CERCLE TURGOT Association des Anciens Elèves de l’IHFI Jean-Jacques Pluchart (coordinateur) CHRONIQUES TURGOT 2015 Carnets de lecture du Club de présélection du Prix Turgot des meilleurs livres francophones d’économie financière publiés en 2015 Décembre 2015 1 CHRONIQUES TURGOT 2015 Carnets de lecture du Club de présélection du Prix Turgot des meilleurs livres francophones d’économie financière Ces chroniques résument les lectures de 70 ouvrages francophones d’économie financière, d’économie politique et d’économie d’entreprise, publiés au cours de l’année 2015. Elles ont été rédigées en toute indépendance par les membres du Club de présélection du Prix Turgot (grand prix, prix spécial, prix du livre collectif…) présidé par Jean-Louis Chambon. Le club – animé par Jean-Jacques Pluchart – prépare la sélection finale des Prix par un Grand Jury présidé par Michel Bon. La remise des Prix 2015 se tiendra le 31 mars 2016 dans l’amphithéâtre du Ministère de l’Economie, en présence d’Emmanuel Macron. Ces chroniques constituent un instrument utile de culture économique. Elles sont régulièrement publiées dans des revues professionnelles (Finance & Gestion, Convergence, Les Echos, L’opinion…) et universitaires (Revue des Sciences de Gestion, Vie et Sciences Economiques, Encyclopédie de l’Ingénieur…). Elles sont consultables en ligne sur le site de l’Association des Anciens de l’Institut de Haute Finance (IHFI). L’ensemble des chroniques rédigées depuis 1987 par Jean-Louis Chambon et Jean-Jacques Pluchart seront publiées en 2016 aux éditions Vuibert. Le club de présélection du Prix Turgot (anciens élèves de l’IHFI) auteurs des chroniques Alcaraz Hubert, Bidault Jean-Philippe, Borsato Renzo, Brunet Alain, Chambon JeanLouis*, Chesneau Dominique, Chouffier Christian, Molho Denis, Gabet Michel, Godet des Marais Freddi, Magne Patrick, Pinon Frederic, Pluchart Jean Jacques**, Serio Anna, Simon François-Xavier*** *président du Prix Turgot **animateur du club ***président d’honneur du club 2 SOMMAIRE DES CHRONIQUES Classement par ordre alphabétique des noms d’auteurs ou de coordinateurs* (nom, page) ANDLAUER, 3 ARTUS ATTALI BAVEREZ, 5 BEFFA BERNANKE BESSIERE BOURGUIGNON BOTELLA BOUZOU BRENDER BRUNEL BUAT CHARDAVOINE, 14 CHEVRILLON COHEN D COHEN E CORDONNIER DANIEL, 19 DARD DELSOL DIDRY DESSERTINE DJERMON ECKERT ESCANDE FABRY, 24 FAY FRANCON GADREY GEORGES-TUDO GODEFROY GRAW de GUERRERO HAIRAULT, 30 HECKER HYONG HUCHET JAFFELIN KOENIG KOVAR LACOSTE, 38 LALUCQ LAURENT LAUZUN de LE CACHEUX LEGRAND LECORRE LESOURNE LETER Liste des ouvrages lus mais non chroniqués, page 67 * certains livres ont fait l’objet de 2 chroniques 3 MARTINOT, 45 MELLIOS MEUNIER MISTRAL MOLHO MONTLOUIS MOREAU NGUYEN NURDIN PLUCHART RANDET, 50 Revue d’Economie financière RODARIE REF SEPULCRE SERVET STEPHANIE TETREAU TOCQUEVILLE de TREILLE TRICHET VERDIER-MOLINIE, 55 VIARD ZERBIB GAZ ET PETROLE DE SCHISTE : REVOLUTION PLANETAIRE ET DENI FRANÇAIS Alexandre ANDLAUER et Christophe Hecker Ed. Laffont, 2015 Les auteurs (respectivement analyste financier et promoteur immobilier) se livrent à un vibrant plaidoyer en faveur de l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste du sous-sol français. Ils estiment que le rejet de cette source d’énergie par l’opinion française et par l’Assemblée Nationale est dû à une méconnaissance des enjeux et des externalités qui y sont attachés. Ils avancent un véritable arsenal d’arguments de toutes natures afin de briser le tabou qui frappe le pétrole et le gaz de schiste. La France reste un des rares pays à ne pas engager leur exploitation ; pourtant celle-ci contribuerait - pendant 77 ans ! - à réduire de 30 milliards € la facture énergétique et à créer 150 000 emplois directs. La reprise économique et le redressement de l’emploi des Etats Unis sont principalement dus à l’adoption de cette énergie. Sa montée en puissance a entraîné une chute du prix du pétrole conventionnel. La campagne de dénigrement suscitée par le film américain « gasland » est manipulatoire. Quelques voix encore timides d’hommes politiques s’élèvent toutefois en faveur de ce levier incontournable du redressement économique de la France. Selon les auteurs, seul un « débat constructif, dépassionné et apolitique » permettrait à notre pays de retrouver sa compétitivité perdue. Jean-Jacques Pluchart CROISSANCE ZERO Patrick ARTUS et Marie-Paule VIARD Ed Fayard, 2015. Cessons de nous voiler la face : les prévisions de croissance que nous égrènent depuis 2009, les gouvernements successifs ont perdu de la crédibilité. 2% de croissance en 2017 et au-delà relève de la mission impossible ! La croissance qu’a connue la France à la fin du XXème siècle, fondée sur les gains de productivité et le progrès technique, n’était pas la règle d’un monde nouveau mais l’exception d’une histoire têtue, thèse que l’ouvrage défend abondamment. Faut-il pour autant se décourager ? Non, nous disent les auteurs qui ne veulent pas appartenir au clan des « déclinistes ». La France est au seuil d’un nouveau mode de développement. Soit elle refuse d’affronter cette réalité au risque de basculer dans « la violence la plus légitime » (quels sont les critères de légitimité de la violence ?), soit elle change de logiciel et s’ouvre de nouvelles pistes de création de bien-être qui 4 offriraient à sa jeunesse des perspectives et lui ôteraient les envies de repli sur soi, d’expatriation et de violence. Néanmoins l’ouvrage reste peu disert sur les impacts – que peu d’économistes sont en mesure d’évaluer précisément- de la révolution numérique -et c’est probablement un regret du lecteur- qui sont susceptibles de modifier grandement l’ordonnance que les auteurs prescrivent avec dix mesures prioritaires dont cellesci: ramener le niveau du smic à 50% du salaire médian, investir massivement sur les formations professionnalisantes, repousser d’un an l’âge de la retraite pour tous, faire converger progressivement CDI et CDD, limiter au strict minimum les transferts publics, recentrer les dépenses publiques sur les priorités afin de les faire revenir dans la moyenne de la zone euro… On voit que pour les auteurs, les lois Macron ne sont que des entrées en matière qui ne seront suivies d’effet et prolongées que si les Français peuvent mettre leurs efforts au service d’un projet collectif qui transcende les aspirations individuelles et garantisse aux plus « entreprenants » les moyens de préparer l’avenir. Si la prospérité doit être plus modeste, il est essentiel qu’elle soit mieux partagée. Un projet de ce type a fait défaut à nos dirigeants depuis des décennies. Dominique Chesneau PEUT-ON PREVOIR L’AVENIR Jacques ATTALI Fayard, 2015. Vaste question : « prévoir, c’est se faire éclaireur du temps ». Peut-être fuyons nous cet exercice pour oublier que nous sommes mortels ? L’auteur passe en revue les multiples moyens de prévision adoptés par l’homme. Une bonne moitié de l’ouvrage décrit toutes les croyances. On passe de la chiromancie (lignes de la main) en passant par le marc de café. Que de termes savants et souvent imprononçables tirés d’une myriade de sites Internet traitant de ces sujets (pas loin de 150 sites !). Puis suivent les modèles de prévisions statistiques avec leurs modèles sophistiqués, plus difficiles à comprendre par les non-initiés. D’ailleurs, le lecteur est invité à survoler ces pages « si on les juge trop arides » Dans la dernière partie, l’auteur nous dévoile sa méthode. Il encourage le lecteur à se 5 mettre devant sa feuille blanche et commencer par prévoir une journée, puis à agrandir l’horizon pour aller jusqu’à un an, et au-delà. Une liste de questions auxquelles il faut répondre : ceci concerne vous-même, les gens qui vous entourent. Bien entendu, l’état devra faire la même démarche, avec une vision allant jusqu’au siècle. « La prévision est le meilleur allié de la liberté » conclut Jacques Attali. Renzo Borsato GENERATION TONIQUE David BAVEREZ Plon Tribune Libre, 2015. La crise de 2008 fut un révélateur pour l'économie mondiale, elle souligna les failles de l'Occident et sa dépendance vis à vis d'un nouveau grand, la Chine. Cet aveuglement coupable de l'Occident s'expliquait en partie par la sous-estimation de la capacité de la Chine à anticiper les évolutions, à prendre les virages stratégiques pour son économie et en partie par un Occident empêtré dans ses contradictions, ses certitudes, le rejet de toute modification profonde de son modèle économico-social et l'absence de vision globale. La Chine considérée longtemps comme l'atelier du Monde, devenue en quelques décennies le banquier de nos économies et de nos systèmes sociaux, amorce une nouvelle étape plus inquiétante : l'investissement direct via le rachat ou la participation dans nos sociétés, la détection de start-up innovantes et leur financement, la politique d'attraction pour les chercheurs, les ingénieurs et les inventeurs. Démarche suivie, avec le succès connu, par les Etats Unis au début du XXème siècle. Cette percée chinoise constitue l'élément le plus avancé d'une remise en cause de notre modèle occidental, L'Afrique et les autres pays du Continent asiatique sont également en marche accélèrée. Tous ces Pays/Continents émergents non seulement bénéficient des faiblesses et des blocages des économies occidentales mais innovent aussi grâce à leurs ressortissants implantés ou étudiant dans les meilleures universités ou instituts renommés occidentaux et aux transferts de technologie. L'Occident n'est pas désarmé face à ses nouvelles donnes mais sa "survie" dépendra de la prise de conscience, du niveau de réactivité, de l'analyse critique des faiblesses/atouts et surtout du courage nécessaire pour remettre en cause tout un système économique et social, devenu caduc, dans la durée. Hubert Alcaraz 6 LES CLES DE LA PUISSANCE Jean-Louis BEFFA Seuil, 2015. Jean-Louis Beffa, président d'honneur du groupe Saint-Gobain et auteur d'un rapport sur le rôle de l'industrie sur le marché de l'emploi (2005), se livre à une analyse géo-politique de l'évolution des relations entre les grandes puissances. Il observe que le monde s'est résigné à être bipolaire, à l'image de l'Europe issue des traités de Westphalie et de Vienne. Un équilibre incertain s'est établi entre les Etats-Unis, qui conservent des atouts à la fois énergétiques, technologiques et militaires, et la Chine, dont l'expansion industrielle devrait se poursuivre malgré les faiblesses de ses systèmes politique et financier. Les «deux grands» maîtrisent les règles du jeu mondial, face à l'Europe, qui recule depuis dix ans faute de volonté politique et de gouvernance cohérente, et à la Russie, qui est prisonnière de son histoire. Les autres pays – Inde, Japon, Brésil, Etats du Moyen Orient et d'Afrique – ne semblent pas être en mesure de faire entendre leurs voix dans le concert des nations. Il déplore le mutisme des organisations internationales et l'absence de régulation globale. Il constate un certain effacement du politique au profit de l'économique, marqué notamment par le rôle stratégique exercé par les groupes industriels et financiers mondiaux. Les thèses avancées par l'auteur éclairent sur la tectonique des forces en présence dans le monde contemporain. Jean-Jacques Pluchart LES CLES DE LA PUISSANCE* Jean-Louis BEFFA Seuil, 2015. Ecrit par un chef de grande entreprise internationale disposant d’une exceptionnelle hauteur de vues, cet ouvrage est écrit dans une langue simple et fluide. Il traite de la gouvernance du système économique mondial et des rapports de force qui la sous-tend. Clairement, il y a 3 acteurs principaux, les USA, la Chine, l’Union Européenne. Cette dernière en raison de son manque d’intégration a, dans les faits, peu d’influence, tout en étant première en termes de PIB. Les Etats-Unis ne sont pas près de quitter leur rôle d’acteur majeur, en raison de leur exceptionnelle capacité d’innovation. Cette capacité est, particulièrement, prégnante dans le secteur de l’économie numérique pour lequel les 3/4 des grandes entreprises et des infrastructures sont de ce pays. La Chine, de par le volume de son activité manufacturière et la taille de son marché est le »sparring 7 partner » des USA avec des flux financiers considérables liant les 2 pays. Cette situation n’est pas prête de changer En conclusion, je dirais qu’il s’agit d’un ouvrage très bien écrit qui ouvre des perspectives larges et capte l’attention du lecteur. Denis Molho MEMOIRES DE CRISE Ben S. BERNANKE Seuil, 2015, 631 pages. Les mémoires de Ben Bernanke, Président de la Banque centrale américaine (Fed) entre 2006 et 2014, ne sont pas qu’un témoignage essentiel sur les crises des subprimes, les faillites bancaires, la crise grecque, les dysfonctionnements de la zone euro …, qui ont marqué le début du XXIe siècle. Elles constituent un véritable manuel d’économie monétaire et financière internationale. Elles livrent un diagnostic rigoureux des systèmes de régulation des réseaux bancaires et des marchés financiers mis en place par le Dodd-Frank Act et le référentiel de Bale III. Rédigé (et traduit) dans un style vivant et didactique, l’ouvrage met en lumière la complexité – mais aussi la subjectivité – des nombreux paramètres qui influencent les décisions du Comité de la Fed. Ses gouverneurs (nommés par le Président des Etats Unis) doivent faire preuve à la fois de rationalité économique, de sens politique et d’intelligence émotionnelle. Ils doivent sans cesse trancher – en toute indépendance - entre les avis parfois contradictoires des banques centrales étrangères, des agences fédérales et locales, des banques et des compagnies d’assurances, des lobbyistes de la grande industrie, des partis politiques… Ils doivent se heurter aux atermoiements législatifs, au maquis réglementaire et à l’inertie administrative qui caractérisent les institutions américaines. Ils doivent supporter que leurs messages (forward guidance) soient parfois déformés par les médias et mal interprétés par les marchés. Les recherches de l’auteur, en qualité de professeur des Universités de Stanford et de Princeton, l’ont élevé au rang des meilleurs spécialistes des «véhicules et des conduits » d’une politique monétaire. Mais il reconnait que « dans les sphères tant publiques que privées, la manière de diriger est aussi importante que le degré de savoir ». En conclusion, l’auteur propose un ensemble de mesures destinées à « fermer certaines sociétés financières présentant un risque systémique sans provoquer de 8 panique bancaire ». Il avoue « qu’il reste encore beaucoup à faire sur le front de la régulation », tout en « se déclarant résolument optimiste ». Jean-Jacques Pluchart LE FINANCEMENT DE L’INNOVATION Véronique BESSIERE et Eric STEPHANY (dir) Ed. de Boeck, 2015. Composé de dix contributions par une quinzaine de professeurs universitaires, cet ouvrage de lecture très agréable est un excellent outil de connaissance pour toute personne intéressée par les mécanismes de financement de l’innovation. Le texte s’ouvre sur une remarque simple mais fondamentale : une innovation économique (par définition risquée) est présente sur le marché si et seulement si elle a été financée. Les acteurs du financement de l’innovation ont certes le rôle de fournir le capital et le conseil /accompagnement à l’entrepreneur mais ils ont aussi un rôle central de sélection, rôle stratégique si on considère que aux USA « les sociétés soutenues par le capital –risque génèrent 21% du PIB et 11% des emplois du secteur privé ». Comprendre le fonctionnement de ce type de financement et participer à son développement est donc indispensable face à l’atonie économique ambiante : tout projet qui n’aura pas été financé sera perdu pour l’économie globale. Les principales problématiques de ce type de financement, caractérisé par une évaluation de risque intrinsèquement complexe, sont donc abordées, parfois avec quelques répétitions : bien sûr on y décrit les principaux acteurs concernés avec mise en évidence de leur complémentarité notamment en termes séquentiels, mais aussi les résultats des recherches internationales les plus récentes sur les ressorts psychologiques dans la définition de l’innovation ou de la sous-évaluation du risque par l’entrepreneur, l’organisation de systèmes de gouvernance particuliers pour réduire les asymétries d’information et les conflits d’agence, le rôle des institutions publiques surtout dans leur capacité d’assurer ou pas un cadre culturel apte à favoriser la prise de risque et la tolérance à l’échec. Quelques contributions sont particulièrement intéressantes avec des propositions innovantes comme la possibilité de réorganiser la rémunération de l’investisseur en capital-risque sous la forme de dividendes privilégiés pour favoriser la pérennité de son investissement ; la création de normes dans les reportings extra-financiers sur la dimension « innovation durable » pour favoriser le financement de projets innovants durables (PID) par le capital-risque ; enfin , pour pallier aux déficiences des techniques d’évaluation pour les projets innovants, la possibilité d’utiliser le Business Model comme outil d’aide à la décision « de manière à prendre en compte 9 les aspects cognitifs de la décision valorisés par les options réelles » (Pascal Barneto). Anna Serio ALERTE AU TSUNAMI MONETAIRE Eric BOURGUIGNON Arnaud Franel éditeur, 2015. L’auteur (directeur général de Swiss Life Asset Management France) compare les politiques de création monétaire menées par les banques centrales américaine, européenne, anglaise, chinoise et japonaise, depuis les années 2000. Il évalue à environ 15 000 milliards $, soit 27% du PIB mondial, la masse monétaire créée depuis une dizaine d’années. Il s’interroge plus particulièrement sur les stratégies de quantitative easing (QE) qu’elles ont mises en œuvre afin de restaurer le système bancaire et de relancer l’économie mondiale, après la faillite de Lehman Brothers en novembre 2008. Il s’efforce de mesurer les effets positifs et négatifs de cet afflux monétaire, sans précédent dans l’histoire. Il s’interroge sur les conséquences de l’addiction des acteurs de l’économie mondiale à la liquidité. Il met en lumière les conflits d‘objectifs de ces politiques: soutenir l’activité économique sans perdre le contrôle de la monnaie. Il s’inquiète des risques de cette fuite en avant monétaire, qui conduit les investisseurs à prendre des risques croissants, engendre des bulles sur les actifs, entraine un relâchement de la discipline budgétaire des Etats et dégrade les bilans des banques centrales. La détention excessive de dettes publiques par les banques centrales ne menace-t-elle