RÔLE DE LA PHAGOTHÉRAPIE DANS LE TRAITEMENT DES

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UNIVERSITÉ MOHAMMED V-RABAT
FACULTE DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE –RABAT
ANNEE : 2016
THÈSE N° : 118
RÔLE DE LA PHAGOTHÉRAPIE DANS LE
TRAITEMENT DES INFECTIONS BACTÉRIENNES
THÈSE
Présentée et soutenue publiquement le:………..….…2016
PAR
Mr. ABDESSAMAD ERRAFYG
Né le 3 Novembre 1988 à Rabat
Pour l'Obtention du Doctorat en pharmacie
MOTS CLES : Phagothérapie – Bactériophage – Infection lytique – résistance
bactérienne.
MEMBRES DE JURY
Mr. M. ZOUHDI
PRÉSIDENT
Professeurde Microbiologie
Mr. Y. SEKHSOKH
RAPPORTEUR
Professeurde Microbiologie
Mme. M. CHADLI
ProfesseurAgrégé en Microbiologie
Mme. S. TELLAL
Professeurde Biochimie
JUGES
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Dédicaces
JE DEDIE CETTE THESE …
A Allah
Tout puissant
Qui m’a inspiré
Qui m’a guidé dans le bon chemin
Je vous dois ce que je suis devenue
Louanges et remerciements
Pour votre clémence et miséricorde
A MES PARENTS
Pour leur amour inestimable, leur confiance, leur soutien, et toutes les valeurs
qu'ils ont su m'inculquer.
Aucune dédicace n’est susceptible de vous exprimer la profondeur de mon
respect, de mon estime et l’infinie reconnaissance pour tous les sacrifices
consentis avec dévouement pour mon éducation, vous m’avez supportée,
pendant toute ces longues années d’études, qui s’achèvent aujourd’hui et qui
n’auraient pu aboutir sans vous.
Puisse Dieu, le Très Haut, vous accorder santé, bonheur et longue
vie et faire en sorte que jamais je ne vous déçoive.
A MES FRERES ET SŒURS
Vous avez toujours été près de moi, vous m’avez toujours offert beaucoup de
tendresse et d’affection et vous m’avez toujours épaulée pendant mon
parcours estudiantin.
Merci, d’avoir montré tant de complaisance et de serviabilité à mon égard.
Puisse Allah, le Très Très-Haut, vous accorder une vie heureuse et un avenir
prospère.
A MES TRES CHERS AMIS
Une pensée affective et pleine d’émotions pour toutes les personnes -mes
ami(e)s- qui ont fait de mes années de faculté une magnifique et enrichissante
expérience. J’ose espérer que le chemin de nos vies se recroisera le plus
souvent possible.
Remerciements
À NOTRE MAITRE ET PRESIDENT DE THESE
MONSIEUR LE PROFESSEUR MIMOUN ZOUHDI
PROFESSEUR DE MICROBIOLOGIE
C’est un immense honneur que vous nous faites, en acceptant de présider le jury
de notre thèse.
Votre courtoisie, votre modestie et votre sens de responsabilité font de vous un
maître respecté et estimé par toute une génération d’étudiants.
Veuillez trouver cher maître dans ce modeste travail, l’expression de mes
remerciements les plus sincères et de ma profonde reconnaissance.
À NOTRE MAITRE ET RAPPORTEUR DE THESE
MONSIEUR YASSINE SEKHSOKH
PROFESSEUR DE MICROBIOLOGIE
Vous m’avez fait le grand honneur et le plaisir d’être le rapporteur de notre
travail, et d’accepter de me diriger avec bienveillance et rigueur.
Votre amabilité, votre dynamisme, votre dévouement, pour le travail et votre
compétence ont suscité mon admiration.
Je garde un excellent souvenir de la qualité de l’enseignement que vous nous
avez prodigué.
J’espère être digne de la confiance que vous avez placée en moi en me guidant
dans l’élaboration et mise au point de ce travail.
Veuillez accepter, chère maître, mes vifs remerciements et ma profonde
gratitude pour l’aide précieuse que vous m’avez accordée pour réaliser ce
travail.
À NOTRE MAITRE ET JUGE DE THESE
MADAME SAIDA TELLAL
PROFESSEUR DE BIOCHIMIE
Je suis particulièrement reconnaissant pour l’honneur que vous me faites en
acceptant de jurer ce modeste travail, et d’avoir m’aider en coopération avec
mon rapporteur à corriger mes erreurs, et de m’orienter correctement. j’ai
apprécié votre effort avec beaucoup de respect, merci, Madame, pour votre
soutien.
Qu’il me soit permis, Madame, de vous exprimer toute ma gratitude, mon
respect et mon estime.
Veuillez croire, Madame, à l’expression de mes sentiments les plus distingués.
À NOTRE MAITRE ET JUGE DE THESE
MADAME MARIAMA CHADLI,
PROFESSEURAGREGE EN MICROBIOLOGIE
Nous mesurons l’honneur que vous nous faites en acceptant de siéger parmi
notre jury de thèse.
Qu’il me soit permis, Madame, de vous exprimer toute ma reconnaissance,
mon respect et mon estime.
Veuillez trouver, Madame, l’expression de ma haute considération et ma
profonde gratitude.
LISTE DES FIGURES
Figure 1: Bactériophage et ses principales composantes.
Figure2: Principales familles de bactériophages selon la nature de leur génome (ssDNA :
ADN simple brin, dsDNA : ADN double brin, ssRNA : ARN simple brin, ds RNA :
ARN double brin), leur capside et leur enveloppe.
Figure 3 : Schéma d'un cycle lysogénique
Figure 4 : Schéma d'un phage
Figure5: Schéma du cycle lytique
Figure 6 : Facteurs qui influent sur l'efficacité de l'utilisation des phages contre les bactéries
pathogènes
Figure 7 : Nombreuses (à gauche) et quelques (à droite) plages claires sur une nappe de
culture de Staphylococcus aureus (cliché personnel)
Figure 8 : Part relative des micro-organismes isolés d’infections nosocomiales en France
Figure 9 : Part relative des sites infectieux d’infections nosocomiales
Figure 10 : Le phénomène de « Synergie Phages-Antibiotiques » (PAS) avec le phage
MFP sur Escherichia coli MFP
Figure 11 : Le phénomène de « synergie phages-antibiotiques » (PAS) dans
l’environnement
(A) et en phagothérapie (B)
Figure12: Schéma représentant le système CRISPR/Cas
LISTE DES TABLEAUX
Tableau I : Principales familles de bactériophages
Tableau II : Caractéristiques de résistance aux anti-infectieux de certains micro-organismes
isolés d’infection nosocomiale et prévalence des infections nosocomiales associées
Tableau III : Evaluation générale des résultats de la thérapie phagique
Tableau IV : Evaluation des résultats de la thérapie phagique en fonction des principales
préparations phagiques utilisées
Tableau V : Evaluation des résultats de la thérapie phagique en fonction de la voie
d’administration des préparations
Tableau V : Evaluation des résultats de la thérapie phagique en fonction de la voie
d’administration des préparations
Tableau VI : Durée cumulée du traitement phagique
Tableau VII : Evaluation des résultats de la thérapie phagique en fonction du type d’infection
des patients
Tableau VIII : Influence de la thérapie phagique sur les marqueurs de l’inflammation
LISTE DES ABREVIATIONS
ACdeBMR : Alliance contre le développement des bactéries
AMM : Autorisation de Mise sur le Marché
ADN : Acide désoxyribonucléique
ADNase : désoxyribonucléase
ADVIN : Association des Victimes d’Infections Nosocomiales
AFSSAPS : Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé
ANSM : Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé
ARN :Acideribonucléique
ARNm : ARN messager
BLSE : bêta-lactamases à spectre étendu
BMR : bactéries multirésistantes
CAS : Centre d’Analyse Stratégique
CDC : Centers for Disease Control and Prevention (Centres pour le contrôle et la prévention
des maladies)
CHU : Centre Hospitalier Universitaire
CHUPS : Centre Hospitalier Universitaire Pitié-Salpêtrière
CHPM : Committee for Medicinal Products for Human Use (Comité des médicaments à
usage humain)
CMR : committee on medical research
CNAMTS : caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés
C3G : céphalosporines de 3e génération
CRISPR : ClusteredRegularlyInterspaced Short PalindromicRepeats (groupe de courtes
répétitions palindromiques régulièrement espacées)
CSP : code de la santé publique
DG Sanco : Direction Générale de la Santé et des Consommateurs
DGA : Direction Générale de l’Armement
DMS : sulfure de diméthyle
DOM : départements d’outre-mer
DTRA : DefenseThreatReduction Agency (Agence de la défense pour la réduction des
menaces)
EARSS : Europeanantimicrobialresistance surveillance network
ECDC : European Center for DiseasePrevention and Control (Centre européen de prevention
et de contrôle des maladies)
EFSA : European Food SafetyAuthority (Autorités européennes de sécurité des aliments)
EIBMV : Eliana institue of bacteriophage, microbiology and virology
EMA : EuropeanMedicines Agency (Agence européenne des médicaments)
ENP : enquête nationale de prévalence
EPA : environmental protection agency
EPS : substances polymériques extracellulaires
ESAC : European surveillance of antimicrobialconsumption
FAO : Food and Agriculture Organization of the United Nations (Organisation des Nations
Unies pour l’alimentation et l’agriculture)
FDA : Food and Drug Administration (Agence américaine des produits alimentaires et
médicamenteux)
FQRP : Pseudomonas aeruginosarésistante aux fluoroquinolones
GRAS : Generallyrecognized as safe (généralement reconnu comme étant sans danger)
HCASE : haut niveau de production de céphalosporinases
Hfr : haute fréquence de recombinaison
ICTV : International Committee on Taxonomy of Virus (Comité international de toxonomie
des virus)
IDSA : InfectiousDiseases Society of America (Société américaine des maladies infectieuses)
IIET : institute of immunology and experimental therapy
IL : Interleukine
IN : infections nosocomiales
ISO : infections du site opératoire
JAMA : journal of the American medical association
LAL : Lysat d’Amoebocyte de Limule
LPS : Lipopolysaccharide
LTF : Long tailfibers (Fibres longues de la queue)
mL : millilitre
MRSA : Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline
NCBI : National Center for Biotechnology Information (Centre national américain
d’information en biotechnologie)
NK : Natural killers (tueursnaturels)
NRC : national research council
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
PAL : phosphatases alcalines
P.H.A.G.E. : Phages for Humain Application Group Europe (Groupe européen d’application
de phages en médecine humaine)
PAS : Phage-AntibioticSynergy (synergie phage-antibiotique)
PDG : Président directeur général
PFU : Plages Formant Unité
PTU : phage therapy unit
RAISIN : réseau d’alerte d’investigation et de surveillance des infections nosocomiales
SARM : Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline
SASM : Staphylococcus aureus sensibles à la méticilline
SIDA : Syndrome d’immunodéficience acquise
SDF : Sidetailfibers (crochets de la queue)
Stx : Shiga-like toxine
SWOT :Strenghts – Weaknesses – Opportunities – Threats (Forces – Faiblesses –
Opportunités – Menaces)
TA : Toxine-antitoxine
TIA : toxi-infections alimentaires
TNF : Tumornecrosis factor (facteur de nécrose tumorale)
VRE : Enterococcirésistants à la vancomycine
WHO : World HealthOrganization (Organisation Mondiale de la Santé)
YOPI : Young – Old – Pregnant – Immunodepressed (Jeunes – Personnes Agés – Femmes
enceintes – Personnes immunodéprimées)
-GT : gamma glutamyltranspeptidases
Table des matières
INTRODUCTION ...................................................................................................................... 1
PREMIERE PARTIE : DESCRIPTION DES BACTÉRIOPHAGES................................ 3
I.
Structure et classification ................................................................................................. 4
1.
Définition ........................................................................................................................... 4
2.
Différentes familles ........................................................................................................... 5
3.
Description générale ......................................................................................................... 6
4.
Habitat ............................................................................................................................... 8
5.
Résistance dans l’environnement .................................................................................... 9
II.
Types d’invasion de la cellule bactérienne ................................................................ 10
1.
Principe du cycle chronique (phages filamenteux) ...................................................... 11
2.
Principe du cycle lysogénique (phages tempérés) ........................................................ 11
3 .Principe et étapes du cycle lytique (phages virulents) .................................................... 13
a.
Arrimage .......................................................................................................................... 15
b.
Entrée du génome viral et réplication ........................................................................... 16
c.
Libération des nouveaux phages.................................................................................... 17
III.
Types de Transduction................................................................................................ 17
1.
Transduction généralisée................................................................................................ 17
2.
Transductionabortive ..................................................................................................... 17
3.
Transduction localisée .................................................................................................... 18
IV.
Avantages etinconvénients .......................................................................................... 18
1.
Avantage .......................................................................................................................... 18
2.
Inconvénients ................................................................................................................... 19
V. Méthodes d’obtention de phages à destinée thérapeutique......................................... 21
1.
Propagation ..................................................................................................................... 21
2.
Purification ...................................................................................................................... 22
3.
Numération ...................................................................................................................... 22
4.
Contrôle ........................................................................................................................... 22
DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION DE LA PHAGOTHERAPIE ....................... 23
I.
Définition ......................................................................................................................... 25
II.
Historique de la phagothérapie .................................................................................. 25
III.
Résistance à l’antibiothérapie et infections nosocomiales ....................................... 27
1.
Les infections nosocomiales ............................................................................................ 28
a.
Définition ......................................................................................................................... 28
b.
Epidémiologie .................................................................................................................. 28
c.
Mécanismes et origines des germes des infections nosocomiales ................................ 30
d.
Les infections nosocomiales les plus fréquentes ........................................................... 30
2.
Bactéries multi-résistantes (BMR) et infections nosocomiales ................................... 32
IV.
Application thérapeutique de la phagothérapie ....................................................... 36
1.
Protocole thérapeutique et patients ............................................................................... 37
2.
Méthode d’évaluation de l’efficacité de la thérapie phagique .................................... 39
3.
Evaluation générale des résultats de la thérapie phagique ......................................... 41
4.
Evaluation détaillée de la phagothérapie ...................................................................... 51
5.
Sécurité de la thérapie phagique ................................................................................... 55
a.
Effets de la thérapie phagique sur les marqueurs inflammatoires ............................. 55
b.
Effets indésirables de la thérapie phagique [38] : ........................................................ 58
V. Pharmacologie de la thérapie phagique ........................................................................ 61
1 .Pharmacocinétique ............................................................................................................. 61
2. Pharmacodynamie ............................................................................................................. 64
a.
Effets directs .................................................................................................................... 64
b.
Effets indirects ................................................................................................................. 65
VI.
Antibiothérapie et phagothérapie .............................................................................. 70
VII.
Administration de cocktails phagique ....................................................................... 74
1.
Avantages potentiels ....................................................................................................... 75
2.
Limite des cocktails ......................................................................................................... 77
VIII.
Limites potentielles de la phagothérapie ............................................................... 79
1.
Une redécouverte compliquée ........................................................................................ 79
a.
Mauvaise image du passé ............................................................................................... 79
b.
Peu d’informations dans l’enseignement médical ........................................................ 81
c.
Absence de réglementation adaptée .............................................................................. 82
2.
Accès difficile aux soins .................................................................................................. 85
3.
Résistance bactérienne.................................................................................................... 86
a.
Mécanismes mis en jeu ................................................................................................... 86
b.
Conséquences................................................................................................................... 89
4.
Limites pharmacologiques ............................................................................................. 90
a.
Traitement ciblé .............................................................................................................. 90
b.
Seuil bactérien ................................................................................................................. 91
c.
Le phénomène de translocation ..................................................................................... 92
d.
Infections à bactéries intracellulaires............................................................................ 92
TROISIEME PARTIE : PHAGOPROPHYLAXIE ........................................................... 94
I.
Utilisation en agro-alimentaire ...................................................................................... 95
II.
Décontamination alimentaire ..................................................................................... 97
III.
Désinfection des surfaces inertes ................................................................................ 98
IV.
Prévention des infections dans le domaine médical ................................................. 98
V. Avantages et limites dans le domaine médical ............................................................. 99
1.
Avantages ......................................................................................................................... 99
2.
Limites .............................................................................................................................. 99
CONCLUSION ..................................................................................................................... 101
RESUME .............................................................................................................2
BIBLIOGRAPHI ET WEBOGRAPHIE .............................................................................. 102
INTRODUCTION
1
Le développement des infections bactériennes multi-résistantes, dont les infections
nosocomiales, est un véritable enjeu de santé publique et nécessite la mise au point de
nouvelles thérapies. Entre les industries pharmaceutiques qui se refusent à de coûteuses
recherches en ce qui concerne les antibiotiques et la surconsommation de ces derniers dans le
monde, l’arsenal thérapeutique pour lutter contre les bactéries s’amenuise.
De plus, aujourd’hui, pour diverses raisons, le développement de nouvelles molécules
est quasi inexistant à tel point que certains n’hésitent pas à évoquer la fin d‘une période et
annoncent une ère « post antibiotique »
C’est pourquoi on peut se poser la question de savoir s’il existe une alternative à ce
problème. C’est là qu’entrent en jeu les bactériophages (ou simplement phages), qui sont les
virus naturels des bactéries (littéralement: mangeurs de bactéries), ils reconnaissent, parasitent
et tuent spécifiquement, pour la plupart d’entre eux, et pour chaque phage au moins une
bactérie. En revanche, ils sont incapables d’infecter les cellules végétales ou animales
L’utilisation des prédateurs naturels des bactéries est venue de l’un de ses découvreurs,
Felix d’Hérelle, qui l’a également mise en application en médecine humaine. Il a fallu, pour
se faire, mettre au point les préparations phagiques, c’est à dire isoler un phage dirigé contre
la bactérie pathogène, le propager, purifier la préparation et contrôler son activité. Pour
diverses raisons, la médecine occidentale a délaissé ce traitement antibactérien au profit des
antibiotiques. En revanche, la phagothérapie a été largement exploitée dans l’ex-empire
soviétique
Le principal objectif de cette étude est de redécouvrir cette phagothérapie et de
comprendre sa place dans l’enjeu actuel de lutte contre les infections multi-résistantes aux
traitements antibactériens.
2
PREMIERE PARTIE :
DESCRIPTION DES BACTÉRIOPHAGES
3
I.
Structure et classification
1.
Définition
Les bactériophages sont présents partout sur la planète et sont reconnus comme étant
l’entité vivante la plus abondante sur Terre ( figure 1). Ils seraient dix fois plus nombreux que
les bactéries[1].En effet, on estime entre 1030 et 1032bactériophages dans notre
environnement. Ils se retrouvent dans les océans, dans le sol, dans l’eau potable et même dans
la nourriture que nous consommons. Ils sont définis comme des virus qui infectent les
bactéries et tout comme les virus, ils sont reconnus comme étant des parasites absolus. En
effet, ils ne possèdent pas la machinerie nécessaire à leur réplication et ont donc besoin
d’emprunter celle de leur hôte de manière à pouvoir proliférer librement. Chaque phage
contient son génome qui est enveloppé dans une couche de protéines ou de lipoprotéines
appelée capside[2].
Figure 2: Bactériophage et ses principales composantes[3]
4
2. Différentes familles
La structure sur laquelle est basée la classification des bactériophages est extrêmement
variée. Les critères de classification sont[4] :
- la nature de l’acide nucléique : généralement ADN double brin, parfois ARN simple
brin[5]
- La forme de la capside (icosaédrique ou tubulaire) ;
- La présence ou non d’une enveloppe (nommée péplos).
La classification de l’ensemble des virus (phages ou non) est gérée par un comité appelé
« International Committee on Taxonomy of Virus », ou ICTV. C’est à lui que revient
l’établissement de la nomenclature et de la taxonomie des virus[6]. D’après la banque de
données de l’ICTV, 95 % des bactériophages appartiennent à l’ordre des Caudovirales. Les
virus de l’ordre des Caudoviralesprésentent une structure dite « à symétrie binaire » ou «
caudée », c’est-à-dire se composant d’une tête et d’une queue identifiables, et sont partagés en
trois familles : les Myoviridae, les Podoviridaeet les Siphoviridae. Les 5 % des phages
n’appartenant pas à l’ordre des Caudoviralesprésentent une structure à symétrie non binaire
qui peut être soit cubique, soit hélicoïdale, soit complexe (tableau I).
5
Tableau I : Principales familles de bactériophages[7]
Les bactériophages appartiennent principalement à l’ordre des Caudovirales, qui se
compose des phages dit « à symétrie binaire », également appelés « phages caudés ». Les
autres familles sont minoritaires quantitativement. L’acide nucléique des phages présente des
structures variées : ARN ou ADN, et Sb : simple brin, db : double brin, C : circulaire, L :
linéaire, E : super-enroulé, S : segmenté.
3. Description générale
La description morphologique suivante se base sur celle du phage T4 (structure
comprenant une tête et une queue), un des phages les plus étudiés en laboratoire, appartenant
6
à la famille Myoviridaeet permet de présenter la structure à symétrie binaire correspondant
aux Caudoviralesordre comprenant l’écrasante la majorité des phages connus à ce jour.
Les bactériophages présentent une taille comprise entre 60 et 300 nanomètres (le phage
T4 mesure environ 200 nanomètres), soit environ un centième de la taille moyenne d’une
bactérie.
La tête d’un bactériophage se compose d’une capside protéique et du génome viral
(formé chez le phage T4 d’un ADN double brin). La capside de la plupart des phages est sous
forme d’un polyèdre[4, 8].
La queue du phage, de nature protéique, est nécessaire à l’absorption du virion dans la
cellule hôte [5]. Elle se présente comme un tube central creux comportant une gaine
contractile, 6 fibres caudales et une plaque terminale [4].
Cette description vaut pour l’ordre des Caudovirales, où sont inclus la majorité des
phages, cependant, les familles de phages n’appartenant pas à cet ordre présentent une
morphologie plus variée, qui peut être plus ou moins proche de cette description (figure 2).
Par exemple, les phages filamenteux, que nous évoquerons rapidement, n’appartiennent pas à
l’ordre des Caudoviraleset leur structure n’est donc pas à symétrie binaire, mais à symétrie
hélicoïdale. Ils présentent généralement un ADN simple brin de 6,4 kilobases et mesurent 6,5
nm sur 900 nm. Parmi ces phages on peut citer les phages M13, fd ou f1 (famille des
Inoviridae) dirigés contre Escherichia coli[7, 9].
7
Figure2: Principales familles de bactériophages selon la nature de leur génome
(ssDNA : ADN simple brin, dsDNA : ADN double brin, ssRNA : ARN simple
brin, ds RNA : ARN double brin), leur capside et leur enveloppe [7].
4. Habitat
Dans la nature, les bactériophages sont extrêmement nombreux. Dans un milieu donné,
leur nombre est en général dix, voire cent fois plus élevé que la quantité de bactéries
présentes[10]. Des bactériophages dirigés contre les archaebactéries ont également été
identifiés[11].
On peut rencontrer des phages dans différents environnements naturels : sur le sol, dans
les eaux salées ou douces, sur les surfaces cutanées et muqueuses des êtres vivants (et entre
8
autres dans l’appareil digestif), …ou plus généralement dans tous les environnements
comportant des bactéries. Ces virus particuliers participent activement à l’évolution
desécosystèmes, en détruisant une partie des bactéries, engendrant ainsi un renouvellement de
la biomasse bactérienne, ou en interagissant avec les bactéries de telle sorte que des échanges
de gènes entre bactéries aient lieu. On estime qu’en règle générale, les bactériophages
réduisent la population bactérienne globale de près de moitié toutes les 48 heures[8, 12].
Les études datant d’une trentaine d’années parlent d’une population de bactériophages
de l’ordre de 107 par millilitre dans les milieux marins (le milieu aquatique contenant la plus
grande quantité de phages étant les eaux usées). On peut trouver en particulier une grande
quantité de phages dans les sédiments marins, que l’on estime actuellement à 109 phages par
gramme de sédiment [12]. Cependant, les études des quinze dernières années ont montré que
leur population dans les eaux douces et dans les habitats marins était bien plus importante
qu’elle n’avait était imaginée auparavant [13]. Dans ces milieux, les bactériophages œuvrent à
la dynamique du renouvellement biochimique, en éliminant une partie du bactério-plancton.
En effet, la lyse de ce dernier permet de rendre le carbone organique biodisponible, en le
faisant passer de l’état particulaire, sous forme de cellules bactériennes, à l’état dissous
exploitable, sous forme de produits de lyse[12].
5.
