirfaire C.Miseenjeu:dudireaufaire A.Fairesanslepublic B.Faireaveclepublic C.Combinaisondesdeuxchoix D.Bilanesthétique D.L’environnementartistiquedeSylvainLeveyetdeCentculottesetsanspapiers A.L’histoired’unclic B.Unepoétique E.Annexes A.Miseenréseau/bibliographiepourallerplusloin B.Plandeséquenceencollège,classede4èmeoude3ème A.Chemineraucœurdutexte Il s’agit d’un lentcheminement, fondé sur l’exploration profonde du texte et le plaisir de la lecture et des mots. L’imaginationdeslecteursyestsollicitée. CettenouvellepiècedeSylvainLeveyconfirme,s’ilenétaitbesoin,l’inscriptiondesonuniversdansuneparolesurlemonde forte,tonitruantemême,sansqu’ellen’yperdejamaisladrôleriepoétiquedesonrythme. Centculottesetsanspapiers,commelejeudemotsdutitrel’indique,faitlegrandécartentrel’idéalrévolutionnairedusiècledes lumièresetladureréalitécontemporainedeshommes,desfemmesetsurtoutdesenfantsquel’onchassed’unpays,laFrance (nomméeàlafindelapièce),parcequ’ilsn’ontpasdepapiers.Plusglobalement,ilproposeunregardimmergédanslemonde del’enfance,sesenthousiasmes,sesdéceptions,s’attachantauxrelationsentrelesadultesetlesenfants,sansangélisme.Y transparaîtl’idéalquetoutadultepeutyretrouver. SylvainLeveys’attachealorsauxvêtementsqu’ilsontdûlaisserderrièreeuxavantdepartir,signeshumblesmaistêtusd’une réalitéquivanoussauterauvisage. A.Unestructuredramaturgiquenonconventionnelle:des petitsrefuspourungrandrefus Lapremièreétapedeladécouvertedelapièceparlesélèvesconsisteraà relevertoutcequel’onnetrouvepasaupremier abord. Consignedonnéeauxélèves:enfeuilletantlapièce,qu’est-cequevousnetrouvezpasquel’onpouvaitattendre?Qu’est-ceque l’ontrouvequel’onn’attendaitpas? a)Pasdelistedepersonnagesnidepersonnagesnommés Quand les élèves vont ouvrir la pièce, ils ne pourront que faire ces remarques, immédiatement visibles : aucune liste de personnages au début de la pièce, aucunnomdepersonnagesdanslecorpsdutexte,commeonl’attendd’ordinairedansle modèleclassiquedel’écriturethéâtraledialoguée.Lesélèvesleverrontbiendèsl’incipitdelapièce: Queldrôlede Petit Militairepeutportercetteveste USArmy Tailletrenteetquatre? Lesoldatpremièreclasses’appelle Clémence Clémence Queldrôledeprénom Pourcellequiporteunearme. Etpourtant… Onremarqueracependantquel’ontrouvedesnomsdepersonnages,maisdanslecorpsdelaparoledontonn’apasl’origine, quin’estpasclairementidentifiée,quineressemblepascomplètementàunmonologue. Consigneplusprécisedonnéeauxélèves:releveztouslesprénomsouautresmodesdedésignationde«personnages»que l’ontrouvedanslapièce. Dansl’incipit,onaainsi«Clémence».Ontrouveraensuite,dansl’ordre: Samir(p.12)quel’onretrouvep.73,p.77 Alban(p.17) Victor(p.20) «Fluette»(p.23) «Hautcommetroispommes»,accompagnéd’ungrandnombred’autressurnoms,principalement«Courpartout»(pp. 30-32) «Maîtresse»(pp.38-40) Jimmy(pp.49-51) Clovis(pp.52-55) Bérénice(p.59),quel’onretrouvep.72,avecunclind’œilàlaBérénicedeRacine. Onremarqueradanscepetittravailderecherchequ’apparaissentaussidesnomsdepersonnagesquel’onpourraitdire«de seconddegré»commeFerdinandetFrançois(pp.55-57)quicorrespondentàcequelespersonnagesdupremierniveauvont s’amuseràendosser,dansuneformeparticulièredethéâtredanslethéâtre. Onremarqueraégalementquelaquestiondesefairenommerestpresqueinscriteaucœurdelapièce,encreuxdanslemanque depersonnagesnommésmaisaussidefaçonindirecte,dansunsecondniveaudefictionainsip.73pourlesenseignantsetp.77 pourlesenfants:«parcequ’ilnes’appellepasPierre,Paul,JacquesouFrançois». Celaouvriraalorsunquestionnementsurle«quiparledanslapièce?» Consigne donnée aux élèves :commentvousreprésentez-vouslepersonnagequiassumelaparoledanslapièce?Unou plusieurspersonnages? Laréponseàcettequestion,complexe,passesansaucundouteparl’explorationdelaconsignesuivantesurledécoupagedu textemaislesélèvespourrontassezviteidentifierunevoixquel’onpeutsentircommelavoixdel’auteur.Onamèneraainsiles élèvesàremarquerp.77laprésenced’uneadresseàl’undespersonnages,Samir,présentà3reprises: C’esttondernierjouriciavanttasortie. Samir Làaussi,onpeutdistinguerdeuxniveauxcarlaquestiondumoi,ME,estposéeàplusieursreprisesdanslesecondniveaude fiction:ainsipp.52-55danslepassageconsacréàClovis,cetenfanttantnommémaisinvisibleauxyeuxdesesparents,ou encorepp.64-65oùsetrouvemisenquestionlesensdeM+E=Me/MauvaisÉlève. b)Pasdedécoupageexplicite:destranchesdevie,maisliées Dans le cours du même travail de découverte, on va remarquer qu’il n’y a aucun découpage en scènes, actes, fragments nommés.Parcontre,lesenfantsvonttrèsviteremarquerquedestiretslarges,àgauchedespages,découpentl’ensembledu texteenuncertainnombredepassagesquel’onpourranommer«fragments». Consignedonnéeauxélèves:Vouscompterezpuisidentifierezlesfragments,parlenombredepages,lathématique. Ontrouve34fragments. Voicicequedonneral’analyseprécisedelastructurationdelapièce,poursapremièremoitié: 1. Clémencepp.7-8 2. Lepullduprintempssurlahaiepp.8-9 3. LacagoulebleuemarinedeSamirpp.9-12 4. LeAmstramgramdel’expulsionpp.13-15 5. Lemouchoirblancsurleradiateurpp.15-16 6. LepetitdébardeurtailleXScolenVp.16 7. Lepantalond’Albanpp.17-21 8. Lavestecanadiennepp.21-24 9. Legantdujeufeuille/ciseauxpp.24-25 