pas leur indépendance ? L’ouvrage est rédigé dans un style accessible, enrichi de graphiques éclairants et illustré de formules célèbres qui attestent de l’omniprésence de l’argent dans la pensée humaine. J-J. Pluchart ALERTE AU TSUNAMI MONETAIRE Eric BOURGUIGNON Editions Arnaud Franel, 2015 La monnaie est sans doute une des plus extraordinaires inventions humaines tout en étant difficile à comprendre conceptuellement et pratiquement sans retracer un parcours historique. Elle a été comme l’écriture un formidable vecteur de 10 développement en facilitant considérablement les échanges entre les individus et partant, la création de richesse. Par la nécessité d’en préserver la valeur, et donc d’en contrôler le développement, la monnaie a, de fait, toujours été un instrument de pouvoir que se sont appropriés les Etats et les Banques centrales. Puis, progressivement débarrassée, selon l’auteur, de tout lien avec un bien qui en garantissait la valeur, « la monnaie est devenue une arme, dont les pouvoirs ont rarement su faire bon usage ». Si la fuite en avant monétaire totalement expérimentale dans laquelle nous nous sommes engagés a incontestablement soulagé le malade, elle ne l’a pas certainement pas soigné, elle engendre même des risques croissants. Il pourrait apparaitre une résurgence d’inflation, certes sous contrôle actuellement, mais à terme comme moyen de réduction de la valeur actuelle des dettes. Enfin l’ouvrage avance une dernière idée, plus grave que les précédentes car elles remettent en cause des années de relative stabilité et entraine dans un inconnu supplémentaire après celui du relâchement monétaire, selon laquelle, serait profondément e cause l’indépendance des Banques Centrales qui avait mis si longtemps à s’imposer. La remise en cause de la séparation des pouvoirs budgétaire et monétaire, même justifiées selon l’auteur, par des circonstances exceptionnelles, crée un précédent aux conséquences potentiellement explosives. L’assouplissement quantitatif des Banques centrales américaines, européennes, chinoises, japonaises et britanniques ressemble d’avantage à un tsunami qu’à un apport de liquidités. Dominique Chesneau ET SI ON ENQUETAIT SUR LA COUR DES COMPTES ? Bruno BOTELLA Editions du Moment, 2015. L’auteur (rédacteur en chef du site acteurspublics.com) explique que la Cour des Comptes, fondée sous Napoléon I er, mais dont les origines remontent au Moyen Âge, est une juridiction indépendante qui contrôle la gestion des administrations, évalue les politiques publiques, certifie les comptes de l'État et de la sécurité sociale. Ses missions sont de moins en moins juridictionnelles, mais elles restent néanmoins exercées par des hauts fonctionnaires attachés à leur statut de magistrat inamovible. La Cour des Comptes fait figure de censeur et d'oracle. Chaque année, ses 200 rapports de plus en plus médiatisés suscitent la fierté des 11 magistrats de la Cour - issus de la « botte » de l’ENA - mais aussi, l’inquiétude du gouvernement et des administrations. Le risque pour la Cour des Comptes est de « prêcher dans le désert ». Si les deux tiers de ses recommandations sont suivies, ses alarmes sur les grands sujets des finances publiques (la masse salariale de l'État, l'efficacité du «mille feuilles territorial », la protection sociale, l'efficience de la dépense publique…) ne semblent pas être entendues. La valorisation de ses travaux implique qu’elle se désenclave et recherche un nouvel un nouvel équilibre entre elle, l’exécutif et le législatif J-J. Pluchart LE GRAND REFOULEMENT Stop à la démission démocratique Nicolas BOUZOU Plon, 2015. Révélation et plus jeune lauréat de la XXIème Edition du Prix Turgot, en 2007 1, Nicolas Bouzou, s’est affirmé en quelques années comme l’un des chroniqueuressayiste le plus recherché par les grands médias nationaux ; son sens inné de la pédagogie, son expérience de chef d’Entreprise, alliés à une spontanéité de ton, font merveille. Cette notoriété s’est accompagnée de la confirmation de ses talents d’auteur qui lui permettent de publier, chaque année, plusieurs ouvrages et tribunes, (souvent avec la complicité amicale de grandes signatures, Luc Ferry par exemple) toujours très attendus par ses fidèles lecteurs. Après, 2015, sa parution « la lucidité habite à l’étranger » chez Lattès, il récidive aujourd’hui avec cet ouvrage : « Le grand refoulement » dans lequel, tout au long de sa lumineuse analyse, il laisse paraître ses inquiétudes pour notre pays accompagnées d’une certaine mélancolie ……« l’envie de Manchester » sans doute. La raison paraît en effet avoir quitté le débat public et les choix politiques-collectifs qui en découlent : les passions semblent avoir pris le pas sur les arguments rationnels. Or « ….le rationalisme unit, la passion sépare….. ». Ainsi les solutions d’évidence pour l’emploi, l’éducation, l’immigration qui sont autant de plaies ouvertes pour la France, s’éloignent. Notre pays s’attarde sans cesse sur son passé, dans des visions quasi romantiques, comme le montre le goût exacerbé, et mortifère de l’exécutif pour les commémorations de nos gloires ou des désastres passés. 12 C’est ce « grand refoulement », forme de dépression collective, mélange de tristesse, de défiance et de suspicion qui fige notre pays dans ce passé plutôt que dans une vision et une action pour le changement. La France est devenue un pays qui se refuse à nommer les problèmes (le fameux politiquement correct) et ne peut donc en rien commencer à les régler ; elle ne fuit rien tant que les disruptions fussent-elles créatives. Nicolas Bouzou s’élève contre cette « démission démocratique » et suggère le retour au premier plan de la société civile à travers des mécanismes de décisions politiques permettant de mieux intégrer la diversité et la richesse nationales : référendum d’initiative populaire, conférence de consensus rassemblant les sensibilités de tout bord, retour d’une forme de proportionnelle permettant d’intégrer, pour mieux les réguler, les idées y compris extrêmes. Au-delà de cette lucidité sur les périls qui menacent la France et les défis qu’elle devra relever pour éviter la décadence, Nicolas Bouzou ne perd pas son optimisme (et c’est aussi en cela qu’on l’aime…..). Il s’efforce de se convaincre que les nouvelles technologies et l’émergence de la société numérisée sont de nature à redonner sa prospérité à la France. Beaucoup de vérités dérangeantes pour une prise de conscience salutaire. Jean-Louis Chambon MONNAIE, FINANCE et ECONOMIE REELLE Anton BRENDER et al. La Découverte, 2015 Les auteurs s’interrogent sur la multiplication des crises financières et des comportements opportunistes de certains financiers, depuis le début du XXIe siècle. Ils revisitent les principales fonctions assurées par la finance et sur les origines de ses excès. Ils soulignent la dangerosité d’un système globalisé basé sur le couple « monnaie-risques ». Ils dénoncent la croyance en l’autorégulation des marchés et leur difficulté à optimiser l’allocation de l’épargne et à répartir les risques. Ils déplorent notamment la myopie de la finance privée. Ils soulignent les faiblesses de l’Euro-système, qui réalise l’intégration monétaire sans harmonisation économique, financière et fiscale. Ils analysent les politiques monétaires mises en œuvre dans l’urgence par les banques centrales pour juguler les crises. 13 Face à de tels constats, les auteurs plaident en faveur d’un renforcement de l’intervention publique, d’une application plus rigoureuse des règles prudentielles et d’une supervision plus étroite des des activités bancaires. Ils constatent que les décideurs politiques et économiques, influencés par l’opinion publique, ont pris conscience de la nécessité d’une telle régulation. Ils mettent en lumière l’ampleur des mutations à venir des systèmes financiers. L’ouvrage, rédigé dans un style précis et didactique, est illustré de nombreux schémas et encadrés qui en rendent la lecture particulièrement éclairante. J-J. Pluchart LE RISQUE DE CREDIT. DES MODELES AU PILOTAGE DE LA BANQUE Vivien BRUNEL et Benoit ROGER Economica, 2015 Cet ouvrage porte bien son nom. ll fait, de manière effective, le lien entre des modéles de valorisation d’actifs, instrument s financiers, sur les marchés et les politiques de gestion qui en découlent. Avant de rentrer dans le détail des instruments de dette, l’ouvrage traite du modèle général de financement de l’économie et de la tendance à la désintermédiation, par ailleurs beaucoup plus forte aux Etats-Unis qu’en France. Cette évolution explique le développement d’instruments de dettes plus complexes. Après avoir fourni un synoptique des différents risques bancaires. L’ouvrage, à la fois théorique et pratique, recentré sur le risque de crédit, passe en revue les risques associés aux différents instruments de dette, dérivés structurés, de transfert de risque. Les modèles mathématiques, qui sous-tendent l’exposé, sont toujours accompagnés d’explications simples et de règes pratiques. Ceci rend l’ouvrage très opérationnel. Un must pour les professionnels de la finance. Denis Molho JOHN LAW LA DETTE OU COMMENT S’EN DÉBARRASSER Nicolas BUAT Les Belles Lettres, 2015 Collection Les Penseurs de la liberté Le nom de John Law restera à jamais attaché à la terrible banqueroute de Mai 1720 qui ruina des milliers de personnes suite « à l’introduction inédite et fracassante du 14 papier monnaie ». Accompagnant son exil forcé, après sa fulgurante ascension dans l’ancien régime, qui devait le porter jusqu’à la fonction de contrôleur général des finances, la réputation de spéculateur sans scrupule et d’aventurier qui lui fût faite, mérite de lui opposer une autre face. C’est précisément tout le mérite de Nicolas Buat, archiviste paléographe et spécialiste de l’histoire économique et sociale de l’ancien régime, de montrer dans une analyse exceptionnelle, que Law fut avant tout, un génie de la finance et un remarquable théoricien de l’économie postmercantiliste. En réalité il fut l’un des premiers « ministre des finances et banquier central », a tenté de résorber, l’immense dette publique de l’époque qui, sur bien des points, rappelle la situation contemporaine, par l’émission de papier monnaie se substituant à l’or. visionnaire, Law, certes, se brûla les ailes en actionnant les leviers tout neufs de la création monétaire et du soutien à l’économie mais il proposait déjà un changement de paradigme comme le fît, en son temps, le baron de l’Aulne, Anne Robert Jacques Turgot. Law doit-il être considéré comme un précurseur selon l’opinion de Schumpeter ? Nos grands régulateurs sauront-ils tirer les leçons de cette aventure largement extraordinaire que vécut « le génial bossu » dont le tricentenaire interviendra en 2015, en gérant la dette gigantesque des Etats sans ruiner les épargnants ? Eléments de réponse dans ce remarquable ouvrage. Jean-Louis Chambon LA POLITIQUE PUBLIQUE D'INTELLIGENCE ECONOMIQUE Olivier CHARDAVOINE L'Harmattan, 2015. L'auteur a contribué à mettre en œuvre le système d'intelligence économique (IE) de la gendarmerie nationale. Il analyse les concepts (parfois diffus) de défense économique, de sécurité économique, de sécurité nationale et d'IE défensive et offensive. Il en présente le cadre juridique et les méthodes de veille, d'anticipation économique, d'incitation compétitive, de sécurité de données sensibles et d'influence. Il disserte sur les critères de politique publique, de natures économique, environnementale et industrielle, qui fondent les politiques nationales d'IE. Il compare les différents systèmes d'IE - américain, japonais et suédois – dont la France s'est partiellement inspirée. Il décrit les multiples structures ministérielles et territoriales chargées en France de l'IE. L'ouvrage recense les nombreuses publications - plans, livres blancs, textes réglementaires, déclarations publiques… - qui ont contribué à la mise en œuvre de l'IE en France. L'ouvrage se distingue des nombreuses études sur l'IE, car il est moins axé sur les 15 systèmes mis en œuvre par les grandes entreprises que sur les dispositifs complexes mis en place par les pouvoirs publics. J-J. Pluchart L’ENERGIE EN ETAT DE CHOC Sous la direction de Jean-Marie CHEVALIER et Olivier PASTRE 12 cris d’alarme Eyrolles, 2015. Avec la perspective COP 21, il n’est pas surprenant que les parutions sur l’énergie se multiplient mais ce qui fait l’originalité de ce collectif, co-dirigé par Jean-Marie Chevalier et Olivier Pastré, tient dans le constat que tous les auteurs ne partagent pas tous le même point de vue, tout en se réunissant dans une conviction : la gravité de la situation, de son urgence et l’espoir d’agit encore efficacement pour trouver un équilibre énergétique durable. Ainsi sont posées les vraies questions, celles qui incluent les décisions préparant notre avenir et celui de nos enfants : transition énergétique, nucléaire, réchauffement climatique etc… Des éléments de réponse qui peuvent étonner mais qui sont autant de cris d’alarme pour éclairer nos choix énergétiques. Jean-Marie Chevalier, Professeur émérite à l’université de Paris Dauphine et Olivier Pastré, Professeur à Paris 8 et chroniqueur sur les grands médias nationaux. Jean-Louis Chambon LES 100 000 FAMILLES Cyrille CHEVRILLON Ed. Grasset, 2015 L’auteur se livre à un vibrant plaidoyer en faveur des familles françaises – au nombre d’environ 10 000 - engagées dans la création, la reprise et le développement de PME et d’ETI. Il rappelle les méfaits des mythes français des « 200 familles » et de la cupidité des « entrepreneurs capitalistes ». Il attribue le faible effectif des ETI françaises – comparé à celui des ETI allemandes et italiennesà de multiples facteurs : l’excès d’impôts, notamment sur les transmissions d’entreprise ; la pesanteur administrative ; la complexité des codes (notamment du travail) et des normes ; la frilosité des banques ; l’étroitesse du marché boursier ; l’insuffisance de fonds de pension et d’investissement… Ces handicaps 16 expliquent les retards des PME-ETI françaises dans la modernisation de leurs outils et dans leur effort à l’exportation. Ils sont directement à l’origine de la désindustrialisation de la France, de sa stagnation économique et de la dégradation du marché de l’emploi. L’auteur plaide en faveur d’un changement complet de paradigme. Il recommande la mise en place de nouvelles structures de financement et d’accompagnement des « start up high tech », un desserrement du carcan réglementaire et une réforme de l’enseignement en faveur de la création et de la reprise d’entreprises. J-J. Pluchart LE MONDE EST CLOS ET LE DESIR EST INFINI Daniel COHEN Ed Albin Michel, 2015 La croissance économique est la religion du monde moderne. Elle est l’élixir qui apaise les conflits, la promesse du progrès indéfini. Elle offre une solution au drame ordinaire de la vie humaine en Occident qui est de vouloir ce qu’on n’a pas. Hélas en Occident du moins, la croissance est devenue intermittente, fugitive…Tout à la recherche de boucs émissaires, les hommes politiques lèvent les mains au ciel pour faire tomber la pluie et le monde moderne évite la question centrale : que deviendra-t-il si la promesse d’une croissance indéfinie est devenue vaine ? Saurat-il trouver d’autres satisfactions ou tombera-t-il dans le désespoir et la violence ? L’auteur, contrairement à beaucoup d’autres qui manient l’art de la compilation académique, consacre brillamment la plus grande partie de son ouvrage à imaginer des solutions qui font appel à tous les registres de la pensée et de la culture de Freud à René Girard en passant par Georges Bataille pour tenter d’imaginer comment vivre « au-delà de la croissance ». Alors que chacun espère dans la révolution schumpeterienne digitale, Daniel Cohen affirme que l’économie numérique n’a pas d’objet propre, il ne resterait alors de société de consommation que celle de relations sociales. Aussi, l’un des principaux facteurs d’apaisement du monde post-industriel consiste –il suffisait d’y penser et peu y pensent !