Autres zoonoses et encéphalopathies subaigües spongiformes
Surveillance nationale des maladies infectieuses, 2001-2003
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La surveillance de la Fièvre Q en France
Pr. Hervé Richet, Pr. Didier Raoult
Centre national de référence (CNR) des Rickettsies
Courriel : [email protected]niv-mrs.fr
Mots-clés: diagnostic, surveillance, fièvre Q, France,
Les points essentiels
- Le CNR reçoit plus de 10 000 prélèvements par an permettant de diagnostiquer plus de 250 fièvres
Q aiguës et plus de 50 fièvres Q chroniques.
- Ces diagnostics sont faits par rologie, culture et, de plus en plus, par amplification génique par
PCR.
- Le CNR participe également à la surveillance des fièvres Q au sein de populations à risque et
contribue à l’investigation d’épidémies.
INTRODUCTION
La fièvre Q est une zoonose causée par une bactérie intracellulaire appelée Coxiella burnetii
transmise à l’homme par inhalation de poussières ou d’aérosols contaminés ou plus rarement par
ingestion de lait contaminé. Les animaux domestiques ongulés (chèvres, moutons, bovins)
représentent le principal réservoir de C. burnetii même si d’autres mammifères tels que les chiens, les
chats et les lapins sauvages ont pu être impliqués dans la transmission de la bactérie. Les poussières
infectées peuvent être transportées par le vent sur de longues distances expliquant qu’une proportion
importante de personnes infectées ne rapporte aucun contact avec des animaux.
La maladie, caractérisée par la grande variabilité de sa présentation clinique, se présente sous deux
formes, la fièvre Q aiguë et la fièvre Q chronique. La fièvre Q aiguë est la primo-infection
généralement bénigne, sauf chez certains sujets à risque de développer une forme chronique tels que
les femmes enceintes, les personnes présentant des anomalies des valves cardiaques ou les
immunodéprimés.
La fièvre Q chronique, dont la forme la plus fréquente est une endocardite, fait la gravité de l’affection,
car elle est associée à une mortalité de 25 à 60 % en l’absence de traitement.
C. burnetii est une bactérie à gram négatif de petite taille, intracellulaire stricte. Des études
phylogénétiques récentes, basées sur l’étude de la séquence du gène codant l’ARN ribosomal 16S,
ont montré que le genre Coxiella appartient à la subdivision gamma des Proteobacteria, proche des
genres Legionella, Francisella et Rickettsiella.
Le cycle de multiplication intracellulaire est complexe et aboutit à la formation de pseudo-spores,
métaboliquement inactives et résistantes à la pression osmotique, qui joueraient un rôle dans les
capacités de résistance de la bactérie dans le milieu extérieur. Ces souches supportent en effet des
grandes variations de pH, sont thermostables et résistent à la dessiccation ainsi qu’à de nombreux
antiseptiques et désinfectants aux concentrations habituelles (1-3).
Ces caractéristiques associées à la facilité d’obtention de la bactérie, à son pouvoir pathogène et à sa
transmission par aérosols, font de C. burnetii un agent potentiel de bioterrorisme. Ceci ainsi que la
survenue de formes cliniques sévères et la capacité qu’à cette bactérie à causer des épidémies justifie
la surveillance des infections causées par C. burnetii. Cet article présente les résultats de trois années
de fonctionnement du CNR des Rickettsies qui a été créé à Marseille en 1985.
METHODES
Diagnostic sérologique
C. burnetii présente une variation antigénique liée à des modifications du lipopolysaccharide de
surface (LPS). La phase I, équivalente à la phase smooth (lisse) des entérobactéries est extrêmement
virulente et représente la phase naturelle retrouvée chez l’homme, l’animal ou l’arthropode infecté. La
phase II, qui est équivalente à la phase rough (rugueuse) des entérobactéries est nettement moins
virulente et n’est obtenue qu’au laboratoire après des passages en cultures cellulaires ou sur œufs
embryonnés. Lors d’une fièvre Q aiguë, des anticorps dirigés contre l’antigène de phase II sont
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produits alors que des taux élevés d’anticorps dirigés contre l’antigène de phase I sont détectés au
cours des fièvres Q chroniques.
Le diagnostic sérologique est fait par immunofluorescence indirecte utilisant les phases I et II de C.
burnetii (souche Nine Mile) produite et purifiée dans notre laboratoire. Le dépistage se fait sur la
phase II au 1:50 et au 1:100, en immunoglobulines totales. Une analyse quantitative détermine le titre
des anticorps anti-phase I et II en IgG et, après absorption de celles-ci en IgM et en IgA, pour les
sérums 1:100 au dépistage. Un sérum est considéré comme diagnostique pour une infection aiguë
pour des titres d'IgG anti-phase II de 200 et d'IgM anti-phase II de 50. Une sérologie est en faveur
d'une forme chronique quand le sérum présente des IgG anti-phase I à un titre 800 (4).
