Stage filé cycle 3 (Saint-Pierre2) 2007/2008 1
L’histoire
L’aviation des temps modernes
CLICANOO.COM | Publié le 1er janvier 2005
1943. L’aviation réunionnaise doit repartir de zéro. L’île, à ce moment, est pratiquement coupée du
reste du monde. Mais qu’à cela ne tienne. En 1945 les liaisons vont reprendre régulièrement. D’un
départ zéro aux Boeing 707 en passant par les Junker, les DC3, l’évolution sera prodigieuse. La
fréquentation tant en passagers qu’en fret des lignes aériennes connaîtra une augmentation bien
supérieure à la moyenne nationale et mondiale. Il est vrai que pour la Réunion l’avion représente un
enjeu important : l’île sera enfin désenclavée.
Durant la Seconde Guerre mondiale, le transport aérien est avant tout militaire. En effet, en 1941,
l’organisation du transport aérien militaire est rendu indispensable tant par les stratégies nouvelles
que par l’éloignement des théâtres des opérations. Mais il faut attendre 1943 pour que les liaisons
reprennent vers La Réunion, liaisons exploitées par les militaires de la France Libre. Les appareils
relient Damas, en Syrie, à Tananarive et poussent parfois jusqu’à La union. Cependant ceci reste
très rares, les vols sont irréguliers et n’embarquent pas de passagers. En 1945, la ligne recommence
à fonctionner régulièrement et les dessertes de l’océan Indien sont réorganisées à partir de
Madagascar par le colonel Couret. La taille des avions d’alors ne permet guère de transporter autre
chose que du courrier. Ce sont des Caudron "Goélands", premiers appareils de la société Air France.
Au mois d’octobre de la même année, quatre Junker 52 viennent compléter la modeste flotte. Ces
"JU 52" récupérés chez les Allemands, prennent bientôt la relève des "Goélands" sur la ligne
Réunion-Maurice. En 1946, alors que La Réunion devient partement, les avions, dont la taille
permet à présent le transport des passagers, se posent toujours sur le terrain "Colonel-Dagnaux", à
La Possession. Cependant un autre aérodrome est en cours d’aménagement : Gillot dont la nouvelle
piste sera inaugurée le 18 juin 1946 par le gouverneur Capagorry : "Aujourd’hui le terrain de Gillot
reçoit sa consécration officielle. Conçu par la Direction de l’Air, notamment par le regretté colonel
de Marnier... et par le commandant du Marçay, commandant de l’air de Madagascar, devenu réalité
par la volonté du conseil général, cet aéroport a été commencé le 3 janvier 1945... Les travaux se
sont poursuivis avec une diligence telle que nous pouvons déjà utiliser la belle piste bitumée,
longue de mille huit cent soixante-dix mètres, large de cinquante mètres chacune..."., déclarera,
entre autres, le gouverneur. La liaison entre la Grande Ile et la tropole est à présent
hebdomadaire. Par ailleurs les "JU 52" ont éremplacés d’abord par des "Loockeed 60", puis par
des "Dakota DC3", pouvant embarquer plus de passagers. Ils assurent la ligne depuis Paris vient
d’être installée la tête de ligne. A cette époque le trajet France-Madagascar se fait en cinq jours et en
seize étapes. Une véritable odyssée ! L’itinéraire suit la ligne de la vallée du Nil, ouverte à la fin de
1945, qui permet un trajet plus court de deux mille kilomètres que celui passant par l’Afrique
centrale.
UN PAS VERS LE MODERNISME
Marcel Vauthier qui a été l’un des premiers passagers de la ligne Réunion-Paris raconte dans le
Mémorial de la Réunion : "Je suis parti en avion quand j’étais député pour la première fois en 1946.