- de s’immuniser contre les aléas de la croissance. Il faut donc aller vers un monde où perdre son emploi devienne un non-évènement en créant des « Droits de Tirage Sociaux ». Il faut arrêter le management par le stress et la peur, tordre le cou à l’idée selon laquelle il faudrait de la croissance pour financer des dépenses publiques sociales et d’éducation, guérir de l’addiction institutionnelle des modèles d’affaire fondé sur la seule croissance. Il faut ensuite éviter la désespérante –pour 17 beaucoup- de l’endogamie sociale, penser une politique de civilisation visant à restaurer les solidarités, à re-humaniser les villes, à revitaliser la campagne et renverser l’hégémonie du quantitatif au profit du qualitatif. Le livre s’achève sur une citation d’Edgar Morin : « une régénération de la pensée politique doit se fonder sur une conception trinitaire de l’humain : individu, société, espèce ». On pourra partager tout ou partie du propos, mais ce livre a le mérite rare de proposer un projet qui dépasse la croissance en faisant appel à une grande culture polymorphe. Quand on referme l’ouvrage, tout commence. L’ouvrage de référence de la rentrée. Dominique Chesneau LE MONDE EST CLOS et le DESIR INFINI Daniel COHEN Albin Michel, 2015. Ce nouvel essai rassemble toutes les qualités qui font le succès de librairie des parutions de Daniel Cohen (lauréat du Prix Turgot 2009). Immense culture : tour à tour, ’anthropologie, la sociologie, l’histoire, la politique, viennent enrichir sa vision et son expertise de l’économie. Ecriture aérienne et ciselée voire romanesque qui emporte le lecteur dans un voyage vers l’avenir. Enfin une capacité à surprendre, intacte, qui s’illustre précisément dans le thème central de ce nouvel ouvrage : la fin de la croissance ? « La croissance économique est la religion du monde moderne. Elle est l’élixir qui apaise les conflits, la promesse du progrès indéfini. Elle offre une solution au drame ordinaire de la vie humaine qui est de vouloir ce qu’on n’a pas ? La croissance est devenue intermittente, fugitive ». Tout à la recherche de boucs émissaires, le monde moderne évite pourtant la question centrale : que deviendra-t-il si la promesse d’une croissance indéfinie est devenue vaine ? Eléments de réponse dans ce précieux essai sur ce passage incontournable de la quantité à la qualité Jean-Louis Chambon LE MONDE EST CLOS et le DESIR INFINI Daniel COHEN Albin Michel, 2015. On ferme ce livre avec un mélange d’émotions : étonnement, gratitude mais aussi inquiétude. On pouvait s’attendre à un essai classique d’économie sur la problématique fondamentale de la satisfaction de besoins infinis face à des ressources finies (introduction 18 à la science économique dans tout manuel scolaire de classe de seconde), alors qu’on se retrouve happé par un texte étrange, une sorte de partage de réflexions (ou peut-être même de simples intuitions) sur l’évolution de notre monde occidental dans un contexte en crise. L’auteur est une personne certes de grande intelligence et compétence, mais qui révèle aussi une âme profondément humaniste, un esprit généreux. Daniel Cohen a voulu aller au-delà de son travail d’économiste devenu frustrant dans un monde pour lequel les spécialistes sérieux ne peuvent plus prévoir l’avenir en rose, alors il cherche à comprendre l’Homme, ce qui le motive, par quel biais il peut rester un être social là où les richesses à partager se feront moindres et la compétition vers l’Autre toujours plus cruelle. Loin des théories économiques abstraites et des modèles mathématiques, rassurants pour valider la compétence apparente pour celui qui les énonce, l’auteur s’aventure sur le terrain dangereux de la définition d’une nouvelle humanité en employant les termes qui font sourire les cyniques du monde moderne : solidarité, partage, qualité des relations humaines. Pour cela il a beaucoup lu, des collègues économistes, mais aussi des philosophes, des sociologues, des psychanalystes, des scientifiques de toutes compétences ; des quantités impressionnantes de lectures étudiées, reliées, mises en perspective. Un travail prodigieux qu’il partage avec ses lecteurs avec beaucoup de générosité (la sélection bibliographique vaut à elle seule la lecture de ce livre). On sent dans cet ouvrage une forme de nécessité d’écriture de la part d’un homme qui à un moment de sa vie doute de l’avenir et essaye d’exprimer une vision qui puisse fournir des pistes ; mais il n’est pas dupe, il communique bien la lourdeur de la tâche ; l’inquiétude apparaît à chaque page sur la capacité d’individus nourris à la société de consommation de se reprogrammer pour intégrer des modèles de société entièrement nouveaux. Le mérite de ce travail est donc tout simplement d’exister, d’énoncer le problème, de le faire très clairement, avec un déploiement de connaissances et d’intelligence éblouissant ; il faut lire ce livre, il faut s’ imprégner de son message pour un nouvel humanisme et remercier son auteur pour le courage de sa franchise et pour son engagement social ,rare chez les économistes bien établis. Anna Serio 19 TROIS LEÇONS SUR LA SOCIETE POST INDUSTRIELLE Elie COHEN Editions Seuil-La République des Idées, 2015 La société industrielle liait un mode de production avec un mode de protection. Elle scellait l’unité de la question économique et de la question sociale. La société postindustrielle, elle, consacre leur séparation et marque l’aube d’une ère nouvelle. Daniel Cohen analyse ici les ruptures qui ont conduit le capitalisme du XXIème siècle à la destruction méthodique de son propre héritage : innovations technologiques, révolution financière, transformation des modes d’organisation du travail, mondialisation des échanges. En examinant les logiques à l’œuvre dans ces bouleversements, ces trois leçons – au sens académique du terme- aident à comprendre les défis du monde à venir : l’ère des ruptures, la nouvelle économiemonde et leçon subsidiaire sous forme de question : existe-t-il un modèle social européen ? Daniel Cohen écrit : « La France a longtemps compté sur l’Europe pour se moderniser : hier pour échapper à son passé colonial, aujourd’hui pour faire face à la mondialisation. Elle découvre que l’Europe ne peut l’aider à penser à sa place un modèle de cohésion qui lui est adapté, qu’elle doit mener seule la réflexion sur la transformation de son modèle social. La difficulté même de s’entendre en Europe sur les prérogatives de l’Etat, du marché ou des syndicats témoigne de la difficulté d’être européen et même d’être français en matière sociale. Les évènements en cours au sein de la zone Euro par exemple, montrent, certes tardivement, qu’il ne suffit pas de se doter d’un marché unique pour créer une citoyenneté partagée. Même si le terme de « leçon » donne un caractère universitaire au titre, ce n’est pas le cas du livre dont les parties sont courtes au sein de chapitre qui ne le sont pas moins. La culture générale de l’auteur et sa capacité pédagogique entrainent le lecteur d’une idée à l’autre avec aisance et clarté. Il s’agit plus d’échanges entre le Professeur et ses étudiants que d’une compilation d’idées déjà vues, même si les thèmes novateurs sont peu nombreux car les diagnostics sont connus. L’enchainement des idées et de la pensée de l’auteur ainsi que les courtes conclusions récapitulatives et prospectives de chaque chapitre facilitent grandement l’appropriation de ses idées –pour les contredire le cas échéant- et participe de l’élaboration d’un consensus national nécessaire au passage satisfaisant de l’économie française dans l’ère postindustrielle. Dominique Chesneau 20 LE SURCOUT DU CAPITAL: La rente contre l'activité. Laurent CORDONNIER, Thomas Dallery, Vincent Duwicquet, Jordan Melmies, Frank Van de Welde. Septentrion Sciences Sociales, 2015. Écrit à partir d'une étude effectuée pour la CGT, cet ouvrage cherche à démontrer que la financiarisation de l'économie crée un coût du capital qui excède largement ce qui est décrit comme le coût "normal" de celui-ci calculé en additionnant le coût d'acquisition des actifs fixes et une estimation du coût "entrepreneurial" basé sur le taux d'intérêt plus une prime de risque. Il en déduit que ce surcoût entraîne une rente financière excessive qui limite la formation de capital fixe des entreprises et donc leur croissance et le plein emploi. On retrouve là une critique économique de la "tyrannie de 15%" appuyée sur des analyses Macroéconomiques parfois intéressantes mais qui se réduisent à des périmètres nationaux et ne tiennent pas compte de la mondialisation et de la concurrence des pays pour les projets d'investissement. La rente, même en excès doit bien se dépenser ou s'investir quelque part...Il contient également dans une première partie une comparaison de la compétitivité des économies allemande et française et de l'évolution de leurs balances commerciales pour conclure que l'écart de compétitivité ne provient pas du niveau absolu des salaires français mais des écarts de coûts salariaux entre les pays qui affectent la demande globale en Europe. Ce livre contient néanmoins quelques analyses intéressantes et des parties didactiques de macro économie bien écrites. Comme dans beaucoup d'ouvrages collectifs, les différentes parties sont d'inégalités qualité. Christian Chouffier LE GÂCHIS FRANÇAIS Jean-Marc DANIEL Tallandier , 2015. « Le nouveau Jean-Marc Daniel est arrivé … » pour le grand plaisir de ses fidèles lecteurs et élèves. Et on n’est pas déçu ! Corrosif, ironique, lumineux, bref, du JeanMarc ! Constat sans appel d’une France qui s’étiole dans le gâchis : Chute de la croissance, augmentation du chômage, accumulation de la dette publique et perte d’influence en Europe….Depuis quarante ans, malgré des atouts réels, la France ne répond pas correctement aux crises successives – choc pétrolier, 21 récession, déficit – et ses dirigeants semblent incapables de définir une politique économique cohérente. Depuis 1978, la France prend solennellement des engagements envers ses partenaires européens, puis s’empresse de ne pas les respecter : elle signe le traité de Maastricht mais laisse filer son déficit public, elle adopte le pacte de stabilité et de croissance mais refuse de s’y soumettre…. Les capacités de rebond de l’économie française s’amenuisent. Les relations avec nos partenaires européens se détériorent et notre crédibilité internationale disparaît. Reste l’espoir d’un sursaut d’un pays qui a tout pour réussir, l’auteur montre la voie. Mais quel homme politique aura le courage de la proposer et de l’emprunter ? Un excellent moment pour tout lecteur conscient des enjeux du défi Français. Jean-Louis Chambon SOCIETAL 2015 L’Etat providence à bout de souffle ? Institut de l’Entreprise sous la direction de Jean-Marc DANIEL et Frédéric MONLOUIS-FELICITE Editions Eyrolles, 2015 Ce décryptage annuel des enjeux économiques et sociaux que proposent JeanMarc Daniel et Frédéric Monlouis-Felicite sous l’égide de l’Institut de l’Entreprise, s’impose d’ores et déjà comme le rendez-vous incontournable de la réflexion économique et financière. Le dossier spécial de son édition 2015 que consacre Sociétal à l’avenir de notre Etat providence, en est la plus brillante des démonstrations. En quatre parties thématiques, politique économique et compétitivité, performance publique, dialogue social et travail et une agora originale, Sociétal propose des développements particulièrement lumineux, et complétés de 25 analyses prospectives et multi disciplinaires enrichies de trois grands entretiens : Pascal Lamy, Xavier Huillard et Laurent Berger. Ainsi 30 auteurs de premier plan viennent proposer une lecture des mutations économiques et sociales de notre temps apportant des éléments de réponse à celles et ceux qui s’interrogent sur notre modèle social qui « ...n’est plus finançable et bientôt plus financé…. ». Face à des déficits publics abyssaux et une dette sociale qui ne cesse de se creuser, se pose, à l’évidence, la grande question du rôle de l’Etat et de ses responsabilités. Jean-Louis Chambon 22 LES MILLE PEAUX DU CAPITALISME Olivier DARD, Claude DIDRY, Florent LE BOR et Cédric PERRIN (coord.) L’Harmattan (2 volumes, 510 pages), 2015. La revue L’homme et la Société (CNRS) consacre un dossier intitulé « les mille peaux du capitalisme ». Les 15 articles du dossier restituent les dernières recherches de sociologues reconnus, consacrées aux multiples formes du capitalisme et à leurs externalités positives et négatives. La première partie porte principalement sur la difficulté de concilier capitalisme financier et développement durable : « l’éternel retour du sweating system », les nouvelles formes du paternalisme, « de l’illusion post-mécaniste à l’illusion post-industrielle »… La seconde partie explore les nouvelles formes du capitalisme : un « dépassement capitaliste du salariat » ; le post fordisme ; le néo-taylorisme, « l’abondancisme »… Les problématiques originales traitées par les auteurs sont mises en perspective, référencées et illustrées de cas concrets : Michelin, le Familistère de Guise, l’United Shoe Machinery Cy…La diversité des questions soulevées et des sensibilités des coauteurs n’entachent pas la cohérence de l’ensemble et l’agrément de sa lecture. Elles contribuent au contraire, par le croisement des approches, à mieux appréhender le phénomène complexe des mutations à l’œuvre du capitalisme contemporain. Jean-Jacques Pluchart LE FANTÔME DE L’ÉLYSÉE Visite impromptue du Baron Necker à François Hollande Philippe DESSERTINE Albin Michel , 2015 Cette conversation fantastique, souchée dans l’univers politique, économique, financier …, se lit avec plaisir. L’auteur s’exprime dans un langage commode qui nous installe au cœur du sujet. Le lecteur se voit proposer un petit bréviaire des grands principes en économie endettée. Ce livre présente un dialogue imaginaire, à deux siècles d’écart, entre un citoyen helvétique et banquier, Ministre des finances du Roi de France jusqu’en 1781, et l’actuel Président de la République. Sans provocation ni prosélytisme sont convoqués d’illustres anciens, Turgot, Choiseul, Colbert, Maurepas, Mirabeau … avec les retentissements de leurs pensées dans la modernité. 23 Philippe Dessertine a su cueillir les fruits de la réflexion sur les hautes branches du savoir économique, financier et du temps qui s’écoule pendant que nous passons. Son livre est truffé d’anecdotes et autres exemples savoureux. Au terme de sa lecture, on reste sur le sentiment d’un énorme gâchis, une sorte d’absence, la France est ailleurs. Oui, ce dialogue entre Necker et François Hollande c’est la nuit en plein jour, entre le couchant d’une débâcle annoncée et l’aurore d’un espoir libérateur. Mais la simplicité des phrases et des principes développés représente-telle avec une suffisante exactitude la complexité des choses ? Ce livre est-il juste un avertissement ou formule-t-il une annonce ? La différence est de taille en ce qu’elle donne à craindre ou à espérer. Freddi Godet des Marais LES MULTINATIONALES EMERGENTES Georges NURDIN & Soraya DJERMOUN Ed L’Harmattan, 2015. Les auteurs se livrent à une double analyse (en français et en anglais) - de natures historique et géopolitique - des phénomènes d’émergence économique des Etatsnations et des entreprises multinationales non occidentales. Ils montrent les ambiguïtés du concept « d’économie émergente », qui recouvre plusieurs formes et phases de développement : les « dragons » (Corée du sud, Hong-Kong, Taiwan, Singapour), puis les « tigres » d’Asie du sud-est, et les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) – devenus les BRICS avec l’Afrique du sud -, suivis des « Next eleven » (regroupant 11 pays en développement). La dernière vague des émergents réunit les BENIVM (Bangladesh, Ethiopie, Nigeria, Indonésie, Vietnam, Mexique). Les auteurs soulignent la diversité des processus de développement de ces pays. Ils en soulignent les forces et les faiblesses. Ils montrent leur rôle croissant au sein des institutions internationales (G20, OMC, FMI, Banque mondiale…). Les auteurs étendent leurs observations aux groupes industriels et financiers, ainsi qu’aux fonds souverains des pays émergents. Ils analysent leurs stratégies génériques; ils spécifient leurs modes de management ; ils identifient leurs marchés cibles ; ils apprécient la soutenabilité de leur croissance future. Ils sont ainsi conduits à présenter les cas d’Apollo, de Mahindra, Marico, Wipro (Inde), Arcelik, Beko, Turkish Airlines (Turquie), Chigo, Haier, Lenovo, (Chine), Mobile Telesystems (Russie), Natura (Bresil), Aramex (Jordanie), Al Ghurair, Al Serkal, Emirates Group, Qatari Investors (Emirats), Sabic, Savola (Arabie Saoudite), 24 Standard Bank (Afrique Du Sud), Dangote Group (Nigéria). Le thème traité est original et ambitieux. Il est développé avec rigueur et pédagogie. Les auteurs mettent clairement en lumière les transformations actuelles de l’environnement concurrentiel international. Jean-Jacques Pluchart L'INTERREGULATION Gabriel ECKERT et Jean-Philippe KOVAR (dir) L'Harmattan, 2015. L'ouvrage collectif restitue les actes des journées européennes de la régulation tenues à Strasbourg en février 2013, en présence de responsables d'autorités de régulation et d'enseignants du droit international. Elles portent sur les relations entre les trois grandes formes de régulation - concurrentielle, sectorielle, bancaire et financière - des comportements des acteurs économiques. L'interrégulation est définie comme la capacité à nouer des relations entre les différentes autorités chargées de la régulation afin de garantir le bon fonctionnement des marchés et de servir l'intérêt général. Elle vise à adapter les méthodes de régulation à l'évolution des marchés, à leur complexité, à leur interdépendance et à leur internationalisation. La régulation peut être ex ante (elle fixe les conditions d'accès à un marché) et/ou ex post (elle surveille le fonctionnement du marché et sanctionne les infractions). Elle peut être nationale ou internationale, intersectorielle, solidaire, supervisée, institutionnalisée... L'interrégulation se distingue de l'autorégulation, qui suppose un libre accord entre les agents économiques, et de la co-régulation, qui implique une réelle coopération entre ces derniers. Les auteurs comparent les modèles institutionnels d'interrégulation à l'échelle mondiale, à celles des Etats-Unis et des principaux pays européens. Ils analysent les évolutions des rapports entre les agences indépendantes de régulation, les appareils législatifs, les systèmes judiciaires et les autorités politiques. Ils montrent enfin les incohérences entre certains dispositifs prudentiels, notamment entre les différents accords de Bâle et de Solvency. L'ouvrage est à la fois original, ambitieux et essentiel. Jean-Jacques Pluchart 25 BIENVENUE DANS LE CAPITALISME 3.0 Philippe ESCANDE et Sandrine CASSINI, Albin Michel, 2015. Les plus belles pages de ce livre sont dans sa conclusion : une ode brève, un peu éculée, sur les avancées de l’humanité à travers les siècles, dans la triste permanence de sa condition. Dit autrement, aucune société n’en remplace une autre, elles s’hybrident sans cesse. Ou encore, dans la même veine, la révolution numérique que vit le monde suscite autant d’espoirs que de craintes. Puis l’attendu CQFD (ce qu’il fallait démontrer) : le monde qu’elle nous dessine fera dans les générations à venir des êtres différents… et en même temps si semblables dans leurs élans et dans leurs doutes. Bref, telle la mythologique Chimère, ces technologies naissantes portent nos rêves les plus fous mais aussi nos utopies impossibles. Rideau. Le langage est joli, parfois fleuri certes, mais quelle réponse apporte-t-il au débat ? Aucune. Le récit a beau se dérouler plaisamment, il ne reste qu’une enquête sur un monde qui s’élève « engagé dans les débris du monde qui tombe », citation de l’épitaphe du livre, une belle phrase d’Alexis de Tocqueville tirée « De la démocratie en Amérique ». Ce livre donc est une enquête, ce que le métier des auteurs aurait pu laisser présager ; ils sont journalistes. Et leur constat se montre souvent sévère : excès d’un système naissant qui n’a pas encore trouvé ses lois, schizophrénie d’un Etat (ou plutôt de ceux qui le gouvernent) qui entend préserver l’existant sans compromettre le futur, ou protéger des acquis sans freiner le progrès technique. Le titre de l’ouvrage promettait un voyage vers le capitalisme 3.0. Mais le lecteur n’en prend jamais l’avion… Il y a bien quelques bribes sur la fin des petits chefs, la fin du travail organisé tel que nous le connaissons aujourd’hui, l’avènement d’un « prosommateur » dont on se saisit pas très bien en quoi consistera son comportement. Avec un couplet final qui s’envole lyriquement vers rien : le web incarne l’avenir de la démocratie-i-e, qui ne se fera pas en opposant les éli-i-tes au pleuple-e, tsoin-tsoin. Bref, on apprend plein de choses, beaucoup d’anecdotes. Hélas, sans faire avancer la musique. Jean-Philippe Bidault 26 HISTOIRE DU SIECLE à VENIR Ou va le monde selon les cycles des civilisations ? Philippe FABRY et Jean-Cyrille GODEFROY, 2015 Historien du droit, esprit novateur, Philippe