chroniques turgot 2015

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CERCLE TURGOT
Association des Anciens Elèves de l’IHFI
Jean-Jacques Pluchart
(coordinateur)
CHRONIQUES TURGOT 2015
Carnets de lecture du Club de présélection du Prix Turgot
des meilleurs livres francophones d’économie financière
publiés en 2015
Décembre 2015
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CHRONIQUES TURGOT 2015
Carnets de lecture du Club de présélection du Prix Turgot
des meilleurs livres francophones d’économie financière
Ces chroniques résument les lectures de 70 ouvrages francophones
d’économie financière, d’économie politique et d’économie
d’entreprise, publiés au cours de l’année 2015. Elles ont été rédigées
en toute indépendance par les membres du Club de présélection du
Prix Turgot (grand prix, prix spécial, prix du livre collectif…) présidé par
Jean-Louis Chambon. Le club – animé par Jean-Jacques Pluchart –
prépare la sélection finale des Prix par un Grand Jury présidé par
Michel Bon. La remise des Prix 2015 se tiendra le 31 mars 2016 dans
l’amphithéâtre du Ministère de l’Economie, en présence d’Emmanuel
Macron.
Ces chroniques constituent un instrument utile de culture économique.
Elles sont régulièrement publiées dans des revues professionnelles
(Finance
& Gestion, Convergence, Les Echos, L’opinion…) et
universitaires (Revue des Sciences de Gestion, Vie et Sciences
Economiques, Encyclopédie de l’Ingénieur…). Elles sont consultables en
ligne sur le site de l’Association des Anciens de l’Institut de Haute
Finance (IHFI). L’ensemble des chroniques rédigées depuis 1987 par
Jean-Louis Chambon et Jean-Jacques Pluchart seront publiées en 2016
aux éditions Vuibert.
Le club de présélection du Prix Turgot (anciens élèves de l’IHFI)
auteurs des chroniques
Alcaraz Hubert, Bidault Jean-Philippe, Borsato Renzo, Brunet Alain, Chambon JeanLouis*, Chesneau Dominique, Chouffier Christian, Molho Denis, Gabet Michel,
Godet des Marais Freddi, Magne Patrick, Pinon Frederic, Pluchart Jean Jacques**,
Serio Anna, Simon François-Xavier***
*président du Prix Turgot **animateur du club ***président d’honneur du club
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SOMMAIRE DES CHRONIQUES
Classement par ordre alphabétique des
noms d’auteurs ou de coordinateurs*
(nom, page)
ANDLAUER, 3
ARTUS
ATTALI
BAVEREZ, 5
BEFFA
BERNANKE
BESSIERE
BOURGUIGNON
BOTELLA
BOUZOU
BRENDER
BRUNEL
BUAT
CHARDAVOINE, 14
CHEVRILLON
COHEN D
COHEN E
CORDONNIER
DANIEL, 19
DARD
DELSOL
DIDRY
DESSERTINE
DJERMON
ECKERT
ESCANDE
FABRY, 24
FAY
FRANCON
GADREY
GEORGES-TUDO
GODEFROY
GRAW de
GUERRERO
HAIRAULT, 30
HECKER
HYONG
HUCHET
JAFFELIN
KOENIG
KOVAR
LACOSTE, 38
LALUCQ
LAURENT
LAUZUN de
LE CACHEUX
LEGRAND
LECORRE
LESOURNE
LETER
Liste des ouvrages lus mais non chroniqués, page 67
* certains livres ont fait l’objet de 2 chroniques
3
MARTINOT, 45
MELLIOS
MEUNIER
MISTRAL
MOLHO
MONTLOUIS
MOREAU
NGUYEN
NURDIN
PLUCHART
RANDET, 50
Revue d’Economie
financière
RODARIE
REF
SEPULCRE
SERVET
STEPHANIE
TETREAU
TOCQUEVILLE de
TREILLE
TRICHET
VERDIER-MOLINIE, 55
VIARD
ZERBIB
GAZ ET PETROLE DE SCHISTE : REVOLUTION PLANETAIRE ET DENI FRANÇAIS
Alexandre ANDLAUER et Christophe Hecker
Ed. Laffont, 2015
Les auteurs (respectivement analyste financier et promoteur immobilier) se livrent
à un vibrant plaidoyer en faveur de l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste du
sous-sol français. Ils estiment que le rejet de cette source d’énergie par l’opinion
française et par l’Assemblée Nationale est dû à une méconnaissance des enjeux et
des externalités qui y sont attachés. Ils avancent un véritable arsenal d’arguments
de toutes natures afin de briser le tabou qui frappe le pétrole et le gaz de schiste.