Cultures cellulaires
L’isolement de C. burnetii à partir d’échantillons cliniques est réalisé sur cellules HEL, par la technique
de centrifugation sur tube bijou, petit tube en polycarbonate avec un bouchon à vis. Au fond du tube
se trouve une lamelle sur laquelle a été cultivé un tapis cellulaire. La détection de la croissance
bactérienne au niveau de la lamelle peut se faire directement dans le tube. Les colorations peuvent
être réalisées à partir du surnageant de culture après cyto-centrifugation ou en grattant quelques
cellules de la monocouche cellulaire infectée. La détection des bactéries se fait par
immunofluorescence. L’identification de l’espèce bactérienne utilise les techniques de biologie
moléculaire.
Amplification génique par PCR
L'amplification directe par PCR à partir de différents prélèvements par biopsies (valve cardiaque,
placenta, parois vasculaires, LCR…), du sang ou du sérum est la technique la plus spécifique pour
effectuer le diagnostic d’infection à C. burnetii, en particulier pour le diagnostic des endocardites à
partir de valves cardiaques. Différents gènes on été utilisés, et actuellement au Centre national de
référence, une amplification génique de deux gènes spécifiques, le gène IS1111, et le gène IS30a, est
réalisée par une technique de PCR quantitative en temps réel à l’aide de sondes d’hydrolyse. Quel
que soit le gène amplifié, la spécificité des fragments amplifiés doit être vérifiée, soit par séquençage,
soit par hybridation avec une sonde spécifique (5).
RESULTATS
Durant les années 2001, 2002 et 2003 qui font l’objet de cet article, le CNR a reçu des prélèvements
de 57 établissements faisant partie de Centres hospitaliers universitaires (CHU) présents dans 25
régions, de 40 Centres hospitaliers généraux (CHG), de 7 hôpitaux d’Instruction des armées (HIA), de
12 hôpitaux/cliniques privés, de 165 laboratoires privés et de 3 Instituts Pasteur. Le CNR qui est
également Centre collaborateur de l’OMS pour l’Europe de l’Ouest a reçu des prélèvements de
nombreux pays étrangers (Espagne, Islande, Italie, Luxembourg, Royaume-Uni, Canada, et Etats-
Unis).
Sérologies
La figure 1 montre le nombre de sérums reçus annuellement par le CNR depuis sa création en 1985.
Ce nombre de sérum reçu a été multiplié par 4,6 entre 1985 et 2002, passant de 2 290 à 10 639 et est
resté stable en 2003.
Le tableau 1 montre les principaux résultats des sérologies. En 2001, 2002 et 2003, 8 974, 10 639 et
10 588 sérums ont été testés, respectivement. La proportion de patients ayant fait l’objet d’un
dépistage positif a légèrement augmenté entre 2001 et 2003 en passant de 13 % à 15 %. Le nombre
de fièvre Q aiguës diagnostiquées a également légèrement augmenté entre 2001 et 2003, passant de
167 (2,4 %) en 2001 à 242 (3 %) en 2003 alors que le nombre de fièvre Q chroniques diagnostiquées
à augmenté de 38 en 2001 à 55 en 2002 pour se stabiliser à 52 en 2003.
Par ailleurs, un certain nombre de patients (53 en 2001, 47 en 2002 et 50 en 2003) connus comme
étant porteurs d'une forme chronique de la maladie ont bénéficié d'examens de contrôle. Un profil
sérologique de séquelle d'infection ancienne a été retrouvé chez 378 patients en 2001, 357 en 2002 et
448 en 2003.
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Cultures
Le CNR a reçu 106 prélèvements pour cultures en 2001, 91 en 2002 et 120 en 2003. Il s’agissait de
placentas, d’échantillons de sang, de prélèvements cardio-vasculaires, de biopsies et de LCR qui ont
permis de cultiver 15 nouvelles souches et de porter le nombre de souches humaines de C. burnetii
détenues au CNR à 117.
Amplification génique par PCR
Il s’agit probablement du développement le plus significatif survenu entre 2001 et 2003 au CNR,
puisque le nombre de prélèvements ayant fait l’objet de cette technique a été multiplié par 6,8 et que
la proportion de prélèvements positifs a augmenté de façon statistiquement significative de 4,9% à
11% (p = 0,006) entre 2002 et 2003 (Tableau 2). Les prélèvements associés aux plus forts taux de
positivité en 2003 étaient les prélèvements cardio-vasculaires (39%), le sang (10%) et les biopsies
(5%) (Tableau 2).
