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L’ETAT DE DROIT A L’EPREUVE DE LA LUTTE ANTI-TERRORISTE
Marie-Béatrice LAHORGUE
Maître de conférences en droit HDR
Enseignant-chercheur au CERDACC – Université de Haute Alsace
« Et l’esprit humain, au réveil de son ivresse,
s’est étonné des excès où l’avait emporté son fanatisme »
Voltaire, Traité sur la tolérance, Ch. IV
Résumé : La précédente version (et 1ère partie de cet article
) intitulée « Le pot de terre
contre le pot de fer » rendait compte de « l’esprit de Charlie » saisi par le droit au lendemain
des attentats du 11 janvier 2015. Depuis, l’émotion est retombée ; l’« esprit de Charlie »
cédant peu à peu la place à l’« esprit des lois » anti-terroristes. Pour les uns, elles
apparaissent liberticides, pour les autres, elles sont nécessaires à la sauvegarde de la
démocratie.
1. Ne l’oublions pas : « la France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme et
l’islamisme national », ce qui appelle « une fermeté implacable dans le respect de ce que nous
sommes, un Etat de droit »
. La France est en effet officiellement en guerre depuis les
premières frappes aériennes de l’armée française, le 18 septembre 2014, dans le cadre de la
coalition internationale sur un entrepôt de l’Etat islamiste (EI). Le 22 septembre 2014, le
porte-parole de l’EI appelle ses partisans à « tuer tout mécréant qu’il soit américain ou
européen ». Le 25 septembre, au-lendemain de la décapitation d’Hervé Gourdel, enlevé en
Algérie par des djihadistes liés à l’EI, le mot « guerre » est celui qui revient le plus souvent
dans les médias
. Il faut cependant « avec les mots, ne pas jouer, pas plus qu’avec des armes.
Leur justesse est toujours d’importance, mais il est des situations où elle l’est davantage : la
démocratie commence par là ; or c’est elle qui est visée »
.
2. La résolution européenne relative à la lutte contre le terrorisme et tendant à l’adoption
d’un Acte pour la sécurité intérieure de l’Union européenne, adoptée par le Sénat le 1er avril
2015, donne le ton : « une menace terroriste grave et sans doute durable pèse désormais sur
la plupart des sociétés européennes et justifie une réponse commune urgente »
.
3. Les attentats de Paris ont déclenché une vague sans précédent de déclarations
officielles aux niveaux international et européen au titre desquelles on trouve la déclaration
des membres du Conseil européen du 12 février 2015 sur la lutte contre le terrorisme
et la
déclaration de Paris sur la politique européenne de lutte contre le terrorisme signée le 31 mai
2015 par les principaux Etats membres concernés (Allemagne, Danemark, Espagne,
Royaume-Uni) ainsi que la présidence lettone de l’Union européenne. Le terrorisme y est
Marie-Béatrice Lahorgue, JAC n° 151, fév. 2015, 19 p.
Manuel Valls, extraits du discours en hommage aux victimes des attentats, Ass. nat., 14 janv. 2014
Frédéric Encel, « La France est en guerre ! », La Nouvelle Revue Géopolitique, op. cit., p. 77.
Philippe Conte, « Guerre ? », Droit pénal, 2015, n° 2, repère 2.
Résolution n° 88, Sénat, 1er avr. 2015, 9 p.
www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2015/02/150212-european-council-statement-fight-against-
terrorism/