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DROIT D’ASSOCIATION ET FISCALITE
DE L’ENTREPRISE EN ALGERIE
Une approche politico-économique
Riadh BOURICHE
Maître de conférences – HDR-,
Adjoint-chef de département chargé de la post-graduation,
Président du comité scientifique,
Département des sciences politiques, Faculté de Droit,
Université de Constantine, Algérie
Avec l’accord d’association entre l’Algérie et l’Union
européenne visant à instituer une zone de libre-échange économique,
renforcé par la perspective du projet de l’Union pour la Méditerranée
lancée le 13 juillet 2008, la législation fiscale entre autres est appelée à
se transformer profondément dans ce pays. Dans ce cadre, les
pouvoirs publics algériens seront appelés à veiller aux équilibres
financiers de l’Etat et à respecter les engagements internationaux et
régionaux résultant en particulier de cet accord ou des accords avec les
institutions internationales.
Les transformations économiques que produit la mise en place
de cet accord d’association interpellent notamment les législateurs
algériens pour entreprendre les réformes fiscales qui s’imposent par la
libéralisation des échanges. En effet, l’émergence d’un nouveau
« droit d’association » devrait dépasser la logique traditionnelle non
concurrentielle. L’objectif est donc de rapprocher le droit fiscal de
l’Algérie avec les législations en vigueur dans les Etats de l’Union
européenne. Autrement dit, il s’agit de repenser « la gouvernance des
Droit d’association et fiscalité de l’entreprise en Algérie
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finances et de la fiscalité » en général, notamment celle de
l’entreprise, pour rendre le système fiscal en Algérie plus compétitif.
C’est dans ce cadre que notre sujet intitulé « Droit
d’association et fiscalité de l’entreprise en Algérie » se propose
d’approcher et de débattre la fiscalité de l’entreprise en Algérie et cet
accord d’association.
Avec une approche politico-économique, les questions
pertinentes de ce sujet peuvent tourner autour :
- des réformes structurelles, notamment celles dites orthodoxes
et l’état des lieux de l’entreprise en Algérie ;
- de l’accord d’association avec l’union européenne ;
- des implications de cet accord d’association sur la fiscalité et
l’économie en Algérie.
I- REFORMES STRUCTURELLES ET ENTREPRISE EN
ALGERIE
De grands projets économiques ont été lancés en Algérie
depuis l’indépendance, ce qui a permis à ce pays d’élaborer une assise
industrielle dense en tirant profit de la rente pétrolière dont une bonne
partie a été réinvestie dans ces projets. Durant les années 1980,
l’économie algérienne, qui se caractérise par sa nature quasiment
rentière, a été mise à mal, notamment en conséquence du contre choc
pétrolier de 1986. C’est la période des plans anti-pénurie et de
stabilisation. Aux débuts des années 1990, l’Algérie et les institutions
de « Bretton Woods » s’entendent pour conclure un premier accord
d’ajustement structurel par lequel le pays met en oeuvre des réformes
structurelles concrétisant ainsi le passage à l’économie de marché,
dans un contexte de libre échange et de mondialisation.
Dans le même sens, l’accord d’association entre l’Algérie et
l’Union européenne est venu modifier l’accord de coopération d’avril
1976 organisant ses relations avec la Communauté européenne. Cet
accord qui est entré en vigueur le premier septembre 2005 permettrait
ainsi de s’orienter vers la création d’une zone de libre-échange dans
une douzaine d’années. De façon générale, il s’agit de revoir sur cette
période l’ensemble des droits de douane et de fiscalité concernant
l’entreprise en Algérie.
Droit d’association et fiscalité de l’entreprise en Algérie
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Donc pour comprendre ce processus de structuration, il est
important d’évoquer les différentes étapes de réformes structurelles,
notamment celles dites orthodoxes et l’entreprise en Algérie.
A- Une économie centralisée et planifiée
La période 1967–1979 se caractérise par la nationalisation des
secteurs clés de l’économie et la création d’entreprises publiques ainsi
que la mise en place d’un processus de planification centralisé. Un
certain nombre de mesures ont alors été engagées afin de permettre
l’extension de l’économie algérienne, qui comprenait auparavant
seulement le secteur des hydrocarbures comme générateur des
ressources financières. L’Algérie a donc engagé une stratégie pour la
mise en place d’une structure industrielle ainsi que le parachèvement
des institutions publiques. Dès 1967, l’Algérie met en œuvre, avec le
pré- plan triennal, un modèle de croissance socialiste qui se caractérise
par un développement autocentré, privilégiant les politiques de
substitution à l’importation et la mise en valeur des hydrocarbures afin
de disposer de ressources financières pour financer les grands projets
d’investissement.
Le rôle de l’entreprise algérienne ne se limitait pas à une
activité économique bien précise, créatrice de richesse. Les entreprises
devaient réaliser les infrastructures dont elles avaient besoin pour leur
développement et venir en aide aux collectivités locales qui n’avaient
pas beaucoup de moyens humains et matériels. Notons que les
entreprises publiques ne pouvaient pas accepter de partenariat étranger
dans le capital. Par ailleurs, grâce a une ambition du développement et
grâce aussi aux marchés financiers internationaux qui se portaient bien
durant cette période, les pouvoirs publics ont prévu la mise en œuvre
de divers projets. C’est ainsi que s’installe le système d’économie
d’endettement avec l’inexistence de l’approche fiscale suite aux coûts
d’investissement que les entreprises ont du mal à supporter.