Fabry, enseignant, féru d’histoire romaine a vu son ouvrage «Rome, du libéralisme au socialisme» paru aussi chez Jean-Cyrille Godefroy, couronné par le Prix Turgot du jeune talent en 2014. Passionné par la doctrine libérale, particulièrement de l’école autrichienne, l’auteur tente de répondre dans ce nouvel ouvrage à la question que se pose la plupart de nos contemporains, à savoir: où va le monde selon les cycles des civilisations ?. Quelle place pour l’Europe, la Russie, la Chine et la super puissance Américaine ? Quels risques représentent les religions et l’islam radical ? Par une comparaison systématique des grandes civilisations antiques et modernes et s’appuyant sur une méthode originale, Philippe Fabry éclaire les cycles historiques d’une très longue durée, Grèce antique, civilisation romaine, nations ennemies de l’Europe moderne. De même que la difficile co-existence du judaïsme avec les autres formes de religion. Les anticipations qu’il propose sont quelquefois à contre-courant, surprenantes mais étayées de modèle historique solide. C’est «armé de ces embryonnaires mais prometteuses – lois de l’Histoire – que Philippe Fabry décrit l’état du monde actuel et dégage une ligne de force des siècles à venir». En perspective les contours géo-politiques, économiques, sociaux et religieux des prochaines décennies, voire des millénaires suivant… Jean-Louis Chambon 27 LE CAPITALISME EN QUELQUES MOTS De Platon à nos jours Aimé FAY L’Harmattan, 2015. L’ouvrage d’Aimé Foy (ex banquier et consultant) n’est pas un dictionnaire ordinaire. Il ne se limite pas à une recension des termes techniques de l’économie financière. Il retrace la généalogie de chaque concept, en décline les différentes définitions par les auteurs de référence, en indique les synonymes, en dresse les passerelles et l’illustre d’exemples chiffrés. Le terme « capital », qui constitue le fil conducteur du lexique, est ainsi décliné en capital privé et public, individuel et collectif, matériel et immatériel, naturel et technique, industriel, humain et financier, écologique et économique, social et emprunté, flottant et réglementé, fixe et circulant, souscrit et investi , d’investissement et d’exploitation, appelé et libéré, souscrit et investi, monétaire et physique, permanent et circulant… La déclinaison du terme « capitalisme » est également riche de sens. Le dictionnaire est assorti d’un index des auteurs de référence. Sa consultation sera utile à la fois aux professions comptables et financières ainsi qu’aux enseignants et aux étudiants en économie et en finance. Jen-Jacques Pluchart FAUT-Il DONNER UN PRIX A LA NATURE ? Jean GADREY et Aurore LALUCQ Les petits matins/Institut Veblen, mars 2015 C’est dans les années 1970 que l’Américain Garrett Hardin publiait La Tragédie des communs (sensée démontrer l’inefficacité du système communiste). Elle prendra une place centrale dans l’analyse économique dite « standard » : l’accès libre – et la gratuité d’une ressource limitée engendre inexorablement sa surutilisation, voire sa disparition. Au travers de cette lecture, la création de droits de propriété permettrait au marché de révéler un prix et donc de monétariser la nature. Les auteurs, s’ils ne rejettent pas totalement cette solution, y voient surtout une preuve de l’ « affligeante pauvreté » de la théorie néoclassique. Le lecteur soucieux de ne pas rester étranger à ce débat qui se voudrait démocratique, trouvera sans nul doute dans ce petit livre un condensé des connaissances théoriques et des errements des méthodes d’évaluation économique de la nature. Ainsi le rapport Stern publié en 2006 qui démontrait que sans action publique, les coûts du changement climatique équivaudraient à une perte annuelle de PIB mondial par habitant pouvant s’élever à 20% était-il largement contestable. Son impact a pourtant été majeur pour les arbitrages présentés aux responsables politiques. Une 28 discussion sur ces considérations méthodologiques est donc cruciale pour éviter de nouveaux « subprimes écologiques ». Alain Brunet PIKETTY AU PIQUET! «Le Capital au XXIe siècle» Enquête sur une imposture Frédéric GEORGES-TUDO Editions du Moment, 2015. Piketty entre l’enclume et le marteau-piquet. Il est, en effet, assez cocasse que Frédéric Georges-Tudo, rédacteur en chef de Management, ait écrit en 2012 « Salauds de riches ! », pamphlet anachronique (prémonitoire?) de l’ouvrage de Thomas Piketty, « Le capital au XXIe siècle ». Voilà pour l’enclume. Et comme pour achever sa tâche, il assène un dernier coup de marteau-piquet à l’ouvragecoqueluche de l’an passé, pour endiguer l’épidémie de mal-penser qui ravage le débat économique d’aujourd’hui. Le remède est de cheval. Car on referme ce livre avec la satisfaction d’avoir vaincu l’hérésie et la lèpre marxiste répandues par Piketty. Et l’on se dit aussi, avec un sourire repu : les vérités naissent des confrontations d’idées. Puis, les yeux pétillants, on s’étonne de l’exploit Pikettiste, inédit dans l’histoire de l’humanité, d’être devenu riche grâce à sa haine des riches. Ce livre se lit d’un trait. Le réquisitoire contre cette « sainte » écriture est alerte et souvent drôle, mais ne cède jamais en rien à la facilité. C’est un western, mieux c’est un « Indiana Jones » qui débusque, tire et atteint sa cible là où ça fait mal. Tantôt, l’auteur nous laisse patauger dans la boue des chiffres, mais il traîne vigoureusement son lecteur hors cette forêt broussailleuse, qui ne mérite pas le qualificatif de « vierge », puisque issue de manipulations, d’omissions et d’inventions. Bref, un viol de statistiques, que, pudiquement, l’auteur nomme « mystification statistique ».Tantôt, l’auteur conduit notre pensée à la mode de Sherlock Holmes : réfuter les opinions avec de solides arguments selon le sage précepte que la théorie doit se plier aux faits et non l’inverse, qui relève du terrorisme intellectuel. Il y a d’abord le démontage en règle de la prétendue loi « r > g », et un premier piquet pikettologique s’effondre. Il y a encore ces erreurs qu’on devrait nommer escroqueries : comparer les revenus sans en omettant les aides sociales reçues et les impôts subis. Il y a enfin cet étonnant constat, passé sous silence par Piketty, que seuls 27% des personnes figurant au palmarès des grandes fortunes parviennent à s’y maintenir plus d’un an. Sait-on combien de piliers soutiennent les « Pikettyneries » (sic) ? Mais il n’y en pas un qui reste fièrement debout. Le grand mérite de « Piketty au piquet » ne réside pas dans sa verve pamphlétaire, qui tient plus de la forme que du fond. Ce livre est 29 pédagogique, sa lecture entretient le bon sens économique, démonte le fonctionnement du capitalisme sans en cacher les excès et surtout, en n’en exagérant pas les vertus. Prenez ce livre comme un manuel d’économie amusante, au sens où Nietzsche parle du « Gai savoir ». Oui, ce livre guérit de la confusion des concepts, qui donne raison à Marx pour excuser Hayek et demande à Keynes de justifier le laxisme des Etats. La jalousie rend amnésique ; ce livre en est un remède, anti-amnésique, certes, et mutation du gène Jalousie en noble envie. Une grande leçon de rigueur économique. Jean-Philippe Bidault L’HOMME INUTILE Du bon usage de l’économie Pierre Noël GIRAUD Odile Jacob, 2015. Lauréat du Prix Turgot en 2002 pour le « Commerce des promesses au Seuil » (dans lequel il pressentait, parmi les premiers, l’éminence d’une crise financière mondiale), Pierre Noël Giraud est resté un économiste médiatiquement discret comme savent l’être les grands, à l’instar de Jean Tirole. Ses parutions n’en sont que plus attendues. Dans ce nouvel essai, ses qualités reconnues de chercheur et de pédagogue viennent s’ajouter au regard « plein d’usage et raison » de celui qui peut se retourner sur son riche parcours et son expérience pour proposer « un bon usage de l’économie ». Pour contribuer à construire « une vie bonne », pour « tous les terriens » et combattre les excès d’inégalités. En effet aux yeux de l’auteur, la « science économique » « auto-réalisatrice, moquée, faillie » s’est par trop appuyée sur une mode de mathématisation (l’auteur préfère la langue naturelle). Elle s’est éloignée ainsi de ses capacités réelles à dépasser les difficultés théoriques, les vraies questions et les faux débats, créant une forme d’impérialisme économique sans pouvoir, rien prouver ni s’appuyer sur « aucune loi générale »…Par-delà ces précautions l’auteur tire de ses analyses la conviction que la grande peur malthusiennne d’une incapacité de notre mère, la terre, à nourrir à l’horizon du XXIème siècle, 10 milliards d’humains, est infondée : d’une part, l’autorégulation de la natalité avec l’élévation du niveau de vie fait que cette perspective est un pic et va déclencher une pente démographique descendante, inversant la courbe pour plonger à l’horizon du XXIIème siècle à quatre milliards d’habitants……. Et d’autre part, pour le court terme, les capacités d’inventivité de produits substituables pour l’alimentation et l’énergie et les aménagements potentiels des territoires permettront de supporter ce pic : ce qui conduit l’auteur à 30 considérer que la vraie difficulté n’est pas celle de la ressource (quasiment inépuisable, contrairement à une idée reçue) mais du traitement de nos déchets qui menacent via la perturbation de l’écosystème, notre capital collectif. Ce qui nécessite des actions fortes et urgentes. Mais le thème central de sa réflexion reste celui des inégalités et « de sa pire forme », l’inutilité car elle « enferme les hommes dans des trappes dont il est impossible de sortir ». Comme il l’avait déjà montré dès 1996 avec « l’inégalité du monde » bien avant Piketty (qui en réalité ne traite que d’un des aspects des inégalités croissantes, celle des revenus), l’auteur se focalise sur le développement avec la mondialisation du nombre « d’hommes inutiles »….. pour eux-mêmes et pour les autres…La triple globalisation, des firmes, du numérique et de la finance, met en concurrence les catégories d’actifs (Nomades que les Etats s’efforcent de fixer sur leurs sols pour leurs revenus élevés) et les Sédentaires qui apportent au plan local des services non délocalisables mais dépendants de la « puissance nomade ». L’inutilité prospère lorsqu’interviennent des déséquilibres structurels entre ces deux populations soit parce qu’ils ne sont pas retenus (les nomades) soit parce que le poids des sédentaires progresse relativement trop fortement. L’émergence de ces hommes inutiles réduits à survivre dans une forme nouvelle de surexploitation et connaissant « une chienne de vie » n’est pas simplement une catastrophe sociale et morale mais aussi une aberration économique : par la mesure de la perte de valeur collective que ce capital humain inemployé sous-tend. L’auteur apporte ses éléments de réponse à cette situation complexe en préconisant de « penser autrement » nos politiques économiques pour fixer sur notre sol les emplois nomades, combattre les monopoles et s’épargner les tensions « de guerre civile » qui, ici et là, ont forme d’alternative. C’est cette « utopie réaliste » à laquelle veut croire Pierre Noël Giraud, pour créer une société « minimalement juste » qui donne à chacun la vie « qu’il a raison de vouloir » comme le pensaient Rawls et Sen, et permettant ainsi de mesurer les degrés tolérables et efficaces des inégalités. Eradiquer « l’homme inutile » apparaît sur bien des aspects, à l’issue de ce voyage passionnant, dans le monde de la globalisation, des inégalités et de l’instabilité que nous propose Pierre Noël Giraud, comme l’un des grands défis de notre Civilisation et se doit d’interpeler nos « hommes politiques ». Dans ce combat, dont l’issue reste incertaine, même si ce n’est pas (encore ?) la fin programmée de l’espèce humaine et même si la capacité avérée de visionnaire de l’auteur peut inquiéter (comme l’irrémédiabilité d’un énorme crash financier mondial) par bonheur, nous sommes assurés de pouvoir 31 compter sur (au moins) un « économiste utile » et précisément l’auteur de cet essai. Il marquera durablement, et nous en sommes convaincus, par la puissance et la profondeur de ses analyses, la réflexion économique contemporaine. Ce n’est pas le moindre de ses mérites. Jean-Louis Chambon LES LIMITES DU MARCHE L'oscillation entre l'Etat et le capitalisme Paul de GRAUWE ed. de Boeck, 2015 Paul de Grauwe (professeur à la London School of Economics) s’interroge sur les combinaisons possibles entre le marché et l’Etat, et donc, entre les différentes formes du capitalisme. Il répond à cette grande problématique du début du XXI e siècle, en cernant les limites respectives de l’économie de marché et de l’économie publique. Il montre que le marché est plutôt régi par le système II (au sens de Kahneman), qui relève de la sphère calculatrice du cerveau, tandis que le système politique est plutôt dominé par le système I, qui règle les émotions et les intuitions. Les limites externes du capitalisme financier résident dans les externalités négatives des activités productives (la dégradation de l’environnement) et financières (les effets des dernières crises). Le marché comporte également des limites internes inhérentes à la répartition de plus en plus inégalitaire des revenus, à la motivation de plus en plus difficile des salariés et à la privatisation problématique de certains biens publics. Il dresse notamment un bilan des réactions positives et négatives à la formule proposée par Piketty, selon laquelle l’écart entre le rendement net du capital productif et le taux de croissance économique ne cesse de s’accroitre dans les pays occidentaux, conduisant inévitablement à plus d’inégalités et à un risque d’implosion sociale. L’auteur dénonce « l’utopie » d’une autorégulation du système de marché. Il explore les différentes voies de son sauvetage. Il observe qu’une redistribution excessive des richesses et qu’une pression fiscale accrue, risquent de heurter les intérêts individuels et d’affecter la compétitivité des économies. L’auteur fait preuve à la fois d’esprits de géométrie et de finesse en déclinant avec un grand sens pédagogique les multiples agencements de la rationalité individuelle et de la rationalité collective. Jean-Jacques Pluchart 32 HISTOIRE DE LA PENSEE ECONOMIQUE EN 60 AUTEURS Nicolas GUERRERRO Editions Ellipses, 2015 Depuis ses origines au XVIème siècle, l’histoire de la pensée économique est une formidable aventure intellectuelle : les auteurs n’ont jamais cessé de se répondre et un grand nombre de théories ont été élaborées en réponse à d’autres. Cet ouvrage a pour objet de faire découvrir la pensée économique au travers de soixante portraits d’économistes qui ont contribué à la façonner. Classés par ordre chronologique, ils couvrent l’ensemble de l’histoire de la pensée économique moderne du XVIème siècle à nos jours. Ce livre est nouveau dans sa méthode. En premier lieu une brève étude biographique indispensable pour comprendre l’homme et son œuvre et surtout le cadre économique et politique dans lequel sa pensée s’est construite. Puis une étude synthétique des principales idées développées par cet économiste. Cette étude s’élargit à l’influence des idées sur les politiques économiques mises en œuvre. Enfin des citations bien choisies, dont la pertinence limite le risque connu de l’interprétation sortie du contexte. La richesse du propos est évidente, la table des matières suffit à s’en convaincre. L’auteur avec application, méticulosité et une prudence mêlée à des affirmations fortes réalise ici une remarquable synthèse. Cet ouvrage s’adresse aux étudiants, mais il rappellera à beaucoup des souvenirs sur lesquels le temps est passé ! Dominique Chesneau CE MODELE SOCIAL QUE LE MONDE NE NOUS ENVIE PLUS Jean-Olivier HAIRAULT Editions Albin Michel, 2015. Redéfinir un nouveau modèle social Français : une utopie ou une ambition salvatrice ? C’est en tous cas la proposition de l’auteur de cet essai, Jean-Olivier Hairault, économiste et chercheur associé au CEPREMAP, et auteur spécialisé dans l’analyse des problématiques des séniors. Un constat sans appel d’une réalité que traîne la France, dans le déni, comme un boulet… Autrefois considéré comme un exemple à l’échelle planétaire, le modèle social français est aujourd’hui à bout de souffle. Temps de travail en baisse, pré-retraites longtemps encouragées, 33 disparition progressive de secteurs entiers de l’industrie « refus de créer des emplois peu qualifiés, système d’aide aux effets pervers… » En sacrifiant l’illusoire égalité idéologique « pour oser un nécessaire pragmatisme… » : en réduisant les impôts et la dette publique, tout en préservant un haut niveau de protection sociale. Il n’y a pas de fatalité prétend l’auteur, il s’agit tout simplement, pour les acteurs politiques d’avoir le courage de mettre en œuvre les actions que requièrent de multiples rapports et diagnostics depuis plusieurs décennies ... Jean-Louis Chambon CE MODELE SOCIAL QUE LE MONDE NE NOUS ENVIE PAS Jean-Olivier HAIRAULT Albin Michel, 2015 Connaissez-vous l’évolution du modèle social de la France depuis 4 décennies ? Parcourons-la avec l’auteur qui nous assure que le modèle social français a atteint ses limites et qu’il est même déjà remis en cause de manière subreptice, notamment par la désindexation des prestations sur l’inflation. Pour faire la démonstration de son analyse, Jean-Olivier Hairault avance un indicateur économique pertinent, le PIB par habitant. Il présente les forces en action dans leurs petites différences et petits dérapages qui font à l’arrivée les grandes différences en dépit du haut niveau de productivité horaire du travail en France pour expliquer de manière instructive les raisons du décrochage. Une chose est sûre, avance-t-il, le taux de chômage n’explique en rien les différences d’heures travaillées en France par rapport aux autres pays. Une large part de l’ouvrage bat en brèche intuitions et idées reçues pour se polariser sur les causes fondamentales. Cet ouvrage contribue par son unité et son accessibilité à une pénétrante présentation des principes à l’œuvre bien au-delà du simple intérêt théorique. Notre modèle social s’articule sur un triptyque paradoxal souché sur un haut niveau de protection sociale, un financement basé sur le travail et une stratégie conjointe de réduction des heures travaillées. Voilà le dilemme à l’origine du cercle vicieux. Désormais, tous les ingrédients sont dans la cornue, il ne manque juste qu’un peu de flamme. Freddi Godet des Marais 34 TURGOT et ADAM SMITH Une étrange proximité Anne-Claire HOYNG Editions Honoré Champion , 2015 Pourquoi