Je suis parti en Junker de la Réunion à Madagascar, puis en DC3 de Madagascar. Les Junker étaient
des avions sûrs, mais pas tellement confortables ; les sièges étaient des sortes de baquets, ou bien
des banquettes se faisant face le long des flancs de la carlingue, comme dans certains vieux autobus
de jadis... Les étapes se faisaient toujours le matin. Il y avait souvent plusieurs escales au cours de
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la même journée.... Ces arrêts nombreux étaient également bénéfiques sur le plan de la sécurité ; on
s’apercevait parfois que le moteur donnait des signes de fatigue. Et le temps de réparer, on restait
parfois sur place quarante-huit ou soixante douze-heures....". En mars 1947, les premiers véritables
longs-courriers font leur apparition. Le temps des voyages interminables sera bientôt révolu. Air
France met en service des DC4 sur la ligne Paris-Tananarive. Plus rapides, plus gros ces avions
diminuent de moitié le nombre des escales et la durée du voyage. Désormais on atteint Tananarive
en deux jours. La Réunion, quant à elle, se trouve dès lors à quatre jours de Paris. L’avion part de
Maurice le vendredi à 12h05, se pose cinquante minutes plus tard à La Réunion, d’où il repart à 13
h 20 pour Tananarive il se pose à 15 h 10. Il ne repart que le dimanche, pour arriver le mardi
matin à Paris, après des escales à Dar-es-Salam, Nairobi, Khartoum, le Caire et Tunis. Plus question
de longues étapes : l’avion vole me la nuit. Au retour, le DC4 part le mardi matin de Paris, pour
se poser le vendredi à La Réunion. Pour le département, le progrès est sensible et toute la
population parle des performances du "mastodonte". Quant à l’aéroport de Gillot il n’est encore
guère développé et les avions stationnent encore sur la piste elle-même faute de parking. Mais une
aérogare a é construite. Avec ses murs de calumets et son toit de chaume, l’édifice fait très
exotique. Cependant le cyclone 48 vient détruire l’aérogare. Mais peu importe, on en construira une
autre. Le gouverneur Capagorry n’avait-il pas promis, en son temps, que "dans un avenir prochain,
grâce à la contribution du ministère de l’Air, d’élégants et confortables bâtiments agrémenteront les
abords de l’aérodrome... ?". En 1950, Madagascar et La Réunion se sont encore reliées que pour un
seul service hebdomadaire, alors que la Grande-Ile, elle, bénéficie de deux liaisons avec la France.
Devant l’accroissement constant du trafic, Air France décide d’augmenter la fréquence de ses
liaisons qui passent de deux à trois. C’est le "Loocked L749 Constellation" qui assurera ce troisième
service. Ce nouvel appareil réduit encore la durée du voyage : la liaison France-Madagascar se fait
en à peine plus de vingt-quatre heures. En revanche on change d’avion une fois arrivé dans la
Grande Ile. En effet l’aéroport de Gillot ne pouvant recevoir le Constellation, la fin de la ligne vers
La Réunion et Maurice, est toujours assurée par un DC4. Une fois par semaine, le "Constellation"
met avec le DC4 La Réunion à trente heures de Paris. Un an plus tard, sur une idée du préfet Roland
Béchoff, le département acquiert un nouvel appareil. Il s’agit d’un bimoteur Beechcraft D 18,
destiné à augmenter la fréquence des vols vers Madagascar et à "rompre l’isolement de l’île en cas
de péril extérieur". Or, cet avion qui a coûté quatre millions sept cent mille francs CFA, ne servira à
rien, à La Réunion du moins. En effet grâce à un contrat de location "coque nue" avec une
compagnie malgache, le Beechcraft finira sa carrière à Madagascar. Pendant plusieurs années rien
ne change sur la ligne de la Grande Ile qui reste assurée depuis Paris par deux vols hebdomadaires
de DC4 et un vol de Constellation. Mais en 1956, dès l’arrivée de "Super Constellation" L1049,
l’accent est mis sur l’insuffisance de la capacité d’accueil de l’aéroport de Gillot qui ne répond plus
à celle des avions. Le nombre de passagers est passé de plus de sept mille à plus de neuf mille. Il
faut avant tout renforcer la piste dont le module de résistance ne correspond plus à la masse des
appareils. Ensuite il faut construire une aire de stationnement et agrandir l’aérogare.
