Rencontre du conseil élargi de l'USJ
avec le Rvd P. Adolfo Nicolás
Supérieur Général de la Compagnie de Jésus
(le 24mars 2011)
Texte transcrit par les services de la FSR
Mot du Père général des jésuites, P. Adolfo Nicolás
Merci beaucoup pour cette opportunité de trouver la fameuse université Saint-Joseph. Ce
que j'ai trouvé cet après-midi est très impressionnant comme vision, comme orientation et même
comme résultats. J'ai rencontré des étudiants, j'ai rencontré aussi des personnes qui travaillent
dans l'Opération 7eme jour et qui sont lancés dans divers engagements dans la société avec la paix
après la guerre et c'est vraiment très impressionnant et très encourageant ; les jésuites n'ont pas
perdu leur temps.
Je trouve toujours difficile de parler sans dialogue, mais vous avez envoyé des questions
et c'est le principe du dialogue. Alors, comme première réflexion autour des questions que vous
avez envoyées, je ne cherche pas à donner des réponses parce que, quelquefois, il n'y a pas de
réponses, il y a un chemin à faire. Alors, je ferai seulement des commentaires autour des
questions et puis nous pouvons continuer le dialogue jusqu'à ce que le recteur nous demande de
mettre fin aux discussions.
Questions-Réponses
II y a des questions réparties selon les facultés, alors je les mettrai ensemble.
Questions de la Faculté des sciences de l'éducation
Q 1 : Comment être une université jésuite et laïque à la fois ?
(Je crois que c'est une question très générale).
Q 2 : Que peut être l'apport spécifique dessuites au Liban dans le double contexte
de la composition multiconfessionnelle de ce pays et des transformations que traverse le
monde arabe ? (Cette question est un peu plus difficile pour moi).
Q 3 : Quelle stratégie mettre en place afin d'assurer les synergies entre les diverses
institutions d'enseignement des jésuites, de par le monde, écoles et universités ? Comment
garder vivant le message d'Ignace de Loyola auprès des jeunes ?
R1 : Premièrement, je voudrais dire qu'il n'y a pas de contradiction entre être une école
jésuite ou laïque. Il n'y a pas l'école jésuite, il y a des écoles que les jésuites ont fondées, il y a
des écoles où les jésuites travaillent, il y a des écoles où les jésuites sont les directeurs ou les
recteurs. Mais les écoles, comme l'éducation, appartiennent à une mission plus grande que la
Compagnie de Jésus. Je l'ai dit ce matin à Jamhour et je le répète maintenant : La mission que
nous avons et la mission que les jésuites considèrent importante parce qu'elle a affaire avec
l'Evangile, le Royaume de Dieu, est beaucoup plus grande que ce que les jésuites peuvent faire,
elle est une mission qui a besoin de toutes les forces possibles. Donc tous les hommes et femmes
de bonne volonté peuvent collaborer à cette mission parce que c'est la mission de l'humanisation
du monde. Il y a des processus dans le monde tels que la globalisation, la guerre, la violence, la
faim, la pauvreté et le chômage. Il y a des problèmes qui nous préoccupent tous, mais personne n'a
la solution. La solution doit venir d'une collaboration mondiale, au niveau mondial. Alors, ce
sont toutes des questions qui sont au-delà de ce que les jésuites peuvent faire. L'éducation est
une de ces questions, elle est une question vraiment très profonde : Comment assurer l'éducation
de tout le monde au cycle primaire? Même si nous nous consacrons seulement à ça, nous ne
pouvons pas le faire parce qu'il y a des gouvernements qui doivent œuvrer, il y a des traditions,
des résistances et puis il y a des limitations dans la Compagnie de Jésus. Tous nous sommes
limités, c'est pourquoi, nous avons besoin de la collaboration de tous. C'est Dieu qui peut faire
les grandes choses et pour ça, tous ceux qui ont le cœur, la mentalité et la vision de contribuer,
sont les bienvenus. Et ne croyez pas que nous, parce que nous avons une tradition, nous pouvons
faire tout. Ce serait dire à nous-mêmes des mensonges et ça ne va pas.
Alors la question ne consiste pas à demander si l'école est laïque ou jésuite. La question
est: Quelle est la vision de cette école, de cette institution, de cette université ? Quelle est la
vision ? Est-ce que nous avons une identité ? Je crois que nous avons une identité, l'USJ a une
identité claire, elle a une vision, quelle est cette vision ?
R 2 : Comment pouvons-nous approfondir cette mission ? Comment pouvons-nous
accomplir cette mission tant profonde en tant qu'enseignants, administrateurs, étudiants afin que
l'USJ ait une influence positive sur le pays, sur la société, sur le monde, le Proche-Orient et sur
le monde à travers le Proche-Orient. Je crois que c'est la question à laquelle tous peuvent
contribuer. C'est pourquoi je suis toujours content de ce que j'ai trouvé ceux avec qui nous
travaillons, comme vous-mêmes ici. C'est toujours très encourageant parce que je trouve des
personnes très motivées, d'une motivation profonde pour faire quelque chose de significatif au
monde, très professionnel, et très bien préparé, avec une préparation, non seulement
professionnelle mais affective et spirituelle. Et alors, c'est très encourageant parce que les
jésuites tout seuls pourront faire quelque chose, mais très peu … mais avec vous, on peut
réfléchir, faire des choses nouvelles, on peut continuer à travailler, à réfléchir, à avoir de
nouvelles possibilités et à cer des possibilités nouvelles.