10. Leslipdepiscinepp.25-27 11. Lagiflescolairepp.27-29 12. Lefoulardpp.29 13. LepulldeCourpartoutpp.30-32 14. Lablousegriseàl’étoilejaunepp.32-34 15. Lesdéguisementspp.34-38… Consignedonnéeauxélèves:Queremarquez-vousconcernantlerythmedecettecomposition?Commentpeut-onappeler cesfragments? Cetteconstructionrendlerésumédelapièceimpossible.Commeonlesent,aucunestructureunifiéeetglobalenefaitrentrer cetteparoledanslescadresadmisséparanttextedialoguéettextedidascaliquedanslemodèledelapiècemachine.Onaidera lesélèvesàrentrerdanscesquestionsenleurprésentantlesdeuxoutilsconstruitsparMichelVinaver,pièce-machineetpiècepaysage,croquisàl’appui. Comme Jon Fosse dansLeManuscritdeschiens,maisplusencore,laparoleicisedénude,éloignetouslesartificesd’une théâtralitéd’ornementetconstruitunrapportàlascènetrèsconcret,inscritdanslalangue,lesmots,lerythme,lessituations. Quiparle?Aqui?Quand?Où?Comment?Ceseralabased’untravaildeplateauetmêmedemiseenvoix. Lapiècefonctionnecommeautantdecoupsdepoingsoudeconfidencesprofondémentadressésaulecteur/spectateur,avecdes fragmentstrèscourts(cfle12,2lignes)etd’autresbeaucouppluslongsdontledernier,le33ème,quivadelap.68àlap.81,soit 13pages.Chacundesfragmentscorrespondàunetranchedevie. B.Unestructuredramaturgiqueenformedemontage: despetitesquêtespourunegrandequête Aucunetranchedevieneressembleàuneautre,chacuneasathéâtralitépropre,leplussouventhétérogène,mêlantdescription àlamanièred’unrécitant,dialoguesansoriginepréciseet/ousansadresse,dialogueclairementoriginéetadressé,appuisur desjeuxd’enfantchoraux(Am-stram-gram…,marelle,papier-ciseau). Consignedonnéeauxélèves:commentpeut-onappelerl’ensembledestranchesdevie? Letextedelapièceestdoncunmontage,unassemblage:plusprécisémentc’estuntissu,pourreprendrelevocabulairesibien adaptédeBarthes,depetitsfragmentsdelongueursvariéesdontchacundonnelieuàunetranchedevie.Celle-ciestparfois descriptiveou,àl’inverse,trèsnarrative;d’autresfoisellesefaitmonologue(cffragment13)ouaucontrairetrèsdialoguée(cf fragment11) Danstouslescas,lefaitqu’iln’yaitpasd’origineàlaparolelarendparadoxalementtrèsmonstrative*:lelecteurpeutavoir l’impressionquel’auteurluioffreàvoir,àimaginer,trèssimplement,cequelui-mêmeapuobserverouimaginer. Bilansurlamonstration:p.505deÀladécouvertedecentetunepièces. Lamainsemblesetendreetservirderelaisentreleréeletlelecteur.Cettedramaturgieportedoncaussiuneéthiquethéâtraleet littéraire,commeunmessagesurcequepeutêtretoutecommunicationhumaine,àl’inversedel’expulsiondesenfantssanspapiers, sujet de la pièce. On peut dont en conclure que la forme s’adapte à son sujet et que l’on a ainsi une dramaturgie performative*,quifaitcequ’elledit. Consignedonnéeauxélèves:Quelsenspeut-ondonneràcetteconstructiondramaturgique? Ilestbiendifficiledefaireétatdetouslesthèmes,souventenécho,quisillonnentcetexte,lelabourentetl’ancrentdanslaréalité moderneetcontemporainelaplussimpleetlaplusuniverselleàlafois,pourfairedenousdestémoinsinterpellés.Onysentse développer une sorte de poésie politique (ce que Cormann nomme le poélétique), une passion pour l’humanité ordinaire et l’absurditédesexpulsionsd’enfantsquinousemportejusqu’aupointd’orguequ’estledernierfragment:lesquatorzepagesqu’il occupedonnentlamesuredel’ampleurqu’ilpourraprendresurscène,reposantsurunsoufflelyriquequin’estpassansrappeler celuidesromantiquesoudesauteursdelarévoltemoderne.Onsentleurprésence,deci,delà,duNapoléonlepetitdeHugoà L’HommerévoltédeCamusenpassantparLeCancredePrévert. Maisilnefaudraitpascroirequeleseulsujetdecettepiècesoitl’expulsiondesenfantsimmigrés.Ceseraitlaréduireàun thème alors qu’elle est un chemin. Le regard qui l’amorce est celui de l’adulte, du père, de l’ancien enfant qui se penche en arrièrepourmieuxsepencherenavant: Ilfautfermerlesyeuxàprésent Ettoucherlapierre Secolleràlapierre Caresserlapierreaveclapaumedesamain Gratterlapierreavecsesongles Jusqu’ausang Ilsuffitdedécollerlacouchedesannéesquipassent(p.71) Sepencherenarrièreeneffetneveutpasdireselivreràunenostalgiefacile,l’enfanceestclairementreconstruite,leregardest pleind’humouretdetendressedénonciatrice,tournéverslefutur,interrogeantainsiladevisenationalepourmieuxenchanterles vertusetlesrappeleràl’ordredelaconscience.Dansuntexteinédit,L’histoired’unclic,SylvainLeveyécritceci: Comment mettre en scène ce texte ? Toutes les entrées sont possibles, du théâtre d’objets bien évidemment(oudevêtements!),undispositifplastique,unemiseenondeaveccasquepourquoipas, unetrouped’acteursaussic’estunaxeintéressantunseulacteurouuneseuleactriceseulesurune chaisefacepublicsansriend’autrequeelleetletexte.Uneseuleporteestfermée,cellequiouvresur lechemindelanostalgie.Ilnefautpasselaisserpiégerparlecôté«lesdoigtspleind’encre»avec toutlerespectquej’aipourlephotographeRobertDoisneau.C’estavanttoutuntextepolitiquequi replacelejeunelecteurspectateuracteuràl’endroitoùilsetrouve,c’estàdiredébutduvingtetunième siècleavecunehistoireavant,unehistoirependantunehistoireaprèslui.