Résistance dans l’environnement
Dans les premières recherches de d’Hérelle[14], le bactériophage qu’il étudiait pouvait
survivre à une température dépassant 65 °C, température létale pour la majorité des bactéries
non sporulées, et ce bactériophage était assez difficilement détruits par des agents physiques
(chaleur ou rayons ultra-violets par exemple) et chimique (antiseptiques par exemple).
Depuis, la recherche a fait des progrès, et a permis de comprendre qu’il n’existait pas un
unique bactériophage mais des milliers de type et que chaque bactériophage possédait des
caractéristiques différentes. Cependant, certaines caractéristiques sont communes à tous les
bactériophages, notamment leur résistance aux milieux extrêmes, généralement meilleure que
celle des bactéries [12]. D’après certains auteurs [10, 12], nombre de ces virus peuvent
9
survivre des semaines à des années dans différents milieux (aqueux ou non) et ainsi demeurer
dans les milieux les plus arides telsque les déserts chauds ou froids, à l’instar des phages
observés dans le désert du Chihuahua au Mexique [15], les sources chaudes ou les fosses
marines où la pression est énorme. De nombreux phages demeurent virulents malgré une
exposition à une température supérieure à 60 °C, à des rayons ultra-violets, à de multiples
antiseptiques ou à des milieux alcalins ou acides [12].
D’après Stephan Jacquet, chercheur à l’Institut Pasteur, il existerait des variations
saisonnières de la quantité de bactériophages dans un milieu donné, en fonction de la
température extérieure, de l’intense du rayonnement ultra-violet, etc. Ainsi, la population de
phages serait 100 fois plus importante en été qu’en hiver. L’étude des populations
bactériennes hôtes correspondantes dans un milieu donné montre quant à elle qu’une
diminution de population bactérienne existe également, en parallèle de celle des
bactériophages, mais qu’elle serait d’un facteur bien inférieur. La corrélation entre les
variations des deux populations est cependant délicate à interpréter[16].
II.
Types d’invasion de la cellule bactérienne
On discerne trois types de bactériophages : les phages dits « virulents » ou « lytiques »,
représentant près de 90 % des bactériophages, ceux dits « tempérés » ou « endogènes »
représentant environ 10 % et ceux dits « filamenteux », bien plus minoritaires (moins d’1 %).
Parmi tous les bactériophages existants, les plus étudiés sont le phage T4, appartenant aux
phages virulents, et le phage λ, appartenant aux phages tempérés. Le type de cycle qui nous
intéresse pour les traitements thérapeutiques correspond au cycle des phages virulents, appelé
« cycle lytique » ; nous utiliserons donc le phage T4 comme modèle dans notre étude[4].
Le cycle dit « lysogène » ou « lysogénique », correspondant à celui des phages
tempérés, ne sera évoqué que brièvement car il n’est pas exploitable pour la phagothérapie.
La différence principale entre les deux principaux types de phages (virulents et
tempérés) réside dans leur comportement vis-à-vis de la bactérie après intrusion : un phage
lytique va directement détruire la bactérie, tandis qu’un phage tempéré va intégrer son
10
génome à celui du chromosome bactérien, rester « silencieux » un temps et se multiplier avec
lui [5].
Le troisième type de phages existant, appelé phage filamenteux ne sera que très peu
abordé car ses représentants sont rares et son cycle, nommé cycle chronique, non exploitable
pour la phagothérapie (comme le cycle lysogène). Après pénétration dans la bactérie hôte, ce
phage ne va pas la lyser mais va produire en continu de nombreux phages par
bourgeonnement de la membrane bactérienne [7].
Il existe un quatrième type de cycle de reproduction, nommé pseudo-lysogénie. Il s’agit
d’un intermédiaire entre les cycles lytiques et lysogéniques, au cours duquel le génome viral
ne s’intègre pas au génome de la cellule hôte, et demeure latent dans le cytoplasme. Ce cycle
reste encore mal compris [17].
1.
Principe du cycle chronique (phages filamenteux)
La durée d’un cycle de réplication typique chez les phages filamenteux varie entre 10 et
15 minutes. Lors de ce cycle, le phage se fixe sur la membrane de la bactérie à partir du pili
sexuel bactérien et injecte son ADN dans la bactérie. L’ADN viral introduit dans la cellule
bactérienne est converti de simple brin à double brin puis répliqué et transcrit en ARNm ; les
ribosomes bactériens traduisent ensuite les ARNm en protéines de la capside virale, qui
s’insèrent ensuite dans la membrane bactérienne, et s’assemblent entre elles en entourant un
nouveau brin d’ADN viral, tout en traversant la membrane bactérienne jusqu’à être totalement
excrétées sous forme de nouveaux virions. Cette invasion ne détruit généralement pas les
bactéries et n’est donc pas intéressante en ce qui concerne la phagothérapie[7].
2. Principe du cycle lysogénique (phages tempérés)
Le cycle lysogénique, aussi nommé « lysogénisation »[10], a lieu lorsqu’un phage
tempéré pénètre dans une cellule bactérienne (figure3). Le génome du phage s’insère dans
celui de la bactérie et devient dès lors partie intégrante de celle-ci (on appelle le génome viral
11
intégré « prophage »). La réplication de ce matériel génétique a ainsi lieu en même temps que
celui de la bactérie. Celle-ci, dont le chromosome bactérien a été envahi, transmet ensuite lors
de sa division ce nouveau patrimoine génétique à sa descendance [4].
Cet état « silencieux » demeure jusqu’à ce qu’à un moment donné, le cycle lysogénique
s’active en cycle lytique et que le génome du phage s’excise du chromosome bactérien. Ce
changement d’état est relativement rare : un cas pour 100 000 phages tempérés environ [4],
mais sa fréquence est augmentée lors d’un stress, induit par exemple par des rayons ultraviolets, des rayons X ou des substances chimiques comme des oxydants.
Figure 3 : Schéma d'un cycle lysogénique[18]
Lors du cycle d’un phage tempéré, le génome phagique va s’intégrer au génome
bactérien et prendre le nom de « prophage ». Ce prophage peut être transmis par transfert
bactérien vertical (cellule mère à cellule fille) ou horizontal (entre deux bactéries sans lien de
12
parenté). Parfois le cycle lysogénique s’active en cycle lytique notamment à l’occasion d’un
stress[18].
3 .Principe et étapes du cycle lytique (phages virulents)
Contrairement aux phages tempérés, les bactériophages virulents possèdent la capacité
de se multiplier selon leur propre rythme, et non pas au gré des divisions bactériennes. La
reproduction d’un tel phage permet d’engendrer simultanément plusieurs dizaines de virus
tous identiques. Pour décrire ce cycle, le microbiologiste Mark Müller a déclaré « Les
bactéries ne meurent pas, elles explosent en multiples phages. »
Un cycle lytique complet prend quelques minutes à maximum une heure pour se
réaliser. À côté de cela, la réplication bactérienne ne permet, dans les conditions optimales, de
générer que deux bactéries filles toutes les demi-heures chez les espèces bactériennes à
développement rapide. Cette réplication dichotomique bactérienne n’est pas en mesure de
résister à une lyse par les dizaines, et même les centaines de bactériophages produits lors de
leur réplication. Une colonie bactérienne entière même abondante est ainsi rapidement
détruite par le nombre de bactériophages à croissance exponentielle [4].
Pour étudier le cycle lytique, comme indiqué précédemment, Je vais me baser sur le
phage T4 (figure 17). Ce phage, dirigé contre la bactérie Escherichia coli, a fait l’objet de
multiples études pendant de très nombreuses années [19]. Sa séquence nucléotidique,
complètement décryptée dans les années 1990 est accessible via le site internet du Centre
National pour l’Information Biotechnologique (NCBI, National Center for Biotechnology
Information) sous les dénominations AF158101 (au sein de la base de données GenBank) et
NC_000866 (au sein de la base de données NCBI) (NCBI, 2005)[20, 21].
13
Figure4 : Schéma d'un phage T4[22]
T4
Le bactériophage T4, phage virulent appartenant à la famille des Myoviridae, se
compose d’une tête comportant une capside polyédrique et un ADN double brin, et d’une
queue sur laquelle se situent entre autres
autres des éléments essentiels à l’arrimage du phage sur une
bactérie : des fibres (LTF, long tailfibers),
tailfibers des crochets (STF, sidetailfibers)
sidetailfibers et une plaque
basale.
14
Figure 5: Schéma du cycle lytique [18]
Lors d’un cycle lytique, un phage virulent va pénétrer au sein de la cellule bactérienne,
détruire le génome bactérien, en détourner la machinerie pour produire des éléments
constitutifs de nouveaux phages et enfin lyser la bactérie pour libérer ces nouveaux virions.
a. Arrimage
La fixation d’un bactériophage sur la membrane plasmique d’une bactérie fait intervenir
deux types de structures : une ou plusieurs fibres caudales du bactériophage, et des molécules
particulières situées à la surface de la membrane externe de la bactérie hôte qui vont jouer le
rôle de « récepteurs » pour le virus. Dans le cas du phage T4, par exemple, plusieurs fibres
caudales, dont les six fibres caudales longues (LTF, long tailfibers), vont venir se fixer aux
lipopolysaccharides (LPS) et aux protéines membranaires C (OmpC). Cette fixation, souvent
15
réversible, permet un rapprochement du virus et de la bactérie. S’en-suit un changement de
conformation des fibres qui signale au plateau situé à la base de la queue du phage que
l’attachement est correctement en place. Ce plateau va alors lui aussi se placer sur la
membrane bactérienne sur le site adéquat pour injecter le génome viral. De nouvelles fibres
vont s’accrocher à des molécules de surface bactériennes pour stabiliser l’attache : pour le
phage T4, il s’agit de 6 fibres caudales courtes (STF, sidetailfibers) dont l’attache est
irréversible. Ces nouvelles fixations vont entrainer un changement de conformation du
plateau(pour le phage T4, passage d’une conformation hexagonale à une conformation en
étoile) et vont être à l’origine d’une contraction de la gaine contractile de la queue. Toutes ces
étapes de fixation durent environ dix secondes et l’ensemble s’appelle l’arrimage[4].
b. Entrée du génome viral et réplication
Une enzyme du phage perce la paroi cellulaire de la bactérie, ce qui permet à l’axe
central rigide de la queue de traverser cette paroi. L’extrémité de cet axe entre en contact avec
la membrane plasmique de la bactérie et interagit avec des molécules membranaires : pour le
phage T4, il s’agit de lipides particuliers comme des phosphatidylglycérols ou des
cardiolipides. Cette interaction entraîne la perforation de la membrane bactérienne.
Le génome du phage se retrouve éjecté de la capside virale vers le cytoplasme
bactérien, tandis que la capside reste à l’extérieur. Ce génome exogène détourne alors le
métabolisme de la cellule hôte à son profit : une endonucléase découpe l’ADN bactérien en de
nombreux fragments inactifs, puis le génome viral puise dans les réserves d’énergie de la
bactérie et se sert des ribosomes hôtes pour se reproduire et pour synthétiser différentes
protéines nécessaire à la formation de nouvelles particules virales. Tous ces nouveaux
éléments viraux sont ensuite assemblés pour composer les nouveaux virus, tous similaires au
phage infectant initial[4].
16
c. Libération des nouveaux phages
En plus des protéines utilisées dans l’assemblage des nouvelles unités virales, le phage
force la synthèse d’enzymes lysozymialesdestinées à détruire la membrane bactérienne après
la constitution d’une quantité importante de nouveaux virions. L’éclatement de la bactérie
hôte permet alors la libération de dizaines de nouveaux virus qui, à leur tour, attaquent les
bactéries voisines[4].
III. Types de Transduction
C’est le transfert indirect de matériel génétique bactérien entre deux bactéries plus ou
moins proches phylogénétiquement, par l’intermédiaire d’un bactériophage, qui joue donc le
rôle de vecteur. Ces échanges de gènes peuvent être à l’origine de la dissémination dans la
population bactérienne de gènes de résistance aux antibiotiques ou de facteurs de
pathogénicité[23]. On distingue trois types de transduction :
1.
Transduction généralisée
L’ADN bactérien est fragmenté par une nucléase phagique, par conséquent, lors de
l’assemblage des virions dans la cellule hôte, des morceaux d’ADN bactérien peuvent
s’incorporer, au hasard, dans la capside d’un bactériophage. Puis, le phage peut transférer cet
ADN bactérien à une autre bactérie réceptrice, où il sera intégré et recombiné à son génome.
La
transduction
est
alors
complète.
Il
faut
noter
que
cette
transductiongénéraliséepeutégalementêtreeffectuéeparunphagevirulent.
2.
Transductionabortive
C’est le même mécanisme que la transduction généralisée, cependant l’ADN injecté
17
dans la cellule réceptrice n’est pas intégré au génome bactérien et ne sera donc pas transmis à
la descendance de la bactérie. Néanmoins, il reste fonctionnel et s’exprime normalement mais
il sera dilué au cours des divisions cellulaires successives.
3. Transduction localisée
Cette transduction n’est réalisée que par les phages tempérés. Lors de la libération du
prophage
du
génome
bactérien
pour
réaliser
un
cycle
lytique,
on
observe
parfois,uneexcisionanormaleaboutissantàunprophagecontenantunepartiedu génome de l’hôte.
Les gènes bactériens peuvent donc être transmis à une autre bactérie lors d’une nouvelle
infestation.
Après avoir développé les deux cycles majoritaires des phages, on comprend bien
l’intérêt de sélectionner des bactériophages lytiques en thérapeutique. En effet, en plus de
leur inefficacité pour lyser les bactéries, les bactériophages lysogéniques peuvent être les
vecteurs de gènes de pathogénicité ou de résistance aux antibiotiques. Bien qu’ils jouent un
rôle majeur dans l’évolution des bactéries, la part des phages tempérés ne représenterait
qu’environ 10% des bactériophages [24].
IV.Avantages etinconvénients
Si l’on compare les caractéristiques des bactériophages vis-à-vis des antibiotiques, la
référence thérapeutique des agents antibactériens, on comprend aisément tous les avantages
que l’on peut en tirer, pour des inconvénients relativement mineurs et contournables (Figure
11) [25].
1.
-
Avantage
Action bactéricide puissante et rapide avec une forte spécificité bactérienne :
pas de
déséquilibre de la flore commensale à l’origine d’effets iatrogènes ni de sélection de
résistance
chez
d’autres
bactéries
comme
antibiotiquesbactériostatiques.
18
cela
peut
être
le
cas
avec
les
-
Très peu d’effets secondaires avec les préparations phagiques, à condition
qu’ellessoient purifiées des endotoxines produites lors de l’amplification des
bactériophages sur des cultures de bactéries vivantes. Par conséquent, l’usage de phages
est intéressant chez les personnes allergiques à certains antibiotiques ou chez celles
subissant de lourds effets indésirables.
− Pas d’interaction médicamenteuse nécessitant un réajustement des traitements
concomitants ni d’adaptation posologique en fonction de l’âge ou du poids du patient.
− Une synergie phage-antibiotique qui permet d’augmenter la virulence desphages.
− Une facilité de fabrication avec un coût de production faible, notamment grâce à un
vivier de bactériophage quasi inépuisable et facilementaccessible.
2.
Inconvénients
− Spécificité étroite avec le germe, nécessitant l’isolement et l’identification précise de la
bactérie pathogène. Ce qui explique la difficulté d’un traitement probabiliste ainsi que
la complexité des infections à germes multiples. Néanmoins, les infections
polymicrobiennes peuvent être traitées par l’utilisation de cocktails de phages[25].
− Nécessité d’utiliser un bactériophage lytique et non un bactériophage tempéré car en
plus d’être inefficace il peut être à l’origine de transfert de gènes pathogènes vers les
bactéries. Cependant, grâce à la biologie moléculaire et au séquençage du génome viral,
on peut rapidement éliminer les phages contenant des séquences génomiques
potentiellement dangereuses (gènes de toxines, gènes de virulence, gène de résistance
aux antibiotiques,etc.).
− Le traitement des infections autres que locales (plaies, brûlures, otites, etc.) est
délicat car les phages sont considérés comme des éléments extérieurs
l’organismeetpeuventêtredétruitsparlesystèmeimmunitaire.
−
19
−
La concentration du phage:
L’administration du phage :
Traitement de phage :administration par voie
orale, topique, intrapéritonéale, intraveineuse et
intranasale en fonction du site d'infection.
pour des expériences in vitro et in vivo, MOI
(multiplicité d'infection) varie de 0,01 à 100.
Les conditions
environnementales:
La survie et la persistance de bactériophages
sont affectées par des facteurs physicochimiques (pH, température
Pour quelques cas, un traitement par voie
intraveineuse était plus rapide que celle
intramammaire.
...)
La dose et le moment du
traitement:
Spécifité :
Les phages doivent être lytiques et capables
d'infecter les bactéries cibles.
L’utilisation d'un cocktail de phages pourrait
augmenter le spectre d'activité du phage.
L'efficacité du
traitement du phage.
L’application du phage a été le plus utile
lorsque le traitement était précoce.Pour un
traitement précoce, les doses multiples sont
meilleures que d'une seule dose.
La résistance au phage :
Accessibilité de cibler les bactéries:
Neutralisation:
Les bactéries peuvent devenir résistantes aux
phages.
Les agents pathogènes développent dans les
tissus ou les organes des compartiments
inaccessibles aux phages.Les phages
sontlimités par leur diffusion dans des matrices
solides. Les facteurs immunitaires dans le lait
cru pourraient protéger les bactéries contre les
phages
Les phages peuvent être neutralisés par des
Utiliser un cocktail de phages.
Isoler les nouveaux phages.
anticorps ou d'autres composés.
Répéter l'administration ou augmenter les doses
ou l'administration de différents phages plus
résistants ou protection des phages par
encapsulation.
Figure 6: Facteurs qui influent sur l'efficacité de l'utilisation des phages
contre les bactéries pathogènes[25].
20
V.Méthodes d’obtention de phages à destinée thérapeutique
Les bactériophages sont présents partout autour de nous, il n’est donc pas difficile de
les trouver. Cependant, c’est dans les milieux liquides que l’on peut le plus facilement les
extraire : eaux usées, eaux de rivière, eaux d’égouts, etc. La technique actuelle d’isolement
du phage ne diffère que très peu de celle employée par Félix d’Hérelle à ses débuts et elle se
base sur l’effet visible du phénomène lytique[26].
1.
Propagation
On recueille un échantillon d’eaux résiduaires qui doit ensuite être centrifugé et décanté,
de manière à éliminer les grosses particules, puis le surnageant de la décantation doit être filtré
(filtre de 0,2 micromètres) pour éliminer les bactéries. On obtient ainsi une préparation
contenant une grande quantité de phages.
Il faut ensuite déterminer si le ou les bactériophages recherchés, c’est-à-dire celui ou
ceux dirigés contre une bactérie donnée, sont présents dans la préparation obtenue. Pour cela
on ajoute une suspension contenant la bactérie ciblée à la préparation et on incube le mélange
pendant quelques heures à 35°C et sous agitation douce (pour la plupart des phages
recherchés). À l’issue de cette incubation, si un ou plusieurs phages se sont propagés au
détriment des bactéries, il s’agit alors des virus recherchés. En effet, chaque phage dirigé
contre la bactérie aura réalisé plusieurs cycles de propagation, augmentant fortement le
nombre de particules virales. Il faut enfin centrifuger de nouveau et filtrer pour éliminer les
débris bactériens.
Ces tests peuvent aussi être réalisés en plaçant une goutte de la préparation dans une
boîte de Petri avec une gélose contenant la bactérie étudiée. Si l’on observe un trou dans le
film bactérien après incubation, la préparation contenait bien le ou les bactériophages
correspondants à la bactérie étudiée[4].
21
2. Purification
De manière à isoler les bactériophages d’intérêt, il faut tout d’abord diluer sériellement
la préparation précédemment réalisée, puis étaler les différentes préparations dilutions en
boîte de Petri sur des géloses comportant les bactéries étudiées réparties de manière
homogène en surface. Après incubation, de multiples plages de lyse vont se former sur la
gélose. À chaque plage de lyse correspond un clone de bactériophage et l’aspect des plages
diffère selon le bactériophage impliqué dans le processus de lyse. On prélève alors une ou
plusieurs plages que l’on propage dans un bouillon bactérien (comme réalisé à l’étape
précédente de propagation) de sorte d’obtenir une quantité suffisante de clones et de bien les
adapter à la bactérie étudiée ; cette étape peut être réalisée plusieurs fois (généralement 2 à 3
fois).
Il est ensuite nécessaire d’éliminer les bactéries restantes ainsi que les débris de lyse
bactérienne. Plusieurs méthodes existent pour cela : centrifugation et filtration, précipitation
des phages à l’aide de polyéthylène glycol ou chromatographie d’affinité [27].
3.
Numération
Cette étape permet de connaître la quantité de bactériophages obtenus et ainsi être
certain que cette quantité sera suffisante d’un point de vue thérapeutique. On mesure le titre
de phages (le nombre de phages lytiques par unité de volume) en nombre d’Unité Formant
Plages (UFP) par millilitre.
4.
Contrôle
22
Cette étape est surtout importante lorsqu’on est en présence d’une préparation de phages
dont on ne connait pas les caractéristiques. Elle permet de déterminer l’activité et le nombre
de particules virales actives.
DEUXIEME PARTIE :
PRESENTATION DE LA PHAGOTHERAPIE
23
24
I. Définition
La phagothérapie est un mot apparu en 1926 construit à partir de « phagos » et «
therapeia » (cure). On peu toute fois signalerque le terme phagothérapie avait été
préalablement utilisé dans un tout autre sens : en 1912, Fernand Boivin l’utilise dans sa thèse
en tant que traitement qui modifie la façon de se nourrir. Bien que supplanté par le sens de
d’Hérelle, on trouve encore quelques fois l’usage de ce mot avec cette acceptation.
La phagothérapie est l’utilisation de bactériophages (parfois simplement appelés
phages) dansle but de traiter et de guérir des infections bactériennes. La phagothérapie est
donc untraitement spécifique de maladies bactériennes par des phages. Elle met à profit les
propriétésdestructrices, lytiques et spécifiques de tel ou tel phage vis à vis d’une bactérie
infectante.Formellement, il serait plus exact d’utiliser le terme de « bactériophagothérapie ».
Bienqu’existant, ce terme reste néanmoins très peu utilisé du fait de sa longueur.Enfin, dans
certains écrits en français l’expression « thérapie phagique » (à l’instar de « phagetherapy »
des Anglo-saxons) peut être employée en lieu et place de phagothérapie[28].
La phagothérapie s’est développée dans le bloc soviétique. Dans les années 20, après
une visite à l’institut Pasteur, un chercheur géorgien GeorgyEliava fut à l’origine de la
construction à Tbilissi d’un institut dédié à la recherche et à l’application médicale des
bactériophages. Cet institut est toujours en activité aujourd’hui. Un seul autre centre de
recherche, à Wroclaw en Pologne propose des traitements à base de bactériophages[4].
II. Historique de la phagothérapie
Pendant la première guerre mondiale, à l’Institut Pasteur de Paris, un chercheur, Félix
d’Hérelle (1873—1949), étudiait les analyses in vitro des déjections de malades atteints de
dysenterie bacillaire, diarrhée provoquée par la bactérie nommée Shigelladysenteriae. Au
cours de l’épidémie, le chercheur fit la remarque que l’évolution favorable de la maladie était
précédée par l’apparition d’un « principe lytique » (apparition de plages claires sur les
cultures en milieu solide ou éclaircissement d’un bouillon) dans les selles du malade (fig 7). À
25
l’inverse, en son absence, l’évolution était souvent mortelle. Sur ce constat, il fit l’hypothèse
que ce « principe lytique » est responsable de l’issue favorable de la maladie et qu’il s’agit
d’un virus antagoniste de la bactérie pathogène. Il l’appela « bactériophage », littéralement «
mangeur de bactérie ». Difficilement acceptée à cette époque car on connaissait mal les virus,
il avança aussi la théorie d’un « principe » corpusculaire, responsable de « la guérison
naturelle » des maladies bactériennes [14].
La phagothérapie semblait pouvoir être généralisée à un grand nombre d‘infections
jusque-là souvent mortelles. C‘est ainsi qu‘apparut la commercialisation de préparations à
usage thérapeutique. Le principal germe concerné était le staphylocoque, mais de nombreuses
maladies infectieuses cutanées, intestinales, génitales, respiratoires étaient traitées. Les
résultats de la phagothérapie souvent rapportés dans la presse scientifique, et même les
quotidiens et revues « grand public », éveillèrent l‘attention de plusieurs entreprises
pharmaceutiques importantes : Parke-Davis, Eli Lilly, Abbott et Squibb aux États-Unis ou
plus modestes en Allemagne et en Angleterre.