C'est la collaboration, c'est l'aide que vous pouvez donner. Il serait impossible de penser
à un futur dynamique, le poids du passé est quelquefois très lourd et nous avons besoin d'être
encouragés à aller plus loin. Mais si nous voulons approfondir notre identité comme Université
Saint-Joseph, comme un centre d'études, comme institution éducative profonde où on fait la
recherche, où l'éducation est de qualité, où nous voulons accompagner les étudiants à croître
comme personnes et comme personnes de vision et de responsabilité, alors on doit cultiver cette
identité. Rien d'important ne passe automatiquement. Ni l'amour, ni la vérité, ni la beauté, rien.
Tout a besoin de nourriture. Et c'est pourquoi, maintenant, nous voyons que, dans toutes les
institutions où les jésuites ont quelque chose à dire et à faire, il y a des programmes très bien faits
pour maintenir l'identité avec profondeur. Ce sont des programmes où les jésuites partagent avec
les autres ce que notre tradition nous a donné. Et nous apprenons des autres ce que la réalité, la
profession et la vision qu'ont les autres peuvent nous donner. C'est un processus très enrichissant
et on voit partout que, grâce à la collaboration que nous recevons de beaucoup d'autres
personnes très bien préparées, les jésuites aussi deviennent meilleurs et je vous en remercie
pour ça. Alors programmes de formation, programmes de training et puis une dédicace à la
vision originelle. Et ce n'est pas facile parce qu'il y a des forces sociales qui parlent de
professionnalisme, de vie étroite, des succès limités, etc.
J'ai lu l'histoire de Google récemment, c'est une histoire très intéressante. C'est
extraordinaire que deux jeunes gens, deux étudiants aient exécuté ce projet. Ce qui est
extraordinaire c'es que ces deux jeunes, au temps où ils avaient 24 ans, avaient une dédicace à la
vision qu'on trouve chez beaucoup de personnes qui ont plus de 40 ans. Chez ces deux jeunes
gens, la vision consistait à donner toute l'information possible, mais sans propagande.
C'était la vision qui les a accompagnés. Au commencement, ils travaillaient dans un garage et
puis dans une salle qui était usée pour ramasser des choses et c'est après cinq, six ans de travail
de ce genre, ils ont développé une entreprise de plusieurs millions de dollars. Et ce qu'on apprend
ici, c'est la vision et la dédicace à la vision. C'est important pour qu'une institution puisse
contribuer dans la société, sinon nous entrons dans un chemin qui tourne en rond. Nous avons
beaucoup d'exemples catholiques, chrétiens, et d'autres non chrétiens. J'ai vécu au Japon plus
que 36 ans et en Asie 48 ans, j'ai trouvé beaucoup de non chrétiens qui sont totalement
consacs à l'éducation, dédiés à ce qu'ils font pour la société et avec un témoignage sur les
Japonais (qui sont extraordinaires).
R 3 : Quelle stratégie avons-nous pour conserver l'esprit de Saint Ignace ? La stratégie
est une dédicace à la vision de Saint Ignace. Saint Ignace était très réaliste, il avait une vision
très haute, mais une vision pour laquelle il devait étonner tous. Il ne voulait pas seulement des
jésuites, il voulait des personnes qui donnent tout. Il y avait un jésuite dans sa communauté qui
priait beaucoup. Dans la nuit, il allait à la chapelle deux heures, chaque nuit. Et quelqu'un de la
communauté était très touché, alors il est allé chez Saint Ignace et il a dit : « Père Ignace, ce père
est un homme de prière » et Saint Ignace a dit : « Peut-être, s'il peut sortir de lui-même pour les
autres, peut-être qu'il sera un homme de prière". C'est une façon de voir les choses
profondément. Ce n'est pas être seulement convaincu par des choses extérieures : se trouver
toujours dans l’église, mais le cœur est renfermé sur soi. Il y a des personnes de prière, mais leur
cœur est donné toujours aux autres. Ce sont des personnes d'une générosité extraordinaire, des
personnes de prière. Elles n'ont pas d'espace pour elles-mêmes, c'est Dieu qui remplit cet
espace. Alors, en ce qui concerne cette vision de profondeur, je crois que c'est ce que Saint
Ignace voulait des jésuites. Dédier totalement ce que l'on vit, au Christ, à l'humanité et au
monde. Il s'agit d'une totale dédicace et alors, la stratégie c'est voir comment aider, comment
appuyer les jésuites qui veulent cela et je crois que la crise du monde moderne est si profonde
que, ou bien on va aux sources de notre vie ou on est perdu dans le monde de l'Internet ou
ailleurs.