(Letextecompletestprésent danslapartieEnvironnementartistiquedutexte) Celaouvriraitlavoieàdestravauxinterdisciplinairesintéressants,entreHistoire,Français,Éducationàlacitoyennetéettravail plastique. B.Miseenvoix/Miseenespace Lastructurationdelapièce,tellequ’elleaétéétudiée,permettraauxélèvesderentrertoutnaturellementdanslamiseenvoixdu texte.Ons’appuieraalorssurlesressourcesdelamiseenpage,trèsdidascalique(usagedesblancs,retoursàlaligne,tiretsde dialogue…),différented’unfragmentàunautremaisfonctionnanttoujourscommeunpointd’appuiàlalecturevisuellecommeà lalectureàhautevoix. A.Unemiseenvoixchorale:dudireaumontrer Applicationenclasseentière,surlesquatrepremiersfragments Onpourrabienentenduproposerauxélèvesdemettreenvoixcertainsfragments,encommençantparlespremiers,oubien alorsdemettreenvoixl’ensembledelapièce.Nousallonstraitericilamiseenvoixpartielledutexte,danslecadred’une classeentière. On proposera aux élèves de mettre en voix,tousensemble, les quatre premiers fragments (p. 7 à 15) et l’enseignant pourra utilementsemettredanslacirculationdelaparole.Laportéecitoyennedecetexteyinvite. Consigne donnée aux élèves :nous allons mettre en voix les quatre premiers fragments de la pièce en utilisant deux techniques différentes. A la fin de l’exercice, nous échangerons sur nos impressions, puis nous évaluerons chacune de ces techniquespouranalysercequ’ellesapportentdeparticulierautexteetàsarichesse. Premièretechnique Placésencercle,lesélèvesetleurenseignantvontlireletexteensepassantlerelaisdelaparoleparlesyeux,surchaque alinéadutexte. Cetteformederelaisdelaparoleatoutd’aborddegrandesvertuspédagogiquescaronnesaitjamaisquandonvarecevoirla parole:celaentraînedoncuneconcentrationimmédiatetrèsefficace,dufaitmêmedelaconsigne. Parailleurs,étantdonnél’écrituredeSylvainLevey,cettetechniquevapermettredecréerdesbéancesdansladictiondutexte permettantdelefairerespirercommeilrespiredansleblancdelapage. Prenonsletoutdébutdupremierfragment: Queldrôlede Petit Militairepeutportercetteveste USArmy Tailletrenteetquatre? Unelectureàunevoix,sanspréparation,lisseraitletexteetlebanaliserait,luienlèveraitsathéâtralitéoriginaleet,parailleurs, enferaitunmonologuescénique,cequ’iln’estpasnécessairement.Imaginonslesinstantssuspendusquivonts’immiscerdans letexteàchaquefoisqu’ilvaàlaligne.Ilnes’agirapasdesurchargerletexteenleredoublantd’intentions,maissimplementde faire entendre les blancs, en lecture neutre ou cherchant à l’être. On percevra ainsi que s’engage une sorte d’enquête avec refrains:«Ilsemble»,«Queldrôlede». Danslefragment2,onsentunedramatisationquiemportel’imaginaire,avecmétaphoresethumourdeseconddegré: Lahaie Finebouche Et Grandegourmande Afiniparmangerlemohair Lefragment3,beaucoupplusample,s’inscritdansletempsdefaçonétonnante:présent,passéreconstitué,futur,etl’onnesait plusd’oùparleletexte: Lacagouleesttombée Aveclespremièresneiges Onlaretrouveraserpillère Audébutduprintemps. Suitunediscussionaniméedonnantàressentirl’enquêtequel’onpercevaitdanslefragment1,maisdémultipliéedansseseffets théâtraux,avecpointsd’interrogationetd’exclamationnombreux,àfairesimplementrésonnerenjouantdeladifférenceentreles pointsetlespointsd’exclamation. Quantaufragment4,ilreposesurlecontrastecrééentrel’effetderondedujeuenfantinAmstramgrametlabrusquebasculequi seproduitavecle: —Alorsc’esttoi —C’esttoujoursmoi. On se retrouve partie prenante du jeu de l’exclusion, d’abord ronde qui exclut puis voix de l’exclu. Les passages à la ligne pourraientêtreponctuésdehalètementsplusoumoinsmarqués,renforçantladramatisationdecettesituation,jusqu’àlachute, p.15, —C’esttoujoursmoiquifaislelapin. Cettechuteestàpercevoirdanssalittéralitécommedanslesenssecondqu’elleprendlorsquel’onpenseauchasseur.Lafin abrupteetincomplètedudialoguecréemêmeunesortedesuspension,assezinsupportable,quelamiseenvoixàplusieurs devraitbienrendreetqu’ilfaudratravailler,faireetrefairepourqu’ellesoitjuste,làoùelleest:évocationd’unehorreurpossible, maisnonappuyée. Secondetechnique Toujoursplacésencercle,lesélèvesetleurenseignantvontdireletexteencréantdesblocscorrespondantauxinterlignes.On changera donc de voix, toujours par le relais du regard mais lorsqu’une interligne vient créer des séquences à l’intérieur du fragment. Leseffetsproduitsrisquentdesurprendre,cassantlesévidences,créantdesbéancesdethéâtralitéétonnantesainsidansce passagedufragment3: L’étiquetteestdélavée Onnepeutpluslirequ’unelettre Lapremièrelettred’unprénom S S CommeStéphane CommeSophie? CommeSteven? S Onpourraainsiimagineraussibienundialogueintérieurqu’unvéritabledialogueàplusieurs.MaisquiparleaupremierS,quiau second?Est-celemême?Est-cealorslemêmeautroisièmeS?Onsentiraquecetexteestunpuitssansfondsenmatièrede situationsd’énonciationfictives. Danslefragment4,lechangementdevoixauxinterlignesvafairesentirladifférenceentrelesgrandstempsdechœur,collectif, entraînant,etlesbrusquessentencesquitombentmaissansfairededifférenceentreceluiquiémetlasentenceetceluiquila reçoit,réunisdanslemêmemomentcruel,intéressantepistedesens: —C’estpastoi —C’estpasmoitantmieuxc’estpasmoi Commentévaluerleseffetsproduitsparcesdeuxméthodesetcomment lesallier? Pouraiderlesélèvesàserendrecomptedeseffetsproduitsparlesdeuxméthodesproposées,parfoisfortsubtils,onseditqu’il