En France, les laboratoires Robert et Carrière, proposèrent à d‘Hérelle d‘installer en
1928 le laboratoire du bactériophage. La firme se réservait l‘exclusivité de la
commercialisation pour la France. Les cinq spécialités à base de phages (bacté-intesti-phage;
bacté-coli-phage; bactérhino-phage; bacté-pyo-phage ; bacté-staphy-phage) auront été
pendant les années 1930 parmi les dix meilleures ventes des médicaments de l‘entreprise [29].
Une monographie a fait la synthèse des possibilités thérapeutiques connues [30, 31] à cette
époque.
En 1934, D‘Hérelle reçoit une offre étonnante : Staline lui propose de venir créer un
institut sur les bactériophages dans sa contrée d‘origine, la Géorgie. Socialiste à ses heures,
D‘Hérelle accepte et fonde avec son ami géorgien Georges Éliava un institut qui porte le nom
de ce dernier [32].
En 1980, le biochimiste britannique Frederick Sangerreçut le prix Nobel pour avoir
réussi à séquencer l'ADN en utilisant un phage. Et donc considéré les bactériophages comme
un outil fondamental de recherches ainsi ont permis à l‘essor de la biologie moléculaire.
26
Les connaissances acquises, tant au laboratoire que dans la nature, sur les phages eux
mêmes et la relation avec leurs hôtes sont aujourd‘hui très nombreuses. Toutes les données
accumulées depuis des décennies assurent une meilleure approche et donnent l‘opportunité de
revoir la phagothérapie dans des conditions satisfaisantes [33].
Figure7 :
Nombreuses(àgauche)etquelques(àdroite)plagesclairessurunenappedeculturedeSta
phylococcusaureus(clichépersonnel)[10].
III. Résistance à l’antibiothérapie et infections nosocomiales
Les antibiotiques, qui ont sauvé tant de vies humaines, risquent de devenir inefficaces
en raison d’une inquiétante augmentation de la résistance des bactéries à leur encontre et de la
raréfaction des nouveaux produits mis sur le marché[34]. Ainsi, des échecs thérapeutiques
surviennent déjà pour des infections pourtant banales, mais causées par des bactéries
multirésistantes aux antibiotiques (BMR), voire résistantes à tous les antibiotiques.
L’émergence des bactéries multirésistantes (BMR) est aujourd’hui un phénomène planétaire
préoccupant. Ces bactéries sont responsables d’infectionspouvant menacer le pronostic vital
des patients sans solutions thérapeutiques satisfaisantes [35]. Par ailleurs, certains actes vont
devenir beaucoup plus périlleux (interventions chirurgicales lourdes, greffes d’organes ou
traitements immunosuppresseurs).
27
Les antibiotiques sont des médicaments uniques, car leurs cibles, les bactéries, sont des
êtres vivants, capables de s’adapter, en acquérant des mécanismes de résistance aux
antibiotiques (mutations ou acquisition de supports portant des gènes de résistance). Charles
DARWIN disait que : « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni
les plus intelligentes, mais celles qui s'adaptent le mieux aux changements »[36]. Les
bactéries sont dites multirésistantes aux antibiotiques lorsque du fait de l’accumulation de
résistances acquises à plusieurs familles d’antibiotiques, elles ne sont plus sensibles qu’à un
Petit nombre d’antibiotiques utilisables en thérapeutique (résistance à plus de 3 familles
différentes). La multirésistance est une étape vers l’impasse thérapeutique. Elle concerne
lesbactéries des infections communautaires (ex : pneumocoque, bacille de la tuberculose) et
les bactéries des infections nosocomiales.
1. Les infections nosocomiales
a. Définition
Il s’agit d’une « infection qui était absente à l’admission à l’hôpital. Ce critère est
applicable à toutes les infections. Lorsque la situation précise à l’admission, un délai d’au
moins 48 heures après l’admission (ou un délai supérieur à la période d’incubation lorsque
celle-ci est connue) est communément accepté pour séparer une infection d’acquisition
communautaire d’une infection nosocomiale. Pour les infections de stades opératoires (ou
infections de site opératoire ISO), on accepte comme nosocomiale les infections survenues
dans les 30 jours suivants l’intervention ou, s’il y a mise en place d’une prothèse ou d’un
implant, dans l’année qui suit l’intervention [37].
b. Epidémiologie
L’enquête nationale de prévalence (ENP) des infections nosocomiales et des traitements
anti infectieux en établissements de santé de 2012 est la cinquième de ce type réalisée en
28
France depuis 1990 par le Réseau d’alerte d’investigation et de surveillance des infections
nosocomiales .
Au total 1938 établissements de santé, représentant 376 012 lits d’hospitalisation en
France, ont participé à cette enquête. En nombre de lits, la participation des établissements
publics était proche de l’exhaustivité : les 848 établissements de soins publics représentaient
96,8% des lits d’hospitalisation publique français. Elle était plus faible pour les établissements
de soins privés d’intérêt collectif (83,4%) et les établissements de soins privés à but lucratif
(74,8%). L’enquête a inclus au total 300 330 patients. Au jour de l’enquête, la prévalence de
patients infectés était de 5,1% avec une prévalence des infections nosocomiales de 5,3% (dont
3,9%
d’infections
nosocomiales
acquises
dans
l’établissement,
1,2%
d’infections
nosocomiales importées d’un autre établissement et 0,2% d’infections nosocomiales d’origine
indéterminée). En d’autres termes, le jour de l’enquête, 15 180 des 300 330 patients avaient
une ou plusieurs infections et 16 024 infections nosocomiales ont été recensées. Ce chiffre
s’explique par la possibilité de poly-infection des patients. Sur l’ensemble des établissements
de santé ayant participé aux deux enquêtes de 2006 et 2012, laprévalence brute des patients
infectés est restée pratiquement stable (+0,5% en accroissement relatif), alors que la
prévalence des patients présentant au moins une infection nosocomiale acquise dans
l’établissement de santé a légèrement diminué (de 4,1% en 2006 à 3,9% en 2012, soit
pratiquement 5% de diminution relative). Cependant, la prévalence des patients infectés
présentant au moins une infection importée est passée de 0,9% à 1,2% (25% d’augmentation).
Par ailleurs, les enquêteurs pouvaient indiquer que l’origine de l’infection était
indéterminée, possibilité qui ne leur était pas offerte en 2006. En 2012, 691 patients (0,2%)
présentaient une infection mentionnée comme d’origine indéterminée, alors que seulement 9
patients avaient une infection d’origine non documentée en 2006. Les patients infectés sont
relativement plus nombreux dans les CHU (Centres Hospitaliers Universitaires), dans les
centres de réanimation et dans les centres de lutte contre le cancer. Les sujets âgés, de sexe
masculin, atteints d’une maladie sévère et/ou immunodéprimés, opérés ou exposés à un
dispositif invasif (sonde urinaire, cathéter vasculaire ou intubation/trachéotomie) sont
également plus touchés que les autres[37].
29
A l’échelle mondiale, l’OMS estime que 1,4 millions de personnes souffrent à tout
momentd’une infection contractée à l’hôpital (chiffre de 2008). Les prévalences maximales
sontrapportées en Méditerranée orientale (11,8%), en Asie du Sud-Est (10%) et en
Pacifiqueoccidental (9%). Les infections nosocomiales représentent donc un problème de
santé publique planétaire.
c. Mécanismes et origines des germes des infections nosocomiales
Les patients peuvent s’infecter par des germes endogènes, dont ils sont porteurs
(commensaux, saprophytes et parfois pathogènes). Ils contaminent le plus souvent le patient
lors de soins, comme par exemple la pose d’une sonde urinaire, une intubation trachéale ou
dans le cas d’une infection sur site opératoire. Les patients peuvent également s’infecter par
des germes exogènes présents dans l’environnement hospitalier. Ces germes peuvent
contaminer le patient par des routes inanimées (eau, air, aliment) ou animées (patients,
personnels).
d. Les infections nosocomiales les plus fréquentes
Trois bactéries sont responsables de plus de la moitié des infections nosocomiales. Les
trois micro-organismes les plus fréquemment retrouvés sont : Escherichia coli (26%),
Staphylococcus aureus (15,9%, dont 38,1% résistants à la méticilline) et Pseudomonas
aeruginosa(8,4%). Si on s’intéresse aux entérobactéries dans leur ensemble, elles représentent
environ 40% des infections nosocomiales (figure 8).
D’une manière générale, les principaux micro-organismes isolés d’infections
nosocomialesétaient similaires à ceux décrits lors de l’ENPde 2006 et sont stables d’une
enquête à l’autre.
La prévalence des infections à clostridium difficile a cependant doublé en France depuis
2006,restant toutefois assez faible. Cette évolution peut être liée à l’amélioration des
techniquesdiagnostiques ou à la sensibilisation des établissements de santé suite à l’épidémie
30
liée auclone 027 en 2006 et 2007. L’augmentation de la prévalence des infections digestives
(toutesétiologies confondues, y compris indéterminées) entre 2006 et 2012 est en faveur
fa
d’une
telleaugmentation, qui reste malgré tout modérée.
Cette même enquête met en évidence les principaux sites des infections nosocomiales.
Lesinfections urinaires (29,9%) sont les plus fréquentes, devant les pneumonies (16,7%),
lesinfections du site opératoire (ISO) (13,5%) et les bactériémies/septicémies (10,1%).
Cesquatre localisations d’IN représentent 70,2% des sites infectieux documentés (figure
(fig
9).
Lesinfections de la peau et des tissus mous représentent 7% des sites infectieux.
La distribution des sites infectieux a aussi évolué de 2006 à 2012. Les infections
urinairesrestent ainsi les plus fréquentes quoiqu’en diminution. Les pneumonies restent au
second rang mais sont en augmentation. Par ailleurs, les infections du site opératoire ou de la
peau
eau et destissus mous sont toutes les deux en diminution. Enfin, la prévalence
desbactériémies/septicémies augmente[37].
augmente
.
Figure 8 : Part relative des micro-organismes
micro organismes isolés d’infections nosocomiales en France [37] .
31
Figure 9 : Part relative des sites infectieux d’infections nosocomiales[37].
nosocomiales
2.
Bactéries multi-résistantes
résistantes (BMR) et infections nosocomiales
Les BMR représentent 20 à 30 % des infections nosocomiales. L’utilisation massive des
antibiotiques à l’hôpital détermine une pression de sélection formidable favorisant
l’émergence des BMR. Chez les patients, cette pression de sélection amène une réduction
réductio des
flores commensale et saprophyte en faveur des BMR, soit en portage soit directement
32
impliquéesdans des processus pathogènes. Dans l’environnement, la pression de sélection
exercée par les antibiotiques et antiseptiques renforce l’émergence des bactéries les plus
résistantes. Ces réservoirs de BMR, environnementaux et humains, conjugués aux nombreux
facteurs de risque de transmission croisée de pathogènes en milieu hospitalier (densité de
population, fréquence des soins, mobilité des malades au sein de la structure…) favorisent
l’implication des BMR dans les infections nosocomiales.
Parmi les BMR impliquées dans les infections nosocomiales, on trouve notamment :
Staphylococcus
aureus
résistant
à
la
méticilline
(SARM),
les
entérocoques
(Enterococcusfaecalis, Enterococcusfaecium), Pseudomonas aeruginosarésistant (PAR) à la
ceftazidime etaux carbapénèmes, les entérobactéries (notamment Escherichia coli,
Klebsiellapneumoniae)résistantes aux céphalosporines de 3e génération par haut niveau de
production de céphalosporinase (HCASE) ou par sécrétion d’une bêta-lactamase à spectre
étendu (BLSE) et Acinetobacterbaumanniimultirésistant. Les données de résistance sont
disponibles pour la très grande majorité (87,4%) des 9450 souches concernées (Tableau II).
33
Tableau II : Caractéristiques de résistance aux anti-infectieux de certains microorganismesisolés d’infection nosocomiale et prévalence des infections nosocomiales
associées[37].
Les données de l’ENP de 2012 indiquent que 38,1% des Staphylococcus aureus isolés
sontrésistants à la méticilline, pour une prévalence de 0,2%. La proportion de SARM a
diminué de28% entre 2006 (52,9%) et 2012 (38,1%). En termes de prévalence, les chiffres
sont respectivement de 0,4% et de 0,2%. Cette évolution est cohérente avec celles rapportées
parailleurs. En effet, le réseau BMR-Raisin a mesuré une diminution de 36% de l’incidence
desSARM entre 2006 et 2011, passant de 0,59 cas pour 1000 journées d’hospitalisation à
0,38cas pour 1000 journées d’hospitalisation. Par contre, la prévalence des infections à
34
staphylocoques sensibles à la méticilline (SASM) est restée très stable. Cette diminution de
laprévalence des infections à SARM a donc pour corollaire la diminution globale des
infections à Staphylococcus aureus.
Concernant les entérobactéries, la résistance aux céphalosporines de 3e génération
(C3G) chez Escherichia coli est de 17,6% en 2012 ; 11% des souches sont productrices d’une
β-lactamase à spectre étendu (BLSE). Pour Klebsiellapneumoniae, ces pourcentages sont
respectivement de 37,7% et de 31,6%. Les données montrent une nette augmentation de la
résistance aux C3G pour Escherichia coli (9,8% en 2006 à 17,6% en 2012, soit +79%) et pour
Klebsiellapneumoniae (17,2% en 2006 à 37,7, soit + 119%). Il n’est, en revanche, pas
possible d’analyser l’évolution des BLSE car elles n’étaient pas documentées lors de l’ENP
de 2006. En 2012, les proportions de souches productrices de BLSE parmi celles résistantes
aux C3G sont toutefois élevées : 62% pour Escherichia coli et 84% pour
Klebsiellapneumoniae. L’évolution observée via l’ENP est cohérente avec celle observée par
le réseau BMR-Raisin, qui rapporte une augmentation de 130% des entérobactéries
productrices de BLSE entre 2006 et 2011. Enfin, l’accroissement des souches résistantes aux
C3G s’accompagne d’une augmentation des infections à Klebsiellapneumoniae, mais pas à
Escherichia coli (ce qui est cohérent avec leur épidémiologie).La résistance aux
carbapénèmes des entérobactéries reste faible en 2012 : 1,4% des souches d’Escherichia coli
isolées d’infections nosocomiales et 2,3% des souches de Klebsiellapneumoniae.Enfin, la
proportion de résistance aux glycopeptides chez les entérocoques est, en 2012, de 4,1% pour
Enterococcusfaeciumet de 0,6% pour Enterococcusfaecalis. Les données montrent une
diminution des pourcentages de résistance de 52,3% pour Enterococcusfaecium(8,6% en 2006
contre 4,1% en 2012) et une diminution de 73,9% pour Enterococcusfaecalis(2,3% en 2006
contre 0,6% en 2012). Les données du réseau EARS-Net mettent en évidence des évolutions
comparables avec 56% de diminution pour Enterococcusfaeciumet des pourcentages de
résistance très faible pour Enterococcusfaecalis(de l’ordre de 0,1%). Globalement, et ce quel
que soit le couple bactérie-antibiotique étudié, les tendances produites par l’analyse des
données des ENP de 2006 et 2012 sont donc très cohérentes avec celles issues d’autres
sources de données.
35
IV.
Application thérapeutique de la phagothérapie
De nombreuses études sont actuellement menées sur les possibilités thérapeutiques
qu’offre la phagothérapie. Elles s’intéressent pour la plupart à l’efficacité de un ou plusieurs
phages (ou cocktail de phages) contre une souche bactérienne donnée. Ces études sont
indispensables pour acquérir les connaissances suffisantes et nécessaires à l’établissement
éventuel de protocoles thérapeutiques. Cependant, elles ne permettent pas d’avoir une vue
d’ensemble des possibilités de la phagothérapie, ni de répondre à certaines questions
essentielles : la phagothérapie peut-elle être utilisée efficacement contre tous types d’infection
? Les phages peuvent-ils être administrés par différentes voies Le cas échéant, quelles voies
semblent être les plus efficaces ? La phagothérapie est-elle une approche thérapeutique
dénuée de risques ? Quelle est l’influence des
bactériophages sur différents marqueurs
biologiques ? Une étude très complète menée par l’Institut de Thérapie Expérimentale
Immunologique
(IIET
:
ExperimentalTherapy)LudwickHirszfeld,
Institute
au
of
Immunology
laboratoirebactériophage,
à
and
Wroclaw
(Pologne)[5, 38], entre 2008 et 2012, permet d’obtenir des réponses à laplupart des questions
posées (« Clinical aspect of phage therapy ».
Cette étude regroupe 157 participants (ce qui correspond à une population de phase II
d’essaiclinique) qui sont, pour la plupart, dans une situation d’impasse thérapeutique. Elle
évalue surcette même population l’efficacité de la phagothérapie sur différentes infections
bactériennes(notamment les infections à Staphylococcusaureus, Escherichia coli et
Pseudomonas aeruginosa), la durée moyenne du traitementphagique, les différentes voies
d’administration utilisées et leur efficacité respective, latolérance clinique et l’impact des
phages sur certains marqueurs biologiques. Enfin, ellepermet d’envisager la phagothérapie
comme un recours possible aux infections bactériennesrésistantes aux antibiotiques.
Une analyse plus précise de cette étude est présentée ci-dessous, sont issues dans («
Clinical aspect of phage therapy »[38].
36
1. Protocole thérapeutique et patients
Cent cinquante-sept patients, dont 68 femmes et 89 hommes, ont été admis à l’unité
dethérapiephagique (PTU : Phage Therapy Unit) entre janvier 2008 et décembre 2010
pourdiverses infections résistantes aux traitements antibiotiques. Plusieurs cas de figure
étaientpossibles :
•
Une infection causée par une bactérie multirésistante.
•
Une infection persistante malgré un traitement par des antibiotiques adaptés,
lorsquede l’avis de spécialiste, l’antibiothérapie était inefficace ou ne permettait
l’évolution escomptée.
•
L’impossibilité d’utiliser l’antibiotique de choix, de par une contre-indication absolue.
Seuls les patients âgés de plus de 18 ans qui ont signé un consentement écrit
pouvaientrecevoir le traitement phagique. Un prérequis indispensable au traitement était la
sensibilité dela bactérie, isolée depuis le site de l’infection, à au moins un phage de la
collection de l’Institut de Thérapie Immunologique et Expérimental. Les patients inclus dans
l’étude souffraient de diverses infections : infections génitales eturinaires, infections des tissus
mous, infections orthopédiques et infections de l’arbrerespiratoire. Les agents en cause de
l’infection étaient là encore différents. En majorité, il yavait une monoinfection à
Staphylococcus aureus (76 patients, dont 7 infections par SARM),puis des infections à
Enterococcusfaecalis(17 patients) et Escherichia coli (15 patients) etenfin des infections à
Pseudomonas aeruginosa(13 patients).
Des polyinfections, définies parla présence d’au moins deux bactéries pathogènes avant
le début de la thérapie phagique oupar l’apparition de nouveaux pathogènes entre les cycles
d’administration de phages, étaientégalement traitées. Parmi ces polyinfections, on retrouvait
notamment une co-infection parEnterococcusfaecalis et Escherichia coli (9 patients).
Les préparations phagiques dirigés contre Staphylococcus, Enterococcus, Escherichia
coli,Pseudomonas,
Klebsiella,
Enterobacter,
37
Proteus,
Citrobacter,
Salmonella
etStenotrophomonasont été administrées par voie topique, orale, intrarectale, intravaginale ou
par inhalation d’aérosols. Chez certains patients, des combinaisons associant voie orale et
topique ou voie intrarectale et topique ont été utilisées.
La voie topique inclut des préparations phagiques, administrées deux fois par jour en
gargarisme, en gouttes auriculaires, en gouttes ophtalmiques, en bain de siège, en irrigation
(vaginale, d’un abcès, d’une fistule) ou par des compresses humidifiées de préparations
phagiques.
Par voie orale, l’administration de 10 à 20 ml de préparations phagiques trois fois par
jour sefait au moins 30 minutes avant les repas. Dix millilitres d’une suspension orale de
carbonate sodique de dihydroxyaluminium, titrée à 68 mg/ml, sont administrés environ 20
minutes avant la préparation phagique, en vue de protéger les virions de l’inactivation par les
sucs gastriques.
Par voir rectale, les préparations phagiques sont administrées à une posologie de 10 à 20
mldeux fois par jour.
La durée maximale cumulée du traitement phagique est de 12 semaines. Cependant, le
traitement peut être prolongé de 12 semaines supplémentaires en cas d’infection persistante
malgré une bonne réponse au traitement. L’interruption du traitement par phages est
possibleen cas de raisons le justifiant (par exemple, si une nouvelle préparation phagique, plus
adaptée et efficace, est nécessaire). Si ces interruptions durent plus de 4 semaines, le
traitement phagique est alors divisé en cycles. Dans le cas d’une infection récidivante, une
nouvelle thérapie phagique peut être menée, à condition de respecter un arrêt de minimum 4
mois.
Pour chaque patient, seules des préparations contenant des phages lytiques dirigés
contre la souche bactérienne isolée sont utilisées. Cette propriété des phages est préalablement
vérifiée par l’observation de plages claires (plages de lyse) lorsqu’ils sont ensemencés sur les
colonies bactériennes en question. Parmi les phages actifs de la collection, celui présentant la
meilleure activité est sélectionné pour le traitement. Les préparations phagiques administrées
contiennent seulement une lignée virale.
38
Dans le cas d’une co-infection à deux souches bactériennes, il est alors possible de
préparerdes phages dirigés contre chacune des deux souches isolées. Le patient prend alors
alternativement les préparations monophagiques. Enfin, l’administration concomitante
d’antibiotiques dirigés contre la bactérie pathogène, ainsi que d’autres traitements liés aux
pathologies du patient, est autorisée[38].
2.
Méthode d’évaluation de l’efficacité de la thérapie phagique
L’efficacité de la thérapie phagique est évaluée par le praticien en s’appuyant sur les
résultats des tests de contrôle microbiologique, notamment les cultures bactériennes, sur des
dosages de contrôle, sur l’estimation de l’intensité des symptômes infectieux et d’après les
avis des spécialistes médicaux. Les résultats de la thérapie phagique sont classés selon sept
principales catégories :
•
A : L’éradication du pathogène (confirmée par les résultats des cultures bactériennes)
et/ou le rétablissement du patient (confirmé par la guérison de la plaie ou la disparition
totale des symptômes infectieux).
•
B : De bons résultats cliniques : une disparition presque totale des symptômes
infectieux confirmée par les résultats des tests laboratoires et associée à une
amélioration de la condition générale du patient à la fin de la thérapie phagique.
•
C : L’amélioration clinique : une réduction de l’intensité d’une partie des symptômes
de l’infection, à un niveau jamais atteint avant le traitement, à la fin de la thérapie
phagique ou à la fin d’un cycle de traitement.
•
D : L’amélioration cliniquement discutable : une réduction de l’intensité d’une partie
des symptômes de l’infection est observée mais est très modérée (une intensité
similaire pouvait être atteinte avant la thérapie phagique ou entre les cycles de thérapie
phagique), si bien que l’impact de la phagothérapie ne peut être clairement établi.
39
•
E : L’amélioration clinique transitoire : une réduction de l’intensité de certains
symptômes de l’infection observée seulement durant l’administration des préparations
phagiques mais qui ne dure pas à la fin du traitement.
•
F : L’absence de réponse au traitement phagique.
•
G : La détérioration clinique : une exacerbation des symptômes de l’infection à la fin
de la thérapie phagique.
En résumé, les catégories A à C peuvent être considérées comme une réponse
satisfaisante à la thérapie phagique et les catégories D à G comme une réponse insuffisante à
la thérapie phagique. Dans les cas où la thérapie est menée par cycles, l’évaluation des effets
cliniques du traitement est faite à l’issue de chaque cycle thérapeutique. Des échantillons sont
prélevés au moins une fois avant chaque cycle, chez tous les patients, pour effectuer des tests
bactériologiques. Des échantillons contrôles de culture bactérienne et de lysotypie sont
systématiquement réalisés lorsque des
signes de surinfection sont observés ou que les
résultats de la thérapie ne sont pas satisfaisants du point de vue du praticien. Là encore ces
échantillons sont prélevés entre les cycles dethérapie phagique ou à la fin du traitement. La
durée cumulée du traitement est calculée en additionnant le nombre de jours durant lesquels
les phages sont administrés au patient, indépendamment de la dose du traitementainsi que de
la voie d’administration. Pour évaluer l’influence de la voie d’administration surl’efficacité de
la thérapie phagique, les traitements par application vaginale et par inhalationsont analysés
séparément des autres administrations par voie topique.Les changements de concentration
sérique de protéine C-réactive, de la vitesse desédimentation érythrocytaire et du nombre de
globules blancs sont évalués à deux périodes dela thérapie phagique : tôt après le début du
traitement (entre les jours 5 à 8) et plus tard (entreles jours 9 à 32 du traitement). Les
paramètres hématologiques et biochimiques sont étudiés àquatre périodes de la thérapie :
entre 3 et 6 jours, puis entre 7 et 20 jours, entre 21 et 48 jourset enfin entre 49 et 84 jours de
thérapie cumulée. La moyenne des résultats obtenus durant cespériodes d’analyse est ensuite
calculée. Les résultats des tests réalisés juste avant la thérapiephagique servent de valeurs
témoins[38].