Adam Smith n’a-t-il jamais cité Turgot ? Pourtant Smith a bien connu le contrôleur général des finances de Louis XVI dans les salons parisiens en 1796 et il a maintenu longtemps le contact avec lui, ce dont les bibliothèques des deux hommes apportent la preuve. Dans ce brillant essai, Anne Claire Hong prolonge l’interrogation de nombreux chercheurs . Elle lève le voile sur cette énigme en confirmant que plusieurs textes de Turgot, réunis dans ses « Réflexions pour deux étudiants chinois », parues dans les « Ephémérides » de novembre 1769 à janvier 1770, ont inspiré « La Richesse de nations » publiée six ans plus tard par Adam Smith (1776). Exploitant l’importante correspondance des hommes et des femmes qi ont accompagné la naissance de l’économie politique à Paris, au temps des Lumières, cet essai démontre aussi qu’Adam Smith, comme Turgot, prolonge « l’Essai sur la nature du commerce en général » (1755). L’œuvre posthume de Cantillon laisse en effet des traces profondes chez l’un et l’autre des deux économistes. Ce bel essai d’histoire économique rappelle donc les solides racines françaises de l’économie politique que la doctrine classique rattacherait aux seules sources écossaises. Une mise en lumière de l’œuvre e les mérites du Baron de l’Aulne, Anne Robert Jacques Turgot, universellement reconnu comme le premier grand concepteur d’une doctrine de redressement des finances publiques. « La main invisible » semble avoir aussi prospéré à l’ombre de cette étrange proximité. Au moment où les archives de Turgot, détenues par ses descendants, autour d’Ysabel de Naurois Turgot, viennent d’être classées trésor national et que le château de Lantheuil, berceau familial des Turgot va être accessible au public, il fallait rendre au Baron de l’Aulne, l’ensemble de ses mérites : cet essai y contribue largement. Anne-Claire Hoyng, franco-néerlandaise, a obtenu le grade de docteur en économie à l’Université d’Amsterdam en décembre 2011. Après avoir été économiste au conseil de la concurrence des Pays-Bas et directrice de projet pour une société de télécommunications, elle est depuis 2013, maître de conférences en économie à l’Université d’Utrecht. Elle y enseigne notamment l’histoire de la pensée économique, du XVIIème siècle jusqu’à nos jours. Jean-Louis Chambon 35 CHINE, INDE : LES FIRMES AU COEUR DE L'EMERGENCE Sous la direction de Jean François HUCHET, Xavier RICHET et Joël RUET. Presses Universitaires de Rennes, 2015. Comment les firmes ont-elles contribué à l'émergence, en relation avec les différentes politiques économiques de l'Inde et de la Chine ? Un essai intéressant sur le rôle des entreprises dans la croissance, le rattrapage technologique et finalement le début des expansions internationales indienne et chinoise et ce parfois malgré les politiques industrielles revendiquées par les gouvernements. La comparaison montre que des moyens très différents ont contribué à l'émergence économique de ces deux nations du fait de politiques publiques extrêmement différentes. L'Inde ayant laissé une certaine autonomie aux entreprises dans le cadre de licences de production limitées, elles se sont déployées en oligopoles dont les branches se sont mutuellement enrichies sur les plans technologique et managerial. Cette évolution est allée de pair avec la création d'un capitalisme local robuste qui a permis la constitution de champions nationaux. La Chine, elle, a mené pendant longtemps, même après les excès maoïstes du grand bon en avant et de la révolution culturelle, des politiques industrielles très centralisées, soit au niveau central soit aux niveaux régional et municipal. Ceci a amené les entreprises à progresser plus lentement à partir des investissements étrangers, les plans quinquennaux hérités de la vision soviétique n'ayant eu que des résultats mitigés. Ce sont plutôt les entreprises hors périmètre qui ont généré les expansions internationales à l'exception des activités réservées comme l'énergie. Il est intéressant cependant de noter dans les deux cas une grande proximité entre les entreprises et l'Etat qui n'est pas sans rappeler le modèle français de l'après-guerre. Christian Chouffier ÉLOGE DE LA GENTILLESSE EN ENTREPRISE Emmanuel JAFFELIN Editions First, 2015. Emmanuel Jaffelin confirme pleinement dans ce nouvel essai le statut éminent qu’il s’est acquis à travers ses parutions successives1, de « philosophe de la gentillesse et de l’Entreprise ». Il fallait en effet oser d’introduire la gentillesse dans les théories du management, largement inspirées des recettes américaines, jusqu’à la fascination et par le vocabulaire anglo-saxon. Dans cet imaginaire d’une pseudoNotamment : Eloge de la gentillesse 2010 – Bourin – Petite philosophie de l’entreprise 2012 – Bourin - Apologie de la punition 2014 - Plon 1 36 scientificité associée à ce jargon anglicisé, paraît émerger une vérité d’entreprise où ni la langue de Molière, ni la bienveillance n’occupent spontanément une place. Le manager se doit d’occuper la posture de l’homme fort qui dirige sans faiblesse en « domptant » plus facilement par le fouet que par la caresse psychologique, ses collaborateurs. Pourtant, preuve est faite que la boîte à outils « managériale » (de Kenton à Rosenberg), se heurte frontalement à la complexité des relations humaines. Le management par le stress que préconise l’approche classique et « l’Entreprise méchante » sont pour beaucoup dans l’établissement d’une atmosphère de travail irrespirable par les salariés, qui inhibe leur motivation et leur efficacité. Quand la pression dans l’Entreprise prend le pas sur le « supplément d’âme » cher à Bergson, l’association nécessaire de la double finalité entrepreneuriale, l’économique et le social, disparaît. Alors que toutes les études récentes montrent que pour être productifs les salariés, dans leur Entreprise, doivent être heureux, épanouis dans leur environnement, pour être en capacité de rendre au centuple ce qu’ils ont reçu d’elle. La thèse de l’auteur, la gentillesse, apparaît dans toute sa logique ; le fait de rendre service, ce tact moral de la gentillesse est une vertu qui anoblit (élève) celui qui « s’abaisse » vers le service qu’il rend et le soulagement qu’il procure à celui qui le reçoit. Cette gentillesse est donc une donnée objective d’un management capable de restaurer l’humanité dans l’Entreprise. La gentillesse, rappelle l’auteur, n’est pas une faiblesse mais une force que le « gentleman manager » utilise pour se grandir et permettre aux autres de se grandir. Cette émergence post-moderne d’une classe de « dirigeants-chevaliers » retrouvant par la noblesse de l’esprit et de comportement la capacité à surmonter les contradictions économiques et sociales inhérentes à l’Entreprise rejoint la place que la « gentry » (noblesse sans titre) occupe dans la société anglaise, en étant plus respectueuse des personnes et du savoir être. « ……créer de la richesse en produisant de la noblesse et une vie heureuse en société….. » tel est le défi que devra relever le gentleman manager en faisant réconcilier par son élégance morale, son intelligence psychologique et sa compétence professionnelle, l’Entreprise et ses salariés. Que vive la gentillesse dans un monde où l’Entreprise change d’ère et les managers « d’air ». Un essai remarquable qui réconcilie l’optimisme avec le possible. Jean-Louis Chambon 37 L’ELOGE DE LA GENTILLESSE Emmanuel JAFFELIN François Bourrin Editeur, 2015 (reed). « Être gentil au travail, c’est rendre service à quelqu’un qui le demande. Punir, c’est rendre service à celui qui ne vous le demande pas »… « Tisser la relation au travail, c’est une force. L’entreprise est une microsociété. Si l’ambiance est pourrie, alors ça ne marche pas… »… « Que pour s’élever, il faut savoir s’abaisser ; que la gentillesse anoblit en faisant de nos petites gestes un tissu d’une pétillante sociabilité »… Ces quelques formules rédigées par un philosophe résument la pensée de l’auteur, qui s’efforce de montrer tout l’intérêt d’être « gentil au travail ». Son invitation s’adresse aux cadres d’entreprise ou d’administration, notamment confrontés à la génération Y en recherche d’indépendance et de liberté. Mais la notion de « gentillesse au travail » n’est-elle pas chargée d’ambiguïté et le comportement du « gentil supérieur » taxé de cynisme ? Bien qu’il remonte à l’antiquité et qu’il soit loué par de nombreux grands auteurs, le terme de « gentillesse » ne figure dans aucun manuel de gestion des ressources humaines ou de sociologie. L’auteur tente de convaincre ses lecteurs des bienfaits collectifs et individuels de la gentillesse en multipliant les exemples et contre exemples issus de situations réelles. Il cite notamment celui des surveillants des prisons suédoises qui exercent leur fonction sans arme, mais avec succès , auprès de criminels. La gentillesse au travail est une « vertu post-moderne » et une « morale de notre temps » située entre deux empathies : celle, froide, de la règle et du droit, et celle, brûlante, de la sollicitude incarnée par Amélie Poulain… La gentillesse est une vertu discrète et rhizomatique, dont la réhabilitation contribuerait certainement à humaniser la société contemporaine. Jean-Jacques Pluchart LE REVOLUTIONNAIRE, L’EXPERT ET LE GEEK COMBAT POUR L’AUTONOMIE Gaspard KOENIG Plon, 2015. Enfin, un livre d’économie qui, outre qu’il est abordable à tous les esprits, se garde des travers de la politique et des combats d’arrière ou d’avant-garde. Le sujet en est aussi simple qu’il est éternel : la liberté de chacun d’entre nous et des moyens d’y tendre à défaut à de la conquérir. 38 C’est tout à la fois un manuel d’économie politique, de macro économie et de droit. De philosophie aussi puisqu’il propose une voie vers la liberté individuelle dans une société qui respecte la fraternité. Le titre du livre intrigue. On en découvre l’explication au fil des pages. Le révolutionnaire, l’expert et le geek ont chacun leur conception de la liberté. Le premier demande à l’Etat de garantir les libertés (c’est 1789) ; le second réglemente pour protéger (c’est la bureaucratie planiste) ; le geek veut balayer les vestiges imparfaits et périssables de l’Humanité. Trois idées de la liberté qui se heurtent. Que faire alors ? Notre erreur courante, dit l’auteur, est de confondre la nécessaire intervention de l’Etat pour construire les conditions de l’autonomie, et son insupportable immixtion dans tous les domaines de la vie économique et sociale. « Le choix n’est pas entre « le marché » et « l’intérêt général », « le public » et « le privé ». Ces oppositions se meurent. Autre constat : Le révolution numérique ne représente pas un simple progrès technique. C’est une utopie qui suscite des enthousiasmes prodigieux et se dote de moyens colossaux. Thomas More nous a appris à nous méfier des utopies et de leur danger : le délire collectiviste. Cependant, s’il garde la tête froide, le geek élimine les rentes, car il détruit tout ce qui, dans le circuit économique, ne crée pas de valeur. Le monde qu’a vu naître la Silicon Valley arrivera en Europe et en France. Il bouleversera notre conception de l’Etat, de l’individu et de l’ordre social. Il basculera les droits collectifs sur l’individu. Il rétablira « le droit, le marché et la politique, trinité classique à laquelle s’ajoutera un élément supplémentaire, la neutralité. » Ce livre a du souffle ; Mirabeau, Frédéric Bastiat ou Victor Hugo ne le renieraient pas. Il est farouchement jacobin et profondément libéral, attaché aux racines de l’esprit qui souffla en 1789 et dévoyé depuis plus de quatre-vingts ans. Il esquisse une panoplie de réformes concrètes, pour balayer trois maux que sont l’autoritarisme, le planisme et l’asservissement. Autant dire que ce livre nous donne du pain sur la planche. Avec enthousiasme et conviction. Jean-Philippe Bidault 39 LE REVOLUTIONNAIRE, L’EXPERT ET LE GEEK Gaspard KOENIG Plon, 2015. Un révolutionnaire sommeille en chaque Français, prêt hier comme aujourd’hui à briser les rentes et les privilèges. Dans le même temps, un expert l’observe et le dirige, planifiant autoritairement la société. Et un Geek lui tape sur l’épaule, l’entrainant dans le monde inconnu des nouvelles technologies qui fourmille de promesses et de menaces. Telle est la trame de cet ouvrage. Ces trois influences parfois contradictoires nous font tourner la tête, causes partielles mais réelles de la crise d’identité de notre pays. On connait bien les idées de l’auteur à ce propos exprimées brillamment dans de nombreux ouvrages et dans les médias. Ce nouvel opus s’inscrit dans la même veine, en tentant – avec un succès certain- de placer la France dans un futur optimiste, de la réconcilier avec les contradictions qu’on lui connait décrites par Braudel liées à son peuplement et sa diversité culturelle et par Todd entre autres provenant de son hétérogénéité sociologique et familiale moins prégnante en Allemagne par exemple malgré une unification somme toute récente. Koenig, par culture sait tout cela. Il a décidé de considérer la France depuis son observatoire londonien ce qui le conduit à passer « aux travaux pratiques ». Au lieu de nous laisser tourner la tête par nos contradictions, Koenig propose de les interpréter à la lumière d’une philosophie politique, fondée sur l’autonomie individuelle, de tenter de réconcilier en quelques sortes le meilleur des deux mondes latins et anglo-saxons, catholiques et protestants…sans toutefois les mettre à toutes les sauces comme beaucoup de penseurs « faciles » peuvent le faire. L’auteur propose des principes solides. Revenons à notre modèle révolutionnaire originel, ce « jacobinisme libéral » incarné par le député Le Chapelier. Rejetons la tentation planiste et corporatiste, léguée par le régime de Vichy et responsable encore aujourd’hui de tant d’injustice et d’exclusion quand elle s’inscrit dans un cadre démocratique. Apprenons à maîtriser l’utopie numérique, en imaginant un nouvel humanisme qui réponde – en plus des tablettes numériques à l’école et à l’amélioration de la couverture 3G du territoire, nécessaires mais insuffisantes- aux défis de la Silicon Valley et un Etat 2.0 qui nous redonne le contrôle de notre destin numérique. De la culture alliée à la technologie, le meilleur des mondes mentionné plus haut, du souffle ! Pays des libertés, la France meurt de servitude volontaire qui pourrait la conduire à suivre les chants de certaines sirènes de malheur ! « Terminons notre Révolution, enfin », retrouvons les Lumières, « et chacun redeviendra son propre maître ». Dominique Chesneau 40 LES CRISES FINANCIERES HISTOIRE, MÉCANISMES ET ENJEUX Olivier LACOSTE Editions Eyrolles, 2015 Préface de Philippe Herzog Les crises financières, événements récurrents de l’histoire du capitalisme, de la tulipomania en 1637 jusqu’à aujourd’hui, ne doivent jamais être perçues comme des accidents insignifiants : certains épisodes sont majeurs, constituant de véritables ruptures, 1929 – 2008 en sont des exemples et la question n’est plus de savoir si une autre grande crise financière mondiale interviendra mais plutôt quand apparaîtra ce nouvel effondrement. Comme le souligne le préfacier, Philippe Herzog, sortir de cette impasse n’est pas chose aisée : l’Etat n’est pas en mesure de jouer son rôle d’investisseur direct, les grandes zones monétaires sont rivales et la zone euro reste incomplète et imparfaite, enfin la globalisation du capitalisme financier incarne plus une révolution qu’une spécificité en soi. Aussi tout le mérite d’Olivier Lacoste, économiste et journaliste, ancien élève de l’ENA, est de montrer qu’en réalité ces crises nous parlent de notre économie dont elles révèlent brutalement les mécanismes et les défauts. En revenant sur les plus importantes d’entre elles, dont celles des subprimes et de l’euro, il en examine les causes comme les conséquences en s’interrogeant sur les réactions des autorités concernées. Sa réflexion porte aussi sur les évolutions majeures intervenues ces dernières décennies et tout particulièrement sur cette dérive du capitalisme vers une priorisation du court terme qui amplifie la fréquence et la gravité des crises. S’ajoutent deux découplages historiques à dépasser : entre l’économique et le social et entre la finance et l’économie. L’enjeu étant « ... de ramener la finance en économie … » en limitant sa violence et en préservant l’intérêt public. Un décryptage des mécanismes et enjeux des crises financières, particulièrement lumineux, proposé dans une perspective historique de quatre siècles, à un large public comme aux étudiants en sciences économiques. Jean-Louis Chambon 41 LES CRISES FINANCIERES HISTOIRE, MÉCANISMES ET ENJEUX Oliver LACOSTE Ed. Eyrolles, 2015 Préface de Philippe Herzog Au travers de ce livre très pédagogique, l’auteur Olivier LACOSTE nous éclaire sur les différentes causes et les caractéristiques des différentes crises financières qui se sont succédé depuis la Tulipomania en 1637, jusqu’à la crise des subprime de 2007 et ses différents développements. Il nous démontre en s’appuyant sur les nombreux cas abordés comment la crise est inhérente à l’économie elle-même, comment la confrontation de sa propre dynamique avec la psychologie des différents acteurs, et notamment des investisseurs conduit à reproduire sous différentes formes les mêmes erreurs, crise après crise, la principale étant que le refus des pertes empêche de prendre au bon moment les bonnes décisions, alors que les symptômes caractéristiques de toutes les crises ne sont curieusement jamais repérés à temps (actifs trop chers notamment) Si les deux premières parties sont plutôt descriptives, et mettent en évidence des évènements majeurs et de vraies rupture, en avançant le pourquoi et le comment, la troisième nous invite à une réflexion tout à fait pertinente, sur les moyens de combattre les crises, tout d’abord de façon curative, mais également dans une démarche plus prospective, de façon préventive. Le constat premier étant que la finance que nous connaissons depuis une vingtaine d’année, est devenue une finance de court terme, qui va de pair avec un comportement irrationnel des marchés. Le point d’orgue de cet ouvrage est dans la démonstration que le libéralisme qui avait été avalisé par le plus grand nombre a montré ses limites, et devait devenir compatible avec plus de régulation pour mieux maîtriser et encadrer la finance. C’est dans l’équilibre fragile entre libéralisme et régulation qu’on pourra mieux financer l’économie, mieux anticiper les crises, et leurs effets car quoiqu’il arrive, elles font partie des cycles de l’économie. Patrick Magne UN NOUVEAU