Université Jean‐Monnet Sem. 1 (automne) Licence LEA / Arts Plastiques 2012‐13 GRAMMAIRE FRANÇAISE Les constituants immédiats (CI) de la phrase simple 4. Les compléments du verbe 4.1. Des compléments essentiels Constituants qui fonctionnent dans la phrase par rapport au verbe (forment avec ce dernier le groupe verbal, GV) : GN(Ce libraire) GN GV(vend des journaux)GV. Ces compléments, essentiels au verbe, ne doivent pas être confondus avec : — les compléments non essentiels / « accessoires » / « de phrase » (circonstanciels) ; — les compléments de détermination d’un autre constituant (Nom, Adj, Adv). 4.2. Caractéristiques communes à tous les compléments essentiels Les compléments du verbe sont placés à proximité de celui-ci : À gauche pour les Pron. sans Prép., y et en : À droite pour les GN, GP, Adv : Vous nous le direz demain. J’y vais. Bernard en vient. elle achète GNun livreGN / parle GPà son voisinGP / habite AdviciAdv. 4.2.1. Complément d’objet (COD, COI) Le COI se construit avec une préposition (Emma parle à Issam), contrairement au COD (Emma parle le polonais). Un verbe peut avoir Ø, 1, 2, 3 CO (mais un seul COD). Pronominalisation Suppression Commutation Passivation GN COD le, la, les. GN Les CO ne sont pas facile- Le CO d’un verbe ((je En cas de transformation avec art. indéfini en… ment supprimables (*Nous préfère…) peut être GN (… la passive, seul le COD devient (un(e)). J’ai lu ton roman je accaparons), sauf s’ils sont im- franchise), pronom (… cela), sujet (La ville a subventionné ce l’ai lu ; Betty a lu un roman plicites (Charles mange [un infinitif (… continuer comme ça), projet Ce projet a été subvenElle en a lu un. repas/des aliments /*un porte- subordonnée (… qu’il vienne), tionné par la ville). Impossible GN COI prép. + avion…]. jamais adjectif : avec le COI en français (mais lui/elle(s)/eux (à + N lui, Certains CO implicites peu- *je préfère importante possible dans certaines lanleur). Betty reste avec Günther vent orienter ou changer le gues : This problem is often utile avec lui. Betty parle à Günther sens du verbe (Charles boit ; referred to by many.) comportementaux. lui parle. Yves a changé [les rideaux]). Nota bene : La question Quoi ? n’est pas pertinente pour reconnaître un COD (Tu deviens quoi ? attribut du sujet !) 4.2.2. Complément essentiel de lieu (CEL) Complément qui indique le lieu avec un verbe de déplacement (aller, venir, arriver…) ou de situation dans l’espace (être, se trouver, résider, habiter…). Il n’est ni déplaçable, ni supprimable (*la poste se trouve, *Dans la rue vous êtes). Ne doit pas être confondu avec un circonstanciel de lieu, qui porte sur la phrase ([CCLÀ la campagneCCL,]Cunégonde habite CELchez sa grand-mèreCEL CCLChez sa grand-mèreCCL, elle habite CELà la campagneCEL). Le CEL ne peut construire une question de type Que faites-vous… ? (*Que faites-vous làbas ? — Je me trouve/j’habite). Le CEL est généralement un GP, parfois un GN (habiter rue Tréfilerie), remplaçable par un adverbe (j’y habite, tu en viens, elle se trouve là-bas). 4.2.3. Compléments essentiels divers (mesure, coût…) Expriment des caractéristiques du sujet (taille, valeur, odeur…). Placés après les verbes (mesurer, coûter, sentir, durer) ils n’acceptent pas les tests des COD auxquels ils ressemblent : Pronominalisation : J’ai senti (perçu) cette odeur je l’ai sentie. Cette pièce sent (exhale) le chou-fleur *elle le sent. Passivation : Le géomètre a mesuré (estimé) ce champ ce champ a été estimé par le géomètre ; le géomètre mesure 1m83. Forme de ces compléments : GN (l’odeur), mais aussi expressions de mesure (1m83) et adjectifs adverbiaux (sentir bon, fort) impossibles avec les COD. EXERCICE 4 5 10 15 20 25 30 Alexis imagina la fierté de ses parents lorsqu’il leur crierait, dès le seuil, qu’il était deuxième en composition française. Jamais encore il n’avait remporté un tel succès dans ses études: quinze sur vingt ! D’habitude, il se contentait de la moyenne. Et soudain, le voici sur le podium. M. Colinard l’avait félicité devant toute la classe : « Alexis Krapivine, vous êtes en progrès. Votre copie est même excellente. S’il n’y avait eu vos défaillances en orthographe, je vous aurais mis premier ex æquo avec Thierry Gozelin. » Pour Thierry Gozelin, c’était normal : il écrasait la classe par son savoir et son intelligence. Toujours le nez dans des livres. Alexis, lui aussi, aimait lire. Mais pas au point d’oublier les autres plaisirs de l’existence. Il se remit à courir, dépassa l’église Saint-Pierre, la mairie et s’arrêta, avenue Sainte-Foy, au pied d’une façade grise, sévère, anonyme, percée de fenêtres toutes semblables. Dédaignant l’ascenseur, il gravit trois étages d’un seul élan et se planta, le cœur battant vite, devant la porte. Une carte de visite était fixée par des punaises au dessus de la sonnette : Georges Pavlovitch Krapivine. Alexis reprit sa respiration. Une phrase lui brûlait les lèvres : « Maman, papa, je suis deuxième en français ! » Il dirait cela en russe, bien sûr. Ses parents craignaient qu’il n’oubliât sa langue maternelle, au lycée. Eux-mêmes parlaient le français avec aisance, mais ils n’avaient jamais pu se corriger de leur accent. Alexis les reprenait parfois en riant. Pour lui, le russe faisait partie du folklore familial. On s’en servait à la maison, mais la langue de la vie, la langue de l’avenir, c’était celle qui bourdonnait dans la rue, au lycée. Il sonna. Pas de réponse. Deux fois, trois fois. Rien… Heureusement, en cas d’absence, la clé était sous le paillasson. Il ouvrit la porte, entra et, aussitôt, une odeur casanière lui remua le cœur. Sans doute ses parents étaient-ils sortis juste avant le déjeuner pour faire une course dans le quartier. Ils n’allaient pas tarder à revenir. Henri Troyat, Aliocha, 1993, Éd. J’ai Lu. — Indiquez les compléments essentiels du verbe dans tout le texte.