40
3.
Evaluation générale des résultats de la thérapie phagique
L’analyse de l’efficacité du traitement phagique se base sur 153 patients. L’observation
clinique n’a pas été possible chez 4 patients (sur les 157 patients de départ) puisque le
protocole de thérapie phagique a dû être interrompu. Les caractéristiques détaillées de
l’efficacité de la thérapie phagique sont données par le tableau suivant (tableau III).
L’analyse de cette figure montre qu’une bonne réponse au traitement phagique est
observée chez 61 patients, soit 39,9%. En particulier, l’éradication du germe pathogène ou le
rétablissement du patient est obtenu chez 28 patients, soit 18,3%. Cependant, une réponse
insuffisante au traitement est rapportée chez 98 patients, soit 60,1%. Il n’y a pas de différence
significative en ce qui concerne l’efficacité de la thérapie phagique entre les femmes et les
hommes (données non rapportées dans le tableau). De plus, la comparaison des résultats
obtenus entre les patients ayant une monoinfection (123 patients) et ceux ayant une
polyinfection (30 patients), ne révèle pas de différence significative d’efficacité de la thérapie
phagique, que ce soit en termes de pourcentage de bonnes réponses au traitement, ou de taux
d’éradication du germe pathogène ou encore de rétablissement du patient.
Les préparations phagiques qui ont été les plus administrées sont celles ayant des
phages dirigés sélectivement contre Staphylococcus (51,6%), Enterococcus(11,1%),
Escherichia coli (11,1%) et Pseudomonas (9,8%). L’efficacité de la thérapie phagique varie
considérablement selon le type de préparation (figure 28). Le plus important pourcentage de
bonnes réponses au traitement (64,7%), ainsi que le plus haut taux d’éradication du germe
pathogène et/ou rétablissement du patient (47,1%) sont obtenus avec les phages dirigés contre
Enterococcus. Leur efficacité thérapeutique est significativement plus élevée que celle des
phages dirigés contre Staphylococcus (36,7% de bonnes réponses à la thérapie phagique, р =
0,035) et que celle des phages dirigés contre Pseudomonas (20% de bonnes réponses, р =
0,029)[38].
41
42
Tableau III : Evaluation générale des résultats de la thérapie phagique[38]
Type d'infection
Catégorie de réponse au
usage d'antibiotiques
évaluation
Mono-
Poly-
générale
infection
infections
(n=153)
(n=123)
(n=30)
ATB
Sans ATB
utilisé
(n=109)
pendant
PT (n=44)
n
%
N
%
n
%
n
%
n
%
28
18,3
22
17,9
6
20
22
20,2
6
13,6
B- Bon résultat clinique
13
8,5
11
8,9
2
6,7
7
6,4
6
13,6
C- Amélioration clinique
20
13,6
14
11,4
6
20
15
13,8
5
11,4
10
6,5
8
6,5
2
6,7
8
7,3
2
4,6
33
21,6
27
22
6
20
22
20,2
11
25
F- Aucune réponse au traitement
39
25,5
32
26
7
23,3
28
25,7
11
25
G- Détérioration clinique
10
6,5
9
7,3
1
3,3
7
6,4
3
6,8
Bonne réponse (A-C)
61
39,9
47
38,2
14
46,7
44
40,4
17
38,6
92
60,1
76
61,8
16
53,3
65
59,6
27
61,4
traitement
A- Eradication et/ou récupération
de l'agent pathogène
D- Amélioration clinique
douteuse
E- Amélioration clinique
transitoire
Réponse inadéquate (Total DG)
L’évaluation générale de la phagothérapie montre une réponse satisfaisante chez 61
patients, avec uneéradication du pathogène/rétablissement complet du patient chez 28 sujets,
de bons résultats cliniqueschez 13 sujets et une amélioration clinique chez 20 patients. Au
contraire, une réponse insuffisante estobservée chez 92 patients : 10 patients ont une
43
amélioration clinique discutable, 33 patients présententune amélioration clinique transitoire,
39 patients n’ont pas de réponse au traitement et 10 patients voient leur état clinique se
détériorer. Il n’y a pas de différences significatives entre les patients ayant une monoinfection
(123 patients) et ceux ayant une polyinfection (30 patients) en ce qui concerne les bonnes
réponses au traitement phagique (respectivement 38,2% et 46,7% de bonnes réponses) et les
réponses insuffisantes (respectivement 61,8% et 53,3% de réponses insuffisantes). A noter
que les patients polyinfectés sont définis par la présence d’au moins deux bactéries
pathogènes différentes avant le début de la thérapie phagique, ou par l’apparition d’un
nouveau pathogène entre deux cycles de thérapie phagique. De manière plus détaillée, aucune
des sept catégories (de A à G) ne révèle des modifications statistiquement significatives.
Enfin, parmi les 109 patients traités seulement par phages, il y a 40,4% de bonnes réponses au
traitement (44 patients) et 59,6% de réponses inadéquates (65 patients). Lorsque la
phagothérapie est associée à d’autres antibactériens (antiseptiques et/ou antibiotiques) (44
patients), une bonne réponse est observée dans 38,6% des cas (17 patients) et une réponse
inadéquate
dans
61,4%
(27
patients).
En
conclusion,
l’administration
conjointe
d’antibactérien n’impacte pas (n’augmente notamment pas) l’efficacité du traitement
phagique. De même, aucune des sept catégories ne montre des différences statistiquement
significatives entre les patients traités uniquement par phages et ceux traités par phages et
antibactériens.
44
Tableau IV : Evaluation des résultats de la thérapie phagique en fonction des
principales préparations phagiques utilisées[38]
Préparations de
Préparations de
Préparations de
Préparations de
phage de
phage
phage
phage de
d’E.coli(n=17)
Pseudomonas
Staphylocoque d'Enterocoque(n=17)
(n=79)
Catégorie de réponse au
(n=15)
n
%
n
%
n
%
n
%
12
15,2
8
47,1
2
11,8
1
6,7
B- Bon résultat clinique
7
8,9
2
11,8
1
5,9
1
6,7
C- Amélioration clinique
10
12,7
1
5,9
3
17,6
1
6,7
6
7,6
0
0
0
0
1
6,7
18
22,8
0
0
6
35,3
6
40
20
25,3
6
35,3
5
29,4
2
13,3
G- Détérioration clinique
6
7,6
0
0
0
0
3
20
Bonne réponse (A-C)
29
36,7
11
64,7
6
35,3
3
20
50
63,3
6
35,3
11
64,7
12
80
traitement
A- Eradication et/ou
récupération de l'agent
pathogène
D- Amélioration clinique
douteuse
E- Amélioration clinique
transitoire
F- Aucune réponse au
traitement
Réponse inadéquate (Total
D-G)
Des préparations phagiques dirigées contre les Entérocoques ont été utilisées chez 17
patients, avec de bonnes réponses pour 11 d’entre eux et des réponses insuffisantes chez 6
patients. En particulier, on retrouve une éradication du pathogène et/ou rétablissement
complet chez 8 patients, de bons résultats cliniques chez 2 patients, une amélioration clinique
45
chez un patient et une absence de réponse à la phagothérapie chez 6 patients. Ces préparations
ont été les plus efficaces. Les préparations phagiques dirigées contre Escherichia coli (11
patients) ont amené des réponses satisfaisantes chez 6 patients avec en particulier une
éradication du pathogène et/ou un rétablissement pour 2 d’entre eux. Les réponses
insuffisantes (11 patients) comportent des améliorations cliniques transitoires (6 patients) et
des absences de réponse au traitement (5 patients). Les chiffres rapportés pour les
préparations dirigéescontre les staphylocoques (79 patients) sont proches. De bonnes réponses
à la phagothérapie ont étéobservées chez 29 patients avec notamment une éradication du
pathogène et/ou rétablissement chez 12patients, de bons résultats cliniques chez 7 patients et
une amélioration clinique chez10patients. Lesréponses non satisfaisantes (50 patients) mettent
en évidence une amélioration clinique transitoire chez18 sujets, une absence de réponse à la
phagothérapie chez 20 sujets et une détérioration clinique chez 6sujets. Enfin, les moins bons
résultats reviennent aux préparations phagiques dirigées contrePseudomonas (15 patients). En
effet, il y a seulement 3 patients qui présentent de bonnes réponses à laphagothérapie, dont
une éradication du pathogène et/ou rétablissement du patient. Les réponsesinsuffisantes (12
patients) sont principalement représentées par des améliorations cliniques transitoires (6
patients). Mais, il faut également souligner une absence de réponse au traitement chez 2
patients etune détérioration clinique chez 3 patients.
Une question importante est de savoir si la voie d’administration des préparations
influence l’efficacité du traitement. Le tableau suivant (figure 29) présente les résultats
obtenus avec les différentes voies d’administration, ainsi qu’avec l’association de plusieurs de
ces voies (si au moins 3 patients ont reçu le traitement avec cette association).
La plus importantepourcentage de bonnes réponses au traitement a été trouvé chez les
patients recevant le traitement par voie orale (72,2% de bonnes réponses), tandis que le taux le
plus élevé d’éradication du germe pathogène et/ou rétablissement du patient a été observé
chez les patients recevant le traitement par voie intrarectale (44%). La différence d’efficacité
de la thérapie entre les patients recevant le traitement par voie orale et ceux recevant le
traitement par voie topique (28,6% de bonnes réponses) est statistiquement significative (р =
0,012). De plus, l’administration intrarectale des préparations phagiques et l’association
46
d’administration par voie orale et topique sont significativement plus efficaces que la voie
topique seule (respectivement р = 0,026 et р = 0,0312).
Chez 44 patients du protocole (28,8%), la thérapie phagique a été utilisée en association
à d’autres agents antibactériens, que ce soit simultanément ou entre les cycles
d’administration phagique. Les agents utilisés regroupent des antibiotiques (41 patients), des
désinfectants (9 patients) et/ou des produits à base de plantes utilisées lors de certaines
infections (4 patients). Ces agents peuvent être utilisés séparément ou en association. Dans la
majorité des cas, ils sont administrés en continuité de l’antibiothérapie, débutée avant la
thérapie phagique, ou pendant la thérapie phagique à cause de l’aggravation des symptômes
de l’infection (25 cas). Chez d’autres sujets, ils ont été administrés suite à l’apparition d’une
nouvelle infection non relative à la thérapie phagique (7 patients), pour pallier au manque de
phage lytique dirigé contre un ou plusieurs germes pathogènes chez des patients ayant une
polyinfection (5 patients), lors d’une surinfection développée au cours de la thérapie phagique
(5 patients), ou lors de l’aggravation des symptômes de l’infection entre les cycles de thérapie
phagique (2 patients). La comparaison de l’efficacité de la thérapie phagique chez les patients
traités uniquement par phages et ceux recevant une association phage/agent antibactérien ne
montre pas de différences significatives. En effet, on retrouve 40,9% de bonnes réponses au
traitement chez les patients traités par phages et 38,6% chez ceux recevant l’association
phages/agents antibactériens. Le taux d’éradication du pathogène est même plus élevé chez
les patients traités par phages seuls que chez les patients traités par l’association
phages/agents antibactériens (13,6%). Cependant, la différence entre les deux groupes
n’estpas statistiquement significative. En apparence donc, l’utilisation d’agents antibactériens
par les patients durant la thérapie phagique n’a pas influencé le résultat de lathérapie[38].
47
Tableau V : Evaluation des résultats de la thérapie phagique en fonction de lavoie
d’administration des préparations[38]
Topique(n=70)
Orale
Orale /
Rectale
Rectale /
(n=11)
Topique
(n=18)
Topique
(n=22)
Catégorie de
réponse au
traitement
A- Eradication
et/ou
récupération de
l'agent pathogène
B- Bon résultat
clinique
C- Amélioration
clinique
D- Amélioration
clinique douteuse
E- Amélioration
clinique
transitoire
F- Aucune
réponse au
traitement
G- Détérioration
clinique
Bonne réponse
(A-C)
Réponse
inadéquate
(Total D-G)
n
%
n
9
12,9
3
5
7,1
6
%
(n=6)
d'aérosol
(n=14)
(n=3)
%
n
%
n
%
n
%
n
%
27,3 4
18,2
8
44,4
3
21,4
1
16,7
0
0
4
36,4 1
4,5
1
5,6
1
7,1
0
0
1
33,3
8,6
1
9,1
7
31,8
1
5,6
1
7,1
2
33,3
0
0
5
7,1
0
0
2
9,1
0
0
2
14,3
0
0
1
33,3
19
27,1
1
9,1
4
18,2
2
11,1
2
14,3
1
16,7
0
0
18
25,7
2
18,2 4
18,2
6
33,3
5
35,7
2
33,3
0
0
8
11,4
0
0
0
0
0
0
0
0
1
33,3
20
28,6
8
72,7 12 54,5
10
55,6
5
35,7
3
50
1
33,3
50
71,4
3
27,3 10 45,5
8
44,4
9
64,3
3
50
2
66,7
0
n
Vaginale Inhalations
0
48
Le tableau présente les voies d’administration de la phagothérapie, ou leurs
associations, utilisées chez au moins 3 patients. Dans le cas d’associations, les voies
d’administration peuvent être utilisées de manière concomitante ou consécutive. La voie orale
seule (11 patients) permet d’obtenir le meilleur pourcentage de bonnes réponses au traitement
phagique (8 patients soit 72,7%), avec en particulier 3 patients chez qui une éradication du
pathogène et/ou rétablissement a été possible et 4 patients pour lesquels de bons résultats
cliniques ont été obtenus. La voie rectale seule (18 patients) permet également d’obtenir de
bonnes réponses (10 patients, soit 55,6%), avec notamment 8 cas d’éradication du pathogène
et/ou rétablissement complet. Les cas de réponses insuffisantes (8 patients soit 44,4%) sont
principalement représentés par des absences de réponse au traitement (6 patients).
L’association des voies orales et topiques (22 patients) est génératrice de bonnes réponses
chez 12 patients (54,5%) : une éradication du pathogène et/ou rétablissement complet chez 4
patients et une amélioration clinique chez 7 patients. Les 10 patients pour lesquels la réponse
au traitement a été insuffisante regroupent des améliorations cliniques transitoires (4 patients),
des améliorations cliniques discutables (2 patients) et une absence de réponse à la
phagothérapie (4 patients). La voie vaginale (6 patients) présente autant de bonnes réponses
au traitement que de réponses inadéquates. L’association des voies rectales et topiques (14
patients) entraîne des résultats contrastés : 35,7% de bonnes réponses, dont 21,4%
d’éradication du pathogène et/ou rétablissement complet, mais 64,3% de réponses
inadéquates, dont 35,7% d’absence de réponse autraitement.
La voie topique a été largement utilisée (70 patients) mais n’a pas montré une grande
efficacité : 28,6% de bonnes réponses (20 patients) contre 71,4% de réponses inadéquates (50
patients). En particulier, une éradication du pathogène et/ou rétablissement complet a été
observée chez 9 patients, mais les améliorations cliniques transitoires (19 patients), les
absences de réponse au traitement (18 patients) et surtout les détériorations cliniques (8
patients) ont étéfréquentes.
La voie pulmonaire est difficile à juger parce que l’inhalation d’aérosols a été utilisée
chez 3 patients seulement. A noter, un bon résultat clinique mais, a contrario, une
détérioration de l’état clinique d’un patient.
49
Une autre question importante est de savoir s’il existe une corrélation entre la durée de la
thérapie phagique et son efficacité. L’analyse se base sur 149 patients, chez qui la date de la
dernière administration de phages est connue. La durée cumulée du traitement (somme des
jours où le traitement a été administré) varie considérablement selon les résultats de la
thérapie phagique, l’apparition d’effets indésirables et la voie d’administration employée. La
durée cumulative moyenne du traitement est de 55 jours. La durée minimale du traitement est
de 3 jours et la durée maximale est de 328 jours. D’après les données obtenues, il n’y a pas de
corrélation significative entre la durée du traitement et son efficacité (tableau 6)[38].
Tableau VI : Durée cumulée du traitement phagique[38]
Catégorie de réponse au
traitement
Numéro
de
patients
A- Eradication et/ou récupération
de l'agent pathogène
27
43
6
165
B- Bon résultat clinique
13
71
21
165
C- Amélioration clinique
19
87
12
209
D- Amélioration clinique
douteuse
10
68,5
14
161
E- Amélioration clinique
transitoire
33
63
16
328
F- Aucune réponse au traitement
37
46
4
144
G- Détérioration clinique
10
34,5
3
89
Total :
149
55
3
328
50
Moyenne Minimum maximum
(jours)
(jours)
(jours)
L’éradication du pathogène et/ou le rétablissement complet, obtenue chez 27 patients,
s’opère en moyenne plus rapidement que les bons résultats cliniques (catégorie B) et
l’amélioration clinique (catégorie C) (respectivement 43 jours en moyenne, contre 71 jours
et 87 jours). De la même manière, le nombre minimum de jours pour obtenir ces réponses
est plus court dans le cas d’éradication du pathogène (6 jours) que dans le cas d’un bon
résultat clinique (21 jours) ou de l’amélioration clinique (12 jours). Parallèlement, et de
manière assez prévisible, l’absence de réponse au traitement et la détérioration clinique sont
les plus rapides des réponses insuffisantes (respectivement 46 jours et 34,5 jours en
moyenne). Les améliorations cliniques discutables et transitoires sont des réponses plus
lentes à se mettre en place et relativement proches en durées moyennes (68,5 jours et 63
jours en moyenne). Enfin, la durée globale moyenne du protocolephagique est de 55 jours.
La durée minimale du traitement est de 3 jours (elle correspond à une détérioration clinique)
et la durée maximale est de 328 jours (elle correspond à une amélioration clinique
transitoire).
4. Evaluation détaillée de la phagothérapie
Une analyse comparative des résultats obtenus chez 152 patients est réalisée en fonction
du type d’infection contractée. Les infections sont réparties en 6 catégories (tableau VII)
:infections génitales et urinaires de l’homme (29 patients), infections génitales et urinaires
dela femme (22 patientes), infections des tissus mous (30 patients), infections cutanées
(10patients), infections orthopédiques (37 patients) et infections respiratoires (24 patients).
Unpatient souffrant de bactériémie récurrente à Enterococcusfaecalisest exclu (car il
n’entredans aucune des six catégories du tableau). Il est traité par des phages dirigés contre
entérocoques par voie orale et par antibiotiques. Une bonne réponse au traitement
estobtenue.Une bonne réponse à la thérapie phagique a été obtenue chez 48,3% des
hommesayant uneinfection génitale ou urinaire, 45,9% des patients ayant une infection
orthopédique, 36,7% despatients ayant une infection des tissus mous, 36,4% des femmes
51
ayant uneinfection génitaleou urinaire, 30% des patients ayant une infection cutanée et 29,2%
des patients avec uneinfection de l’arbre respiratoire. Cependant, les différences d’efficacité
des traitementsphagiques en fonction du type d’infections ne sont pas statistiquement
significatives.Le plus haut taux d’éradication du pathogène et/ou rétablissement du patient est
obtenu chezles hommes ayant une infection génitale ou urinaire (37,9%). Cette valeur est très
largementsupérieure au taux d’éradication du pathogène et/ou rétablissement des patients
ayant uneinfection de l’arbre respiratoire ou une infection cutanée (respectivement 8,3% et
0%). Ladifférence est cette fois statistiquement significative (respectivement р = 0,01 et р =
0,021)[38].
52
Figure VII : Evaluation des résultats de la thérapie phagiqueen fonction du type
d’infection des patients[38]
Catégorie de réponse au
Infections
Infections
Infections
Infections
Infections
Infections
des voies
des voies
des tissus
cutanées
orthopédiques
des voies
génitales et
génitales et
mous
(n=10)
(n=37)
respiratoires
urinaires
urinaires
(n=30)
chez
chez la
l'homme
femme
(n=29)
(n=22)
(n=24)
n
%
n
%
n
%
n
%
n
%
n
%
11
37,9
3
13,6
5
16,7
0
0
7
18,9
2
8,3
B- Bon résultat clinique
2
6,9
0
0
2
6,7
2
20
3
8,1
3
12,5
C- Amélioration clinique
1
3,4
5
22,7
4
13,3
1
10
7
18,9
2
8,3
2
6,9
0
0
2
6,7
0
0
3
8,1
3
12,5
5
17,2
4
18,2
8
26,7
5
50
8
21,6
3
12,5
8
27,6
10
45,5
6
20
1
10
7
18,9
7
29,2
G- Détérioration clinique
0
0
0
0
3
10
1
10
2
5,4
4
16,7
Bonne réponse (A-C)
14
48,3
8
36,4
11
36,7
3
30
17
45,9
7
29,2
Réponse inadéquate (Total D-G)
15
51,7
14
63,6
19
63,3
7
70
20
54,1
17
70,8
traitement
A- Eradication et/ou
récupération de l'agent
pathogène
D- Amélioration clinique
douteuse
E- Amélioration clinique
transitoire
F- Aucune réponse au
traitement
53
Les hommes atteints d’infections génitales et urinaires (29 patients) regroupent 13 cas
de prostatite bactérienne chronique, 10 cas d’infections urinaires et 6 cas de prostatite
chronique associée à une infection urinaire. Cette catégorie répond de manière positive au
traitement dans 48,3% des cas, dont 37,9% d’éradication du pathogène et/ou rétablissement
complet. Les réponses inadéquates (51,7%) sont majoritairement une absence de réponse au
traitement (27,6%) et une amélioration clinique transitoire (17,2%). Les femmes atteintes
d’infections génitales et urinaires (22 patientes) regroupent 14 cas d’infection urinaire, 3 cas
d’infection vaginale et 5 cas d’infection urinaire associée à une infection vaginale. Les bonnes
réponses au traitement (8 patientes) sont matérialisées par 3 cas d’éradication du pathogène
et5 cas d’amélioration clinique. Les réponses inadéquates (63,6%) sont constituées par
patientes ayant une amélioration clinique transitoire et 10 patientes ne répondant pas au
traitement. Les infections des tissus mous (30 cas) regroupent des infections post-opératoires
(6 patients), des ulcères de la jambe (8 cas), des abcès et phlegmon (5 cas) et des infections
des tissus profonds (11 cas). Les bonnes réponses au traitement (36,7%) se manifestent
principalement par une éradication du pathogène (5 patients) et une amélioration clinique (4
patients). Les réponses insuffisantes (19 patients) sont liées à une amélioration clinique
transitoire (8 patients), à une absence de réponse au traitement (6 patients) et à une
détérioration clinique (3 patients). Les infections cutanées (10 patients) regroupent des
infections auriculaires externes (3 patients), des infections locales (3 patients), une dermatite
atopique compliquée par une infection staphylococcique (1 patient), un cas d’acné, un cas
d’eczéma surinfecté et un cas de furonculose. De bons résultats cliniques sont obtenus chez 3
patients seulement. Cependant, les réponses inadéquates sont majoritairement représentées par
des améliorations cliniques transitoires (5 patients). A noter, une absence de réponse au
traitement chez un patient et une détérioration clinique chez un autre patient. Les infections
orthopédiques (37 patients) regroupent les infections des prothèses articulaires (8 patients), les
ostéomyélites (21 patients), les infections articulaires (5 patients), l’association d’ostéomyélite
et d’infection articulaire (2 patient) et une discite (1 patient). Les réponses favorables au
traitement sont obtenus chez 17 patients dont 7 cas d’éradication du pathogène et/ou
rétablissement complet. Les réponses inadéquates (20 patients) sont dominées par les
54
améliorations cliniques transitoires (8 patients) et l’absence de réponse au traitement (7
patients). Il faut souligner 2 cas dedétérioration clinique lors du traitement. Enfin, les
infections respiratoires (24 patients) regroupent des infections de l’arbre respiratoire supérieur
(17 patients), des infections de l’arbre respiratoire inférieur (4 patients) et 3 cas d’infections
mixtes. Les réponses au traitement sont moyennes dans l’ensemble : 7 cas d’amélioration
clinique et 17 cas de réponses défavorables dont 7 cas d’absence de réponse au traitement et 4
cas de détériorationclinique[38].