MONDE ECONOMIQUE Eloi LAURENT, Jacques LE CACHEUX Odile Jacob, 2015, 250 pages. Les auteurs relancent le débat sur la validité des grands indicateurs statistiques (PIB, revenu national, chômage…) qui mesurent la réussite ou l’échec d’une politique économique. Ces données négligent les enjeux essentiels : le bien-être des 42 populations et la soutenabilité du développement. Ils montrent que les données publiées – souvent confuses ou contradictoires - viennent troubler les opinions publiques et déconsidérer les hommes politiques. Ils montrent que les nouveaux indicateurs eux-mêmes – comme l’indice du développement humain conçu par Amartya Sen et publié par l’ONU – ont une portée limitée. Ils déplorent que l’appréciation du bonheur par le niveau de vie, soit trop réductrice. Ils proposent un indicateur à huit composantes : le revenu, l’emploi, la santé, le niveau d’éducation, le temps libre, le lien social, le sentiment du bonheur ressenti et la qualité des institutions. Ils critiquent également les différents indices de soutenabilité du développement calculés par des universités, la banque mondiale, l’ONU… Ils proposent de les construire à partir d’une valorisation du capital sous ses formes manufacturée, humaine, sociale, naturelle, scientifique… L’ouvrage vient utilement contribuer à l’effort de reconstruction du système socioéconomique actuel. J-J. Pluchart ANTI-PIKETTY Vive le Capital au XXIème siècle! Nicolas LECAUSSIN, Jean-Philippe DELSOL Sous la coordination d’Emmanuel MARTIN Libréchange, 374 pages Best seller de la littérature économique, aux Etats Unis comme en France, l’ouvrage de Thomas Piketty a fait l’objet, à l’opposé de l’enthousiasme de la « gauche mondiale », de très nombreuses critiques au point d’apparaître pour de nombreux auteurs comme l’une des grandes mystifications du XXIème siècle. Tour à tour le Financial Times en 2014, les économistes libéraux en France dont Alain Madelin ou Henri Lepage, directeur de l’Institut Turgot, mais aussi Nicolas Baverez, ont contesté des hypothèses, des raisonnements, les chiffres et les graphiques présentés par l’auteur. Ces éléments paraissent utilisés pour parvenir à des conclusions idéologiques. Les données sont en effet très nombreuses mais souvent tronquées, visiblement pour parfaire le raisonnement et les inexactitudes scientifiques. La thèse centrale (R > G) qui se veut démontrer l’inégalité fondamentale qu’engendre une rentabilité du capital supérieure au taux de croissance de l’économie, avant d’être économique ? reste une thèse politique. C’est ce que s’attache à démontrer ce collectif, placé sous la direction de Nicolas Lecaussin et Jean-Philippe Delsol, regroupant une vingtaine d’économistes, 43 historiens et fiscalistes dont un ancien conseiller économique du Président des Etats-Unis. Leur grand mérite est de montrer que les inégalités n’ont pas explosé, elles se sont réduites à de nombreux égards (éducation, santé) et que les riches ne « mangent pas le pain des pauvres », mais leur en donnent, en prenant des risques et en créant des millions d’emplois. Le patrimoine ne peut, indéfiniment, se développer plus vite que la croissance économique et une taxation excessive ne résout pas les problèmes mais les aggrave. Cette parution propose « une argumentation raisonnée et raisonnable » à cette idéologie d’essence marxiste en lui opposant des critiques académiques, des faits et en regroupant l’essentiel des critiques scientifiques s’opposant à la « Pikettymania », en avertissant au passage le grand public contre la facilité qu’offrent les thèses simplistes et populistes dans un ouvrage complet. Jean-Louis Chambon CHANGEONS LA BANQUE Benoit LEGRAND Ed. Cherche Midi, 2015. Ecrit par le responsable France de la banque ING, cet ouvrage, qui se lit en une petite heure, s’ouvre sans surprise par une attaque aux banques traditionnelles, qui chargent des frais excessifs à leurs clients et jouissent d’une position de rente, modèle dépassé par l’innovante banque en ligne, dont ING Direct est un exemple d’excellence, dixit M. Legrand. Décliné en trois parties classiques : constat, analyse, prévision, le texte rappelle le rôle de la transformation digitale dans la prise de pouvoir du nouveau consommateur qui force ses fournisseurs, dont le système bancaire, à plus d’interactivité, de transparence, d’économies de coûts. Les banques françaises traditionnelles, selon l’auteur, gardent leur avance aussi bien à cause des barrages culturels et psychologiques de leurs clients que d’un système règlementaire qui ne facilite pas les transferts de compte. Il déplore cet état des choses et en guise de modèle alternatif développe longuement la « success story » de ING Direct. Dans les toutes dernières dix pages, M. Legrand survole enfin le thème de son livre, soit la banque de demain, qui devra faire face aux nouveaux modèles CtoC, au Big Data, aux cryptomonnaies, à la concurrence des Fintech et des plateformes de crowdfunding (les « uberisateurs de la finance »). Il indique quelques 44 fondamentaux pour assurer la survie du système bancaire : une très forte réduction des coûts pour réduire les frais appliqués aux clients, une plus forte ouverture à la concurrence, une meilleure utilisation du Big Data pour des activités de coaching financier plus personnalisé, dans l’objectif de construire une relation–client réellement plus proche et utile et éviter de se faire devancer par les géants de la technologie et des télécoms (les GAFA). Anna Serio LA FINANCE PEUT-ELLE ETRE AU SERVICE DE L’HOMME ? Pierre de LAUZUN Editions Desclée de Brouwer , 2015 Cet éditeur n’est pas le spécialiste des ouvrages traitant de finance et de banque. Le choix de l’auteur d’être édité chez Desclée de Brouwer, est la première indication que l’ouvrage a un caractère humaniste marqué, tout comme son auteur. Il ne s’agit pas d’utiliser le vocable de l’économie réelle, mais celui de l’homme ! La finance peut-elle être au service de l’homme ? Les cyniques, diront que si cela arrive. c’est involontairement. La Crise de 2008 a jeté un coup de projecteur sur des pratiques collectivement nuisibles. Les deux questions de Pierre de LAUZUN sont les suivantes : Est cela la réalité de la finance ? Est-ce une fatalité ? Pour tenter de répondre à ces questions, le banquier appelle ses références personnelles historiques culturelles et familales : peut on avoir une finance orientée dans le bon sens sans se référer aux valeurs qui animent une société ? Et que signifie être au service de l’homme, sinon avoir une conception définie du bien et donc une forme de morale et d’éthique ? Ethique et finance : c’est par là que commence l’examen avec ses définitions, ses préalables, ses pratiques, ses outils. Enfin le banquier nous surprend mais l’homme est cohérent, car dans sa quatrième partie, il fait l’apologie du don et de l’action publique : « juste rôle pour la solidarité financière et les finances publiques » puis « la finance et le don ». Un ouvrage indispensable pour comprendre l’articulation de la régulation des marchés et de l’éthique personnelle et une claire démonstration des conditions indispensables pour prétendre à la possibilité d’une finance au service de l’homme. Dominique Chesneau 45 L’OFFENSIVE CHINOISE EN EUROPE Philippe LE CORRE et Alain SEPULCRE Fayard, 2015, 195 pages. Les investissements chinois en Europe constituent un sujet de questionnement et aussi parfois, d’inquiétude pour la plupart des européens. Les relations avec la République Populaire de Chine ont toujours été compliquées, en raison notamment des ambiguïtés qui pèsent sur la politique sociale, sur les stratégies industrielle et financière, ainsi que sur les méthodes de management de ses dirigeants. Les investisseurs européens en Chine s’interrogent notamment sur les promesses de projets « gagnant-gagnant » proposés par les décideurs chinois. Les auteurs retracent la montée irrépressible des investissements chinois et observent l’évolution des politiques industrielles, des pratiques managériales et du soft power chinois. Ils observent - au-travers du passage du made in China au made by China les changements de ciblage de leurs investissements successifs vers l’Allemagne (la technologie), le Royaume Uni (la finance), la France (le luxe et le tourisme), la « nouvelle Europe » (les ateliers de l’Est). Ils révèlent les succès mais aussi les échecs de certains projets industriels, la fragilité des réseaux bancaires chinois et la difficulté de pratiquer un management pleinement multiculturel dans le nouvel Empire du Milieu. J-J. Pluchart LA RECHERCHE ET L’INNOVATION EN FRANCE (FutuRIS 2014-2015) Jacques LESOURNE & Denis RANDET (dir.) Odile Jacob, 2015. L’ouvrage collectif, coordonné par Jacques Lesourne (professeur au CNAM) et Denis Randet (délégué général de l’ANRT), dresse l’état actuel de la recherche et de l’innovation en France. Les auteurs constatent que, bien que constituant le principal levier de création d’emplois productifs de notre pays, les ressources consacrées à la recherche et l’innovation nationales ne mobilisent que 2,2 % du PIB, dont les deux tiers apportées par les entreprises. Les marges de manœuvre des pouvoirs publics se rétrécissent en raison du ralentissement de l’activité économique et des contraintes imposées par le programme européen Horizon 2020 pour la R&D. Les auteurs soulignent notamment l’importance des enjeux attachés au rapprochement entre les laboratoires publics et les entreprises privées (notamment les PME). Ils révèlent la complexité du Système Français de Recherche et d’Innovation, marqué à la fois par l’accumulation des programmes (agenda 46 France Europe 2020, « pacte national pour la croissance, la compétitivité, et l’emploi », programme de la commission Innovation 2030, « 34 plans de reconquête industrielle », plan « une nouvelle donne pour l’innovation »…), par la pesanteur du « mille feuilles territorial », par l’apparition de nouveaux acteurs (Communautés d’Universités et d’Etablissements, Sociétés d’Accélération du Transfert de Technologie, Instituts de Recherche Technologique, Instituts Carnot, Labex, Idex …), par la création de métiers d’avenir (business developers, chargés de valorisation, agents technico-commerciaux…), par la mise en place de dispositifs innovants (contrats science-société, contrats de partenariat public-privé…). La réussite ou l’échec de ces programmes conditionne directement la soutenabilité de la croissance française et l’issue de la bataille pour l’emploi. J-J. Pluchart LE CAPITAL I/ L’invention du capitalisme Michel LETER Les Belles Lettres, 2015 L’auteur (docteur es lettres, professeur de philosophie) sonde les fondements du capitalisme, par une approche originale – de nature généalogique – de ses concepts fondateurs. Il souligne les ambiguités et les paradoxes attachés aux notions de capital, de propriété, d’argent, de classe sociale … Bastiat et Guyot ne qualifient-ils pas de « métaphore » le concept de capitalisme. Michel Leter soutient que « le capitalisme est introuvable » dans l’œuvre de Marx, qui en situe arbitrairement la naissance en… 1492. Le terme de « capitalisme » n’apparait en fait qu’en 1867, notamment sous la plume de Sombart, qui, par des raisonnements empruntés à la physique, le fit entrer dans le vocabulaire scientifique de l’Université impériale fondée par Bismarck. Il rappelle que Max Weber en attribua l’origine à l’éthique protestante. Il revisite longuement la notion de « lutte des classes », rappelant que, selon Marx, le « prolétaire est un homme sans capital », « le capital est un travail mort », la société est partagée entre « les hommes vivant de leur industrie et les hommes vivant de l’industrie d’autrui », « le capitalisme est l’exploitation de l’homme par l’homme »… Il lui oppose les enseignements de l’école autrichienne d’économie, notamment illustrés par les travaux de Menger, Von Mises, Hayek et Rothbard, qui concluent que « ce n’est pas le travail qui crée le capital, mais c’est le capital qui permet le travail ». Michel Leter introduit par ce premier volume une monumentale histoire du capitalisme, le second tome devant porter sur ses mythes, le troisième sur sa 47 théologie et le quatrième sur ses implications philosophiques. L’auteur fait preuve d’une culture encyclopédique, mais son écriture traduit parfois un certain hermétisme, dont il se défend en citant Kautsky : « l’exégèse des ignorants est toujours plus logique que celle des savants ». Jean-Jacques Pluchart JOHN LAW Le magicien de la dette, Une étrange proximité Bertrand MARTINOT Editions Nouveau Monde, 2015 Economiste et haut fonctionnaire, Bertrand Martinot a été conseiller à la présidence de la République en 2007-2008. Il est l’auteur de plusieurs essais économiques, dont Chômage : inverser la courbe (les Belles Lettres, 2013), récompensé en 2014 par le Prix Turgot du meilleur livre d’économie financière et par le Prix Edouard Bonnefous de l’Académie des sciences morales et politiques. Mais il s’affirme aussi comme un brillant historien de l’Economie en publiant ce nouvel essai qui retrace l’histoire du « Magicien de la dette », John Law, en soulignant un certain nombre de similitudes entre ce système et l’Economie contemporaine. En effet, début 1720, Law est contrôleur général des finances. Plus puissant que le grand Colbert, il manipule la monnaie, contrôle la banque, la fiscalité et le commerce extérieur. Pour soutenir les actions de la Compagnie du Mississippi, il invente un mécanisme de type subprimes. C’est le règne de l’argent fou. Le système va s’effondrer en quelques mois. L’avertissement que nous lance la faillite spectaculaire de John Law, c’est qu’une monnaie qui n’est plus étalonnée sur le métal précieux voit son sort fondamentalement lié à celui de l’endettement public. C’est pour ne pas l’avoir compris que la zone euro est aujourd’hui en danger. Car, entre autre la dette publique a acquis en réalité la qualité de monnaie…… Michel Pebereau, qui préface, avec le talent que l’on lui connaît, cet ouvrage, observe que « ….rien n’est plus stimulant que la réflexion qui fait un détour par le passé, d’autant que les économistes contemporains sont assez ignorants de l’Histoire…… ». Une brillante analyse qui est aussi une alerte pour chacun de nos responsables politiques et s’adresse à un large public, maître et élèves compris. Jean-Louis Chambon 48 Le SHADOW BANKING Qu’est-ce que la finance parallèle ? Quel est son rôle ? Comment la réguler ? MELLIOS C. et PLUCHART J-J. (coor.) Préface de J.de la Rosière, postface de J-L. Chambon Eyrolles (collection Turgot), 2015. L’ouvrage collectif Shadow banking a été conçu et rédigé par des théoriciens et des praticiens parmi les plus reconnus de la finance moderne, sous la direction des professeurs C.Mellios et J-J. Pluchart (Université Paris I), dans le cadre d’une coopération entre le Laboratoire d’Excellence Régulation Financière (Labex Réfi), qui regroupe des chercheurs de l’Université Paris I, de l’ESCP Europe, du CNAM et de l’ENA, d’une part, et d’autre part, le Cercle Turgot, think tank qui réunit des personnalités de la finance et décerne chaque année le prix Turgot du meilleur livre francophone de finance. Les encours relevant de la « banque de l’ombre » sont estimés au début de 2015, à plus de 80 trillions $, soit un montant supérieur au PIB consolidé mondial. Ils recouvrent des fonds d’investissement alternatifs, dont la disparité rend la régulation d’autant plus délicate : private equity, fonds de placement, fonds d’investissement, fonds monétaires non cotés, crédit coopératif, crédit interentreprises... Ils répondent à des besoins spécifiques de financement et de couverture des risques de l’économie réelle, mais leurs activités, souvent liées à celles des banques conventionnelles, sont porteuses de risques systémiques. Sept années après l’éclatement de la crise des subprimes, les auteurs s’efforcent de répondre aux principales questions soulevées par le phénomène du shadow banking : quelle est sa dimension réelle? Quelles raisons expliquent son expansion accélérée ? Quels rôles économiques précis exerce-t-il ? Comment a-t-il favorisé la propagation des risques systémiques ? Les auteurs observent que les systèmes financiers réglementés et non réglementés traversent une phase de profonde mutation. Ils montrent que l'univers du shadow banking est en expansion rapide sous les effets conjugués de l'innovation financière et de la montée des besoins de financement au moindre risque de l'économie réelle. Ils conviennent que l'expansion de ce nouvel écosystème de la finance n'en est qu'à ses débuts et que sa maturation devrait être longue et difficile. Ils s'accordent à reconnaître que les problématiques soulevées par la propagation du shadow banking varient en fonction des structures, des processus et des cultures propres aux systèmes financiers anglo-saxons - dominés par la finance de marché –, aux systèmes des pays de la zone euro – principalement financés par du crédit bancaire – et aux systèmes hybrides (intermédiés et désintermédiés) des BRIC et des pays émergents. Les auteurs analysent les risques de dérives et les externalités 49 potentielles de ces systèmes, ainsi que les risques systémiques de leurs contagions à la finance réglementée. Ils constatent que les voies d'extension au shadow banking, de la régulation bancaire conventionnelle sont étroites et multiples, et qu'une régulation inappropriée serait préjudiciable à l'ensemble du système financier. Leurs analyses et leurs propositions appréhendent les dimensions économique, mais aussi sociale et psychologique de ces effets. La valeur ajoutée de leurs contributions, par rapport aux nombreux rapports officiels (notamment du FSB et du FMI) sur le sujet, réside dans l’originalité de leurs hypothèses, dans l'audace de leurs conclusions et dans la vivacité de leur style. J-J. Pluchart DESORDRE DANS LES MONNAIES François MEUNIER (coordinateur), Eyrolles (collection Turgot), 2015. L’ouvrage collectif réunit des experts reconnus (membres du cercle Turgot) de l’économie monétaire. Les auteurs s’interrogent sur la pertinence du dogme de la stabilité financière observé par toutes les institutions internationales. Ils s’étonnent, avec James Galbraith, de cette « obsession économique », si contraire à la nature instable de tout système social. Le devoir des régulateurs n’est-il pas de « stabiliser l’instabilité », de « maîtriser sans détruire », de concilier les intérêts souvent contradictoires des pouvoirs publics et des investisseurs privés ? En leurs qualités de praticiens et d’universitaires, les auteurs confrontent leurs