faudraitqu’ilsnesoientpasseulementdesvoixquiparlentmaisaussidesoreillesquiécoutent. De ce fait, on pourrait recourir ausystème du « deux tiers/un tiers » : j’appelle ainsi l’astuce pédagogique et profondément théâtralequiconsisteàproposeràungroupedesediviserentrois.Alapremièreétapedutravail,deuxtiersfont,untiersregarde et/ou écoute. Puis on change un des tiers deux fois de suite, ce qui amène ainsi chacun à être à tour de rôle «auditeur»/«spectateur»et«acteur».Outrelefaitquecetteastucepermetdegérerdeseffectifsunpeulourds,celapermet aussideproposerauxauditeurs/spectateursdeprendredesnotessurcequ’ilsconstatent,sentent,sedemandent,etc…Cela nourriraensuiteletempsd’évaluationetdebilan,partagedessensationsetdesanalyses,surtoutquandils’agitderefairepour améliorer. Letempsdebilandevraitdébouchersurl’idéequel’onpeutallierlesdeuxméthodes. Onpourraitainsiimaginerreprendrelamiseenvoixdufragment4endivisantlegroupeendeuxchœursdifférents,unpourlejeu quiavance,unpourlesmomentsdesentence,derésultatdujeu. Bilanesthétique Cetravaildemiseenvoixpourraenfindéboucher,enparticulieravecdegrandscollégiensoudeslycéens,suruneréflexion esthétique.Onexploreraalorslesrapportsqu’entretiennentlesdramaturgiesmodernesetcontemporainesaveclamusicalité,ce quisignifieaussiunrapportausilence*,aublancdelapagecommeilyadesblancsenmusique. Voir l’article « Silence dans l’ouvrage Poétique du drame moderne et contemporain, Lexique d’une recherche » (Études théâtralesN°22,2001)republiéensuitesousletitreLexiquedudramemoderneetcontemporainchezCircéen2004. B.Unemiseenespacecontrastée:dudireauvoirfaire Applicationenclasseentière,surlesquatrepremiersfragments Lerapportaurythmeetàlamusicalitén’exclutpasquecetextedethéâtresoitégalementfortementancrédansuneesthétiquedu tableau,del’image.Dansleprolongementdutravailprécédent,onproposeraauxélèvesdes’interrogersurlamanièrededonner àvoircequiconstituelabasedramaturgiquedecettepièce,àsavoirlamonstration*desdifférentsvêtements.Pourcelaonva leurproposerd’apporterdesvêtementspouvantcorrespondreàceuxquisontévoquésdanslesquatrepremiersfragments,pour restersurcettepartiedutexte. Latechniquedetravailpourraconsisteràreprendrel’associationdesdeuxtechniquesdemiseenvoixexploréesplushautmais enleurajoutantdesessaisliésauplacementdansl’espaceetàlaproxémie,enappuisurdesvêtements. Commedansletravaildemiseenvoix,ilseraitintéressantd’explorerdeuxtechniquesdifférentes:danslepremiercas,ilyaura effectivementdesvêtements.Danslesecondcas,aprèslesavoirutilisésonlessupprimeramaisengardantunepartiedes gestes,placements,déplacementsquiavaientététrouvésenappuisurcesvêtements.Onserendraainsicomptequecertains fragmentssedistinguentcarilsnefontpasréférenceexplicitementàunvêtement,ainsilefragment4. Sil’onessaieensuited’allierlesdeuxchoixduvêtementprésentetabsent,letravailsurlefragment3pourraitdonnerlieuàdes recherchespassionnantesautourdelacagoule:quandlavoit-on?Est-elleprésentedèsledébut?Onpourraiteneffetimaginer, «effetTartuffe»,qu’onenparlependantunlongmomentsansqu’onlavoie,etellepourraitapparaîtresoudainaumomentoùle questionnementdel’enquêtedémarre: Elleestàqui?(p.10) pourensuitepasserdemainsenmains,ousedémultiplierenautantdecagoulesqu’ilyad’élèves…. Bilanesthétique:desréférencespourl’enseignant,àmettreàlaportée desélèves Ce travail donnera l’occasion, même avec des plus jeunes, de se questionner sur la place de l’objet dans le théâtre, ce qui engagedefaituneréflexionsurlesdifférentessortesdemisesenscène,dunaturalismeàlathéâtralisation.Sereporteràla typologie de Pavis dans son ouvrage L’Analyse des spectacles (Armand Colin 2005, p. 194) et à l’adaptation qui en a été proposéedansl’ouvragedeMarieBernanoce,Écrireetmettreenespacelethéâtre,CRDPdeGrenoble/ÉditionsDelagrave, 2002,p.117.Voiraussidanscetouvrage,p.60,lerésumédelaquestiondurapportàl’objetauthéâtreprésentéparJean-Pierre RyngaertdansLeJeudramatiqueenmilieuscolaire,DeBoeckUniversité,Bruxelles,1991,p.41-42. C.Miseenjeu:dudireaufaire Lamiseenjeudecettepièceparaîtassezdifficile,ycomprispourdesprofessionnels.Onpourraitalorsfairetournerletravailde jeuproposéàdesjeunesautourdel’adresse. Unedesquestionsessentiellesquedevraiteneffetseposerunmetteurenscèneseraitdesavoirsil’onestounondansen rapportdeproximitéetdecomplicitéaveclepublic,enfrontalitéounon,avecousans4èmemur… Commedanslesmisesenvoixetenespace,onpourraalorsexplorerplusieurspossibilitésdifférentes,enuneformequel’on peutappelerun«jeudesvariations»,afind’expérimenterleseffetsproduits,éventuellementlàaussipourlescombiner.Nous allonsnouspenchericisurdeuxdecespossibilités,encontinuantàprendrepourobjetlesquatrepremiersfragmentsdutexte. A.Fairesanslepublic Toujourssurlesquatrepremiersfragments Lapremièrepisteàsuivreconsisteraàemporterletexteducôtéoùsonancragesocialetpolitiquepeutl’entraîner:uncertain réalisme, tirant même du côté du naturalisme. On peut ainsi imaginer que chacun des fragments corresponde à une reconstitution:quiparle?