La France reste un des rares pays à ne pas engager leur exploitation ; pourtant
celle-ci contribuerait - pendant 77 ans ! - à réduire de 30 milliards € la facture
énergétique et à créer 150 000 emplois directs. La reprise économique et le
redressement de l’emploi des Etats Unis sont principalement dus à l’adoption de
cette énergie. Sa montée en puissance a entraîné une chute du prix du pétrole
conventionnel. La campagne de dénigrement suscitée par le film américain
« gasland » est manipulatoire.
Quelques voix encore timides d’hommes politiques s’élèvent toutefois en faveur de
ce levier incontournable du redressement économique de la France. Selon les
auteurs, seul un « débat constructif, dépassionné et apolitique » permettrait à
notre pays de retrouver sa compétitivité perdue.
Jean-Jacques Pluchart
CROISSANCE ZERO
Patrick ARTUS et Marie-Paule VIARD
Ed Fayard, 2015.
Cessons de nous voiler la face : les prévisions de croissance que nous égrènent
depuis 2009, les gouvernements successifs ont perdu de la crédibilité. 2% de
croissance en 2017 et au-delà relève de la mission impossible ! La croissance qu’a
connue la France à la fin du XXème siècle, fondée sur les gains de productivité et le
progrès technique, n’était pas la règle d’un monde nouveau mais l’exception d’une
histoire têtue, thèse que l’ouvrage défend abondamment. Faut-il pour autant se
décourager ? Non, nous disent les auteurs qui ne veulent pas appartenir au clan
des « déclinistes ». La France est au seuil d’un nouveau mode de développement.
Soit elle refuse d’affronter cette réalité au risque de basculer dans « la violence la
plus légitime » (quels sont les critères de légitimité de la violence ?), soit elle
change de logiciel et s’ouvre de nouvelles pistes de création de bien-être qui
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offriraient à sa jeunesse des perspectives et lui ôteraient les envies de repli sur soi,
d’expatriation et de violence.
Néanmoins l’ouvrage reste peu disert sur les impacts – que peu d’économistes sont
en mesure d’évaluer précisément- de la révolution numérique -et c’est
probablement un regret du lecteur- qui sont susceptibles de modifier grandement
l’ordonnance que les auteurs prescrivent avec dix mesures prioritaires dont cellesci: ramener le niveau du smic à 50% du salaire médian, investir massivement sur les
formations professionnalisantes, repousser d’un an l’âge de la retraite pour tous,
faire converger progressivement CDI et CDD, limiter au strict minimum les
transferts publics, recentrer les dépenses publiques sur les priorités afin de les faire
revenir dans la moyenne de la zone euro…
On voit que pour les auteurs, les lois Macron ne sont que des entrées en matière
qui ne seront suivies d’effet et prolongées que si les Français peuvent mettre leurs
efforts au service d’un projet collectif qui transcende les aspirations individuelles et
garantisse aux plus « entreprenants » les moyens de préparer l’avenir. Si la
prospérité doit être plus modeste, il est essentiel qu’elle soit mieux partagée. Un
projet de ce type a fait défaut à nos dirigeants depuis des décennies.
Dominique Chesneau
PEUT-ON PREVOIR L’AVENIR
Jacques ATTALI
Fayard, 2015.
Vaste question : « prévoir, c’est se faire éclaireur du temps ». Peut-être fuyons nous cet
exercice pour oublier que nous sommes mortels ?
L’auteur passe en revue les multiples moyens de prévision adoptés par l’homme. Une
bonne moitié de l’ouvrage décrit toutes les croyances. On passe de la chiromancie (lignes
de la main) en passant par le marc de café. Que de termes savants et souvent
imprononçables tirés d’une myriade de sites Internet traitant de ces sujets (pas loin de
150 sites !).
Puis suivent les modèles de prévisions statistiques avec leurs modèles sophistiqués, plus
difficiles à comprendre par les non-initiés. D’ailleurs, le lecteur est invité à survoler ces
pages « si on les juge trop arides »
Dans la dernière partie, l’auteur nous dévoile sa méthode. Il encourage le lecteur à se
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mettre devant sa feuille blanche et commencer par prévoir une journée, puis à agrandir
l’horizon pour aller jusqu’à un an, et au-delà. Une liste de questions auxquelles il faut
répondre : ceci concerne vous-même, les gens qui vous entourent. Bien entendu, l’état
devra faire la même démarche, avec une vision allant jusqu’au siècle. « La prévision est le
meilleur allié de la liberté » conclut Jacques Attali.
Renzo Borsato
GENERATION TONIQUE
David BAVEREZ
Plon Tribune Libre, 2015.
La crise de 2008 fut un révélateur pour l'économie mondiale, elle souligna les failles de
l'Occident et sa dépendance vis à vis d'un nouveau grand, la Chine.