analyses, toujours éclairantes et souvent originales, des dernières crises financières – notamment de la crise des suprimes de 2008 – et des politiques monétaires notamment du quantitative easing – mises en œuvre par les banques centrales afin d’y remédier. L’ouvrage est organisé en trois parties, consacrées respectivement à des rappels historiques, à des comparaisons internationales et à des propositions de nouveaux dispositifs de régulation. Par la diversité et la profondeur des points de vue exprimés, l’ouvrage éclaire l’actualité monétaire actuelle, marquée par des fluctuations erratiques des monnaies, des remises en question du quantitative easing et une refondation du système bancaire classique. J-J. Pluchart 50 LE CLIMAT VA-T-IL CHANGER LE CAPITALISME ? La grande mutation du XXIème siècle Sous la direction de Jacques MISTRAL Eyrolles, 2015. Le climat se réchauffe, le moment de l’action est venu. Cette planète n’est pas condamnée, il faut seulement prendre conscience que l’économie aborde un nouveau et gigantesque défi. La réponse des 21 économistes sous la direction de Jacques Mistral, de Jean Tirole, de Michel Rocard etc….s’articule autour du « prix du carbone » : les émetteurs de carbone devraient payer pour leurs émissions. C’est du bon sens, mais c’est une révolution. Mais le capitalisme peut-il réellement changer ? le XXème siècle a déjà connu une « grande transformation » par laquelle le capitalisme sauvage et le prolétariat caractéristiques du XIXème siècle ont cédé la place à un capitalisme mixte et aux classes moyennes. Aujourd’hui, après la crise financière, tout est à reprendre et la lutte contre le réchauffement climatique ouvre une ère nouvelle : la transition vers l’économie bas-carbone sera la grande mutation du XXIème siècle. C’est autant une conviction qu’une nécessité. Jean-Louis Chambon MANAGER AVEC SUCCES LES SYSTEMES D’INFORMATION DANS LES PME Denis MOLHO (coord.) Ellipses, 2015. Cet ouvrage, rédigé par un collectif d’auteurs, professionnels de grande expérience, membres de la Commission Technique Systèmes d’Information présidée par Denis Molho et Jean de Sigy, au sein de l’association des Directeurs Financiers et de Contrôle de Gestion, propose des clés pratiques d’évolution des systèmes d’information d’une PME. Le grand intérêt de cette parution réside à la fois dans le parti pris des auteurs de proposer une démarche opérationnelle s’appuyant sur leurs expériences avérées de praticiens mais aussi d’impulser l’action vers cette exigence de performances et de création de valeurs qui reste le défi des PME françaises. Dirigeants et professionnels trouveront dans les quatre chapitres (dimensionner, réussir, un projet SI, conduire un projet humain, assurer la pérennité) de ce remarquable ouvrage, des outils ayant fait leurs preuves, étayés d’exemples 51 concrets, et permettant de choisir « le bon projet » à bien des égards, vital pour l’avenir de leur Entreprise. Parmi toutes les voies explorées par la multitude de rapports de toute origine susceptibles de remettre la France sur la voie de la compétitivité et de la croissance, émerge, en grande constance, le développement de nos PME. Cet ouvrage s’avère manifestement comme une contribution essentielle à cet objectif et mérite une attention toute particulière. Jean-Louis Chambon MANAGER AVEC SUCCES LES SYSTEMES D’INFORMATION DANS LES PME Denis MOLHO (coord.) Edition Ellipses, 168 pages, 2015. Cet ouvrage collectif, rédigé en partenariat entre le Cercle Turgot et le Comité scientifique de la DFCG (Association des Directeurs Financiers et de Contrôle de Gestion), répond aux attentes des PME confrontées à l’adaptation de leurs systèmes d’information et d’aide à la décision (SIAD), aux changements de leurs environnements. L’ouvrage montre clairement qu’un SIAD constitue un instrument stratégique de gouvernance et de pilotage de l’entreprise. Il analyse le processus – qui doit être à la fois intégré et collaboratif - d’analyse des besoins, de modélisation des fonctionnalités, de projection des coûts, de mise en œuvre rapide et fiable du projet. Il souligne l’importance de la dimension humaine dans l’accompagnement du projet et propose des solutions pragmatiques à ses dysfonctionnements et à ses crises. Il conseille la réalisation, au cours de la phase de démarrage, de supports d’aide aux utilisateurs du SIAD et la documentation précise de son architecture technique. Il compare les avantages et les inconvénients des différentes possibilités d’externalisation de certaines fonctionnalités du système. L’ouvrage restitue les grandes expériences de ses auteurs. Il est solidement construit, illustré d’exemples et de schémas éclairants, rédigé dans un style accessible aux non-informaticiens. La lecture du livre sera particulièrement utile aux entrepreneurs, aux responsables et développeurs des SIAD, aux contrôleurs de gestion, aux comptables et aux managers opérationnels. Jean-Jacques Pluchart 52 ARRETEZ DE NOUS COMPLIQUER L'EXISTENCE Max MOREAU L'Harmattan, 2015 L'ouvrage – préfacé par le Professeur Jean-Paul Betbeze – se présente sous la forme d'un bloc-notes rédigé au fil de l'inspiration de l'auteur. Ce « consultant béarnais » cultive un style volontairement débridé et allusif, qui contribue à représenter la France en véritable champ de ruines et à rendre d'autant plus urgente sa reconstruction. Mais l'originalité du livre ne réside pas dans sa thématique, qui s'inscrit dans le fertile courant de « la France qui tombe » et du « french bashing » , mai plutôt dans l'exploration des nombreuses mesures qu'il conviendrait de mettre en œuvre afin de libérer les énergies créatrices du carcan légal, administratif et fiscal, qui lentement les étouffe. Il formule ainsi pas moins de 115 propositions – souvent radicales et parfois originales - destinées à relancer l'économie et à libérer la société française, dans les domaines de la défense, de la santé, de l'éducation, de la recherche, des comportements des citoyens et du budget. L'auteur s'efforce désespérement de construire une vision prospective de la France, mais il est conscient de l'ampleur des réformes structurelles et des mutations culturelles à opérer afin de la repositionner dans le peloton de tête des économies compétitives et des sociétés entreprenantes J-J. Pluchart LE NUMERIQUE Godefroy Dang Nguyen , Sylvain Dejean Economica ? 2015 Voilà un ouvrage qui fera date et qui présente l’avantage de fournir une vision d’ensemble profonde et étayée par des exemples concrets sur un sujet qui est un peu une « bouteille à l’encre « dont on ne perçoit pas tous les contours qui présentent de multiples aspects : économiques, technologiques, sociaux, sociétaux. En fait, ce qui est en jeu, c’est l’exploitation efficace de la connaissance pour alimenter l’innovation, levier essentiel de la croissance dans les sociétés d’aujourd’hui. Pour autant, le numérique ne se réduit pas à une seule dimension technologique. Il recouvre des aspects d’organisation, de gestion des hommes dans leurs compétences et dans leurs relations. La prise en compte de ces aspects est une condition indispensable à l’utilisation efficace des technologies pour innover. Un autre aspect stimulant de l’ouvrage a trait aux réflexions économiques sur l’impact parfois négatif sur l’emploi, en raison de la concentration de richesses créées sur un petit nombre 53 et en en raison du niveau élevé de frais fixes poussant à la constitution de monopoles ou d’oligopoles. Un autre aspect très intéressant de l’ouvrage a trait aux réseaux sociaux comme leviers de développement de la richesse et à la manière concrète de les exploiter de manière sélective. En conclusion, il s’agit d’un must pour qui veut clarifier ses idées sur le numérique. Denis Molho LA PENTE DESPOTIQUE DE L’ECONOMIE MONDIALE Hubert RODARIE Forum Salvator, 2015. Primé par le Prix Turgot en 20111, pour ses qualités d’auteur, Hubert Rodarie est aussi un économiste et un chef d’Entreprise unanimement reconnu par ses pairs. Son nouvel essai porte, de surcroît, l’empreinte de sa formation de scientifique et de chercheur, et constitue une critique fondamentale de l’organisation moderne des acteurs économiques à partir notamment d’une explication originale et détaillée des mécanismes de la dette et du monde financier. Un « système » qui conduit l’Economie mondiale vers une pente despotique. L’auteur s’attache en effet à démontrer qu’après la chute du mur de Berlin, les « bons principes » (le Marché pour l’allocation de capital, le Common law pour les accords internationaux et la démocratie-droit de l’homme pour l’adhésion des citoyens) n’ont pas trouvé le sursaut de développement souhaitable que pouvait laisser espérer cette liberté retrouvée. La crise de 2008 a démontré jusqu’à l’absurde que les travaux de maîtrise des risques sont « … comme la ligne Maginot, superbes, perfectionnés, mais contournables à chaque nouvelle crise….. ». Pour l’auteur le monde financier et économique s’est perdu dans la mise en place d’une régulation à vocation universelle, fondée abusivement sur une logique « scientifique » et une mathématisation extrême des modèles. Le cœur de ces concepts visant principalement à la prévention de l’erreur humaine et proposant une gouvernance universelle, évitant à la fois la critique des systèmes en place et la nécessité d’une prise de décision courageuse du Politique. Le pire est que cette évolution s’appuyant sur des organisations rationnalisées et autorégulées privilégiant l’idée d’automatisme à celle de la raison des comportements humains, a contaminé tout autant la régulation européenne que la gestion des Entreprises et l’administration des services publics. 54 « ….Les concepts actuels de la règlementation véhiculent une vision réductionniste du futur en ce sens qu’ils promeuvent une conception étroite de l’aléa supposant que tout élément est maîtrisable…». Progressivement ont été créés de façon artificielle et inappropriée au sein de l’Economie « ……des caractéristiques procycliques et des rigidités…… ». Ce gouvernement, « par le nombre », de plus en plus absolu et détaillé, pointé dès 1930 par Schumpeter, et conforme au système communiste décrit par Zinoviev, exerce bien une forme de despotisme…….qui paralyse l’innovation et les énergies. De même, la création permanente de dettes publiques (qui ont acquis en réalité la qualité de véritable Monnaie) étouffe l’activité économique, entretenant déflation et chômage et en même temps nourrissant le pessimisme et le ressenti d’impuissance des acteurs. S’appuyant sur la cybernétique (la science des systèmes), Hubert Rodarie propose des éléments de réponse pour réinventer « …..un corps doctrinal conservé intact depuis cinquante ans… ». Renouveler les idées, construire des fondations répondant à la fois aux exigences « …d’une résistance statique et dynamique (résistance aux chocs)…. » des systèmes, en établissant des ponts de « performativité ». « …….L’approche actuelle de la maîtrise des risques permet certes d’envisager la quasi suppression des crises mineures aux conséquences limitées mais conserve une forte probabilité de subir une rupture brutale du système…… ». Une alerte sur les conséquences de la rigidification du système économique qui s’adresse en priorité aux politiques, étrangement cachés derrière une logique d’une utilisation potentiellement infinie de la dette publique mondiale. Une analyse décapante qui brille par son originalité et qui peut éveiller à la fois la réflexion d’un large public averti, comme les étudiants et les experts. Jean-Louis Chambon. 1 Pour son ouvrage « Dettes et monnaie de singe » chez Salvator STRATEGIE ET GOUVERNANCE des INSTITUTIONS FINANCIERES MUTUALISTES Michel ROUX Préface Jean-Louis Bancel – Avant-propos Olivier Pastré RB Edition, 2015 Doyen honoraire de Paris XIII, Michel ROUX s’est affirmé à travers ses parutions très remarquées comme l’un des meilleurs experts de l’éthique en finance avec une focalisation particulière sur la banque de détail, le management et 55 précisément le mouvement mutualiste et coopératif. Dans ce nouvel essai, l’auteur confirme en tous points son parti pris d’une analyse sans concession des défis technologiques, réglementaires et financiers qui pèsent sur la sphère financière : les Fin-tech menacent les professions financières tandis que la pression de l’environnement (lois Hamon, Touraine, etc..) comme le digital et internet les projettent dans une forme de « nouveau monde incertain ». En outre l’auteur, les banques coopératives et les sociétés d’assurances mutuelles sont doublement concernées par cette nouvelle donne : au plan de leur gouvernance, de leur stratégie et de leurs relations clients, mais aussi au plan de leurs valeurs : comment en effet éviter une forme de banalisation des valeurs mutualistes et « …dans un cadre budgétaire contraint, d’être vassaliser par le marché ?...... ». Face à ce « grand basculement » l’auteur apporte des éléments de réponse pour « …préserver et développer le mutualisme, vecteur d’une éducation démocratique et d’une pratique citoyenne…. » et faire par l’innovation, « correctement pilotée », un formidable levier pour réinventer la finance et le modèle de protection social de demain. Une chance pour les institutions financières mutualistes ? Jean-Louis Chambon LA VRAIE REVOLUTION DU MICROCREDIT Jean-Michel SERVET Odile Jacob, mars 2015. 25,90€ Serait-ce l’effondrement d’un mythe et peut-être même de sa « créature » ? Est-il vrai que Sufia Begum, première icône du microcrédit, symbole de l’empowerment des femmes et immortalisée par le Prix Nobel de la Paix Muhammad Yunus soit morte endettée et réduite à l’état de mendiante ? L’enfer serait – au dire de ceux qui s’en sont approché - pavé de bonnes intentions. On peut affirmer que JeanMichel Servet, spécialiste de la microfinance et déjà auteur de Banquiers aux pieds nus nous livre une réalité qui met à mal ce qui pouvait apparaître comme une révolution. L’engouement suscité par une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU qui déclarait 2005 « Année du microcrédit » a vite laissé la place à un social business, sorte de microcrédit « seconde génération », soutenu par de grandes firmes soucieuses de revêtir une image « éthique, responsable, solidaire » vis-à-vis de leurs apporteurs de fonds. Si les faits finissent par parler, faut-il en conclure que l’assertion d’Alphonse Allais à l’égard des damnés de la terre est toujours aussi intelligible : « Il faut prendre l’argent là où il se trouve, c’est-à-dire chez les pauvres. Bon d’accord, ils n’ont pas beaucoup d’argent, mais il y a beaucoup de pauvres. » 56 Alain Brunet AU DELA DU MUR DE L’ARGENT Edouard TETREAU Stock, 2015. La finance et les nouvelles technologies dominent l’économie mondiale, elles génèrent une création de richesses et d’innovation sans précèdent dans l’histoire de l’humanité. Elles ambitionnent de modifier l’identité humaine que l’on cherche à »augmenter» en effaçant ses limites. L’auteur veut nous alerter sur les processus de déshumanisation rapide à l’œuvre dans nos économies et sociétés mondiales. Les êtres humains ou les pays qui se révèlent incapables de s’adapter seront broyés. Les marchés électroniques financiers mondiaux -lieux de rencontre des offres et demandes de capitaux et de travail- sont à la veille d’un accident majeur à cause des déséquilibres financiers et de l’extrême vulnérabilité technologiques de nos sociétés ; cet accident sera mondial et instantané et il aura des conséquences plus lourdes que celles de 1929. La deuxième ambition de cet essai est d’appeler les grandes religions à réinvestir ensemble ce débat, à se faire entendre le plus vite et le plus clairement possible des décideurs politiques économiques et financiers de l’économie mondiale. Le temps presse car cet accident au rythme où se déploient les déséquilibres actuels est imminent et d’autre part parce que l’église catholique s’est dotée d’un chef dont l’audience mondiale va bien au-delà du monde catholique. Un quart de siècle après la chute du communisme dont Jean paul II en fut l’un des principaux artisans quel mur le pape François va-t-il contribuer à faire tomber ? Son parcours et ses prises de risques lui confèrent une autorité mondiale. C’est le seul leader mondial. L’excès de liquidités dans l’économie mondiale masque difficilement une panne de projets et d’envie d’aller de l’avant de la part de nombreux acteurs privés. La digitalisation de nos vies et sociétés ne fait que s’accélérer. Les voix les plus autorisées ont beau s’exprimer sans ambiguïté sur la vulnérabilité des êtres humains face aux progrès de l’automatisation de nos sociétés et l’intelligence artificielle, rien n’y fait. C’est très certainement la menace existentielle la plus forte. Michel Gabet 57 CONTRE LE DROIT AU TRAVAIL Préface de Pierre Bessard Alexis de TOCQUEVILLE Petite Bibliothèque classique de la liberté, Les Belles Lettres, 87 pages, Redonner vie à l’œuvre d’auteurs ayant jusqu’à la seconde moitié du XXème siècle « … .apportée une notable contribution à l’histoire de la pensée libérale, entendue dans son acception la plus ouverte….. », est en soi une noble cause. Mais le grand mérite de l’équipe des Belles Lettres de cette « petite bibliothèque classique », animée par Alain Laurent, consiste à proposer des textes de format réduit en extrayant des ouvrages volumineux originaux, les parties devenues obsolètes. Ce petit opus en est l’illustration, en reprenant le discours d’Alexis de Tocqueville « contre le droit du travail », prononcé à l’assemblée constituante le 12 Septembre 1848. La concomitance de cette parution, avec les turbulences qui agitent aujourd’hui les relations sociales en France (dialogue social et code du travail entre autre) pourrait être un simple clin d’œil malicieux….. accompagnant la nomination de la nouvelle ministre du travail, prochainement confrontée à des travaux herculéens. Mais c’est en réalité une contribution « initiale et majeure » à un débat de fond : l’Etat doit-il être le grand et unique organisateur du travail, le maître et possesseur de chaque homme, le propriétaire unique de chaque chose ? et peut-il faire prospérer « un droit au travail », ce à quoi s’oppose Tocqueville en ajoutant les motifs de son combat contre le socialisme qui « se livre à une attaque directe contre la propriété et la liberté individuelles ». Le « droit au travail » fait-il donc partie de ces revendications récurrentes mais irréalistes de la vie sociale et publique qui ne font que prospérer sous l’emprise socialiste….. mais pas seulement. En fait la critique de Tocqueville souligne l’incapacité