àqui?où?avecquelsobjets?etc.Nousseronsalorsdansunesorted’enquêtepolicière,clairement connotéeparendroitscommenousl’avonsvu,avecdesformulesdutype:«Ilsemble»,«Queldrôlede»(voirla première partiedelamiseenvoix). Sicetypedemiseenjeupeuts’appeler«sanspublic»,c’estquelechoixduréalismesupposequ’existelequatrièmemur.On faitcommesilepublicassistaitàtoutcelasansquelescomédiensnemontrentjamaisqu’ilssaventquelepublicestlà,ou seulementàderaresmoments.Onpourraainsifairelire,surtoutparlesplusgrands,lepassagedeDiderotpensantl’idéede 4èmemurdanssonouvragede1758,Discourssurlapoésiedramatique:«Imaginezsurlebordduthéâtreungrandmurqui voussépareduparterre;jouezcommesilatoileneselevaitpas.».C’estl’esthétiquedutroudeserrure,commelaprésentait BrechtbienplustarddansL’Achatducuivre(Écritssurlethéâtre,I,L’Arche,1972,pp.551-557).Lepublicassisteàcequise jouesurscènecommes’ilregardaitparletroudelaserrure,commes’ilsurprenaitcequisepassesurscène,sanslui: LEDRAMATURGE:Qu’enest-ilduquatrièmemur? LEPHILOSOPHE:Qu’est-cequec’est? LEDRAMATURGE:Habituellement,onjouecommesilascèneavaitnontroismurs,maisquatre;le quatrièmeducôtédupublic.Onsusciteetonentretientl’idéequecequisepassesurscèneestun authentiqueprocessusévénementieldelavie;or,danslavie,iln’yaévidemmentpasdepublic.Jouer aveclequatrièmemursignifiedoncjouercommes’iln’yavaitpasdepublic. LECOMÉDIEN:Tucomprends,lepublicvoitsansêtrevudesévénementstoutàfaitintimes.C’est exactement comme si quelqu’un, par un trou de serrure, épiait une scène dont les protagonistes seraient à mille lieues de soupçonner qu’ils ne sont pas seuls. En réalité, nous nous arrangeons évidemmentpourquetoutsoitvusansdifficulté.Simplement,l’arrangementestcamouflé. Consignedonnéeauxélèves:vousallezproposerunemiseenscènedesquatrepremiersfragments,enappuisurl’existence duquatrièmemur. Choixpossible:réellemiseenjeuetenscèneourédactionsemi-collectived’uncahierderégie Étantdonnéladifficultéquereprésentelamiseenscènedecetexte,onpourrafacilementimaginerquelesélèvescomplètent leursessaisdemiseenvoixetdemiseenespaceparl’élaborationd’uncahierderégie,danslequelrêverlamiseenscène,y comprisavecdesmoyensimpossiblesàexploiterdanslecadredutravaildansetavecuneclasse.L’idéalseraitbiensûrde pouvoirmontrerauxélèvesuncahierderégied’unvraispectacle,sipossibleauquelilsaurontpuoupourrontassister,defaçon àlesfairerentrerdanslaprofessionnalitédelamiseenscènedontilscomprendrontmieuxainsicommentelleapuêtreinventée aucoursduXIXèmesiècle,précisémentparAntoine,leréinventeurdu4èmemur. Àceteffet,l’enseignantintéressépourraconsulterlesiteduSCEREN/CRDPdeParispourlapartie«Piècesdétachées»ou encorelesitehttp://educ.theatre-contemporain.net. En suivant cette piste de mise en scène, on pourrait ainsi voir apparaître en début de fragment 1 une armada d’enquêteurs, pourquoipasdugenreSherlockHolmes,seretrouvantsurlapistedespersonnagespropriétairesdevêtementsquelepublicpeut voiretentendremaisqu’euxnevoientpasetdontilsreconstituentl’histoireàlaquellelespectateurvad’autantpluss’identifier qu’il semble en apparence exclu de ce jeu. Le travail sur le premier fragment pourrait donner le cahier de régie suivant qui pourraitêtreagrémentédecroquisdedispositifscénique,decostumes,etc.: Lechœurdesenquêteurs,présentsurscèneavantquelespectaclenecommence,s’animeetpartàla recherched’indicessurleplateau.Ilsdécouvrentdesvestesmilitaires,qu’ilssepassentdemainsen mains: Queldrôlede Petit Militairepeutportercetteveste USArmy Tailletrenteetquatre? Unefilleapparaîtenfonddescène,àjardin,vêtuedelamêmevestemilitaire,àpeineéclairée.Le Chœurdesenquêteursnelavoitpas.Elleseparleàelle-même,commeunfantôme: Lesoldatpremièreclasses’appelle Clémence Lechœurdesenquêteurscontinuesonjeuderechercheetbrusquementl’undesenquêteurstrouveun indice,uneétiquette: Clémence Passagedemainsenmains,lechœurseretrouvegroupéenavant-scènecour,pleinsfeuxfroids: Queldrôledeprénom Pourcellequiporteunearme. Lechœurdesenquêteurs,deplusenplusfébrile: Unetache Enbas Surlacouturedelapoche Lafille,pleinededouceur,semblevouloirlesaider,petitgesteaumilieudesonimmobilité Cellededroite Lechœurdesenquêteurs Dusang? Lafille,gourmande Non Lechœurdesenquêteurssortseséprouvettes,mesure,teste Ilsemblenon Lafilleritdoucementdesapetitefarceinvolontaire Duchocolat Lechœurdesenquêteurs,déceptionmanifeste Duchocolat Ilsembleoui Lafillesanslesregarder,separlantànouveauàelle-même Duchocolatoui Lechœurdesenquêteurssortantleurscarnets,minesdépitées Duchocolatouipasdusangnon. Lafille Quelledrôlede Petite Guerre. Lechœurdesenquêteursrangeantleurscarnets Quelledrôlede Petit Régiment. Noirplateau Lafille Quelledrôlede Petite Guerre. Onlecomprend,écrirelecahierderégierevientaussiàécrireletextedidascaliquederégiequel’écrituredeSylvainLeveya complètementexclueetl’oncomprendfacilementunedesraisonsdecetteabsence.Làoùilchoisitdegarderunmaximum d’ouverturedanslerapportdesontexteaveclepassageauplateau,unerecherchedemiseenscènevanécessairementdevoir fairedeschoixdoncrefermercetteouvertureettoussespossibles. Ici la proposition faite amènera à rendre visible certains des personnages propriétaires de vêtements, mais sans en faire un procédéquinuiraitfortementaurythmeetàlaforcedelapièce.Danslefragment2,onneverraitquelechœurdesenquêteurs maiscelapourraittoutaussibienseprésentercommeunreportagetélévisuelavecunegrandiloquencejournalistiquedétournant