Surveillance ciblée
Le laboratoire participe à des programmes de surveillance ciblant des populations à risque de
développer des infections à C. burnetii. Une des populations qui a fait l’objet d’études
épidémiologiques depuis 1993 est constituée par les personnes sans domicile fixe (SDF). Un total de
930 SDF a été surveillé lors d’études de prévalence effectuées dans deux foyers d’accueil marseillais
en 2000, 2001, 2002 et 2003. Ces études ont permis de détecter une épidémie de fièvre Q chez des
SDF fréquentant un des deux foyers ce qui a été confirmé par l’étude épidémiologique analytique qui
a identifié la fréquentation de ce foyer comme seul facteur de risque. La revue des conditions
météorologiques a montré que le nombre de jours avec du vent avait été significativement plus élevé
durant le mois suivant la fête de l’Aid El Khebir l’année ou les cas de fièvre Q ont été les plus
nombreux. Le foyer en cause se trouvait sous le vent d’un abattoir abandonné utilisé un jour par an
pour le sacrifice des moutons qui y étaient gardés dans de mauvaises conditions d’hygiène expliquant
l’exposition à C. burnetii des SDF fréquentant ce foyer (6).
Participation à l’investigation d’épidémies
Le CNR a participé en 2002 et 2003 à l’investigation de l’épidémie de fièvre Q survenue dans la vallée
de Chamonix. Durant une période de 4 mois, 89 cas de fièvre Q diagnostiqués sérologiquement par le
CNR ont été recensés dans la vallée de Chamonix. Une étude épidémiologique de type cas-témoin a
montré qu’un contact rapproché avec des moutons ou avoir assisté à la transhumance étaient
significativement associés à une augmentation du risque de survenue de la maladie
(http://www.invs.sante.fr/presse/2002/le_point_sur/fievre_q/).
CONCLUSIONS
Le CNR de la fièvre Q, du fait du nombre élevé de prélèvements qu’il reçoit et des capacités uniques
de diagnostic qui s’y trouvent, en particulier dans le domaine du diagnostic moléculaire, occupe un
rôle central dans le dispositif de surveillance de cette maladie et de l’investigation d’épidémies. Les
années 2001 à 2033 ont été marquées par une stabilisation à un niveau élevé des prélèvements
envoyés au CNR ainsi que par une montée en puissance du diagnostic moléculaire qui est en train de
devenir un outil de diagnostic indispensable des formes chroniques telles que les endocardites ou les
infections vasculaires. Enfin, le fait que la fièvre Q ne soit pas une maladie à déclaration obligatoire ne
permet pas d’obtenir les données épidémiologiques qui permettraient de définir avec plus de précision
la fréquence de cette infection.
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REFERENCES
1. Raoult D, Tissot-Dupont H, Foucault C, Gouvernet J, Fournier PE, Bernit E, Stein A, Nesri M,
Harle JR, Weiller PJ. Q fever 1985-1998. Clinical and epidemiologic features of 1,383
infections. Medicine 2000;79:109-23.
2. Tissot-Dupont H, Torres S, Nezri M, Raoult D. Hyperendemic focus of Q fever related to
sheep and wind. Am J Epidemiol. 1999;150:67-74.
3. Raoult D, Marrie TJ, Mege JL. Natural history and pathophysiology of Q fever. Lancet Infect
Dis 2005;5:219-26
4. Tissot-Dupont H, Thirion X, Raoult D. Q fever serology: cutoff determination for
microimmunofluorescence. Clin Diagn Lab Immunol. 1994 Mar;1(2):189-96.
5. Fenollar F, Fournier PE, Raoult D. Molecular detection of Coxiella burnetii in the sera of
patients with Q fever endocarditis or vascular infection. J Clin Microbiol. 2004 Nov;42:4919-24.
6. Brouqui P, Badiaga S, Raoult D. Q fever outbreak in homeless shelter. Emerg Infect Dis
2004;10:1297-1299.
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Tableau 1 - Résultats de sérologies pour le diagnostic de fièvre Q effectuées au CNR, 2001-2003
2001 2002 2003
Nombre de patients
testés
7 106 8 342 8 122
Nombre de sérums
envoyés au CNR
8 974 10 639 10 588
Nombre de patients
ayant eu un dépistage
positif
931 (13%) 1 220 (14,6%) 1 214 (15%)
Nombre de patients
ayant des IgG anti
Phase II > 200
636 (9%) 683 (8,2%) 662 (8,2%)
Nombre de patients
ayant un profil
sérologique de forme
aiguë
167 (2,4%) 224(2,7%) 242 (3%)
Nombre de patients
ayant un profil
sérologique de forme
chronique
38 (0,5%) 55 (0,7%) 52 (0,6%)
1 / 7 100%
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