UN DÉFI À RELEVER
De décembre 1956 à décembre 1958, on refait donc la piste, on construit un parking de deux mille
cinq cents mètres carrés ; l’aérogare, quant à elle, est agrandie tant dans sa partie commerciale que
dans les locaux affectés à l’Aéronautique civile et au service météorologique. En dix ans les progrès
ont été remarquables. Ainsi en 1959 un vol quittant Paris le mardi à 12 h 20 locales, arrive à La
Réunion le mercredi à 19 h 05 après avoir fait escale au Caire, à Nairobi et à Tananarive. La même
année voit la réalisation d’un centre d’émission radioélectrique, d’un centre de réception, ainsi que
la mise en place d’un radiogoniomètre VHF d’atterrissage. Par ailleurs, concernant le service de
sécurité, quatre hicules spécialisés sont opérationnels vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La
mise en service d’avions lourds donne au transport aérien sa physionomie moderne. Mais elle révèle
aussi, entre l’avion et l’infrastructure, l’existence d’un véritable rapport de force jouant à la fois sur
l’exigence du matériel volant et la faculté d’adaptation de l’aéroport. Fort heureusement La Réunion
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sait y faire. Ainsi en 1960 l’île est prête à accueillir le "Superstar-liner". Par ailleurs aux deux
services hebdomadaires du long-courrier, une liaison supplémentaire Air France avec Tamatave a
été ajoutée. En matière de transport rien, à la fin des années cinquante, on peut dire que La
Réunion a atteint "sa vitesse de croisière". Mais voilà que tout va être remis en cause. En effet
l’Europe voit l’émergence du transport à réaction. Air France, en 1960, a adopté pour ses lignes
long-courrier les Boeing 707 et en 1961 la société en met deux sur Madagascar. Or, à La Réunion,
nous ne sommes pas prêts pour les recevoir. En effet le transport à réaction transforme de façon si
radicale le transport aérien que ce dernier connaît une véritable mutation. Il faut non seulement
repenser complètement l’infrastructure aérienne mais aussi prendre en compte le changement de la
philosophie du transport. De ce fait à La Réunion, la question concernant le choix d’un site
favorable à la construction d’un nouvel aéroport est à nouveau au premier plan. Deux noms sont
évoqués : Gillot et la Possession. L’un est connu de tous, l’autre totalement ignoré sauf des
militaires de passage, qui s’y sont quelquefois posés, et c’est justement de cette ignorance que naîtra
une véritable polémique. En effet avant que la machine administrative ait pu vaincre son inertie et
prendre une décision, l’opinion publique s’est emparée de l’affaire. A cette époque, en dépit d’un
retard général pris par les aéroports, on peut dire que la ligne France-océan Indien est plus ou moins
bien desservie. En Afrique, le Caire, Djibouti, Entebbe, Nairobi et Dar-es-Salam possèdent
l’infrastructure nécessaire. A Madagascar, deux aéroports, Arivonimamo et Majunga, sont pourvus
d’une piste pour "707". Maurice également a rattrapé son retard et possède une piste de deux mille
trois cents mètres. Reste donc La Réunion qui, il faut le dire, se sent un peu laissée, comme en
témoigne les commentaires de presse : "... Au milieu de cet ensemble La Réunion semble avoir été
délaissée et il est à craindre qu’un préjudice ne lui soit porté en matière de transport aérien, si
l’infrastructure ne suit pas et rapidement ! Mais voilà qui est plus grave et scandaleux : on parle à
Madagascar de la transformation du terrain d’Ivato en aérodrome pour avions à réaction...
Cependant, si la France doit financer un nouvel aérodrome dans l’océan Indien, elle doit le faire
dans son département de La Réunion, et non à Madagascar elle n’a plus grand-chose à faire...".
Madagascar est officiellement indépendante depuis 1958. Deux semaines plus tard le me journal
reprend la polémique : "Nous apprenons que les craintes que La Voix des Mascareignes a
exprimées... sur les terrains d’Ivato à Madagascar se réalisent.... La France décide de construire une
troisième piste pour jets à Ivato. Mais nous ? Dans une position comme la nôtre, la plaine de la
Possession ne se prête-t-elle pas à l’atterrissage des quadriréacteurs ?... La union espère que
l’Elysée, si soucieux de la construction de l’Europe, de l’aide aux pays sous-développés et du rôle
de la France dans la défense du monde libre construira ici l’aérodrome qui verrouillera les
communications dans l’océan Indien". Seulement La Réunion n’est ni l’Europe, ni le tiers-monde et
entre ce qui est promis et ce qui est fait... Quoi qu’il en soit La Réunion connaît un véritable essor
sur le plan du transport aérien. Ainsi depuis 1962 une nouvelle compagnie, Madair, a repris une
partie du trafic d’Air France et assure une liaison hebdomadaire Madagascar-Réunion.