lapoésieetlesmétaphoresdupassage: Lahaie Finebouche Et Grandegourmande Afiniparmangerlemohair. B.Faireaveclepublic Toujourssurlesquatrepremiersfragments Àl’inverse,icivontêtreexploréesdesformesdemiseenscènejouantaveclepublic.Eneffet,onnepeuts’empêcherdepenser quecethéâtreretrouvequelquechoseduthéâtredeparticipation,avantl’inventiondu4èmemur,quandonfaisaitduthéâtresurle parvisdeséglises,danslesauberges,surlaplacedesvillages. Onpourrasensibiliserlesélèvesàcesformesdemiseenscèneenleurmontrantdesimagesdel’ouvraged’AndréDegaine, L’Histoireduthéâtreillustrée,oubienencoredesextraitsdefilmscommeleMolièred’ArianeMnouchkinepourcequiestdes tréteauxdevillageoùl’onvoitcommentlepublicapostrophaitlescomédiens,cequinousemmèneraitaussiducôtéduthéâtre demarionnettescommeGuignoloubienencoreducôtéduthéâtred’inspirationsocialeàlaAugustoBoal:onpourraitainsi imaginerdeconstruireunemiseenscènedefragmentsdelapiècedestinésàsejouerdanslesruesoudansdesespaces publicspourfairecroireauxgensqueletexteestimprovisé! Rien n’empêche de penser la mise en scène de ce texte en théâtre d’objets ou à l’inverse en théâtre de voix, avec ou sans supportsvisuelsoudeplateau. Consignedonnéeauxélèves:vousallezproposerunemiseenscènedesquatrepremiersfragments,encassantlequatrième mur. Choixpossible:réellemiseenjeuetenscèneourédactionsemi-collectived’uncahierderégie Sil’onreprendlepremierfragmentetlespistesdecahierderégieprésentéesplushaut,onpourraitainsiimaginerlamiseen scènesuivante: Lechœurdesenquêteurssurgitdufonddelasalleetpartàlarecherched’indicesaumilieudupublic. Lasalleresteéclairée.Ilsdécouvrentdesvestesmilitaires,qu’ilssepassentdemainsenmains,d’un boutàl’autredelasalleens’apostrophantbruyamment: Queldrôlede Petit Militairepeutportercetteveste USArmy Tailletrenteetquatre? Une poursuite s’immobilise sur une fille, assise au premier rang, à jardin, vêtue de la même veste militaire. Lumière crue, froide. Le Chœur des enquêteurs ne la voit pas. Elle se lève,parle aux spectateurs,colèreetrévolte: Lesoldatpremièreclasses’appelle Clémence Lechœurdesenquêteurscontinuesonjeuderechercheetbrusquementl’undesenquêteurstrouveun indice,uneétiquette: Clémence Passagedemainsenmains,lechœurseretrouvegroupéenavant-scèneouaupieddelascène, pleinsfeux,adresseaupublic Queldrôledeprénom Pourcellequiporteunearme. Lechœurdesenquêteurs,deplusenplusfébrile: Unetache Enbas Surlacouturedelapoche Lafille,impatiente Cellededroite Lechœurdesenquêteurs Dusang? Lafille,mépris Non Lechœurdesenquêteurssortseséprouvettes,mesure,teste Ilsemblenon Lafilleritàgorgedéployéedesafarceinvolontaire, Duchocolat Ellevamontrerlechocolatsursavesteàuncertainenombredespectateurs Duchocolat Duchocolat Duchocolat Adlibitum Lechœurdesenquêteurs,déceptionmanifeste. Duchocolat Ilsembleoui Lafille,adressepublic,découragement,lassitude,douleur,montesurscène. Duchocolatoui Lechœurdesenquêteurssortantleurscarnets,minesdépitées Duchocolatouipasdusangnon. Lafille,adressepubliclarge Quelledrôlede Petite Guerre. Ellesortbrusquementenfonddescènejardin,commeapeurée. Lechœurdesenquêteursrangeantleurscarnets,ens’adressantauxspectateurs Quelledrôlede Petit Régiment. Adlibitum Ilss’assoientdanslepublicàdesplacesréservéesàceteffet. Noirsalle C.Combinaisondesdeuxchoix Commeonl’avuplushautpourlamiseenvoixoumiseenespace,ilseraitfortintéressantdeprolongercetravaildevariation autourdedeuxpistesdifférentesliéesauquatrièmemuretàl’adresseenessayantdelescombiner. Danslapremièresolution,avec4èmemur,onpeutsoudainavoiruneadresseaupublic:c’estleprincipedel’aparté.Ilfaudrait trouverquandcelapeutavoirdusens,oucréerunerupturederythme. Danslasecondesolution,àl’inverseonpeutretrouverlecôtépresquefantomatiquedelafille: Lafille,separleàelle-même Quelledrôlede Petite Guerre. Commeonlepercevrafacilement,l’écrituredecettepièceesttellementouvertequetoutsemblepossibleetducoupleschoix sontdifficiles,d’oùl’intérêtd’untravaildevariationsetnonunerechercheachevée. D.Bilanesthétique Autermedeceparcoursdedramaturgieetdemiseenscène,onpourraitdémarrerunediscussionsurcequecettepièceporte demétathéâtralité d’un genre très particulier car ce n’est pas du théâtre dans le théâtre mais, un peu à la manière de Jean Tardieu,explorationd’uncertainnombred’élémentsdethéâtralité,commedansunjeu.Ceséléments,rapportounonaupublic, montré/raconté,blanc-silence/saturation-accumulationlyrique,semblentl’objetd’unesorted’explorationjubilatoiredeleurs gammes,donnantàlapièceuneteintemulticoloreàl’imagedecequ’ellerevendique. Cettevariétéludiqueenelle-mêmeporteunegrandpartdusensdecettepiècequel’onpeutqualifierde«contagieuse»:donnant envied’écrire,deregarder,des’enthousiasmeretdes’indigner,elletransmetdemultiplesfacettesdelaviepriseauxsourcesde l’enfance. D.L’environnementartistiquedeSylvain LeveyetdeCentculottesetsanspapiers CetextedeSylvainLeveyaétépubliéenfévrier2010.Iln’apasencorefaitl’objetd’unecréation.Voiciuntexteinéditdanslequel SylvainLeveyexpliquelagenèsedesontexte,sesinfluences,sonenvironnement... A.L’histoired’unclic Deuxclicsexactement.Lepremierclicdirectionlacorbeillepourlefichier«onnesaitpasquionnesaitpasquandonnesait