Note d’intention
Récemment un ami m’a demandé pourquoi j’avais adapté « Jacques le fataliste et son
Maître », une œuvre vieille de plus de deux cent ans…
J’ai cru sentir, dans cette question, comme une petite pointe de reproche.
Oui, je subodorais qu’il me soupçonnait de défendre une œuvre vieillotte, voire
caduque, une pièce « musée », plus intéressante pour les historiens que pour le public.
Soupçon tellement éloigné de ce que je ressens que j’en suis resté d’abord sans voix.
Avant de lui répondre, je lui demandai s’il avait lu ce roman ?
Le « oui » qu’il m’a répondu avait comme une petite teinte d’ancien collégien pas
tellement sûr de lui…
Fort de cette première impression, je lui ai donc déclaré que : « Le temps ne faisait rien
à l’affaire (Molière !) Et que les œuvres les plus sublimes, c'est-à-dire celles qui
touchent à la substantifique moelle de l’homme sont intemporelles (Rabelais !) ».
Là, j’ai vu son regard d’ancien collégien reprendre vie et me reprocher une formulation
« toute faite et passe-partout ».
Contrit je fus !
Je mis donc au vestiaire ma panoplie de professeur de lettres et je lui ai racontai tout le
bonheur que j’avais eu à fréquenter pendant trois mois Jacques et son Maître, lors de
mon travail d’adaptateur. C’est une très belle histoire d’amitié particulièrement
touchante.
Deux hommes, Jacques le domestique et son Maître, voyagent ensemble depuis plus
de dix ans.
Ils se complètent à merveille. L’un couard, l’autre courageux, l’un débrouillard et l’autre
maladroit, l’un riche, l’autre pauvre, l’un subtil et l’autre…un peu moins.
Mais aussi bavards l’un que l’autre !
J’ai eu envie de mettre en scène cette conversation brillante, vive, pétillante, où les
personnages évoqués jaillissent soudain sur scène et participent, tant par le verbe, que
par l'action à cette délicieuse aventure.
Œuvre pour gourmands et gourmets, aussi profonde que légère, aussi piquante que
policée.
Je souhaite partager cette désinvolture, cette joie de vivre, cette allégresse, sentiments
qui n’ont rien de caduc (heureusement !!!) mais dont, je crois, nous manquons peut-
être, en ce moment…
Claude GISBERT – Metteur en scène