5. Sécurité de la thérapie phagique
L’étude
menée
par
l’Institut
de
Thérapie
Expérimentale
Immunologique
LudwikHirszfeld(IIET) entre 2008 et 2012 s’est intéressée aux effets indésirables potentiels
de la thérapie phagique. De la même manière que précédemment, les figures 38 à 40 sont
issues de cette étude (« Clinical aspect of phage therapy »[38].
a. Effets de la thérapie phagique sur les marqueurs inflammatoires
L’impact de la thérapie phagique, en réponse à une infection, sur les marqueurs de
l’inflammation a été étudié par deux analyses statistiques. Les marqueurs permettant les
études sont la vitesse de sédimentation, le taux de protéine C réactive et de leucocytes. Dans
chacune des études, les paramètres sont étudiés après respectivement 5 à 8 jours, puis 9 à 32
jours de phagothérapie. Les résultats sont ensuite comparés à ceux trouvés lors du
prélèvement réalisé juste avant le début de la phagothérapie (Tableau VIII).
La première analyse (groupe A) inclut tous les patients chez qui les données ont pu être
collectées avant, pendant et/ou après la thérapie phagique, quel que soit le type d’infection et
l’administration conjointe ou non d’agents antibactériens. La comparaison des marqueurs de
l’inflammation avant le début de la thérapie phagique et pendant l’administration de phages
ne
révèle
pas
de
différences
significatives.
En
particulier,
on
n’observe
pas
d’hyperleucocytose qui témoignerait d’un phénomène inflammatoire (et/ou infectieux) au
55
cours du traitement phagique, ni de leucopénie qui traduirait un déficit immunitaire. La
vitesse de sédimentation érythrocytaire (test de dépistage des maladies inflammatoires et
cancéreuses) et la concentration sanguine en protéine C réactive (marqueur précoce, sensible
et spécifique de la réaction inflammatoire, augmentant proportionnellement à son intensité)
sont assez élevées avant le début du traitement phagique et ne sont pas modifiées
significativement par l’administration de phages.
Tableau VIII : Influence de la thérapie phagique sur les marqueurs de l’inflammation[38].
Biomarqueur
Nombre WBC
(10³/mm³)
Tous les patients (A)
Référence :
après 5-8 jours :
Référence :
Après 9-32 jours
Référence :
Sédimentation des
Groupes sélectionnés (B)
n
Signification
±SE
n
32
6,5
±0,3
15
7
±0,3
32
6,7
±0,4
15
7,6
±0,5
110
7
±0,2
46
7,1
±0,3
46
7,3
±0,3
110
6.9
±0,2
30,1
±6,9
22
Après 5-8 jours :
22
29,0
Signification
±SE
12
42,4
±10,1
12
43,3
±9,6
±6,5
érythrocytes
Taux (mm/hr)
Protéine C-réactive
Référence :
77
24,4
±3,1
31
34,8
±5,6
Après 9-32 jours :
77
23,9
±3,0
31
36,1
±5,7
Référence :
22
8,3
±2,5
12
13,7
±4,1
Après 5-8 jours :
22
9,0
±2,7
12
14,7
±4,4
Référence :
79
10,3
±1,6
36
16,2
±2,9
Après 9-32 jours :
79
11,1
±1,6
36
16,7
±3,0
La colonne A (tous les patients) regroupe tous les patients pour lesquels des résultats
pertinents ont été obtenus selon un protocole similaire. La colonne B (groupes sélectionnés)
regroupe seulement des patients atteints d’ostéomyélites, d’infections orthopédiques (dont les
infections de prothèse orthopédique), cutanées, des tissus mous ou de l’arbre respiratoire bas,
56
traités uniquement par phages pendant toute la durée du protocole. Les données présentées ont
été obtenues selon un protocole similaire. n est le nombre de patients de chaque catégorie.
Le « WBC count » est le taux de leucocytes. Les valeurs normales sont comprises entre
4 et 10 G/L, soit 4000 à 10 000/mm3. Les résultats obtenus ne montrent pas de modifications
significatives du taux de leucocytes par le traitement phagique : le taux de leucocytes est
respectivement de 6700/mm3 après 5 à 8 jours de traitement (valeur contrôle : 6500/mm3; 32
patients) et de 6900/mm3 après 9 à 32 jours de traitement (valeur contrôle : 7000/mm3 ; 110
patients) pour l’ensemble des patients. Chez les patients traités uniquement par phages, le taux
de leucocytes est de 7600/mm3 après 5 à 8 jours de traitement phagique (valeur contrôle :
7000/mm3 ; 15 patients) et de 7300/mm3 après 9 à 32 jours (valeur contrôle 7100/mm3 ; 46
patients).
La vitesse de sédimentation érythrocytaire est exprimée en millimètre par heure (mm/h).
Les vitesses « normales » sont inférieures à 15 mm/h chez l’homme de moins de 50 ans et
inférieures à 20 mm/h chez l’homme de plus de 50 ans. Chez les femmes, les valeurs
normales sont inférieures à 20 mm/h chez les patientes de moins de 50 ans et inférieures à 30
mm/h chez les patientes de plus de 50 ans. On ne remarque pas de modifications significatives
de la vitesse de sédimentation érythrocytaire chez les patients au cours du traitement
phagique. Chez l’ensemble des patients, la vitesse de sédimentation érythrocytaire est de 29
mm/h après 5 à 8 jours de traitement (valeur contrôle : 30,1 mm/h ; 22 patients) et de 23,9
mm/h après 9 à 32 jours de traitement (valeur contrôle 24,4 mm/h ; 77 patients). Chez les
patients traités uniquement par phages, la vitesse de sédimentation érythrocytaire est de
43,3mm/h après 5 à 8 jours de traitement (valeur contrôle : 42,4 mm/h ; 12 patients) et de 36,1
mm/h après 9 à 32 jours de traitement (valeur contrôle : 34,8 mm/h ; 31 patients). On
remarque une diminution globale de la vitesse de sédimentation érythrocytaire, que ce soit
chez l’ensemble des patients ou chez les patients traités uniquement par phages.
La concentration sanguine en protéine C réactive (CRP) est normalement inférieure à 6
mg/L. Le traitement phagique n’impacte pas significativement ce marqueur biologique de
l’inflammation. Chez l’ensemble des patients, la concentration en CRP est de 9 mg/L après 5
à 8 jours de traitement (valeur contrôle : 8,3 mg/L ; 22 patients) et de 11,1 mg/L (valeur
57
contrôle : 10,3 mg/L ; 79 patients). Chez les patients traités uniquement par phages, la
concentration en CRP est de 14,7 mg/L après 5 à 8 jours de traitement (valeur contrôle 13,7
mg/L ; 12 patients) et de 16,7 mg/L (valeur contrôle : 16,2 mg/L ; 36 patients). Les
concentrations élevées de CRP peuvent s’expliquer par le phénomène infectieux.
La seconde analyse (groupe B) s’intéresse aux patients ayant des infections
orthopédiques, des infections cutanées, des infections des tissus mous ou de l’arbre
respiratoire bas, chez qui aucun autre agent antibactérien (que le phage) n’a été administré.
Elle inclut au total 62 patients, dont 70% ont une infection à Staphylococcus aureus. Là
encore, l’analyse statistique ne montre pas de modifications significatives des marqueurs de
l’inflammation au cours du traitement phagique.
Cependant, une réduction significative de la concentration de protéine C-réactive de
22,5%(de 26,2 mg/L à 20,3 mg/L ; p = 0,006) a été observée chez un sous-groupe de patients
(26patients) après 9 à 32 jours de thérapie phagique. Ce sous-groupe a été constitué en
fonctiondes concentrations en CRP des patients. Seuls les patients, ayant une concentration en
CRPsupérieure à 25 mg/L, ont été sélectionnés.
En conclusion, on peut considérer un impact très modéré de la thérapie phagique sur les
marqueurs inflammatoires lorsqu’ils sont dans des proportions normales ou subnormales.
L’impact pourrait être légèrement plus important lorsque le processus inflammatoire est plus
marqué. La phagothérapie pourrait alors participer à réduire le processus inflammatoire.
b. Effets indésirables de la thérapie phagique[38] :
Les principaux effets indésirables de la thérapie phagique dans cette étude sont
dessymptômes digestifs, des réactions locales au site d’administration phagique, des
surinfectionset une élévation de la température corporelle.
•
Symptômes digestifs
Les symptômes digestifs sont étudiés chez les patients recevant le traitement phagique par
58
voie orale (11 patients recevant le traitement phagique par voie orale seule et 22 patients
recevant le traitement phagique par voies orale et topique, soit 33 patients au total). Les
principaux effets relevés sont des nausées (3 patients sur 33 soit 9%), des
douleursabdominales chez un patient et une réduction de l’appétit chez un autre patient. De
plus, cinq patients ont noté un gout désagréable de la préparation phagique administrée.
•
Réactions locales au site d’administration
Les réactions locales au site d’administration de la préparation phagique sont observées
chez
26 des 141 patients traités (soit 18,4%). Les préparations concernées sont des gouttes
nasales, des compresses imprégnées, des bains de siège, des gargarismes, des irrigations
fistulaires ou vaginales et des suppositoires. Les réactions rapportées sont, pour la plupart,
mineures : rougeurs, picotements, démangeaisons, douleurs locales, irritations cutanées,
sentiment d’inconfort suite à l’irrigation vaginale, sècheresse et irritation des muqueuses de
l’arbre respiratoire supérieur, aggravation d’une dermatite atopique (chez 1 patient), urticaire
(chez 1 patient) et cloques purulentes (chez 1 patient). La sensation de picotements et de
douleur locale a été rapportée chez 8 patients. Dans une grande majorité de cas, ces réactions
sont des épisodes brefs (jusqu’à 30 minutes) et transitoires : elles cessent après plusieurs jours
d’administration phagique ou lors du remplacement de la préparation phagique par une autre.
Le protocole a dû être interrompu chez 2 sujets (soit 1,4%) à cause de fortes réactions locales
: dans un cas il s’agit d’importantes douleurs locales persistantes et dans l’autre cas d’une
aggravation de la dermatite atopique au site d’administration du phage. Les composants des
préparations phagiques responsables des réactions observées n’ont pas été identifiés par les
auteurs.
•
Surinfection
Une surinfection nécessitant la modification du traitement phagique, un arrêt de la
phagothérapie ou l’administration supplémentaire d’antibiotiques ou d’antifongiques,
s’estdéveloppée chez 7 des 153 patients analysés (soit 4,6%). Chez 5 de ces patients, la
59
préparation phagique a été administrée uniquement par voie topique. Par ailleurs, une
candidose a été diagnostiquée chez deux patients. Le risque de surinfection n’est pas
uneconséquence directe de l’administration de phages. Cependant, le spectre d’action étroit
despréparations monophagiques exposent les patients à de tels risques. L’administration de
cocktails phagiques, permettant d’élargir le spectre d’action, pourrait minimiser le risque
desurinfection.
Enfin, pour un patient, l’arrêt de la thérapie phagique s’est imposé au bout de 9 jours en
raison d’une importante exacerbation des symptômes inflammatoires, associant oedème et
douleur au niveau du site de l’infection. La nature de l’infection de départ (germe et site
infectieux) chez ce patient n’est pas précisée par les auteurs.
•
Elévation de la température corporelle
Une élévation de la température corporelle est observée chez 10 des 153 patients (soit
6,5%).
Chez cinq patients, il s’agit d’une température subfébrile (entre 37° et 38°C) et chez les
cinq autres d’une température fébrile (> 38°C). Cet effet indésirable fait suite à
l’administration dephages par voie topique (5 patients), par l’association des voies topique et
orale (2 patients),par voie orale seule (1 patient), par voie rectale (1 patient) et par inhalation
d’aérosols (1patient). L’élévation de la température apparait quelques heures seulement
aprèsl’administration de la première dose de phages. Dans la majorité des cas (9 patients),
latempérature corporelle est revenue à la normale soit spontanément, ou suite à
l’administrationd’antipyrétique(s) ou du remplacement de la préparation phagique. Au
contraire, l’élévationde la température corporelle a nécessité l’arrêt du protocole phagique
chez un patient. Cetteélévation était importante et persistante malgré l’administration
d’antipyrétiques. L’arrêt dutraitement phagique a coïncidé avec un retour à la normale de la
température corporelle.Les composants responsables de cette élévation de température
corporelle n’ont pas étéidentifiés par les auteurs. De plus, le pourcentage de pureté des
préparations administréesn’est pas mentionné. On ne peut donc pas exclure que les
préparations phagiques soient dépourvues de substances pyrogènes d’origine bactérienne
60
(comme les LPS). La lyse bactérienne in situ, par les phages, pourrait également entraîner une
libération de substances pyrogènes. Enfin, il est également possible qu’un ou plusieurs
composant(s) de la préparation phagique induise(nt) une élévation de la température
corporelle via la synthèse de cytokines impliquées dans la régulation thermique.
V. Pharmacologie de la thérapie phagique
À l’orée de la découverte du pouvoir thérapeutique des bactériophages, avant même de
bien connaître la nature exacte de ces virus, quelques études se sont penchées sur leur
pharmacologie. Les nombreuses lacunes scientifiques de l’époque ont quelque peu faussé
certaines interprétations de ces travaux, mais les résultats demeurent pour le moins
intéressants.
1 .Pharmacocinétique
La pharmacocinétique traite du devenir d’une substance au sein d’un organisme. Elle se
divise en quatre phases [39] :
- l’absorption : la substance passe du milieu extérieur vers la circulation sanguine ;
- la diffusion : la substance, passée dans la circulation systémique, va migrer dans les
différents organes, en se liant ou non à des protéines plasmatiques ;
- la métabolisation : la substance est transformée par les organes du corps ;
- l’élimination : la substance, inchangée ou transformée lors de la métabolisation, est
éliminée de l’organisme.
•
Absorption :
Lors de la phase d’absorption, la molécule doit être capable de traverser les membranes
biologiques pour atteindre la circulation systémique. Il peut s’agir des parois stomacale ou
intestinale, de la peau, de muqueuse diverses, …
Au début des études pharmacologiques, quelques travaux ont mis en évidence la
présence de phages dans la circulation sanguine des animaux et des humains, qu’ils soient
malades ou sains. Les scientifiques se sont alors interrogés sur l’origine de cette « phagémie »
61
et ont étudié la possibilité d’un passage de la barrière gastro-intestinale par les phages, qu’ils
ont nommé « translocation phagique ». La durée déterminée pour ce passage varie d’une
étude à l’autre. Keller et Engley ont par exemple montré, en 1958, que des phages, introduits
dans le tube digestif de souris, étaient retrouvés cinq minutes après dans le sang. Une autre
étude, citée par l’équipe de Górski et réalisée par Reynaud en 1992 chez le lapin parle d’un
délais de quatre jours pour cette absorption[40].
Concernant l’être humain, très peu de documents traitent de l’absorption des
bactériophages. L’équipe de Górski relate une étude réalisée par Weber-Dabrowska en 1987
dans laquelle le scientifique atteste de la présence de bactériophages dans le flux sanguin de
patients au bout de dix jours de traitements oraux par phagothérapie contre diverses infections
[40, 41].
•
Diffusion :
Il a tout d’abord été mis en évidence, par les travaux d’Appelmans en 1921, que des
phages injectés par voie intraveineuse disparaissaient de la circulation sanguine en deux
heures [42]. Cela signifiait qu’il y avait potentiellement une migration des particules virales
du sang vers un autre compartiment. La question était à présent de savoir où ces particules
diffusaient.
Des études russes réalisées par Bogovazova en 1991 et 1992 et relatées par l’équipe de
Sulakvelidze indiquent qu’après administration orale de phages à des animaux de laboratoire,
on les retrouve deux à quatre heures après dans la circulation sanguine, puis dix heures après
dans divers organes comme le foie, les reins ou la rate [19].
Certains auteurs décrivent une possible liaison entre des bactériophages et des
érythrocytes. C’est le cas de Bystricky en 1964 ainsi que celui de Reynaud en 1992 à propos
de coliphages CF 0103. D’autres affirment n’avoir pas trouvé de liaisons, comme Keller et
Engley en 1958 à propos de coliphages T1 [40].
D’autre part, il a été également montré, que des phages injectés par voie intrapéritonéale
à des souris, saines ou présentant une encéphalite causée par Shigelladysenteriae, étaient
décelés au sein de leur encéphale, dans une très forte proportion lorsqu’ils s’agissaient des
62
souris infectés, témoignant d’une dissémination vers le cerveau et, lors d’infection, de la
multiplication des phages sur le lieu d’infection [43].
Il y a donc une dissémination des bactériophages dans différents organes de
l’organisme, et notamment dans les organes où se situe l’infection bactérienne ciblée.
Cependant, Skurnik et Strauch affirment, sans les citer, que certaines parties de l’organisme
ne permettraient pas une bonne diffusion des bactériophages jusqu’à la zone d’infection[11].
•
Métabolisation :
Sur ce point, les travaux d’Evans ont montré, en 1933, l’inhibition in vitro de la capacité
de phagocytose des phages lors de mise en contact avec du sang, du pus, de la bile ou de la
salive [44]. Bien plus tard, Smith et Huggins ont observé une inactivation des phages par
l’acidité de l’estomac, par des anticorps dirigés contre ces phages ou par une température non
optimale[45].
La mise en évidence de l’inactivation des phages par certains fluides corporelle plongea,
à cette époque, les scientifiques dans le doute concernant l’efficacité de la phagothérapie. Ces
observations in vitro ne concordaient pas avec la réussite des traitements généralement
observée in vivo. Les scientifiques avaient remarqué une activité immunogène lors
d’administration de suspensions de phages. Certains ont alors supposé que les réussites
thérapeutiques observées n’étaient pas dues au pouvoir bactéricide des bactériophages, mais
aux débris bactériens présents au sein des suspensions (les suspensions n’étant effectivement
pas toujours correctement purifiées) susceptibles de stimuler le système immunitaire adaptatif
ou à l’introduction de protéines (la capside des phages étant elle-même de nature protéique) à
même d’induire une réponse immunitaire innée. Cependant, il n’existait à cette époque pas
vraiment d’alternative au traitement des infections bactériennes et les médecins continuèrent
donc de prescrire des suspensions de bactériophages. Les mécanismes mis en jeu restèrent
obscurs jusqu’à la véritable compréhension de la nature et du fonctionnement des
bactériophages[44, 46].
63
•
Élimination :
De nombreux travaux témoignent de l’élimination des bactériophages dans l’urine ou
dans les fèces. La présence de phages dans les fèces est par exemple démontrée par les
expériences de Smith et Huggins portant sur plusieurs phages administrés oralement à des
veaux , ou plus tard lors de celles de Bruttin et Brüssow portant sur des phages T4 administrés
oralement à des humains cette fois-ci [45, 47].
Cette élimination s’effectue après une période plus ou moins longue (jusqu’à plusieurs
jours) de persistance des phages au sein de l’organisme. Lors de ses travaux, l’équipe de
Merril a réussi à sélectionner in vivo des bactériophages mutants dont la persistance dans le
corps était accrue grâce à un mécanisme d’échappement par rapport au système immunitaire,
et qui présentaient en plus une meilleure efficacité thérapeutique[19, 48].
2. Pharmacodynamie
a. Effets directs
Pendant longtemps, peu d’études véritablement ciblées sur la pharmacodynamique ont
été publiées. De nombreux travaux expérimentaux dont le but était plutôt d’étudier les
résultats de la thérapie ont livré quelques informations sur ce domaine mais les informations
devraient être considérées avec précaution du fait du manque de méthodologie scientifique
Plusieurs scientifiques se sont intéressés à la dynamique de population des
bactériophages au sein de l’organisme et ont élaboré des modèles mathématiques théoriques
pour la décrire ,ou se sont basés sur des études plus expérimentales [49-53].
Par exemple, dans leur étude sur ce point, Kasman et ses collaborateurs ont confirmé les
informations déjà présentées auparavant par Wiggins et Alexander. Tout d’abord, ils ont
indiqué que l’interaction entre phage et bactérie était, comme pour tous les virus, due à une
collision aléatoire entre les deux éléments. Ensuite, ils ont observé qu’une trop faible
population bactérienne ne permettait pas un bon développement de la population des
bactériophages, et ont donc conclu à l’existence d’un seuil de densité bactérienne nécessaire à
64
atteindre pour la bonne prolifération des phages. Dans le cas d’une faible concentration
bactérienne initiale, la population bactérienne met du temps à atteindre la densité nécessaire à
une augmentation de la concentration en bactériophages. Il apparait de plus qu’une faible
probabilité de rencontre entre phages et bactéries, selon le site d’infection, le nombre de
phage administrés, etc., augmenterait la valeur de ce seuil, et vice versa [11,52, 54].
Ainsi, débuter une phagothérapie au plus tôt est primordial pour la guérison, mais la débuter
trop tôt, c’est-à-dire alors qu’il n’y a encore qu’une faible population bactérienne au niveau du
site d’infection, ne permettrait pas aux phages de se propager et ceux-ci seraient éliminés de
l’organisme avant même d’avoir initié un début de thérapie.
b. Effets indirects
Interaction avec le système immunitaire il est reconnu que les protéines, surtout sous
forme d’assemblage particulaire, sont très souvent fortement immunogènes lorsqu’elles sont
introduites dans un organisme. De plus, normalement, le système immunitaire de tout être
vivant réagit à l’intrusion d’un agent infectieux (virus, bactérie ou parasite). La capside des
bactériophages étant de nature protéique et le phage lui-même étant un virus, il est donc
légitime de s’intéresser aux effets immunologiques que peut induire l’introduction de
bactériophages dans un organisme.
La recherche a établi que les phages diffusant dans un organisme étaient reconnus
comme des intrus par le système immunitaire de cet organisme (Dublanchet et Patey, 2011).
Diverses expériences ont été menées sur de nombreuses espèces de phages en ciblant
différents facteurs tels que le mode d’administration, et ont permis d’observer que, selon les
cas, il existait une immunostimulation, une immunosuppression ou encore une
immunotolérance [10, 55].
•
Effets des phages sur les phagocytes
La première description de l’influence des phages sur les phagocytes a été rapportée par
Felixd’Hérelle, qui a étudié l’effet de phages dirigés contre Shigellasur les « leucocytes »
decochons d’inde (l’auteur n’a pas spécifié s’il étudiait les cellules péritonéales, qui sont
65
principalement des macrophages, ou des leucocytes périphériques, qui sont majoritairement
des granulocytes). Après l’incubation de bactéries, de phages et de leucocytes pendant 10
minutes, l’index phagocytaire des cellules a augmenté de manière importante par rapport au
contrôle (composé seulement de bactéries et de leucocytes). Felix d’Hérelle a également mis
en avant que le développement de la résistance bactérienne contre les phages est accompagné
d’une résistance des bactéries à la phagocytose. Il a alors conclu que les phages agissent
comme des opsonines (substance qui se lie à des antigènes et induit leur phagocytose par des
macrophages, des monocytes ou des leucocytes neutrophiles) qui participent manifestement à
la phagocytose bactérienne. Cet effet est selon lui médié par un facteur soluble présent dansles
préparations phagiques[56].
Une autre étude menée chez les cochons d’inde a démontré que le phage T5 n’affecte
pas la phagocytose d’Escherichia coli par les granulocytes. Les phages adsorbés aux bactéries
pouvaient rester actifs jusqu’à la phagocytose des bactéries par les granulocytes. Cependant,
des travaux menés par les mêmes auteurs montrent que le phage T2 pourrait diminuer la
phagocytose bactérienne (par les granulocytes) de différentes espèces bactériennes, dont
Staphylococcus aureus, Escherichia coli et Mycobacteriumtuberculosis, chez les chevaux.
Les auteurs ont montré que cet effet était dose dépendant : à une concentration phagique de
1010/mL, l’inhibition de la phagocytose était presque totale alors qu’à de plus faibles
concentrations de phages, la diminution de l’activité des granulocytes était plus modérée. Le
processus d’inhibition est également temps
dépendant : l’augmentation de la durée
d’incubation entraîne une diminution de la destruction bactérienne par la phagocytose. Enfin,
le processus peut être provoqué par des phages qui sont actifs ou inactifs et il est impacté par
la température. La plus forte inhibition intervient d’ailleurs lorsque les phages sont inactivés
par les anticorps, ce qui suggère que les complexes immuns auraient un rôle prépondérant
dans la diminution de la phagocytose bactérienne parles granulocytes[57].
Une autre étude s’est intéressée aux effets de deux phages T4 et F8 (dirigés
contrePseudomonas aeruginosa) sur la phagocytose d’Escherichia coli .Lesexpériences in
vitro, par coincubation des 2 phages avec les cellules phagocytaires, ontmontré une inhibition
de la phagocytose bactérienne d’Escherichia coli de manière dosedépendante.