paspourquoi(titreprovisoire)».Fichierrangédansledossier«textesendevenir»demonordinateur,textequin’enavaitplus beaucoup,d’avenir,puisqueledeuxièmeclicavidélacorbeilleetaenvoyéledocumentàtoutjamaisdanslesméandresdes circuitsinformatiques. Et puis un matin, en vacances, j’adore travailler le matin, j’adore travailler en vacances, je couche des mots, des débuts de quelquechose,surleversodequelquesfeuillesetsurleversodecesquelquesfeuilles,letexte«Onensaitpasquionnesait pasquandonnesaitpaspourquoi(titreprovisoire)».Commeunrescapédunaufrage.Unrevenant. Aprèslecafédumidi,àl’heuredelasieste,j’adoretravailleràl’heureducafédumidi,jefaistrèsrarementlasieste,jerelisces textes,bidouilleunpeu,j’adorebidouillerlestextescommeunadodesannéesquatre-vingtbidouillaitsamobylette(bidouiller, c’estchangerunmot,enenleverunautre,leremettrefinalement,ajouteruncomplément,trouverunepetitephrasequifaitquelà, c’estlabonnemusique),jebidouilledoncuneheurepuisdeuxpuistroisenattendantquelasupéretteduvillageouvre,j’enfile mes claquettes et sors acheter l’unique cahier proposé à la vente dans les rayons de l’épicerie, cahier sur lequel je vais reprendre « on ne sait pas qui on ne sait pas quand on ne sait pas pourquoi (titre provisoire) » au début du début du commencement. Jesaisenrevenantdel’épiceriebaguettedepainetcahiersouslebrasquecetexteseramonprochainlivre. Cetexte,donc,c’estl’histoired’unerenaissance,d’unsursis,d’unevieaprèslamort. Ce texte, c’est soleil, coquillages et crustacés. Premières lignes écrites à Jullouville en Normandie dans une maison de vacances avec vue sur la mer, du sable jusque dans le salon. C’était l’été 2007. (Déjà.) Dernières lignes, bidouillages donc, astiquage,resserragesdeboulonssurlaterrassepleinsudd’unappartementdevacancesàGuétharyauPaysbasqueavecvue surlessurfeursetlesbateauxdepêcheurs.C’étaitl’été2009. Entrelesdeux,deuxlonguesannéesdedoutesetderemisesencausesetd’abandonetd’oublidutexte. Cetexte,c’estuntextesurl’écoleécritdurantlesgrandesvacances. Cetexten’estpasuntextesurl’école.Pasque.L’écoleestunprétexte.Commelevêtementoubliéd’ailleurs.Cequim’importe ici,c’estl’histoireavecunH,ungrandpas,l’histoireausensdramaturgiquedutermecaricid’histoireiln’yenapas,ilyades résonancesoui,desclinsd’œildetextesàtextes,deschocsaussi,letoutformantunensembleetvice-versa. Il faut lire ce texte une première fois car l’ordre a une logique, la mienne. La mienne de logique associe la rythmique et le paysage.Pourdéfinirmonpaysageetmonrythmej’aisuspendumontexteàlaverticale,feuilleàfeuille,untexte(unvêtement) surchaquefeuilleetj’airegardélevideetlepleindecesfeuillesetj’aidéplacépuisdéplacédenouveaupuisencorejusqu’à trouverlepaysagequimeconvenait.C’estunjeuquiassociedonccepaysage(l’œil)etlerythme(l’oreille).Untextecourtaprès deux longs, pourquoi pas, un texte dialogué long après un monologue court suivi d’une liste ou d’une phrase seule, deux dialoguesdesuitemaisunàdeuxvoixetl’autreàtroisintercalésparunmonologueouuntextenarratif…Celaparaîttechnique, celanel’estpas.C’estinstinctif.C’estanimal. Ensuite il faut faire du trampoline et sauter de texte à texte, passer par-dessus certains pour associer deux textes qui se répondent.Touteslescombinaisonssontpossiblesets’expliquentetontleurproprepersonnalité.Chaquecombinaisonprovoque deschocsetdespaysagesetrythmesquiluisontpropres. DansAlicepourlemoment,j’aiécritcequej’appelleunromanthéâtre;ici,dansCentculottesetsanspapiers,j’aiécritnonpas unthéâtrepoèmemaisunthéâtredemicronouvelles.Lamicronouvellecommesonnoml’indiqueestunenouvelleréduiteau strictminimum.Cenesontpasdespoèmes,ilnefautpasselaisserpiégerparlamusique.Cesontdesmicro-histoiresqui misesensembleracontentunegrande. Aufaitoui,letitre,c’estCentculottesetsanspapiersetcelaaprisdutempsetdel’énergieàmoi-mêmeetàtoutel’équipedes Éditionsthéâtrales.Quiaditquelemétierd’écrivainestunmétiersolitaire?Nousétionsaumoinssixàréfléchirsurletitre. Lestitresénoncésmaisnonretenus:Vêtementsoubliés;Uneétoiledanslefond;Dernierjouravantlasortie;Sang,culotteset centpapiers;Pierrefeuilleciseaux;Sansculottesetcentpapierset,j’enoubliesûrementetbiensûr,Onnesaitpasquionne saitquandonnesaitpaspourquoi. Comment mettre en scène ce texte ?Toutes les entrées sont possibles, du théâtre d’objets bien évidemment (ou de vêtements !), un dispositif plastique, une mise en onde avec casque, pourquoi pas, une troupe d’acteurs aussi c’est un axe intéressant,unseulacteurouuneseuleactriceseulesurunechaisefacepublicsansriend’autrequ’elleetletexte.Uneseule porte est fermée, celle qui ouvre sur le chemin de la nostalgie. Il ne faut pas se laisser piéger par le côté « les doigts plein d’encre»,avectoutlerespectquej’aipourlephotographeRobertDoisneau.C’estavanttoutuntextepolitiquequireplacele jeunelecteurspectateuracteuràl’endroitoùilsetrouve,c’est-à-diredébutduvingtetunièmesiècleavecunehistoireavant,une histoirependant,unehistoireaprèslui. Je n’ai pas vraiment deréférences qui m’ont servi à l’écriture de ce texte. En fait j’ai des références musicales, cinématographiques, plastiques, littéraires qui sont le socle de l’ensemble de