Cet aveuglement coupable de l'Occident s'expliquait en partie par la sous-estimation de la
capacité de la Chine à anticiper les évolutions, à prendre les virages stratégiques pour son
économie et en partie par un Occident empêtré dans ses contradictions, ses certitudes, le
rejet de toute modification profonde de son modèle économico-social et l'absence de
vision globale. La Chine considérée longtemps comme l'atelier du Monde, devenue en
quelques décennies le banquier de nos économies et de nos systèmes sociaux, amorce
une nouvelle étape plus inquiétante : l'investissement direct via le rachat ou la
participation dans nos sociétés, la détection de start-up innovantes et leur financement, la
politique d'attraction pour les chercheurs, les ingénieurs et les inventeurs. Démarche
suivie, avec le succès connu, par les Etats Unis au début du XXème siècle.
Cette percée chinoise constitue l'élément le plus avancé d'une remise en cause de notre
modèle occidental, L'Afrique et les autres pays du Continent asiatique sont également en
marche accélèrée. Tous ces Pays/Continents émergents non seulement bénéficient des
faiblesses et des blocages des économies occidentales mais innovent aussi grâce à leurs
ressortissants implantés ou étudiant dans les meilleures universités ou instituts
renommés occidentaux et aux transferts de technologie. L'Occident n'est pas désarmé
face à ses nouvelles donnes mais sa "survie" dépendra de la prise de conscience, du
niveau de réactivité, de l'analyse critique des faiblesses/atouts et surtout du courage
nécessaire pour remettre en cause tout un système économique et social, devenu caduc,
dans la durée.
Hubert Alcaraz
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LES CLES DE LA PUISSANCE
Jean-Louis BEFFA
Seuil, 2015.
Jean-Louis Beffa, président d'honneur du groupe Saint-Gobain et auteur d'un
rapport sur le rôle de l'industrie sur le marché de l'emploi (2005), se livre à une
analyse géo-politique de l'évolution des relations entre les grandes puissances. Il
observe que le monde s'est résigné à être bipolaire, à l'image de l'Europe issue des
traités de Westphalie et de Vienne. Un équilibre incertain s'est établi entre les
Etats-Unis, qui conservent des atouts à la fois énergétiques, technologiques et
militaires, et la Chine, dont l'expansion industrielle devrait se poursuivre malgré les
faiblesses de ses systèmes politique et financier. Les «deux grands» maîtrisent les
règles du jeu mondial, face à l'Europe, qui recule depuis dix ans faute de volonté
politique et de gouvernance cohérente, et à la Russie, qui est prisonnière de son
histoire. Les autres pays – Inde, Japon, Brésil, Etats du Moyen Orient et d'Afrique –
ne semblent pas être en mesure de faire entendre leurs voix dans le concert des
nations. Il déplore le mutisme des organisations internationales et l'absence de
régulation globale. Il constate un certain effacement du politique au profit de
l'économique, marqué notamment par le rôle stratégique exercé par les groupes
industriels et financiers mondiaux. Les thèses avancées par l'auteur éclairent sur la
tectonique des forces en présence dans le monde contemporain.
Jean-Jacques Pluchart
LES CLES DE LA PUISSANCE*
Jean-Louis BEFFA
Seuil, 2015.
Ecrit par un chef de grande entreprise internationale disposant d’une
exceptionnelle hauteur de vues, cet ouvrage est écrit dans une langue simple et
fluide. Il traite de la gouvernance du système économique mondial et des rapports
de force qui la sous-tend. Clairement, il y a 3 acteurs principaux, les USA, la Chine,
l’Union Européenne. Cette dernière en raison de son manque d’intégration a, dans
les faits, peu d’influence, tout en étant première en termes de PIB. Les Etats-Unis
ne sont pas près de quitter leur rôle d’acteur majeur, en raison de leur
exceptionnelle capacité d’innovation. Cette capacité est, particulièrement,
prégnante dans le secteur de l’économie numérique pour lequel les 3/4 des
grandes entreprises et des infrastructures sont de ce pays. La Chine, de par le
volume de son activité manufacturière et la taille de son marché est le »sparring
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partner » des USA avec des flux financiers considérables liant les 2 pays. Cette
situation n’est pas prête de changer
En conclusion, je dirais qu’il s’agit d’un ouvrage très bien écrit qui ouvre des
perspectives larges et capte l’attention du lecteur.
Denis Molho
MEMOIRES DE CRISE
Ben S. BERNANKE
Seuil, 2015, 631 pages.
Les mémoires de Ben Bernanke, Président de la Banque centrale américaine (Fed)
entre 2006 et 2014, ne sont pas qu’un témoignage essentiel sur les crises des
subprimes, les faillites bancaires, la crise grecque, les dysfonctionnements de la
zone euro …, qui ont marqué le début du XXIe siècle. Elles constituent un véritable
manuel d’économie monétaire et financière internationale. Elles livrent un
diagnostic rigoureux des systèmes de régulation des réseaux bancaires et des
marchés financiers mis en place par le Dodd-Frank Act et le référentiel de Bale III.