66
Cependant, l’incubation d’Escherichia coli avec le seul phage T4 (et les
cellulesphagocytaires) entraîne une légère augmentation de l’efficacité de la phagocytose. Des
résultats similaires ont été obtenus avec les neutrophiles et les monocytes. Dans cette
mêmeétude, des expériences menées sur des souris ont montré que le phage T4 augmente
l’intensitéde la phagocytose par les neutrophiles, lorsque les souris sont infectées par des
bactéries. Acontrario, lorsque les souris ne sont pas infectées, le phage T4 diminue faiblement
laphagocytose par les monocytes et n’a pas d’effets significatifs sur l’intensité de la
phagocytose par les neutrophiles[58].
In vitro, le monitoring de la phagocytose de Staphylococcus aureus par des neutrophiles
isolés de patients traités par thérapie phagique, a révélé que les phages pourraient, à terme,
diminuer la phagocytose. La corrélation entre l’altération de la phagocytose et le traitement
phagique n’est pas clairement établie. Cependant, l’activité des neutrophiles des patients a
retrouvé un niveau normal 3 mois après l’arrêt du traitement phagique. De plus les phages
accélèrent le turn-over des neutrophiles. Cela a été montré par l’augmentation du nombre de
cellulesimmatures et la diminution concomitante du nombre de cellules matures[41].
En conclusion, la phagocytose des bactéries par des granulocytes et des monocytes peut
être inchangée, augmentée ou diminuée en fonction des phages utilisés, des doses
administrées ainsi que des bactéries étudiées [38].
•
Effets sur les cellules tueuses NK
Peu d’études s’intéressent aux lymphocytes NK (cellules tueuses naturelles). Les
bactériophages pourraient avoir un impact sur les cellules NK. En effet, une étude révèle que
le nombre de cellules NK était diminué chez une partie des patients, après 49 à 84 jours
d’administration de bactériophages par voie intrarectale. En revanche, il n’y avait pas de
modification du nombre de cellules tueuses naturelles lors d’administration par voie topique
ou orale[38].
•
Effets sur les cellules dendritiques
67
En ce qui concerne les cellules dendritiques, il a été mis en évidence une diminution de
l’activité phagocytaire de ces cellules suite à l’administration de phages par voie orale. Ceci
aurait pour conséquence de limiter leur rôle dans le déclenchement de la réponse immunitaire
Adaptative[40].
•
Interactions des phages avec les lymphocytes T et B
Les données suggèrent que les préparations phagiques pourraient moduler les
fonctionsimmunitaires par des interactions directes avec les lymphocytes T et B. De manière
générale,les
préparations
purifiées
de
phages
semblent
provoquer
des
effets
phages
anti-
immunodépresseurs.
Cependant,
certaines
préparations
(notamment
les
lysats
de
staphylococciques)auraient, quant à elles, des effets immunostimulateurs. Des études ont
rapporté une diminution de la réaction cutanée à la tuberculinede cochons d’Inde tuberculeux,
suite à l’administration intrapéritonéale demycobactériophages.
De plus, ces auteurs ont démontré que lorsque les mycobactériophages étaient ajoutés à
des cultures de lymphocytes, ils pouvaient inhiber, de manière dosedépendante, l’activation
de ces lymphocytes induite par des phytohémagglutinines. Le fait que les phages puissent
exercer in vitro une activité immunodépressive a été confirmé par des études montrant qu’une
préparation purifiée de phages T4 inhibait la prolifération des lymphocytes T humains induite
par le complexe CD3-TCR [40, 59].
Cependant, ont montré que il y a des préparations purifiées de phages dirigés contre
Staphylococcus aureus pourraient exercer des effets stimulateurs sur l’activité des
splénocytes[60].
Un autre axe de recherche s’intéresse à l’adhésion des phages aux cellules immunitaires.
Les cellules T humaines interagissent avec des phages T4 et HAP1 (phage T4 mutant sans
protéine Hoc). Les expériences menées sur des protéines phagiques recombinantes purifiées
ont montré que les cellules T humaines adhèrent à la protéine gp 24(une protéine de la capside
du phage T4) et non pas aux protéines Hoc Les anticorps monoclonaux bloquant les chaînes
communes des intégrines β1 et β3 diminuent significativement ces interactions. Ceci suggère
68
que les interactions dépendent, au moins en partie, de la fixation à des récepteurs appartenant
à la famille des intégrines. De plus, les expériences semblent montrer que la protéine VLA-5
(intégrine α5β1) est la principale intégrine responsable de l’adhésion des cellules T humaines
à la protéine gp 24.
Les phages pourraient également diminuer la production, in vitro, d’immunoglobulines
induites par des alloantigènes, ainsi que la réponse en anticorps spécifiques chez les souris
. De plus, les phages inhibent l’activation de NF-kB, un facteur de transcription clef
dans la régulation de nombreux gènes, dont ceux codant pour des cytokines proinflammatoires Ces effets immunodépresseurs des phages in vitro ont été confirmés par des
expériences in vivo. Ces dernières ont montré que les phages ontconsidérablement augmenté
la survie d’une transplantation cutanée allogénique, que ce soitchez des souris sensibilisées ou
non sensibilisées, ainsi que la réponse inflammatoire auniveau du site de transplantation [40,
61].
•
Effet des phages sur la production de cytokines
Plusieurs études ont montré que les phages peuvent affecter, substantiellement, la
productionde diverses cytokines. Les effets sur la production de cytokines peuvent néanmoins
varier enfonction des phages administrés et des infections étudiées [38].Une augmentation de
la synthèse de cytokines a ainsi été observée après l’inoculation depréparations phagiques. Par
exemple, l’administration d’une préparation purifiée de phagesdirigés contre Staphylococcus
aureus a eu pour conséquence d’activer la production d’IL-6dans des splénocytes cultivés
invitro[60].
Au contraire, d’autres travaux démontrent une diminution de la concentration de
certainescytokines
dans
l’organisme.
L’administration
de
phages
dirigés
contre
Klebsiellapneumoniaeà des souris infectées (infections cutanées compliquées en bactériémies)
a entraîné unediminution des concentrations en IL-1β, TNF-α et IL-10 dans le sérum et dans
poumons des souris [62]. La diminution des cytokines IL-6 et TNF-α a également été mise en
évidence suite à l’administration de suspensions de bactériophages pour traiter des infections
respiratoires à Pseudomonas aeruginosa[63].
69
Ces données expérimentales ont été confirmées chez l’homme par une étude clinique
qui a démontré que la thérapie phagique influence la production de cytokines chez les patients
traités. Les effets de la phagothérapie sont variables selon le niveau de TNF-α des patients
avant le début du traitement : ceux ayant un niveau sérique bas, voire modéré, de TNF-α ont
vu une normalisation (augmentation) de la production de cytokines sous traitement phagique ;
ceux ayant un niveau initialement élevé de TNF-α ont vu le taux de TNF-α diminuer lors du
traitement phagique. Les phages agissent de manière similaire, in vitro sur des cellules de
patients atteints de mononucléose, sur la production de cytokines induite par des
lipopolysaccharides[64].
•
Conséquences
La plupart des observations décrites sur les interactions avec le système immunitaire
résultent d’études in vitro. Ces interactions varient selon de nombreux paramètres : le mode
d’administration des phages, le type et la localisation de l’infection, la dose et la nature des
phages utilisés. De plus, il faut garder en mémoire que, malgré l’étape de purification, une
suspension phagique contient toujours une faible quantité de débris bactériens, qui peuvent
également interagir avec le système immunitaire. De la même manière, les fragments de lyse
bactérienne entraînés par la phagothérapie peuvent interagir avec le système immunitaire.
L’importance des phénomènes immunologiques liés à la phagothérapie au sein de
l’organisme n’est pas clairement définie. Des études plus approfondies sont donc nécessaires
à une bonne connaissance de l’impact des phages sur le système immunitaire.
VI. Antibiothérapie et phagothérapie
Les bactériophages et les antibiotiques ont une action commune, à savoir le contrôle
et/oul’éradication d’une bactérie pathogène. Leur mode d’action respectif est, par
contre,radicalement différent. Une majorité d’articles récents propose la phagothérapie
commealternative à l’antibiothérapie, lorsque celle-ci est devenue inefficace. Ceci contribue à
placerla phagothérapie dans une situation inconfortable, qui a, par le passé, semé le trouble
70
sur sonefficacité. La question est de savoir si l’association de ces deux thérapies est
intéressante et mérite d’être explorée. Comme c’est le cas dans l’étude menée par l’Institut de
Thérapie Expérimentale Immunologique LudwikHirszfeld , certains travaux tendent à montrer
que l’association del’antibiothérapie et de la phagothérapie n’a pas d’intérêts cliniques. Les
antibiotiquesadministrés en association aux phages, ainsi que les modalités d’administration
des deux thérapies ne sont pas toujours documentées[65].
Certains scientifiques émettent, au contraire, l’hypothèse qu’une telle association peut
être bénéfique. Les phages, appliqués localement, vont permettre de réduire la masse
bactérienne dans un premier temps. La cinétique de l’action lytique des phages étant rapide,
elle laisse le temps aux antibiotiques d’atteindre une concentration suffisante au niveau du
foyer infectieux. Le fait que les antibiotiques ne soient pas détruits par les phages et que ces
derniers peuvent être autoproduits in situ renforce leurs actions. Cette stratégie en deux temps
permet aussi de pallieràlanon destruction des bactéries quiescentes par les phages. Dans un
premier temps, la phagothérapie agit sur le foyer infectieux actif. Dans un second temps,
l’antibiothérapie intervient sur un faible inoculum. Il a été montré que l’addition à des cultures
bactériennes de faibles doses d’antibiotiques, qui bloquent la division cellulaire et induisent la
formation de filaments, augmente significativement la production phagique. De tels
antibiotiques augmentent le volume bactérien, permettant ainsi une surproduction de phages
et accélèrent la lyse de la bactérie par les phages. Ce phénomène est appelé la « synergie
phages-antibiotiques » (PAS) ; Il a été mis en évidence avec des antibiotiques de la famille
des β-lactamines et des quinolones (figure 10). De plus, ce phénomène a été confirmé avec
différents phages non apparentés. On peut donc supposer que les antibiotiques leur confèrent
un avantage commun[66].
71
Figure 10 : Le phénomène de « Synergie Phages-Antibiotiques » (PAS) avec le phage
MFP
sur Escherichia coli MFP[66] .
Sur
la
gauche,
un
antibiogramme
montrant
la
sensibilité
de
la
souche
uropathogèneEscherichia coli MFP à différents antibiotiques. Cette souche est résistante à
l’amoxicilline et à latriméthoprime/sulfaméthoxazole (absence de halo d’inhibition autour des
deux pastilles). Sur la droite,le même antibiogramme avec addition de plusieurs centaines de
phages virulents
MFP dans le tapis bactérien. Les plages de lyse sont beaucoup plus
importantes à proximité des antibiotiques β-lactames, aztréonam et cefixime (indiqués avec
des +). L’augmentation de la taille des plages, phénomène PAS, est causée par une
surproduction de phages et une lyse plus rapide des bactéries par les phages. La gentamicine
et la tétracycline n’ont pas donné de réponse PAS (taille de plages de lyse normale autourdes
halos).
Cette synergie phages-antibiotiques pourrait être utilisée à des fins médicales
thérapeutiques ou prophylactiques (figure 11). La question est de savoir si le phénomène PAS
est une simple curiosité biologique, utile pour la phagothérapie, ou s’il correspond à une
particularité, jusque-là inconnue, des cycles de vie phagique, à savoir la capacité des phages à
72
s’adapter à un environnement moins favorable pour la croissance bactérienne. La présence
naturelle de faibles quantités d’antibiotiques, sécrétés par des champignons et certaines
bactéries (actinomycètes par exemple) dans l’environnement, constitue une forte pression de
sélection pour l’émergence de stratégie de résistance. La filamentation chez les bactéries en
présence de certains antibiotiques en est une. Cette stratégie s’avère avantageuse pour
l’évolution. Les phages profitent de la physiologie altérée des bactéries « stressées », pour
amplifier le nombre de phages produits par cycle d’infection, par rapport aux situations plus
saines. D’un point de vue écologique, cette stratégie peut s’expliquer : sous l’effet des
antibiotiques, les bactéries hôtes de ces phages sont vouées à disparaître ou à voire leur
nombre décroître. La production de phages supplémentaires permettrait alors aux phages de
perdurer jusqu’à la rencontre de nouveaux hôtes, dans des environnements plus sains. Une
sorte de « mutualisme » existerait donc entre les organismes producteurs d’antibiotiques et les
phages capables de PAS, pour concurrencer plus efficacement les bactéries sensibles. Cette
synergie entre producteurs d’antibiotiques et phages pourrait jouer un rôle dans l’équilibre des
populations microbiennesdans les sols, les eaux ou à l’intérieur de l’être humain[66].
L’intérêt d’une telle association a également été démontré en vivo, chez des poulets. En
effet, l’administration conjointe de phages dirigés contre Escherichia coli et d’antibiotiques
(l’enrofloxacine) a montré une efficacité thérapeutique supérieure à celle de chacun des
traitements pris individuellement. Cette association a d’ailleurs permis la survie de
l’intégralité des poulets infectés, ce qui n’a pas été le cas en les traitant avec les phages ou les
antibiotiques seuls[67].
73
Figure 11 : Le phénomène de « synergie phages-antibiotiques » (PAS) dans
l’environnement(A) et en phagothérapie (B)[66]
Certains champignons et bactéries produisent des antibiotiques contre d’autres bactéries,
en compétition pour les mêmes ressources (1). Les phages infectent plus efficacement les
bactéries « stressées » par les antibiotiques (2) et se propagent donc plus rapidement. Ce
scénario représente une sorte de mutualisme entre les phages et les producteurs
d’antibiotiques, pour éliminer les compétiteurs bactériens (3).
Dans le cadre de la phagothérapie, des traitements mixtes d’antibiotiques et de phages
pourraient permettre une élimination plus efficace des bactéries pathogènes, en limitant
l’agression de la flore endogène commensale et saprophyte grâce à la grande sélectivité
phagique.
VII. Administration de cocktails phagique
Un cocktail est une préparation contenant un mélange bien établi et caractérisé
debactériophages. Des préparations thérapeutiques ont été commercialisées en France et
étaient décrites dans le dictionnaire Vidal. Il y avait 5 cocktails différents distribués par le
laboratoire Robert et Carrière : Bacté-Coli-Phage, Bacté-Intesti-Phage, Bacté-Dysentérie74
Phage, Bacté-Pyo-Phage et Bacté-Rhino-Phage. Ces préparations avaient des indications qui
différaient selon le germe et l’infection en cause. Elles ont été disponibles jusqu’en 1978[4].
1. Avantages potentiels
La sélectivité phagique est très étroite : les phages peuvent être dirigés contre une, ou
éventuellement quelques espèces bactériennes, mais souvent seulement contre certaines
souches bactériennes d’une espèce donnée. Cette sélectivité impose une thérapie « ciblée » :
l’utilisation d’un phage particulier est limitée à un petit nombre d’espèces ou de souches
bactériennes. Afin d’augmenter le spectre d’activité des bactériophages, il est possible de
mélanger des phages dirigés contre différentes souches bactériennes d’une même espèce ou
contre différentes espèces bactériennes pouvant être responsables d’une pathologie[68].
Au regard de la thérapie phagique, il est important de savoir que les phages peuvent
avoir despropriétés pharmocodynamiques et pharmacocinétiques différentes. Ces différences
peuventimpacter le traitement phagique et notamment la capacité des phages à éliminer
unepopulation bactérienne donnée. En particulier, il y a trois principales variables : la
capacitéd’un phage thérapeutique à atteindre la bactérie cible, la capacité à détruire ces
bactéries unefois qu’elles sont atteintes, et la capacité des phages à se répliquer suffisamment
in situ pouratteindre des densités phagiques permettant un succès thérapeutique. Chacune de
ces variablestend à varier en fonction du génotype phagique, du génotype de(s) bactérie(s)
cible(s) ainsique des conditions physiologiques et environnementales, en particulier les
facteurs chimiques,immunologiques et anatomiques du patient qui peuvent modifier les
déplacements phagiques,l’adsorption et l’infection du bactériophage. Statistiquement, plus on
administre de phages,plus on a de chance qu’au moins un phage puisse atteindre la souche
bactérienne cible, serépliquer au cours de l’infection bactérienne et permettre la lyse de la
bactérie. De plus, si lesphages constituant le mélange ont des modes d’infection différents (via
différents récepteurs), alors la probabilité d’un échec thérapeutique due à une mauvaise
reconnaissance entre phageset bactéries ou due aux conditions physiologiques ou
pathologiques, est réduite.
75
Les contraintes temporelles, comme lors d’une infection aiguë mettant en jeu le
pronosticvital du patient, sont difficiles à appréhender en thérapie phagique. En effet,
l’espèce, lasouche, le génotype bactérien ou même le niveau de sensibilité de la bactérie à un
phagespécifique ne sont pas toujours connus et compliquent la mise en place du
traitementphagique. Le traitement par un phage monovalent risque alors d’être inefficace,
puisquepotentiellement non adapté au pathogène en cause. Puisque les cocktails permettent de
ciblerdavantage d’espèces bactériennes et d’obtenir davantage de succès thérapeutique, dans
unplus grand type de situations, ils semblent plus adaptés aux traitements présomptifs.
Ilspermettent en outre d’éviter un délai d’administration trop important.
L’association de différents phages au sein d’un cocktail peut diminuer le risque
d’évolutionvers la résistance. En effet, plus le nombre de mutations indépendantes nécessaires
à larésistance d’une bactérie est important, plus la probabilité que cette bactérie
deviennerésistant est faible. Même si un faible nombre de bactéries cibles deviennent
résistantes à undes phages du cocktail, il est peu probable, en dehors d’une résistance croisée,
que des mutations ultérieures permettent une résistance de la bactérie contre tous les phages
ducocktail. En effet, un phage de la formulation, au moins, devrait être actif contre le
pathogènemuté, bloquant dans le même temps la propagation et l’évolution de la résistance en
détruisantcette bactérie. Pour cela, la formulation doit contenir plusieurs phages lytiques
dirigés contreune même souche bactérienne.
La formulation de cocktails facilite également le développement et la commercialisation
destraitements phagiques. Cette approche permettrait d’utiliser plus longtemps la
préparationréalisée, ce qui est un argument important pour les industriels (en termes de retour
surinvestissement et de problématique quant aux autorisations nécessaires à une mise sur
lemarché). De plus elle rendrait plus facile l’utilisation de la spécialité dans différentes
régions,si différentes souches d’une même bactérie circulent à travers le monde. Le coût
dudéveloppement des
cocktails est probablement plus important que celui des
préparationsmonophagiques. Néanmoins, il ne devrait pas être un frein important au regard
des avantagesque la formulation de cocktails peut fournir, d’autant que les productions
phagiques restenttrès économiques.
76
Enfin, le mélange de phages en cocktails ne devrait pas modifier la sécurité phagique,
dans lamesure où les phages qui les composent n’entraînent pas de nombreux effets
indésirables. La sécurité phagique, lors de l’administration en association, a d’ailleurs été
démontré[69, 70].
2.
Limite des cocktails
Deux limites principales peuvent réduire l’efficacité des cocktails phagiques contre une
population bactérienne donnée. Tout d’abord, il est possible que les coinfections d’une même
bactérie par des bactériophages différents impactent négativement la productivité phagique (la
réplication). En effet, lesphages peuvent ne pas être compatibles durant le phénomène
d’infection bactérienne, ce qui réduirait l’importance de la réplication d’un ou plusieurs
bactériophages[71]. Ce problème est minoré si un traitement passif est envisagé, puisque dans
ce cas, la préparation phagique doit simplement être bactéricide. De plus, plus le nombre de
phages présents dans un cocktail est élevé, plus le risque d’incompatibilité entre les phages est
important.
En incluant davantage de phages dans une préparation, on augmente les besoins en
bactériespour une réplication phagiquein situ et on réduit la densité de chaque espèce
phagique au seindu cocktail. Au début du traitement phagique, les ratios entre les densités
phagiques et lesdensités de bactéries cibles sont relativement bas. Le risque de coinfections
est donc moindre.
De plus, lorsque toutes les bactéries sont infectées, suite au développement in situ
despopulations phagiques, le phénomène de coinfections ne pose plus problème (si toutes
lesinfections
demeurent
bactéricides).
Les
problèmes
de
coinfectionsphagiques
interviennentdonc à la transition entre ces deux états.
Les phages d’un cocktail ont des propriétés pharmacodynamiques différentes et en
particulier, des capacités de réplication différentes. Donc, lors d’un traitement actif, la
croissance
Phagiquein situ peut être réduite à certains phages, par sélection naturelle.
77
Le phénomène de coinfectionsphagiques peut être problématique lors du traitement actif
des biofilms bactériens. En règle générale, les phages pénètrent activement dans les biofilms
bactériens, avant de se multiplier à l’intérieur, ce qui permet la libération de phages plus
profondément dans le biofilm. Des titres élevés de phages dans les cocktails favorisent les
coinfections et peuvent gêner la bonne réplication phagiqueinsitu. Dans ce cas, les cocktails
peuvent s’avérer moins efficaces que les traitements phagiques par des cocktails à densités
moindres ou que les traitements monophagiques. Deux stratégies permettent de limiter ce
phénomène : la réduction de la diversité du cocktail phagique (en particulier, le retrait des
phages incompatibles après des observations au laboratoire), ou l’administration de doses
répétées qui permet de pallier à la moindre production phagiqueinsitu[69].
La mise en place de courbes doses-effets, lors du développement des protocoles
phagiques, peut permettre de mieux appréhender la multiplication phagique, le phénomène de
coinfection, et la pénétration phagique dans les biofilms bactériens en fonction du titre en
phages de la préparation[72].
La seconde limite potentielle est la capacité des cocktails phagiques à empêcher
l’évolution de la résistance bactérienne aux phages. Dans un cocktail, il n’est pas certain que
le phage, ayant l’arsenal nécessaire pour détruire la bactérie mutante résistante, soit à des
densités suffisantes pour permettre une rencontre avec la population bactérienne mutée.
D’autant plus que les mutants bactériens résistants peuvent être présents à de faibles densités
au sein de la population bactérienne. Si un traitement actif est envisagé pour éliminer la
bactérie mutante, les densités respectives en phages et bactéries peuvent être inadéquates.
Néanmoins, si les bactéries mutantes se multiplient et atteignent des densités suffisantes, alors
un traitement actif peut être envisagé (avec des titres appropriés en phages). De plus, le
problème de la résistance bactérienne peut être surmonté par l’administration de doses
phagiques importantes et répétées, dans le cadre d’un traitement passif. En effet, il n’y a pas
d’auto-amplification phagiquein situ lors d’un traitement passif. Les administrations
phagiques répétées permettent de maintenir les densités phagiques à des seuils suffisants pour
permettre la lyse des bactéries résistantes[73].
78
Enfin, les cocktails sont des préparations « standards » et ne sont pas forcément les plus
appropriées lors d’infections graves. La sensibilité des bactéries aux phages du cocktail doit
toujours faire l’objet de vérifications, si possible au préalable. Il est également possible
d’envisager les cocktails comme des solutions de première intention, en attendant que la
préparation spécifique contenant le (ou les) phage(s), virulent(s), dirigé(s) contre le pathogène
soi(en)t disponible.
VIII. Limites potentielles de la phagothérapie
1. Une redécouverte compliquée
a. Mauvaise image du passé
La phagothérapie souffre d’une image de médecine archaïque et se heurte à beaucoup
de scepticisme vis-à-vis de son passé. Tantôt échec thérapeutique tantôt guérison miraculeuse,
la phagothérapie ne renvoie pas une image de fiabilité.
•
Protocoles mal décrits dans les publications
Tout d’abord, les protocoles utilisés n’étaient généralement qu’en partie rédigés. Il manquait
souvent des informations à propos des méthodes employées ou des doses choisies, ou ces
informations n’étaient pas indiquées de façon claire. L’historique des traitements (notamment
des antibiotiques) mis en place sur les patients avant phagothérapie n’est souvent pas
correctement décrit. Par exemple, certaines des publications soviétiques indiquaient les
quantités en mL/kg sans mentionner la concentration en phages des préparations employées
[74].
•
Méthodologie expérimentale insuffisante
Pour qu’une méthodologie soit rigoureuse, il faut qu’elle suive certaines règles. Elle
doit s’avère représentative (échantillons homogènes et en nombre suffisant), reproductible
(fournir des résultats similaires en l’appliquant dans des milieux différents, avec des
manipulateurs et du matériel différents) et répétable (fournir des résultats similaire pour un
laboratoire donné et pour un équipement et un personnel donné).