mon travail d’écrivain. Je pourrais citer en littératureHubertSelbyJunior,JohnFante,JohnKennedyToole,PaulAuster,TanguyViel,LouisCalaferte,AlbertoMoravia,Ou encoreMichaelHanekeencinéma,lefilmDogDays,lesfilmsduDogmedeLarsVonTrier. J’aimeaussibeaucoupdesfilmscommeLaGraineetleMuletquiassocientrigueur,engagementetaccessibilitéaulargepublic, j’aime la simplicité d’Agnès Varda, j’aime les films de la Nouvelle Vague, surtout Godard, surtout Pierrot le Fou, j’aime Soulages,Pollock,Hopper,FridaKahlo,Gauguinenpeinture,j’aimeThomasFersen,NoirDésir,DominiqueA,legroupeBeirut, TomWaits,IggyPopetJoyDivisionenmusique. Paris,Avril2010 B.Unepoétique PublieruntextedeSylvainLevey,c’estaccrocherdansunegaleriehauteencouleursunenouvelletoiled’unpeintrepointilliste. Arméd’uneposturenaïvefaceaumonde,sifécondecarenapparenceinoffensive,l’auteuravancepartouches,isolées,pour composerunetoilequ’onpeutembrasserd’unregard.Etsansqu’ondécèlelescouturesdutexte(structureàrhizomesécriraitle chercheur…)aufildelalecture,sesfragmentsfinissentparoffrirunensemblequ’onsaisitd’uncoup.Unefoisarrivéàbonport. ÉditerCentculottesetsanspapiers,c’estlaisserembellirlemurdel’écoleparungrapheurd’aujourd’hui.Làencorelafresque secréesousnosyeux.Notreattentionsefocalisesurundétail,unvêtementoublié.Puis,c’estcetteétoilejaunelaisséeaufond d’uncarton,cettelitaniedemarquescommeautantderéférentscommuns,malgrénous,etfinalementlaréceptiond’unartbrut, urbainetcitoyen.EtladramaturgiedeSylvainLevey,quiestaussicelledurebondinattenduetparfoisdelaformulequinous cueille,dépasseamplementlesimplecollecteurdesituationsquotidiennesqu’onavaitsouslesyeuxsansyprêterattentionet dontonsedit:«C’estbientrouvé».Carrelevercequidevientpresquedesaphorismesdel’icietmaintenantestleB.A.BAdu journaliste.Maisl’écrivain,lui,viseplushaut:mettreenperspectivecesfaitshappésparuneactualitéadepteduzappingouau contraire tellement rabâchés qu’ils sont ancrés dans nos cerveaux disponibles ; tel un alchimiste, transformer le métal sans valeurd’unesuccessiond’informationsenunautreplusprécieuxcaratteignantlevrai. Lire les différentes versions deCentculottespouraccompagnerladernière,c’estobserverunmanueld’éducationciviqueen traindes’écrire.Carl’auteurSylvainLeveynesedépartitjamaisducitoyenexigeantetalertéqu’ilestpourproposeruntexte hautementpolitiquedansl’acceptionnobleduterme:relatifàlacité,àlachosepublique,àl’«encommun».Maislecitoyen Levey(onsecroiraiten89)n’abandonnejamaissaviséepoétiquecarilsaitcombienl’artdirectementetuniquementpolitique, n’usantpasdedétours,resteaustadedel’imprécationsouventvaine,aumieuxéveilleusedeconsciences.Ildélivrealors,parle prismedepetitsboutsderien,depoèmeslaissésépars,dehaïkusposéslà,uneseuleetlonguephrase,puissante,fracassant touslesmursmentauxouréelsparlaseuleforcedesmots. Etcettephraseengoncéedanscepetitlivres’adressebiensûrauxenfantsd’aujourd’hui:ilsenferontcequebonleursemblera, maisserontsansdouteamusésquecetanimalmystérieuxqu’estl’auteurdethéâtreleurparlepresqueavecleursmots,mais finalementdécalésverscequ’ilsnenommentpasencoreuneesthétique,unerecherchedubeau.Elles’adresseaussiànous, anciensenfants,quiregardonsunpeucequenousn’avonspasfait,cequenousavonslaisséfaire,cequenousferonspeut-être demain.Quisait?CarlireCentculottesetsanspapiersdeSylvainLevey,c’estbienprendreconnaissanced’unenouvellepierre dansunmurenconstruction,qu’onappelleœuvre. PierreBanos E.Annexes A.Miseenréseau/bibliographiepourallerplusloin Intertextualitéponctuelle,avecdesréférencesplusoumoinsexplicites JacquesPrévert,«LeCancre»,Paroles,FolioGallimard,1976(voirlefragment11,pp.27-29) JacquesPrévert,«Inventaire»,Paroles,FolioGallimard,1976(voirlefragment32,pp.66-68) Autrespiècesdethéâtresurlathématiquedel’immigration FrançoiseDuChaxel,L’étédesmangeursd’étoiles,Éditionsthéâtralesjeunesse,2002(pouradolescents) NadineBrun-Cosme,Unesipetitevalise,Écoledesloisirs,2009(pourenfants) B.Plandeséquenceencollège,classede4èmeoude 3ème Lecture -Découvertesemi-collectivedesseuilsdelapièce -Miseenvoixdesquatrepremiersfragmentsdelapièce -Lecturecursiveindividuelledelatotalitédelapièce,enparallèleavecletravaildelangueenclasse Outilsdelalangue Lesdifférentessituationsd’énonciationprésentesdanslapièceenrepartantdumodèledelasituationd’énonciation(schémade Jakobson,complétéparlesapportsdelapragmatique) Lecture Bilansdeslecturescursivesindividuelles: -réactionspersonnellesdechacun:miseencommunsousformedepostitouentravaildegroupesavecsynthèse… -Questionsposées -Réponses:l’histoiredel’écriturethéâtrale,lathéâtralitédecetteécriture Écriture -Transformerlasituationd’énonciationd’unfragment.Exemple:fragment1,àréécrireenenfaisantlemonologuedeClémence -Travailpersonnel Miseenvoix/miseenespace Expérimentationsthéâtrales,laquestiondel’adresse(situationd’énonciationdansl’espacescénique) Écriture -Écrituresemi-collectiveducahierderégiedesquatrepremiersfragments,endivisantlaclasseenplusieursgroupesauxquels correspondentunoudesfragmentsdifférents:écrituredesdidascaliesderégie - En travail personnel à la maison : réalisation de croquis du dispositif scénique, de costumes, de « plans de feux », de déplacements