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Jacques le fataliste et son maître :
Un
road movie
du XVIIIe siècle.
Aventure picaresque, traversée de réminiscences, de péripéties, de
rencontres, suscitant à leur tour de nouveaux récits comme celui, célèbre,
du Marquis des Arcis et de Mme de La Pommeraye…
Jacques et son maître voyagent. Pourquoi ? Difficile de le savoir puisqu’ils
ne le savent pas eux-mêmes. Chemin faisant, ils discutent et se disputent,
croisent des personnages hauts en couleurs… discutent et se disputent.
Echangent des avis différents et… discutent et se disputent. Bref, ils se
tiennent compagnie et sont les meilleurs amis du monde.
Outre nos deux héros, tous les personnages sont dessinés avec éclat !
Diderot les peint avec un panache exceptionnel :
Ils sont généreux, vifs, cruels, perfides, courageux, impétueux ou veules,
mais toujours avec fougue et passion. Et les situations dramatiques sont
pleines d’inventivité et de fantaisie. C’est souvent très drôle et parfois
bouleversant.
Jacques et son maître subodorent que nombre de choses échappent à
l’entendement des pauvres mortels que nous sommes. Ils en prennent
leur parti, partagent une belle amitié et, à l’occasion, les faveurs de jolies
donzelles. C’est une exhortation à vivre !
Mon maître, nous marchons dans la nuit au-dessous de ce qui est écrit -
haut, également insensés dans nos souhaits, dans nos joies et dans nos
afflictions.
Bonheur d’une amitié pure, bonheur de partager et de s’émerveiller
ensemble. C’est une œuvre généreuse qui embrasse la vie !
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Denis Diderot
(1713-1784)
« L’homme est le terme unique d’où il faut partir et
auquel il faut tout ramener »
Denis Diderot fut connu de son vivant comme le fondateur, avec
D’Alembert, de
L’Encyclopédie
, œuvre emblématique du Siècle des
Lumières.
On oublie souvent qu’il fut aussi essayiste, l’un des premiers critiques d’art
de son temps et l’initiateur d’un genre dramatique nouveau : le drame
bourgeois
(Le fils naturel, Le père de famille)
.
A la différence de Voltaire et de Rousseau qui furent reconnus comme de
grands auteurs par leurs contemporains, le romancier Diderot ne fut
découvert que bien après sa mort… et pour cause…
En effet, pour avoir écrit et publié «
Les bijoux indiscrets
» mais surtout
«
Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient
», Diderot fut arrêté et
conduit à la prison de Vincennes, où il fut détenu trois mois.
Traumatisé par cette mésaventure, Diderot continuera d’écrire mais
secrètement.
De 1749 jusqu’à sa mort en 1784, Il rédige
La religieuse, le Neveu de
Rameau
et
Jacques le fataliste et son maître.
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Les Personnages
Jacques le Fataliste :
C’est un personnage truculent, malin, pétillant. Un
domestique à la « Scapin ». Beaucoup plus vif que son maître, il le domine parfois mais
une profonde affection lie les deux hommes. Personnage un tantinet cabotin, Jacques
aime à parler et prend grand plaisir à s’écouter.
Le Maître :
Inséparable de Jacques, il est plus nonchalant et plus naïf. De
situation sociale évidemment supérieure à son domestique Jacques, il aime à le
sermonner, l’entretenir de propos philosophiques. Ils ont comme points communs un
profond plaisir à s’écouter parler et un amour immodéré pour les vastes popotins
(Notamment celui d’Agathe).
Saint-Ouen :
« Ami » du maître. Saint-Ouen est un escroc perfide. Amant
d’Agathe, il manipule le maître pour tenter de la lui faire épouser…
Agathe :
Jeune bourgeoise dont s’est amouraché le maître et qui, sous ses airs
innocents, se joue à merveille de son malheureux soupirant.
Le fils Bigre :
Ami de Jacques. C’est un personnage touchant car naïf et
bienveillant. Jacques n’est pas toujours très délicat à son endroit (où peut-être l’est-il
trop à l’endroit de sa compagne, Justine).
Justine :
Compagne du fils Bigre, jolie jeune femme peu farouche…
Le père Bigre :
Vieux brave, quelque peu idiot et sentencieux.
L’hôtesse :
Femme éminemment charismatique ! Elle dirige d’une main de fer
son auberge et de plus elle a le même atout qu’Agathe, atout qui a tant séduit le
maître. Admirable conteuse, elle joue à merveille l’histoire de Madame de la
Pommeraye (une autre terrible Marquise de Merteuil !), femme délaissée qui se
vengera cruellement de son amant, le marquis des Arcis.
Marquis des Arcis :
Amant libertin de Madame de la Pommeraye. Il commet
l’erreur de la délaisser. La douce amante va se révéler moins douce qu’il n’y parait…
La mère et la fille D’Aisnon :
Femmes de petite vertu, Madame de la
Pommeraye va les utiliser pour perdre son inconstant amant.
5
Note d’intention
Récemment un ami m’a demandé pourquoi j’avais adapté « Jacques le fataliste et son
Maître », une œuvre vieille de plus de deux cent ans…
J’ai cru sentir, dans cette question, comme une petite pointe de reproche.
Oui, je subodorais qu’il me soupçonnait de défendre une œuvre vieillotte, voire
caduque, une pièce « musée », plus intéressante pour les historiens que pour le public.
Soupçon tellement éloigné de ce que je ressens que j’en suis resté d’abord sans voix.
Avant de lui répondre, je lui demandai s’il avait lu ce roman ?
Le « oui » qu’il m’a répondu avait comme une petite teinte d’ancien collégien pas
tellement sûr de lui…
Fort de cette première impression, je lui ai donc déclaré que : « Le temps ne faisait rien
à l’affaire (Molière !) Et que les œuvres les plus sublimes, c'est-à-dire celles qui
touchent à la substantifique moelle de l’homme sont intemporelles (Rabelais !) ».
Là, j’ai vu son regard d’ancien collégien reprendre vie et me reprocher une formulation
« toute faite et passe-partout ».
Contrit je fus !
Je mis donc au vestiaire ma panoplie de professeur de lettres et je lui ai racontai tout le
bonheur que j’avais eu à fréquenter pendant trois mois Jacques et son Maître, lors de
mon travail d’adaptateur. C’est une très belle histoire d’amitié particulièrement
touchante.
Deux hommes, Jacques le domestique et son Maître, voyagent ensemble depuis plus
de dix ans.
Ils se complètent à merveille. L’un couard, l’autre courageux, l’un débrouillard et l’autre
maladroit, l’un riche, l’autre pauvre, l’un subtil et l’autre…un peu moins.
Mais aussi bavards l’un que l’autre !
J’ai eu envie de mettre en scène cette conversation brillante, vive, pétillante, les
personnages évoqués jaillissent soudain sur scène et participent, tant par le verbe, que
par l'action à cette délicieuse aventure.
Œuvre pour gourmands et gourmets, aussi profonde que légère, aussi piquante que
policée.
Je souhaite partager cette désinvolture, cette joie de vivre, cette allégresse, sentiments
qui n’ont rien de caduc (heureusement !!!) mais dont, je crois, nous manquons peut-
être, en ce moment…
Claude GISBERT – Metteur en scène
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