79
Il s’avère que les expériences passées sont difficilement représentatives, reproductibles
et répétables.
La mauvaise représentativité provient d’un défaut d’homogénéisation des cas. En effet,
il s’agissait souvent de la description d’un ou de plusieurs cas cliniques particuliers avec un
passé thérapeutique tumultueux et non pas d’un lot de cas présentant tous les mêmes
caractéristiques et les même symptômes. Cette difficulté d’homogénéiser les cas demeure
encore un problème actuellement.
Ensuite, le principal facteur de mauvaise répétabilité provient de l’inconstance des
résultats.
C’est cette inconstance des résultats additionnée à la mauvaise description des
protocoles expérimentaux précédemment évoquée qui aboutit à une mauvaise reproductibilité.
•
Résultats inconstants
- Absence de placebos
Une raison importante de cette controverse est le manque d’études convenablement
réalisées et contrôlées par placebos. Cette défaillance a été instaurée dès le départ par
d’Hérelle lui-même puisqu’il mit en place un usage thérapeutique des phages immédiatement
après ses découvertes et sans passer par des essais cliniques comportant des placebos. Cette
lacune peut peut-être s’expliquer par le fait que d’Hérelle ait eu le souci éthique de ne pas
priver un groupe (témoin) de ses patients de phagothérapie pour éviter le risque de ne pas les
sauver. On peut aussi simplement penser que cette pratique n’était pas dans ses habitudes,
puisque lors d’expériences sur des poulets, où les considérations éthiques étaient moindres, il
n’utilisa pas non plus de groupes témoins. Mais d’Hérelle n’est pas le seul en cause dans ce
manque d’expériences avec placebos, puisque de nombreuses études qui suivirent les siennes
n’en comportèrent pas non plus [19,75, 76].
- Erreurs thérapeutiques et anomalies de préparations
Il faut admettre que, par le passé, les connaissances n’étant pas aussi développées
qu’aujourd’hui, les erreurs thérapeutiques et les anomalies de préparations étaient également
plus récurrentes.
80
De plus, les phages étant très spécifiques par nature, le risque de ne pas employer le bon
phage était encore plus présent. Enfin, la phagothérapie était souvent utilisée en dernier
recours sur des cas d’infections graves, souvent en échec thérapeutique depuis une période
plus ou moins importante ce qui ne permettait pas toujours des conditions de rétablissement
correctes[10].
Concernant les préparations de phages, les principales erreurs étaient l’absence
d’élimination des endotoxines dans les préparations virales, et la mauvaise ou l’absence de
contrôle de la viabilité des phages après ajout de substances stérilisantes aux préparations[75,
77]. Il faut également garder à l’esprit que les chercheurs ne disposaient pas forcément des
moyens financiers ou du matériel nécessaire à une bonne réalisation des préparations et des
expériences[10].
- Évaluation subjective
L’efficacité n’était évaluée qu’à la lumière de la réussite thérapeutique et non pas sur
des faits quantifiables, n’offrant pas un point de vue objectif des résultats. Il aurait par
exemple été plus scientifique de se baser sur des dosages bactériens au début, pendant et en
fin de traitement, ou d’évaluer l’évolution clinique de manière plus standardisée (et donc plus
fiable) en utilisant un questionnaire se basant sur de nombreux critères précis et non pas
uniquement sur l’observation ou non d’une guérison[74].
b. Peu d’informations dans l’enseignement médical
À l’heure actuelle, en France et dans de nombreux autres pays, il est à noter que
l’enseignement médical ne dispense aucune information au sujet des bactériophages et de leur
utilisation thérapeutique, au point que le terme même de phagothérapie est généralement
méconnu des étudiants. Les cours informent de façon extrêmement succincte de l’existence
des bactériophages, mis à part dans le cadre de la recherche en génétique pour leur application
dans l’étude des enzymes de restrictions et du génome.
81
c. Absence de réglementation adaptée
•
Des particules non considérées par le règlement pharmaceutique
- Absence d’AMM
En France, autrefois inscrits au Vidal, les bactériophages ne bénéficient plus de leur
ancienne Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). En effet, conformément aux articles R.
5121-36-1 et R. 5121-102 du code de la santé publique, issues respectivement des décrets n°
2008-435 et n° 2008-436 du 6 mai 2008, une AMM devient caduque au bout de 3 ans d’arrêt
de commercialisation. Suite au retrait du marché, une nouvelle AMM est désormais
nécessaire, répondant aux critères actuels de sécurité sanitaire[78].
En fin 2007, l’équipe d’Alain Dublanchet avait demandé à l’ANSM (nommée à cette
époque AFSSAPS, Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé) s’il était
possible de définir les bactériophages comme des médicaments. L’ANSM avait répondu « un
avis réglementaire a été demandé en 2004 à l’Agence Européenne du Médicament (EMA,
Europeanmedicines Agency) sur deux produits à base de bactériophages. Sur la base des
informations fournies pour ces deux produits, il avait été conclu que ces deux produits
pouvaient répondre à la définition de médicament » [33].
La définition de « médicament » est donnée par l’article L5111-1 du Code de la santé
publique. Il s’agit de « toute substance ou composition présentée comme possédant des
propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que
toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou
pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger
ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique,
immunologique ou métabolique ». Si l’on applique cette définition, les bactériophages sont
tout à fait aptes à être considérés en tant que médicaments. Néanmoins ces considérations ne
sont pas encore effectives et la règlementation demeure floue.
Au
niveau
européen,
la
réglementation
est
régie
par
le
Committee
for
MedicinalProducts for Human Use (CHPM), sous-commission de l’EMA. Là encore, la
qualification des bactériophages demeure brumeuse.
82
Malgré ce cadre réglementaire peu clair, les bactériophages sont soumis à la nécessité
d’obtention de mise sur le marché pour que leur usage thérapeutique soit autorisé. Cependant,
les procédures d’AMM sont conçues pour encadrer des médicaments inertes et fixes, sans
nécessité de mise à jour régulière de la composition de phages dans les cocktails. De plus, les
procédures sont longues et coûteuses et impliquent un investissement de la part de firmes
pharmaceutiques, lesquelles sont pour l’instant peu intéressées par ce produit. La
réglementation en place dans le cadre de la mise sur le marché d’un nouveau médicament
apparait donc comme inadaptée à la phagothérapie [10, 79].
- Essais cliniques difficiles à mettre en place selon les critères actuels
Pour envisager la validation réglementaire de la phagothérapie, des essais cliniques selon les
règles actuellement en vigueur sont nécessaires. Seuls trois essais cliniques ont jusqu’à
présent remplis les critères réglementaires imposés. Il s’agit de ceux réalisés aux États-Unis
d’Amérique, en Belgique et au Royaume-Uni, présentés précédemment [79].
De manière à étudier correctement la phagothérapie et la comparer à l’antibiothérapie, l’idéal
serait bien sûr d’homogénéiser les cas, c’est-à-dire de réaliser des expériences de
comparaisons directes avec les mêmes paramètres. Malheureusement, la plupart des autres
études actuelles traitant de phagothérapie sont des études de cas et non des essais cliniques.
Lorsque ces études de cas impliquent un groupe de malades, de nombreux biais persistent
entre ces malades, comme le type d’infection, l’âge, le sexe ou le passé thérapeutique du
patient. De plus, les cas sont souvent issus de patients souffrant d’infections à bactéries
antibiorésistantes, parfois depuis très longtemps, et ayant souvent reçu de nombreux autres
traitements avant de partir sur une phagothérapie [70].
Enfin, la mise en place d’essais cliniques nécessite des fonds qui manquent pour l’instant.
- Quelles procédures possibles sans AMM ?
Cherchant à traiter par phagothérapie des patients en échec thérapeutique, une équipe
belge du Centre des Brûlés de l’Hôpital Militaire de Bruxelles a réfléchi aux différents
moyens de faire accepter ce traitement hors AMM. Après avoir bien étudié la position des
bactériophages vis-à-vis de tous les textes de loi, voici les différents moyens qu’elle a
envisagés :
83
- référencer les maladies en « maladies orphelines de traitement », mais cela ne s’applique
qu’aux maladies comptant moins de 2000 malades et qui ne sont pas nosocomiales.
- considérer les préparations de phages comme des préparations « magistrales », mais ces
préparations ne sont faites qu’à partir de produits référencés.
- appliquer le paragraphe 35 (anciennement 32) du chapitre C de la Déclaration d’Helsinki
indiquant que « dans le cadre du traitement d'un patient, faute d'interventions avérées ou faute
d'efficacité de ces interventions, le médecin, après avoir sollicité les conseils d'experts et avec
le consentement éclairé du patient ou de son représentant légal, peut recourir à une
intervention non avérée si, selon son appréciation professionnelle, elle offre une chance de
sauver la vie, rétablir la santé ou alléger les souffrances du patient. Dans toute la mesure du
possible, cette intervention devrait faire l'objet d'une recherche pour en évaluer la sécurité et
l'efficacité. Dans tous les cas, les nouvelles informations devraient être enregistrées et, le cas
échéant, rendues publiques ». C’est ce paragraphe sur lequel s’appuie l’Institut LudwikHirszfeld
en Pologne [80].
- considérer les bactériophages comme des probiotiques, c’est-à-dire des molécules destinées
à renforcer le système immunitaire. Il s’agit habituellement de compléments alimentaires
contenant des bactéries vivantes aidant la flore commensale de l’organisme. Cependant les
probiotiques ont un rôle uniquement préventif et non curatif.
- appliquer l’article 83 du règlement 726/2004 du Parlement Européen, par lequel il est
possible d’employer, dans une démarche d’application compassionnelle (« Compassionate use
»), un médicament en cours d’essais cliniques ou un médicament n’ayant pas d’AMM et dont
une demande d’AMM a été déposé. Une application compassionnelle correspond à la mise à
disposition de ce type de médicament « à un groupe de patients souffrant d’une maladie
invalidante, chronique ou grave, ou d’une maladie considérée comme mettant la vie en
danger, ces patients ne pouvant pas être traités de manière satisfaisante par un médicament
autorisé » [80].
C’est en s’appuyant sur cette dernière possibilité que l’équipe belge a proposé une application
thérapeutique compassionnelle de phagothérapie à des grands brûlés[4]. Leur proposition a
reçu un avis favorable de la part d’un comité d’éthique local, cependant le règlement ne
84
permettait que des essais ponctuels pour des applications limitées, comme explicité dans le
document explicatif associé au règlement [81].
Dans ce même cadre d’utilisation compassionnelle, des centres de recherche européens
se sont lancés dans des essais cliniques de phagothérapie. Des essais sur des otites ont été
engagés en Angleterre, d’autres ont été engagés en Allemagne [4].
La Pologne reste un cas à part au sein de l’Europe vu qu’elle n’a jamais cessé ses
applications thérapeutiques de phages (Institut de Wroclaw), bien qu’entrée en Europe le 1er
mai 2004. Une clinique, nommé Institut d’immunologie et de thérapie expérimentale
LudwikHirszfeld, destinée à soigner les patients étrangers y a été ouverte en 2005. Son
autorisation à pratiquer la phagothérapie s’appuie sur l’article 35 de la Déclaration d’Helsinki
et sur l’aval obtenu auprès du Comité d’éthique de son académie en juin2005[82, 83].
2. Accès difficile aux soins
L’Institut Eliava à Tbilissi (Géorgie) produit de très nombreuses spécialités à base de
bactériophages et tente de s’ouvrir aux pays de l’ouest de l’Europe. Cependant, les problèmes
administratifs d’exportation/importation du fait de la nature virale des phages ne facilitent pas
les échanges de préparations.
Ces problèmes de douane obligent les malades ayant la volonté de se faire soigner par
phagothérapie à partir se faire hospitaliser dans une clinique géorgienne. Le Phage Therapy
Center (tenu par une société nord-américaine de Californie) situé à Tbilissi se propose
d’accueillir ces patients courageux d’avoir fait le voyage.
Cependant, face à la recrudescence de patients osant le voyage, les tarifs des hôpitaux
n’ont fait qu’augmenter également, et les tarifs pratiqués sont, à l’heure actuelle, de plus en
plus chers, rendant là encore l’accès aux soins difficiles pour les personnes n’ayant pas les
moyens financiers suffisants [4, 84].
85
3. Résistance bactérienne
a. Mécanismes mis en jeu
•
Inhibition de l’adsorption phagique
Pour infecter une bactérie cible, les bactériophages doivent pouvoir s’attacher à des
structures externes (récepteurs). Selon les phages, l’attachement peut se faire au niveau des
lipopolysaccharides bactériens, des acides téichoïques, des protéines de la paroi, de flagelles
ou de pili.
L’identification du récepteur bactérien ciblé est importante car les mutations
bactériennes, entraînant une modification du récepteur, sont une cause fréquente de résistance
aux phages.
En effet, le phage ne reconnaît plus la bactérie initialement ciblée, il ne peut alors plus
pénétrer dans la cellule bactérienne[11].
Le développement de résistance bactérienne aux phages peut avoir des aspects
bénéfiques. Certaines mutations au niveau des lipopolysaccharides engendrent une diminution
de la virulence du mutant bactérien. De même, des mutations au niveau des flagelles peuvent
atténuer la mobilité et la virulence des bactéries mutées. Enfin, des mutations au niveau des
pili peuvent réduire la survie et la pathogénicité des mutants.
•
Facteurs intracellulaires et infections abortives
Certains facteurs cytosoliques sont indispensables à l’infection phagique (réplication,
assemblage ou libération). Des mutations modifiant ces facteurs peuvent conduire à une
résistance bactérienne. Par exemple, le phage φ2954 dirigé contre Pseudomonas syringae
nécessite la glutarédoxine-3 de la bactérie hôte pour transcrire un segment de son ARN. Une
délétion au niveau du gène codant pour la glutarédoxine-3 entraîne la résistance de la bactérie
mutante.
Les bactéries sont capables d’échapper à une infection par les bactériophages par un
autre mécanisme nommé « système d’avortement de l’infection » (ou Abi, abortive infection
system). Ce système provoque l’autodestruction (« suicide ») de la bactérie infectée avant que
la synthèse de nouveaux virions ne soit réalisée. Ce système met en jeu une toxine protéique
86
et un brin d’ARN antitoxine spécifique. Cet élément est appelé ToxIN et correspond à un
système toxine-antitoxine (TA). Lors de l’infection d’une bactérie par un phage, la
composante antitoxine peut être dégradée, ce qui permet à la toxine protéique dedétruire la
membrane bactérienne.
Les systèmes toxine-antitoxine sont retrouvés dans la plupart des génomes bactériens.
Ils peuvent être localisés au niveau du chromosome ou au niveau de plasmides. La
dissémination par transfert horizontal est donc possible. Si les systèmes TA peuvent permettre
la résistance bactérienne contre les phages, leur impact réel sur la phagothérapie n’est pas bien
connu. Il paraît toutefois indispensable de les prendre en considération. Il faut également noter
que des bactériophages mutants, permettant d’éviter les systèmes TA, ont pu être isolés. Ceci
démontre
que
les
résistances
bactériennes
peuvent
être
surmontées
par
des
bactériophages[85].
•
Déstabilisation du génome phagique
L’acronyme CRISPR (ClusteredRegularlyInterspaced Short PalindromicRepeats)
désigne une série de courtes séquences génétiques répétées sur le génome des bactéries,
régulièrement entrecoupée par des séquences variables appelées « spacers ». Les loci de ces
séquences sont généralement situés à proximité de gènes Cas (CRISPR-associated). Le
système CRISPR/Cas a un mode d’action qui n’est pas encore parfaitement élucidé, mais il
est supposé fonctionner ainsi. Les gènes Cas codent pour des protéines Cas. Les séquences
CRISPR sont transcrites en ARN, qui sont découpés par les protéines Cas au niveau des
séquences palindromiques en segment d’ARN de plus petites tailles. Chaque segment d’ARN
comporte alors un spacer. Lorsqu’un phage infecte la bactérie et que son génome comporte
une séquence (appelée proto-spacer) parfaitement identique à un spacer, il y a hybridation
entre le spacer d'un fragment d'ARN CRISPR et le proto-spacer du génome phagique. La
conséquence de cette hybridation est l’arrêt de la traduction des ARNm viraux : l’infection
phagique est alors bloquée.
Récemment, près de 40% des bactéries séquencées présentent le système de résistance
CRISPR/Cas. De plus, il a été démontré que la mise en contact de bactéries avec des
87
bactériophages (qui n’avaient pas préalablement infecté les bactéries) entraîne l’apparition de
nouveaux spacers dans les loci des CRISPR des bactéries qui n’ont pas été lysées par des
phages. Les spacers correspondraient, à la base, à un ADN extrachromosomique qui dériverait
du génome de phages rencontrés précédemment par la bactérie. L’apparition de spacers est
donc un mécanisme adaptatif d’immunisation (une acquisition de résistance) des bactéries visà-vis d’une infection par des phages[86].
Le mécanisme d’acquisition de nouveaux spacers demeure hypothétique[86]. Lors
d’une infection phagique, les bactéries phago-résistantes (par un autre mécanisme que celui
des CRISPR) ne sont pas éliminées. Ces bactéries présentant des CRISPR pourraient acquérir,
à partir du génome du phage, un nouveau spacer correspondant au proto-spacerphagique et
espacé par une nouvelle séquence palindromique. Les bactéries deviennent alors résistantes
aux phages présentant ce proto-spacer (figure 12).
Les CRISPR peuvent donc être considérés comme un historique des infections
phagiques rencontrées par la bactérie[86].
Figure 12: Schéma représentant le système CRISPR/Cas[86],
88
Ce schéma représente le mode d’action proposé du système CRISPR/Cas. Lors de
l’infection d’une bactérie par un phage (a), les phages vont éliminer une grande partie des
bactéries. Certaines bactéries résistantes (b) acquièrent un nouveau spacer dans leur génome,
correspondant au proto-spacer des phages rencontrés. Les bactéries possédant ce nouveau
spacer sont alors résistantes aux phages portant le proto-spacer correspondant (c). Elles
demeurent sensibles aux phages exempts de proto-spacers correspondants aux spacers de la
bactérie (d). Enfin, la coévolution phage–bactérie peut permettre le contournement de cette
résistance, par une mutation du proto-spacer, qui ne sera plus reconnu par le spacer de la
bactérie.
•
Intégration d’un phage tempéré
Lorsqu’une bactérie est infectée par un phage tempéré, le génome du phage n’est pas
détruit. Il devient un composant intégré à part entière du génome bactérien. Les bactéries
infectées deviennent alors résistantes à ce phage intégré, ainsi qu’aux phages proches
génétiquement[4, 70].
b. Conséquences
L’existence et l’évolution continue des résistances bactériennes aux phages suscitent des
interrogations et sont autant de problèmes à anticiper. Un certain nombre d’arguments
permettent toutefois de nuancer l’impact futur de ces résistances.
Tout d’abord, les bactériophages ont un spectre d’action étroit. La résistance d’une
bactérie (ou d’une souche bactérienne) est donc nécessairement limitée, puisque seules les
bactéries cibles peuvent devenir résistantes au phage en question. L’administration de
cocktails phagiques ciblant des récepteurs bactériens différents et continuellement mis à jour
en fonction de l’évolution des bactéries cibles réduit considérablement l’impact que
pourraient avoir les résistances bactériennes[87].
La coévolution permanente du couple phage/bactérie permet la sélection de virus qui
échappent aux mécanismes de résistance acquis par la bactérie. Cette coévolution permet donc
de relativiser le risque de résistances aux phages des bactéries. En ce qui concerne le système
CRISPR/Cas, l’action est, d’une part, limitée aux phages que la bactérie a déjà rencontrés
89
auparavant, c’est à dire au cours d’une infection pour laquelle elle s’était déjà avérée
résistante. Cela limite la probabilité de survenue de ce mécanisme[68].
D’autre part, les bactériophages peuvent échapper à la phago-résistance bactérienne due
à la présence de spacers correspondant aux proto-spacersphagiques, par un réarrangement
dans leurs proto-spacers[86]. Ce mécanisme peut consister en une recombinaison homologue,
une mutation ponctuelle ou une courte délétion.
Enfin, les phago-résistances se mettraient en place relativement lentement, environ dix
fois plus lentement que celles mises en place contre les antibiotiques : toutes les 106 divisions
bactériennes
pour
les
antibiotiques,
contre
107
pour
les
bactériophages[77].
Or,lesbactériophages ont une croissance exponentielle et mutent au même rythme que leurs
cellules hôtes. Le différentiel temporel entre la croissance des populations bactériennes et
phagiques et les évolutions respectives au cours du développement permettraient aux phages
de ne jamais être complètement « dépassés » par les phago-résistances bactériennes[5].
4.
Limites pharmacologiques
a. Traitement ciblé
Les bactériophages ont la propriété d’être spécifiques d’une espèce de bactérie, et
parfois de seulement quelques représentants de cette espèce. Le niveau de spécificité varie
d’une espèce de phage à l’autre. Cependant il existe souvent plusieurs phages spécifiques de
la même bactérie, au minimum une dizaine de bactériophages spécifiques d’une bactérie
donnée. Cette spécificité provient de la reconnaissance par les phages de récepteurs
particuliers localisés à la surface des bactéries[4, 11].
Une phagothérapie correcte nécessite de connaître la bactérie à combattre, et cela peut être
contraignant pour l’utilisation en routine. Il y a plusieurs obstacles à cela [4, 45]:
- il est nécessaire d’isoler et d’étudier la bactérie responsable de la maladie, ce qui implique
de réaliser un prélèvement correct et d’avoir un laboratoire performant. Cela demande de la
maîtrise, du temps et des frais ;
90
- la zone d’infection est parfois difficile à atteindre, ce qui complique encore la manoeuvre de
prélèvement (et de traitement qui s’ensuit) ;
- certaines infections sont à germes multiples ;
- enfin, il est important d’isoler et de bien déterminer l’agent pathogène effectif et non pas un
contaminant (contamination extérieure ou flore commensale), sous peine d’échec
thérapeutique.
Cependant, les antibiotiques à spectre étroit connaissent le même problème, dans une
moindre mesure. Cela explique le succès des antibiotiques à large spectre en première
intention, et par conséquent l’augmentation actuelle des résistances aux antibiotiques. Lors
d’antibiothérapie il arrive souvent qu’un antibiotique à large spectre soit mis en place, le
temps d’identifier la bactérie et l’antibiotique le plus adapté contre elles, pour ensuite, si
nécessaire, réadapter le traitement avec ce dernier [4].
De la même manière, il est possible d’employer un cocktail, permettant ainsi d’élargir le
spectre d’action du traitement, et s’assurer par exemple que tous les germes incriminables
soient bien éliminés.
L’isolement de la bactérie pathogène d’une maladie est important à réaliser, cependant,
lors d’infection grave à évolution rapide, l’emploi d’un cocktail est fortement recommandé,
pour le traitement d’attaque le temps de trouver le bactériophage spécifiquement dirigé contre
cette bactérie.
b. Seuil bactérien
Lorsqu’une infection bactérienne n’en est encore qu’aux tous premiers stades, la
population bactérienne est relativement faible, les chances de rencontres aléatoires entre les
bactéries et les bactériophages sont donc faibles et le seuil de densité bactérienne nécessaire à
la reproduction phagique n’est pas atteint. Les bactériophages ne sont alors pas efficaces
contre cette infection car ils sont éliminés avant d’avoir atteint leurs cibles.
De même, si l’infection à traiter est due à des bactéries à multiplication lente, le seuil de
population bactérienne nécessaire à atteindre est obtenu plus tardivement que sur une
91
infection provoquée par des bactéries se multipliant rapidement. Il est alors possible de se
retrouver dans une situation où les phages ne sont pas efficaces.
Ce point est donc à prendre en compte lors de mise en place d’une phagothérapie, pour
ne pas se retrouver face à un échec thérapeutique. Pour éviter cet échec, il vaut mieux ne pas
commencer une phagothérapie dès le tout début d’une infection, et privilégier des
administrations multiples lors d’infection à croissance lente, contrairement aux infections à
croissance rapide où un faible nombre d’administrations, voire une unique administration,
suffit[54, 88]
c. Le phénomène de translocation
L’infection d’une bactérie par un phage se réalise à la faveur d’une collision aléatoire
entre les deux éléments, et non pas à la suite d’une recherche active de la bactérie par le
phage. Pour combattre une infection bactérienne, il est donc nécessaire de favoriser cette
collision. Or, lors d’administration systémique de bactériophages, ceux-ci vont circuler dans
l’organisme de manière aléatoire, il y a donc de fortes chances qu’une partie seulement des
phages atteigne le lieu d’infection. Cela engendrerait donc une perte quantitative de phages
efficaces. En outre, si ces phages arrivaient au lieu d’infection en sous-nombre par rapport au
seuil de phages nécessaires à une bonne reproduction virale, le traitement ne sera pas efficace.