ENCORE PLUS LOIN
Globalement le nombre de mouvements aériens a considérablement augmenté : près de onze mille
pour l’aérodrome de Gillot, dix fois plus qu’en 1955. Il faut dire que cet énorme progrès est parfois
dû à Air France qui a augmenté de trente-trois pour cent la fréquence de ses vols. Ajoutons que cette
augmentation est due également à partir de 1960 aux activités des aéro-clubs. Pour exemple le club
Roland-Garros possède quatre "Jodel D117", un "Cessna UC78", pour vingt-trois licenciés et près
de mille trois cents heures de vol. Quant au club Marcel-Goulette, il possède un "Jodel D117", pour
deux pilotes et a assuré cent quatre-vingt-dix heures de vol. Belle progression pour le Club Roland-
Garros qui en 1956 ne dispose que d’un seul avion, pour une quinzaine de licenciés et deux cent
cinquante heures de vol. Mais revenons à ce qui préoccupe les Réunionnais : l’absence d’une piste
pouvant accueillir les "707". Il faudra attendre 1965 pour qu’un marché sur appel d’offre restreint
soit passé entre le ministre des Transports et du tourisme et la Société Nationale de Travaux Publics,
cet appel d’offre ayant pour but l’allongement de la piste de Gillot pour la réception des
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quadriréacteurs. Les travaux comprennent l’allongement de la piste vers l’Ouest, à travers le lit de
la rivière des Pluies sur sept cents mètres environ, la construction de digues sur les rives de la
rivière et l’extension de la piste de stationnement. Enfin le 1er août 1967, le "Château de Versailles"
B707, piloté par le commandant Strohm, assure la première liaison régulière. Le vol inaugural qui a
lieu le 4, draine une foule considérable. L’avion est piloté par un Réunionnais, le commandant
Lucien Ducheman. Mais l’avancée technique n’en reste pas là. En effet un nouvel appareil est en
gestation et les données nouvelles qu’il introduit font craindre que pour La Réunion la limite de la
surenchère technique ne soit le 707 : il s’agit du 747. Une fois encore le département devra faire
face et augmenter ses capacités techniques. En effet pour accueillir ce nouvel appareil il faut des
pistes de trois mille cinq cents tres, soit à peu près huit cents mètres de plus que la piste de
Gillot. On envisage alors un nouveau site. On parle à nouveau de la Possession, mais plutôt pour
mémoire car un nouveau projet la concerne. On parle aussi de Sainte-Suzanne et de la Plaine du
Champ-Borne. Mais en tout état de cause il faut faire vite car Air France au vu des difficultés
rencontrées dans le choix d’un site a clairement formulé ses craintes : les limitations dues aux
faibles possibilités géographiques de l’île ne pénaliseraient-elles pas l’exploitation du "747" ? Si ces
craintes se voient confirmées, le risque serait de voir l’exploitation de cet avion différée. Or il
apparaît que l’utilisation du 747 serait la solution aux insuffisances de la desserte de l’île. Enfin au
début des années 70 la décision est prise : ce sera Gillot. Les travaux seront entrepris pour mettre la
piste aux normes. La Réunion est prête à accueillir le 747. La transmission s’est opérée, les gros
porteurs ont pris la relève.
DOCUMENT ENCADRE
Le Beechcraft Passionné d’aviation le préfet Bechoff souhaite à tout prix que la union prenne
possession d’un nouvel appareil. Nous sommes en pleine guerre froide et il ne faut pas courir le
risque que l’île se trouve à nouveau isolée. Par ailleurs un nouvel appareil pourrait servir à des
évacuations sanitaires urgentes, aux déplacements des conseillers généraux... Après maintes
discussions le préfet parvient à convaincre les conseillers qui votent les crédits. En 1951 Bechoff va
lui-même, au cours d’une mission à Paris, prendre possession de l’avion, un Beechcraft de quatre
tonnes propulsé par deux moteurs de quatre cent cinquante chevaux chacun. Le préfet a tout prévu :
la maintenance et le pilotage seraient assurés par quelques aviateurs militaires de Madagascar,
spécialement détachés à Gillot. Mais voilà en 1951 les événements de l’Indochine retiennent toute
l’attention des militaires. Faute de gens pour s’en servir, l’appareil, à son arrivée, est déjà
inutilisable. On pense alors à créer une ligne entre Saint-Denis et Tananarive mais la desserte est
déjà bien assurée. Le préfet prend alors contact avec une société privée de Madagascar qui accepte
de louer l’avion. Le 7 novembre 1951 sera le jour du baptême mais aussi le jour de l’annonce du
départ du Beechcraft. Après quelques baptêmes de l’air et quelques vols, l’avion s’envole
définitivement pour Madagascar.
Recherche réalisée par
FUMA Rudy, HOARAU Frédéric, MAHALATCHIMY Jany,
MAILLARD Laurence et POUDROUX Daniel
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