de l’Etat à créer de l’emploi productif en détournant simplement du secteur privé efficient au moins autant de ressources pour le financer ; les emplois créés par l’Etat ne génèrent pas de richesse car ils gaspillent inutilement des réserves qui, selon la théorie économique, auraient été créées plus librement et avec plus de valeur par ailleurs. Comme le rappelle Pierre Bessard, dans sa lumineuse introduction, l’illusion d’un faux « droit », accessible à tous et pour tous, reste une des profondes convictions socialistes qui s’accompagne en réalité dans le monde réel d’une nouvelle forme de servitude humaine. L’écrasante et confiscatoire fiscalité à la Française, qui 58 dépouille via la redistribution les plus dynamiques de ses acteurs, n’en est hélas que l’une de ces illustrations. Jean-Louis Chambon LA REVOLUTION NUMERIQUE : SITUATIONS, MENACES, PROMESSES REINVENTONS L'AVENIR Jean-Michel Treille Ed Ovadia, 2015. L’auteur revisite la notion de révolution – dite « numérique » - qui modifie en profondeur l’organisation et les valeurs des sociétés post-modernes. Elle a été rendue possible par le développement accéléré de l'informatique et de l’internet, qui ont permis la mise en réseau planétaire des individus, l’intensification des échanges et la circulation des idées. Le concept de « révolution » évoque les espoirs que fait naître cette mutation, et notamment, celui d'une réappropriation de l'espace public par les citoyens. Le qualificatif « numérique » recouvre l'introduction progressive de la technologie numérique dans tous les domaines, les espaces et les temps de la vie. La « révolution numérique » est comparable à la révolution industrielle, survenue au XIXe siècle. L’auteur montre que la révolution numérique contribue à redonner à tous les groupes d’acteurs de la société, les pouvoirs (« l’information, c’est le pouvoir »), les responsabilités et les «souverainetés», dont ils ont été dépossédés par la mondialisation. La révolution numérique implique toutefois une organisation sociale respectant le principe de subsidiarité, qui favorise les initiatives et l’affirmation des droits et des devoirs individuels, dans le respect des valeurs et du bien commun. Dans le cadre d’une « organisation subsidiaire », l’information est distribuée dans le cadre de plans d’action, en fonction d’objectifs communautaires. Jean-Jacques Pluchart LA REVOLUTION NUMERIQUE : situations, menaces, promesses - Réinventons l'avenir Jean-Michel TREILLE Editions Ovadia, 2015 59 Il est des révolutions qui pour être « silencieuses » n’en sont pas moins disruptives L’Agriculture par exemple, en son temps, a permis certes de nourrir contre toute attente la démographie galopante de la planète (mais on en oublie souvent le prix payé : dix fois moins d’Exploitants…..). Celle du Numérique s’inscrira-t-elle dans ce continuum schumpéterien ? pour quel avenir de l’humanité, libertés individuelles, emploi, croissance, solidarité et partage ? Chacun, qu’il soit fan ou contempteur, ressent plus ou moins confusément que cette « nouvelle civilisation » qui est en train de se construire, s’accompagne tout autant de risques que d’espérances ? Aussi ce nouvel essai de Jean-Michel Treille arrive à point nommé pour apporter éclairages et éléments de réponse à ces questions quasi existentielles. Au terme d’une analyse rigoureuse, surprenante tant par ses fulgurances que son pragmatisme, l’auteur, dont les qualités de plume ont été primées par le Prix Turgot 2013, inscrit sa réflexion dans une vision de long terme auquel l’a préparé son riche parcours professionnel d’entrepreneur et d’enseignant (CESA et ISA). Il avait compris dès son passage au Commissariat général du Plan et au cours de ses expertises pour la banque mondiale, les enjeux liés à la modernisation par le numérique (dont il est devenu un des acteurs, à travers son entreprise Gapset). Comment répondre aux aspirations (souvent contradictoires) des utilisateurs et à « l’homme économique » qui côtoie en permanence « l’homme inutile » pour de nouveaux espaces de croissance et de progrès ? Mais l’essor de la connectique et du big data s’accompagne aussi d’une face sombre… Les risques du « ….harcèlement numérique, d’asservissement, de menaces sur la vie privée, de surveillance de masse…… », et, hélas comme le rappelle cruellement notre actualité de « cyber-guerre », sont pointés par une analyse très documentée : certes le numérique peut permettre d’envisager « …de nouveaux chemins…. », pour répondre aux tendances mortifères de l’économie mondiale (panne de croissance, chômage, surendettement, repli sur soi). Encore faudrait-il que la « personne numérique » y trouve son comptant et puisse s’approprier, via l’éducation et la formation, le savoir et l’intelligence que requiert cette technologie au plan financier, social et citoyen. Parmi les éléments de réponse que propose l’auteur, se placent quelques priorités : la reconstruction d’une souveraineté juridique et fiscale face au monopole des géants internationaux, l’affirmation forte des droits (à l’oubli, à la mort) de la « personne numérique », expression immatérielle de la personne physique. Elle est à protéger par les mêmes droits. La civilisation du numérique qui se dessine ouvre de nouveaux droits et de belles espérances (même si la question du trans-humanisme reste posée). Elle doit 60 s’accompagner de nouveaux devoirs pour l’Etat et chaque citoyen, pour redonner à la Société, des pouvoirs, des responsabilités, des souverainetés dont ils ont été largement dépossédés par la mondialisation globalisante. Le grand mérite de JeanMichel Treille est de montrer, par ses éclairages des ombres et lumières de la révolution numérique, que les clés de notre avenir sont encore entre nos mains. Réinventer l’avenir, tel est le défi ; mais le temps presse car comme le disait Mac Arthur « …je ne connais que deux mots qui qualifient les batailles perdues : trop tard….. ». Un ouvrage précieux pour tout public, étudiants, enseignants, experts et (honnête homme). Jean-Louis Chambon RECREER LE SYSTEME MONETAIRE INTERNATIONAL Débat public – Collection de l’Académie des Sciences Morales et Politiques Jean Claude TRICHET, Michel Pébereau, Jacques de Larosière, Jean Baechler Ed. Hermann, 2015 Compilation des interventions d’éminents spécialistes financiers dans le cadre d’un débat public à l’Académie des Sciences Morales et Politiques, cet excellent ouvrage est un très bon rappel didactique des principaux évènements qui ont accompagné le développement de l’internationalisation des échanges de biens et de capitaux depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et des causes multiples à l’origine de la grave crise de 2007 ainsi qu’une intéressante analyse des enjeux en cours et des solutions possibles. Ainsi le thème central « recréer le système monétaire international » (dans son sens large de système économique et financier mondial comme le souligne M. Trichet) est l’occasion pour rappeler qu’un système d’échanges régulés (mais aussi de politiques macro-économiques convergentes..) est une condition fondamentale pour le bien être de l’humanité, sa stabilité étant même définie comme un « bien collectif supérieur ». Or le constat est univoque : inutile de rêver à une grande « architecture financière internationale » par un FMI plus élargi et par des instances de régulation qui engloberaient tous les acteurs systémiques mondiaux (et notamment la Chine) car les conditions politiques n’y sont pas. Les USA, pays où les politiques laxistes et la finance bancaire excessivement dérégulée ont été parmi les majeurs responsables de la crise internationale actuelle, sont clairement cités comme les plus investis pour que rien ne change. Alors que l’Union Européenne et la zone Euro insistent pour réguler leur secteur financier en vue de le sécuriser au maximum mais au point de mettre en danger sa compétitivité, comme le souligne M. Pébereau. 61 Quid de l’avenir ? Quelques pas en avant ont été accomplis par une plus grande coopération des banques centrales dans le cadre du G20 (pour la surveillance bancaire, la prévention des risques financiers systémiques, la définition de la stabilité des prix à 2% sur le moyen terme) ; c’est une étape fondamentale pour éviter une mortifère guerre des monnaies. Mais il faut rester réalistes : aller plus loin signifierait la création d’une monnaie commune mondiale or c’est un objectif politiquement irréalisable. Par contre M. Trichet fournit des pistes intéressantes pour développer l’usage officiel et privé des DST (en intégrant le renminbi). Toutefois il souligne que l’ambition doit être plus grande puisque il s’agit pour le futur d’amener tous les états souverains à influence systémique à accepter un « confinement » de leur liberté de gestion, notamment à accepter une « convergence conceptuelle » et une surveillance externe contraignante (par le FMI, le Conseil de Stabilité Financière, le G20 ? ce point n’est pas éclairci) sur les points suivants : les déficits ou excédants des balances de paiements courants, la coordination des politiques macroéconomiques par la cohérence de la gouvernance économique et budgétaire, la standardisation de règles de prudence financière pour la gestion bancaire. Beaucoup de chemin reste donc à accomplir. Anna Serio ON VA DANS LE MUR… Agnès VERDIER-MOLINIE Albin Michel, 2015. La prédiction de l'auteure (directrice de l'iFRAP) est d'autant plus accablante qu'elle est réaliste et globale. Elle dresse en effet un bilan sans concession de la gouvernance administrative, économique et fiscale de la France. Elle dénonce trois types de dysfonctionnements: l'empilement (360 impôts et taxes, 5,3 millions d'agents publics, 36 769 communes, 700 milliards € de charges sociales…), les dérives (618 000 élus, 100 000 mandats paritaires, 300 corps d’État, 5 millions de chômeurs, 2 millions de jours de grève par an…) et la complexité des systèmes (400 000 normes, 10 500 lois, 3500 pages de code du travail, 37 régimes de retraite…). La France fait bien figure d'exception, mais non pour son modèle social ou culturel, mais pour sa pléthore administrative, son «mille feuilles territorial», sa frénésie fiscale, sa myopie syndicale… Ce réquisitoire interpelle le lecteur qui s'interroge sur les causes du phénomène: est-il plutôt dû à une absence de volonté politique, à une pratique généralisée du clientélisme, à une culture déviante du service public, à une survivance du féodalisme...? L'auteure se garde de répondre à une telle question et d'en attribuer la responsabilité à un parti politique. Elle propose 62 (curieusement en annexe de l'ouvrage !) un vaste programme destiné à repositionner la France (dès 2022 ?) dans le peloton de tête des économies performantes. L'ouvrage devrait bénéficier du lectorat des 618 000 élus français et de leurs millions d'électeurs. J-J. Pluchart LES MUTATIONS DE l’INDUSTRIE FINANCIERE Revue d’Economie Financière n° 118 , juin 2015 L’industrie financière sera d’ici peu « méconnaissable » , souligne d’emblée les coordinateurs de ce nouveau numéro de la Revue d’Economie Financière, JeanPaul Betbeze Carlos Pardo et la vingtaine d’auteurs qui collaborent à cette parution, banquiers, économistes..., apportent leur éclairage de ces profonds changements : ralentissement de la croissance durable, présence renforcée des régulateurs limitant les possibilités de transformation des banques, leur prise de risques et la résolution de leurs difficultés. Cette vague de répression financière touche tout autant les sociétés d’assurances que les sociétés de gestion dont une partie des activités est mise en accusation de « shadow banking » … Enfin la technologie est devenue omniprésente dans tous les secteurs de la finance : la capacité à récupérer et à traiter mieux et moins cher l’information, est devenue décisive…. En perspective, apparaît un nouveau paradigme consistant à renforcer les canaux de financement direct des agents économiques, privés et publics: une situation paradoxale faisant cohabiter une forte demande de capitaux pour financer une croissance poussive et un niveau de patrimoine des ménages qui atteint des sommets… Le tout entraînant une farouche concurrence des acteurs de la finance, anciens et nouveaux entrants. En quatre chapitres les auteurs traitent des contraintes et des nouveaux acteurs de l’industrie financière, de ses nouveaux paramètres et du rôle renouvelé de la gestion d’actifs et des nouveaux risques de l’Assurance. Une contribution majeure pour éclairer les révolutions en cours et à venir de l’industrie financière. Jean-Louis Chambon 63 CHANGEMENT CLIMATIQUE ET FINANCE DURABLE Revue d’Economie Financière n° 117, 2015 Les oracles médiatiques ont déjà fait de 2015, l’année du « grand rendez-vous historique de l’avenir de notre planète ». C’est ainsi que la conférence mondiale dite « climat » (cop 21) se tiendra à Paris, en fin d’année, précédée de peu de celle d’Addis Abeba, centrée sur le développement durable. Certes la lutte contre le réchauffement climatique, les risques multiples qui y sont liés, ont déjà fait l’objet de diagnostics nombreux et convergents, émanant tant des économistes que du monde politique. Mais l’interrogation sur la capacité de la communauté internationale, de passer des discours alarmistes ou volontaristes à l’action collective, reste prégnante. Dans ce sens le grand mérite de cette nouvelle parution de la Revue d’Economie Financière, qui est aussi un hommage à Edmond Malinvaud qui vient de disparaître, consiste à élargir le champ de la réflexion en présentant le secteur de la finance, contrairement à une « intuition première », comme grande partie prenante des responsabilités dans ce combat. Ainsi Jean Boissinot (DGT) et Patrice Geoffron (Professeur à Paris Dauphine) conduisent avec une dizaine d’experts, une réflexion qui porte sur l’évaluation des risques financiers en la matière et sur les questions qui accompagnent le choix des activités à financer. Les liens entre le changement climatique et la finance durable qui font l’objet d’un éclairage lumineux de Pierre René Lemas de même que les risques climatiques et les besoins de financement amènent des développements approfondis ainsi que les outils et mécanismes financiers, susceptibles d’apporter des réponses. Des thèmes qui rejoignent des préoccupations plus anciennes liées à la crise financière de 2008 avec le sujet incontournable que développe Jean Boissinot sur la capacité de la finance à se mettre au service de la Société. Le concept d’une finance durable, respectueuse de l’environnement, et oeuvrant au développement économique et social, est-il susceptible d’émerger de ces rendezvous de 2015, sous la pression de la Société et d’une prise de conscience salutaire des acteurs du secteur ? On ne peut que le souhaiter. Cette remarquable parution apporte indiscutablement une contribution essentielle à cette réflexion pour notre avenir et celui de nos enfants. Jean-Louis Chambon 64 MANAGEMENT ET FINANCEMENT DE L’INNOVATION Bernard YON et Bernard ATTALI RB Edition - Eyrolles, 2015, Préface de Philippe Raimbourg L’ouvrage, rédigé par un ingénieur et un financier, se présente comme un outil de pilotage et d’aide à la décision portant sur l’innovation de rupture. Un projet innovant doit conjuguer une idée créatrice, un management performant, un investissement financier et un sens de la mise en marché. Il développe une réflexion sur la part de l’innovation dans la croissance économique, sur la gestion du risque dans le management de projet, sur la construction d’un business plan et sur les méthodes de valorisation des entreprises innovantes. Le livre est préfacé par le professeur Raimbourg, directeur du master Ingénierie financière de l’Université Paris I. J-J. Pluchart INFLUENTIA La référence des stratégies d'influence Romain ZERBIB et Ludovic FRANÇOIS (coor.) Lavauzelle, 2015. L'ouvrage – préfacé par le professeur Fitoussi - réunit de prestigieuses signatures, comme celles de Noam Chomsky, Joseph Nye et Edward Freeman. Il montre que le pouvoir d'influence, qui constitue un des principaux leviers de la gouvernance des institutions modernes, repose sur la réputation de quelques leaders, mais aussi, sur leur maîtrise de certaines techniques de communication. L'influence constitue le moyen d'action privilégié de nombreux métiers : homme politique, syndicaliste, journaliste, consultant, militant d'ONG… La liberté d'expression en usage dans la société occidentale, devrait logiquement conduire à un pluralisme d'opinions sur les problématiques contemporaines. Elle engendre au contraire une forme de dictature du « politiquement correct » et de la « pensée unique ». Les leaders émettent des « signaux de légitimité » et manipulent les « réflexes d'adhésion » des citoyens et des consommateurs à des normes, des valeurs et des croyances à la fois simples et pratiques. Les auteurs analysent – sans parti pris moral - par quels types de discours plus ou moins réducteurs, par quels renforts d'expertises plus ou moins scientifiques et par quelles actions médiatiques plus ou moins objectives, les acteurs sociaux les plus influents favorisent la construction d'une société d'information formatée. J-J. Pluchart 65 Ouvrages lus mais non chroniqués AUTEURS TITRE ATTALI & YON BAGLIN BANCEL & al Management et financement de l’innovation Eyrolles Maitriser les ERP Economica Le grand repli Découverte JJP DM AB BAUWENS Sauver le monde Liens Libèrent CC BELOT BRUNET BOUZOU CALON CARROUE COCOMMO COLASSE DEMBINSKI DEFAVALD DUVAL La déconnexion des élites Le risque de crédit La lucidité habite à l’étranger Vive les vieux la planète financière Histoire des faits économiques Dictionnaire de comptabilité Ethique et responsabilité en finance La révolution de l’économie Les Arenes Economica Lattes L'opportun A Colin HA DM GD AS FG Ellipses JLC Economica RB ed. De l’Atelier Découverte JLC JLC/JJP JJP AB Séisme sur la planète finance De Boeck Découverte Faut- il donner un prix à la nature ? Petits matins LF AB AB La fin des banques Economie de la mondialisation Le massacre fiscal Eyrolles A.Colin Du Moment Changeons la banque La bataille des deux monnaies Euro les années critiques Chine, Inde, les firmes au cœur de l’émergence Alstom scandale d’Etat La crise de l’Etat providence L’ingénierie fiscale Cherche midi Erem PUF PUR DUPUIS FALCANI GADREY & LALUCQ HERLIN JOUBERT & LORRAINE LAPORTE LEGRAND MANO MONNET & STERNBERG MUCHET & al QUATREPOINT ROSANVALLON SPIRE & WEIDENFELD EDITEUR La France ne sera plus jamais une grande puissance Economie et comptabilité immatérielle 66 Fayard Essais Point Découverte LEC 1 AS FG CC JLC