Question de la Faculté des Lettres et des sciences humaines
Q : Nous vivons dans une région où les frontières, tels que les paysages du désert,
changent continuellement. C'est à la fois une source d'instabilité et de dynamisme. Dans le
cadre de cette problématique, comment la Compagnie de Jésus gère ces frontières avec ses
voisins telles que l'université Saint-Joseph, les autres congrégations religieuses et les autres
communautés confessionnelles ?
R : Je crois que l'unique manière chrétienne et humaine de le faire, que tout ce qui est
profond doit être ouvert à tous. La question de la collaboration pour le Royaume est ouverte à
tous. Dans le dernier Jugement dans l'Evangile selon Matthieu Jésus dit : « Quand j'avais soif
vous m'avez donné à boire, quand j'avais faim, vous m'avez donné à manger », etc. Alors, ceux
qui ont à cœur de répondre à la souffrance humaine, à la vérité, à la justice, à la beauté et à la
souffrance humaine, ce sont les vrais religieux.
Il y a un livre très profond intitulé : The Great Transformation. Il traite des processus
de la religiosité du 10ème siècle avant le Christ jusqu'au 3ème siècle avant le Christ. C'est le
temps qu'on appelle temps axial où il y a eu une transformation de la spiritualité et de la
mentalité humaine, une transformation qui a eu lieu en quatre cultures tout a fait différentes :
1. La culture chinoise (Confucius, Lao Tsu) ;
2. la culture indienne (les mystiques de l'Upanishad, l'Hindouisme et puis Bouddha, la
naissance du Bouddhisme) ;
3. le Moyen-Orient (Israël, les Prophètes de l'exil) ;
4. et puis la Grèce (et la Grèce est l'unique pays européen, les autres sont asiatiques).
C'est une étude très profonde de la manière qui a poussé les sages et les hommes
religieux à trouver la paix entre les personnes humaines, contre la violence et à réduire la
souffrance. Ils ont cherché tous les moyens et le rituel. Le rite est une aide, mais ce n'est pas
suffisant, la violence continue. Alors ils ont cherché les sacrifices et ça a été une aide : au lieu de
tuer un ami, on tue une chèvre, mais l'acte meurtrier demeure. Il y a encore de la violence qu'on
attribue à Dieu : Dieu veut le sacrifice. Alors, ça ne marche pas. Et alors on a continue à chercher
et on est arrivé au temps axial. Tous ces sages (Confucius, Mencius, Lao Tsu, les prophètes de
l'exil) ont dit : le changement est intérieur. Si on ne change pas intérieurement, le changement
extérieur ne fait rien, le changement est tout à fait intérieur. C'est le confucianisme, le
bouddhisme, l'hindouisme, Israël et puis Socrate. Celui-ci a dit : « Tu dois te connaître toi-
même ». C'est le commencement de la sagesse et Platon l'a développé. Mais l'auteur du livre a
dit : C'est facilement oublié. Chaque fois que la politique et la religion se mettent ensemble, on
oublie et on use la politique ou la religion pour d'autres fins. On a perdu cette vision. C'était la
vision du Christ et saint Paul et elle a été perdue ; c'était celle de Mahomet et a été perdue. Elle a
été celle des mystiques du christianisme, de l'hindouisme, du bouddhisme et des soufis. C'était
le chemin intérieur. Et je crois que c'est dans cette tradition que les jésuites sont nés. Saint
Ignace n'est pas un théologien, n'est pas un penseur, Saint Ignace est un homme spirituel, un
homme de chemin intérieur. Et je crois que l'éducation, le mot éducation (educere) veut dire
porter ce qu'il y a dedans vers l'extérieur, faire que les étudiants soient conscients des forces
intérieures qu'ils ont et cela les transformera parce que c'est l'Esprit de Dieu qui travaille dans le
cœur des hommes et des femmes. Alors, si c'est vrai, cela veut dire que toutes les personnes qui
ont le cœur ouvert sont nos compagnons de chemin et sont nos collaborateurs. Nous devons
partager ce que nous avons de mieux avec eux pour que le chemin continue ouvert en avant. Et
alors, aux frontières, on ne voit plus seulement au centre, on voit les autres, alors, on peut
marcher avec les autres. J'ai vécu dans les frontières du Japon beaucoup de temps et j'ai vu des
Japonais non chrétiens qui ont un cœur extraordinaire. Et on voit maintenant la crise du séisme et
du tsunami et la compassion qu'ils montrent ainsi que le partage. Un professeur australien qui
enseigne l'anglais dans cette région, sa maison a résisté au séisme. Mais chaque jour, elle trouve
à la porte de sa maison quelque chose à manger et elle ne sait pas qui met la portion là. C'est un
des voisins qui, probablement, pense que, comme étrangère, elle trouvera très difficile de
trouver quelque chose à manger et alors il lui donne chaque jour à manger. Il est totalement
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