Les infections affectant les organes internes semblent ainsi théoriquement plus difficiles
à combattre que celles locales (plaie cutanée, atteinte du tractus digestif, etc.). Pour obtenir
une bonne efficacité de la phagothérapie, il vaut donc mieux privilégier les traitements
locaux[63].
d. Infections à bactéries intracellulaires
En 1940, le traitement par phages de fièvre typhoïde due à Salmonella typhia donné des
résultats thérapeutiques satisfaisants. Toutefois, les salmonelles ne sont que des bactéries
intracellulaires facultatives. L’interprétation des résultats reste donc difficile.
92
L’étude du génome de Legionellapneumophila, germe intracellulaire strict, a montré la
présence de séquences génomiques comportant de fortes analogies avec celles des phages.
Ceci pourrait être une preuve indirecte de l’existence de bactériophages dirigés contre
cette bactérie. De plus, le Centre National de Référence des légionnelles (Institut de Veille
Sanitaire) a cherché des preuves directes de cette existence. La conclusion de leurs
travaux est qu’il existe des bactériophages dirigés contre ces germes intracellulaires
stricts[89].
Enfin, les espèces bactériennes appartenant au genre Mycobacteriumont une
multiplication intracellulaire. Il a été mis en évidence des phages dirigés contre ces bactéries,
ils sont appelées mycobactériophages. Certaines espèces de mycobactéries ne sont pas ou peu
pathogènes pour l'homme (Mycobacteriumsmegmatisou Mycobacteriumkansasii). Une étude a
permis de mettre en évidence des phages non lytiques contre ces deux espèces bactériennes
(infection chronique permettant la production de phages qui sont excrétés sans lyse de la
bactérie), mais lytiques contre Mycobacteriumtuberculosis. In vitro, une souche de
Mycobacteriumsmegmatislysogénisée par le phage a été inoculée à une culture cellulaire
contaminée
par
le
bacille
de
la
tuberculose.
Après
avoir
été
phagocytée,
Mycobacteriumsmegmatislibère des phages capables de lyser Mycobacteriumtuberculosis.
Cette méthode a permis l’élimination de toutes les souches de mycobactéries pathogènes in
vitro[90].
La question d’une efficacité potentielle de la phagothérapie sur les bactéries
intracellulaires demeure incertaine et nécessite donc des études supplémentaires, puisque les
études citéesprécédemment semblent infirmer les prévisions théoriques.
93
TROISIEME PARTIE :
PHAGOPROPHYLAXIE
94
En étudiant les maladies diarrhéiques telles que la dysenterie bacillaire ou le choléra,
d’Hérelle a observé la guérison d’individus lorsqu’ils étaient au contact de malades en phase
de rémission de ces diarrhées. Il a appelé ce phénomène la « guérison contagieuse ». Il
remarqua par la suite que des bactériophages étaient émis dans les selles diarrhéiques de ces
malades et émit l’hypothèse que les phages libérés dans l’environnement s’étaient ensuite
introduits dans le corps des autres malades, via une eau de boisson contaminée ou un simple
contact, et avaient permis le rétablissement de ces derniers ainsi qu’une protection pour les
individus non encore malades. Ce dernier cas n’est autre qu’une utilisation prophylactique des
bactériophages, parfois appelée « phagoprophylaxie »[10].
Il semble possible que l’évolution de certaines épidémies qu’a connu l’histoire
s’explique par ce phénomène : l’épidémie survient et se propage, puis un bactériophage
lytique se développe et est répandu dans l’environnement, permettant une extinction de
l’épidémie en protégeant les individus non encore atteints et en permettant une guérison
accélérée des malades. Une autre étude récente montre que ce déroulement s’applique tout à
fait à ces épidémies[91].
I. Utilisation en agro-alimentaire
Les antibiotiques sont à l’heure actuelle très largement utilisés dans l’industrie agricole
tant pour la prophylaxie que pour les traitements de maladies infectieuses. Cette sur-utilisation
contribue fortement à l’apparition croissante de résistances bactériennes face aux
antibiotiques. Dès lors, il serait intéressant de privilégier une faible utilisation des
antibiotiques et de préférer l’emploi de bactériophages[5].
Traitement des animaux de rente :
L’emploi des bactériophages pour traiter les animaux destinés à l’alimentation humaine
est de plus en plus envisagé. Il permettrait de diminuer la quantité d’antibiotiques utilisés en
prophylaxie et en traitement de ces animaux et donc d’abaisser leur taux dans la chaîne
alimentaire pour l’homme.
95
La majorité des études concernant ce sujet a été menée chez les volailles, pour lutter
contre Salmonella enterica, responsable de gastro-entérites sévères, de bactériémie et de
fièvre entérique (aussi appelée « fièvre typhoïde ») chez l’homme. Les deux premiers
symptômes touchent chaque année 1,3 milliards de personnes dans le monde, tandis que la
fièvre entérique est responsable de 16 millions de cas de malades et de 600 000 décès par an
[92]. Les différentes publications scientifiques relatent une diminution de la quantité de
bactéries présentes chez les poules[93]. Fiorentin et ses collaborateurs ont par exemple
démontré qu’après cinq jours de traitement par un cocktail de phage aillant pour cible
Salmonella entericaserovarEnteritidis phage type 4, les volailles traitées présentaient, dans
leur cæcum, une réduction de 3,5 logs par rapport à la population initiale de ces bactéries[94].
D’autres scientifiques travaillent sur d’autres infections zoonotiques importantes qui peuvent
résulter de la consommation de viande de volaille insuffisamment cuite : les infections à
Campylobacter. L’équipe scientifique de l’Université de Nottingham (Royaume-Uni) menée
par Connerton a indiqué la potentialité d’un traitement alternatif avec des bactériophages
contre Campylobacterspp, dont Campylobacterjejuni, bactéries présentes dans la flore
intestinale de la majorité des volailles. Elle a montré qu’il était possible pour les phages de
réduire la forte incidence de Campylobacterchez les volailles[95] .
les bactériophages seraient également indiqués pour réduire la population bactérienne
d’ Escherichia coli O157:H7 colonisant le tractus gastro-intestinal des troupeaux de
ruminants, réservoir principal de cette bactérie[93]. Quelques études ont aussi été réalisées
chez les porcs contre Salmonella, et certaines se sont révélées efficaces, comme par exemple
celles de l’équipe de.Wall contre Salmonella enterica[96].
La meilleure introduction des bactériophages en agro-alimentaire se trouve dans le
domaine de l’aquaculture. Les phages utilisés sont parfaitement adaptés à cet environnement,
puisqu’ils se trouvent habituellement dans les milieux aquatiques, et cela permet de plus que
les phages soient en contact étroit et continu avec leur hôte[97-99].
96
II.
Décontamination alimentaire
Malgré les nombreuses précautions mises en œuvre pour les assainir, les denrées
alimentaires demeurent d’excellents milieux de culture pour les micro-organismes,
pathogènes ou non. On estime que plus de 90 % des toxi-infections d’origine alimentaire
auraient pour cause des bactéries. Parmi ces toxi-infections, 75 % seraient dues uniquement
aux trois principales bactéries souillant les aliments, à savoir Salmonella enterica,
Clostridium perfringens et Staphylococcus aureus. D’autres bactéries pathogènes telles que
Escherichia coli ou Listeria monocytogenessont également fréquemment présentes sur les
aliments et peuvent s’avérer très pathogènes pour l’homme[100]
Face à ces menaces bactériennes envers la santé publique, les scientifiques ont montré
que les phages pouvaient avoir leur utilité en étant employés en industrie agro-alimentaire
dans l’assainissement des denrées directement, c’est-à-dire des carcasses et autres produits
alimentaires[8].
Concernant les viandes, les principales bactéries étudiées sont Listeria monocytogenes,
Escherichia coli O157:H7, Campylobacteret Salmonella[93].
Prenons par exemple le cas de Listeria monocytogenesqui a particulièrement été étudié.
Cette bactérie provoque la listériose, maladie de répartition mondiale, plutôt rare et
sporadique (3,2 cas/millions d’habitants en Europe en 2011 dont environ 300 cas par an en
France, et 2,5 cas/millions d’habitant aux États-Unis d’Amérique en 2012), mais relativement
grave (sa létalité peut atteindre 30 %) et dont les symptômes sont des septicémies, des
méningites et chez les femmes enceintes, la mort du foetus. Parmi les malades, 80 %
correspondent à des YOPI (Young, oldpregnant, immunodepressed) c’est-à-dire à des
personnes présentant une déficience immunitaire[101-104].
Les études portant sur l’assainissement des denrées contre Listeria monocytogenespar
bactériophagie démontrent que l’utilisation de bactériophages contre ces bactéries s’avère
efficace pour réduire quantitativement le nombre de bactéries, tout en préservant les qualités
organoleptiques des aliments [100, 105, 106].
Les fruits et légumes frais, et les produits transformés (poudre de lait, charcuterie, …)
sont également concernés par la nécessité d’un assainissement bactérien, contre les mêmes
97
bactéries que celles contaminant les viandes. Par exemple, les contaminations des produits
maraîchers ont été responsables entre 1990 et 2003 de 28 000 cas de maladies[107]. Là
encore, les résultats des travaux sur l’utilisation des phages s’avèrent encourageants [93, 100].
III.
Désinfection des surfaces inertes
Dans le même ordre d’idées que pour l’assainissement des denrées, l’usage des
bactériophages est envisagé pour l’assainissement de l’environnement. En effet, les phages se
sont avérés efficaces en application sur des surfaces inertes pour les débarrasser des bactéries
ou des biofilms. Leur usage serait particulièrement indiqué pour traiter l’intérieur des réseaux
hydrauliques, comme par exemple les tuyaux de circulation d’eau de boisson pour les
volailles, qui regorgent généralement de bactéries (surtout des bactéries générant des
infections entériques, comme Campylobacterspp.) et de biofilms [5]. C’est ce qu’ont tenté in
vitro certains scientifiques. Les bactériophages appliqués sur les surfaces contre
Campylobacterjejuniet contre les biofilms associés se sont révélés très efficaces, en particulier
les phages CP8 et CP 30[108, 109].
L’action des bactériophages pourrait également s’appliquer à l’aseptisation du matériel
médical et des surfaces en milieux hospitalier, comme le démontre l’équipe de Carson dans
une étude sur l’élimination des biofilms présents sur le matériel médical[110].
IV.
Prévention des infections dans le domaine médical
Dans le domaine médical, les bactériophages pourraient avoir diverses applications. Il
est envisageable et envisagé d’utiliser les bactériophages chez le personnel de santé et les
patients (patients opérés, porteurs sains…). L’élimination du staphylococus aureus dans le
nez des personnels et patients des services de chirurgie est à l’étude. Les bactériophages ne
distinguent pas les staphylocoques dorés résistants à la méticilline (SARM) des
staphylocoques dorés sensibles à cet antibiotique (SASM). Ils permettent d’éliminer les
staphylocoques
pathogènes,
sans
distinction
de
sensibilité.
Par
conséquent,
la
phagoprophylaxie peut permettre de prévenir une partie des infections post chirurgicales
98
(notamment dans le cadre de chirurgies ostéo-articulaires) dont la principale complication
infectieuse est due à cette bactérie.
L’élimination du portage intestinal de Clostridium difficile, afin d’éviter la
contamination des autres patients du service (notamment dans le cadre de longs séjours
hospitaliers) peut également s’avérer intéressante.
L’action des bactériophages pourrait également s’appliquer à l’aseptisation du matériel
médical (sondes, sutures, cathéters) et des surfaces en milieux hospitalier (blocs opératoires,
services d’hospitalisation) comme le démontre l’équipe de Carson dans une étude sur
l’élimination des biofilms présents sur le matériel médical[110].
V.
Avantages et limites dans le domaine médical
1.
Avantages
L’administration de phages prophylactiques dans le domaine médical offre certains
avantages.
En prophylaxie, les densités bactériennes sont souvent moindres. Les produits de la
dégradation bactérienne par les phages seront, par conséquent, quantitativement moins
importants. La sécurité phagique est donc renforcée.
De plus, l’association des bactériophages à certains antibiotiques pourrait permettre de
réduire les doses d’antibiotiques administrées et ainsi réduire certains effets indésirables.
Enfin, les phages n’interfèrent pas avec la cicatrisation [110]. Ceci est un élément
important à prendre en compte dans le cadre de certaines chirurgies.
2. Limites
Dans la mesure où les bactéries sont présentes à de faibles densités, un traitement actif
pourrait ne pas être possible. En effet, le seuil de densités bactériennes nécessaires à une
autoréplication phagique peut ne pas être atteint. Un traitement passif devrait donc être
envisagé.
99
De plus, les traitements prophylactiques sont souvent des traitements empiriques,
puisque le pathogène auquel l’individu pourrait être exposé n’est, dans la majorité des cas, pas
connu par avance. L’utilisation de cocktails phagiques, permettant d’élargir le spectre
d’activité, pourrait donc être préférée en prophylaxie.
100
CONCLUSION
La phagothérapie a été découverte il y a plus de quatre-vingt-dix ans. Après des débuts
prometteurs, elle est progressivement tombée dans l’oubli dans les pays Occidentaux.
Actuellement, elle suscite de nouveau l’intérêt de scientifiques et de quelques industriels
et hommes politiques. Les avantages qu’offre la phagothérapie n’y sont probablement pas
étrangers. En effet, les bactériophages peuvent être considérés comme des « médicaments (car
ils répondent effectivement à la définition du médicament) intelligents », puisqu’ils sont
autorépliquant (capable de multiplication in situ) et auto-limitant. De plus, le pouvoir
bactéricide des phages virulents, la possibilité d’éliminer la bactérie pathogène sans altération
de la floreendogène et le faible nombre d’effets indésirables observés justifient
indéniablement lepositionnement de la phagothérapie comme une alternative crédible à
l’antibiothérapie ou enassociation avec les antibiotiques. L’utilisation de phages en
prophylaxie offre également despossibilités intéressantes dans des domaines variées.
A ce jour, toutes les propriétés des bactériophages ne sont pas connues. Les éventuelles
applications que pourraient offrir ces virus ne se limitent pas à la seule phagothérapie. En
effet, les phages sont étudiés dans d’autres domaines parmi lesquels on retrouve la biologie
moléculaire, la génétique, les transplantations cutanées ou le traitement de tumeurs.
L’état ou la multirésistance de bactéries aux antibiotiques est-elle que toute les solutions
sont les bienvenue, parce qu’on a atteint un niveau de multirésistance qui a des conséquences
claire sur la morbidité et sur la mortalité, d’où l’intérêt
de surveiller de prés les
bactériophages.
Il est trop tôt pour dire s’il s’agit de la potion miracle ou une simple ruse qui nous
permettra de gagner du temps, on ne sait pas assez encore aujourd’hui pour connaitre les
résultats, c’est le même problème que les organismes génétiquement modifiés, il semble que
c’est que se soit une bonne chose mais est-ce le cas vraiment !? Il faut garder en tête qu’une
fois le génie est sortie de la bouteille, il est très difficile de le faire rentrer.
101
Résumé
Titre : Rôle de la phagoterapie dans le traitement des infections bacteriennes
Auteur : Abdessamad ERRAFYG
Mots clés : Phagothérapie – Bactériophage – Infection lytique – résistance bactérienne s
Devant l‘évolution inexorable des bactéries résistantes aux antibiotiques, il est devenu urgent
de trouver des solutions viables. Le traitement par les bactériophages, ancienne thérapeutique
antibactérienne, semblerait pouvoir apporter sa contribution dans la recherche de nouveaux
moyens pour combattre les infections en échec.
Les bactériophages disposent d‘un matériel génétique (ADN ou ARN), ce qui commande la
machinerie de la cellule hôte, et par le biais de mutations sont capables d‘attaquer et tuer les
bactéries multi-résistantes par le simple principe lytique, présentant donc un grand avantage.
Des faits récents apportent des arguments nouveaux qui devraient pousser à mettre en valeur
la phagothérapie et donc la revoir comme complément à l‘antibiothérapie Ce n‘est pas une
découverte mais aujourd‘hui et plus que jamais, cette association doit être envisagée, et pas
seulement si les bactéries sont résistantes aux antibiobiques.
La potentialisation des antibiotiques par les phages, la dégradation des biofilms qui protègent
les bactéries persistantes, un éventuel blocage du système SOS des bactéries soumis à l‘action
des antibiotiques, sont autant de pistes qui méritent un intérêt.
Aujourd‘hui, le contexte de la recherche médicale est bien différent de celui des débuts de la
phagothérapie car elle est envisagée dans plusieurs applications, notamment la prophylaxie et
Le traitement des maladies infectieuses, en plus de la génétique et la biologie moléculaire, et
donc constitue un outil de recherche à réévaluer.
102
Summary
Title: Role of phage therapy in the treatment of bacterial infections
Author: Abdessamad ERRAFYG
Key words: Phage therapy – bacteriophage – lytic infection – bacterial resistance.
Faced with the inexorable evolution of antibiotic resistant bacteria, it became urgent to find
workable solutions. Treatment with bacteriophages, former antibacterial therapy, seem to
contribute in the search for new ways to fight infections in check.
Bacteriophages have genetic material (DNA or RNA), which controls the machinery of the
host cell, and through mutations are able to attack and kill multi-resistant bacteria simply by
lytic principle, thus presenting a great advantage.
Recent developments provide new arguments that should push to enhance the review and
therefore the phage therapy as an adjunct to antibiotic therapy This is not a discovery but now
more than ever, this association should be considered, not only if the bacteria are resistant to
antibiotics.
The potentiating of antibiotics by phages, degradation of biofilms that protect bacteria are
persistent, a possible system crash SOS bacteria subjected to the action of antibiotics are all
tracks that are worth a visit.
Today, the context of medical research is very different from the early days of phage therapy
because it is considered in many applications, including prophylaxis and treatment of
infectious diseases, in addition to genetics and molecular biology and thus constituted a
research tool to reassess.
103
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Serment de Galien
Je jure en présence des maîtres de cette faculté :
-
D’honorer ceux qui m’ont instruit dans les préceptes de mon
art et de leur témoigner ma reconnaisse en restant fidèle à
leur renseignement.
-
D’exercer ma profession avec conscience, dans l’intérêt de la
santé public, sans jamais oublier ma responsabilité et mes
devoirs envers le malade et sa dignité humain.
-
D’être fidèle dans l’exercice de la pharmacie à la législation
en vigueur, aux règles de l’honneur, de la probité et du
désintéressement.
-
De ne dévoiler à personne les secrets qui m’auraient été
confiés ou dont j’aurais eu connaissance dans l’exercice de
ma profession, de ne jamais consentir à utiliser mes
connaissances et mon état pour corrompre les mœurs et
favoriser les actes criminels.
-
Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes
promesses, que je sois méprisé de mes confrères si je manquais
à mes engagements.
‫‬‫‬‫‪-‬‬
‫‬‫‪-‬‬
‫ﺃﻥ ﺃﺭﺍﻗﺏ ﺍﷲ ﻓﻲ ﻤﻬﻨﺘﻲ‬
‫ﺃﻥ ﺃﺒﺠل ﺃﺴﺎﺘﺫﺘﻲ ﺍﻝﺫﻴﻥ ﺘﻌﻠﻤﺕ ﻋﻠﻰ ﺃﻴﺩﻴﻬﻡ ﻤﺒﺎﺩﺉ ﻤﻬﻨﺘﻲ‬
‫ﻭﺃﻋﺘﺭﻑ ﻝﻬﻡ ﺒﺎﻝﺠﻤﻴل ﻭﺃﺒﻘﻰ ﺩﻭﻤﺎ ﻭﻓﻴﺎ ﻝﺘﻌﺎﻝﻴﻤﻬﻡ‪.‬‬
‫ﺃﻥ ﺃﺯﺍﻭل ﻤﻬﻨﺘﻲ ﺒﻭﺍﺯﻉ ﻤﻥ ﻀﻤﻴﺭﻱ ﻝﻤﺎ ﻓﻴﻪ ﺼﺎﻝﺤﺎﻝﺼﺤﺔ‬
‫ﺍﻝﻌﻤﻭﻤﻴﺔ‪ ،‬ﻭﺃﻥ ﻻ ﺃﻗﺼﺭ ﺃﺒﺩﺍ ﻓﻲ ﻤﺴﺅﻭﻝﻴﺘﻲ ﻭﻭﺍﺠﺒﺎﺘﻲ ﺘﺠﺎﻩ‬
‫ﺍﻝﻤﺭﻴﺽ ﻭﻜﺭﺍﻤﺘﻪ ﺍﻹﻨﺴﺎﻨﻴﺔ‪.‬‬
‫ﺃﻥ ﺃﻝﺘﺯﻡ ﺃﺜﻨﺎﺀ ﻤﻤﺎﺭﺴﺘﻲ ﻝﻠﺼﻴﺩﻝﺔ ﺒﺎﻝﻘﻭﺍﻨﻴﻥ ﺍﻝﻤﻌﻤﻭل ﺒﻬﺎ ﻭﺒﺄﺩﺏ‬
‫ﺍﻝﺴﻠﻭﻙ ﻭﺍﻝﺸﺭﻑ‪ ،‬ﻭﻜﺫﺍ ﺒﺎﻻﺴﺘﻘﺎﻤﺔ ﻭﺍﻝﺘﺭﻓﻊ‪.‬‬
‫ﺃﻥ ﻻ ﺃﻓﺸﻲ ﺍﻷﺴﺭﺍﺭ ﺍﻝﺘﻲ ﻗﺩ ﺘﻌﻬﺩ ﺇﻝﻰ ﺃﻭ ﺍﻝﺘﻲ ﻗﺩ ﺃﻁﻠﻊ ﻋﻠﻴﻬﺎ‬
‫ﺃﺜﻨﺎﺀ ﺍﻝﻘﻴﺎﻡ ﺒﻤﻬﺎﻤﻲ‪ ،‬ﻭﺃﻥ ﻻ ﺃﻭﺍﻓﻕ ﻋﻠﻰ ﺍﺴﺘﻌﻤﺎل ﻤﻌﻠﻭﻤﺎﺘﻲ‬
‫ﻹﻓﺴﺎﺩ ﺍﻷﺨﻼﻕ ﺃﻭ ﺘﺸﺠﻴﻊ ﺍﻷﻋﻤﺎل ﺍﻹﺠﺭﺍﻤﻴﺔ‪.‬‬
‫ ﻷﺤﻀﻰ ﺒﺘﻘﺩﻴﺭ ﺍﻝﻨﺎﺱ ﺇﻥ ﺃﻨﺎ ﺘﻘﻴﺩﺕ ﺒﻌﻬﻭﺩﻱ‪ ،‬ﺃﻭ ﺃﺤﺘﻘﺭ ﻤﻥ‬‫ﻁﺭﻑ ﺯﻤﻼﺌﻲ ﺇﻥ ﺃﻨﺎ ﻝﻡ ﺃﻑ ﺒﺎﻝﺘﺯﺍﻤﺎﺘﻲ‪.‬‬
‫
ا‪ -‬اط‬
‫آاا ‪-‬اط‬
‫أ
و ر ‪118:‬‬
‫ـ ‪2016 :‬‬
‫ﺩﻭﺭ ﺍﻟﺘﺪﺍﻭﻱ ﺑﺎﻟﻌﺎﺛﻴﺎﺕ‬
‫ﻓﻲ ﻋﻼﺝ ﺍﻟﺘﻌﻔﻨﺎﺕ ﺍﻟﺒﻜﺘﻴﺮﻳﺔ‪.‬‬
‫ﺃﻃﺮﻭﺣﺔ‪:‬‬
‫ و م‪......................................................:‬‬
‫ﻤﻥ ﻁﺭﻑ‬
‫ا‪ :‬ا ا
‬
‫ﺍﻝﻤﺯﺩﺍﺩ ﻓﻲ ‪ 03‬ﻨﻭﻨﺒﺭ ‪ 1988‬ﺒﺎﻝﺭﺒﺎﻁ‬
‫ـــ ـ
ـدة اـآــرا ــ ا‬
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‪ :‬اج ت‪ -
-‬وى – و‪.‬‬
‫‪ #‬إ! اف ا ا اة‬
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‫أذ "! اء ا‬
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‪ :‬خ‬
‫ف‬
‫أذ "! اء ا‬
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‫أذة &‪%‬زة "! اء ا‬
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