B- Restructuration des entreprises publiques
Dés le début des années 1980, les grandes entreprises
algériennes, environ une centaine, ont été réaménagées en plus de 500
entreprises publiques. Au cours de cette période, l’Etat applique une
politique économique laxiste et une planification centrale rigide, en
augmentant le déficit budgétaire et en encourant massivement à
Droit d’association et fiscalité de l’entreprise en Algérie
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l’endettement extérieur à court terme pour financer les inputs de ces
entreprises, tout en omettant de rationaliser la productivité et la
fiscalisation de ces entreprises. L’endettement du pays s’alourdit en
valeur et pour une structure très défavorable (c’est-à-dire pour
l’ensemble des entreprises). Cette situation est aggravée en 1986/88
par les chutes des prix du pétrole et du dollar qui ont réduit les revenus
des exportations, fondés à 95% sur les hydrocarbures. C’est la période
de stabilisation et de la fiscalité toujours non rationalisée.
C- Début de la libéralisation de l’économie
A la fin des années 1980, l’Algérie établit ses premiers
contacts avec les institutions de Bretton Woods. Elle négocie avec le
FMI pour signer un premier accord stand-by le 31 mai 1989. Un
second accord similaire a été signé en juin 1991 et un troisième accord
en mai 93. Suite à ces négociations, l’Etat accepte en 1989 une
libéralisation partielle du commerce extérieur. A partir de 1991, des
mesures de « démonopolisation » du commerce extérieur qui seront
plus élargies dans le but de concrétiser ainsi le passage à l’économie
de marché.
Mais, les réformes de 1989 à 1993 n’ont presque rien changé à
la situation critique. A commencer par la réorganisation des
entreprises algériennes qui a été commencée au début des années 1980
sans aboutir en fin à refondre de véritables secteurs producteurs de
richesses au lieu d’en être consommateurs. Donc, jusqu’ici l’approche
existante de la micro-économie de l’entreprise et de sa fiscalisation ne
parvenait pas à relever les grands défis macro-économiques.
D- Programmes d’ajustement structurel et place de
l’entreprise en Algérie
Un accord de rééchelonnement de la dette a été signé avec le
Club de Paris et le Club de Londres, accompagné d’un Programme
d’ajustement structurel (PAS) entre 1994-1998 dont l’application par
l’Algérie est strictement contrôlée par le FMI, la Banque mondiale et
l’Union européenne.
Le PAS concerne la libéralisation du régime des changes, la
libéralisation du commerce extérieur, la libéralisation des prix, la
réformes des entreprises publiques et le développement du secteur
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privé, la politique financière orthodoxe et la réforme du système
fiscal, l’attraction de l’investissement étranger, la modernisation et la
réforme des finances publiques, le dispositif de protection sociale et en
fin le développement du marché du travail.
Le passage d’une économie dirigée à une économie de marché
est conforté par la dévaluation du dinar de plus de 75%, la
libéralisation du commerce extérieur, la liberté des prix, la
promulgation d’une loi sur la concurrence semblable à ce qui existe
dans les économies libérales (janvier 1995), la promulgation d’une loi
sur la privatisation (août 1995) ainsi que la séparation de l’Etat
puissance publique de l’Etat actionnaire à travers la loi sur la gestion
des capitaux marchands de l’Etat (septembre 1995). Cela sans omettre
bien entendu la réforme en 1995 du code du commerce, de
l’investissement, de la fiscalité, et l’installation par la suite de la
bourse d’Alger.
Autrement dit, dans le cadre du développement économique
global, le programme d’ajustement structurel et de stabilisation macro-
économique appliqué entre 1994 et 1998 sous l’égide des
conditionnalités du FMI, visait des réformes de la politique
budgétaire, de la politique monétaire, financière et fiscale, de
l’ajustement du taux de change à travers la dévaluation, de la
diminution de l’inflation et de la limitation de la récession à travers la
gestion du service de la dette, de la privatistion et de l’élimination
progressive des entreprises publiques, et du désengagement de l’Etat
de l’économique.
Au terme de ces quatre années de mise en œuvre d’un
programme d’ajustement, il n’est pas sans intérêt d’évoquer les
résultats macro-économiques atteints par l’économie algérienne et de
s’interroger sur leurs effets : C’est ce qui nous amène à signaler qu’il y
a eu un rétablissement des équilibres macro-financiers : l’inflation est
ramenée (de 30 % en 1994 à moins de 3% en 1999), réduction du
déséquilibre de la balance des paiements et du déficit budgétaire, et
reconstitution des réserves de change à un niveau jamais égalé
auparavant… Tout cela a pu être obtenu au prix d’une réduction
drastique de la demande interne et de facteurs exogènes
ponctuellement favorables (hausse des prix du pétrole et appréciation
du dollar américain).
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