Rédigé (et traduit) dans un style vivant et didactique, l’ouvrage met en lumière la
complexité – mais aussi la subjectivité – des nombreux paramètres qui influencent
les décisions du Comité de la Fed. Ses gouverneurs (nommés par le Président des
Etats Unis) doivent faire preuve à la fois de rationalité économique, de sens
politique et d’intelligence émotionnelle. Ils doivent sans cesse trancher – en toute
indépendance - entre les avis parfois contradictoires des banques centrales
étrangères, des agences fédérales et locales, des banques et des compagnies
d’assurances, des lobbyistes de la grande industrie, des partis politiques… Ils
doivent se heurter aux atermoiements législatifs, au maquis réglementaire et à
l’inertie administrative qui caractérisent les institutions américaines. Ils doivent
supporter que leurs messages (forward guidance) soient parfois déformés par les
médias et mal interprétés par les marchés. Les recherches de l’auteur, en qualité
de professeur des Universités de Stanford et de Princeton, l’ont élevé au rang des
meilleurs spécialistes des «véhicules et des conduits » d’une politique monétaire.
Mais il reconnait que « dans les sphères tant publiques que privées, la manière de
diriger est aussi importante que le degré de savoir ».
En conclusion, l’auteur propose un ensemble de mesures destinées à « fermer
certaines sociétés financières présentant un risque systémique sans provoquer de
8
panique bancaire ». Il avoue « qu’il reste encore beaucoup à faire sur le front de la
régulation », tout en « se déclarant résolument optimiste ».
Jean-Jacques Pluchart
LE FINANCEMENT DE L’INNOVATION
Véronique BESSIERE et Eric STEPHANY (dir)
Ed. de Boeck, 2015.
Composé de dix contributions par une quinzaine de professeurs universitaires, cet
ouvrage de lecture très agréable est un excellent outil de connaissance pour toute
personne intéressée par les mécanismes de financement de l’innovation.
Le texte s’ouvre sur une remarque simple mais fondamentale : une innovation
économique (par définition risquée) est présente sur le marché si et seulement si
elle a été financée. Les acteurs du financement de l’innovation ont certes le rôle de
fournir le capital et le conseil /accompagnement à l’entrepreneur mais ils ont aussi
un rôle central de sélection, rôle stratégique si on considère que aux USA « les
sociétés soutenues par le capital –risque génèrent 21% du PIB et 11% des emplois
du secteur privé ». Comprendre le fonctionnement de ce type de financement et
participer à son développement est donc indispensable face à l’atonie économique
ambiante : tout projet qui n’aura pas été financé sera perdu pour l’économie
globale.
Les principales problématiques de ce type de financement, caractérisé par une
évaluation de risque intrinsèquement complexe, sont donc abordées, parfois avec
quelques répétitions : bien sûr on y décrit les principaux acteurs concernés avec
mise en évidence de leur complémentarité notamment en termes séquentiels,
mais aussi les résultats des recherches internationales les plus récentes sur les
ressorts psychologiques dans la définition de l’innovation ou de la sous-évaluation
du risque par l’entrepreneur, l’organisation de systèmes de gouvernance
particuliers pour réduire les asymétries d’information et les conflits d’agence, le
rôle des institutions publiques surtout dans leur capacité d’assurer ou pas un cadre
culturel apte à favoriser la prise de risque et la tolérance à l’échec.
Quelques contributions sont particulièrement intéressantes avec des propositions
innovantes comme la possibilité de réorganiser la rémunération de l’investisseur en
capital-risque sous la forme de dividendes privilégiés pour favoriser la pérennité de
son investissement ; la création de normes dans les reportings extra-financiers sur
la dimension « innovation durable » pour favoriser le financement de projets
innovants durables (PID) par le capital-risque ; enfin , pour pallier aux déficiences
des techniques d’évaluation pour les projets innovants, la possibilité d’utiliser le
Business Model comme outil d’aide à la décision « de manière à prendre en compte
9
les aspects cognitifs de la décision valorisés par les options réelles » (Pascal
Barneto).
Anna Serio
ALERTE AU TSUNAMI MONETAIRE
Eric BOURGUIGNON
Arnaud Franel éditeur, 2015.
L’auteur (directeur général de Swiss Life Asset Management France) compare les
politiques de création monétaire menées par les banques centrales américaine,
européenne, anglaise, chinoise et japonaise, depuis les années 2000. Il évalue à
environ 15 000 milliards $, soit 27% du PIB mondial, la masse monétaire créée
depuis une dizaine d’années. Il s’interroge plus particulièrement sur les stratégies
de quantitative easing (QE) qu’elles ont mises en œuvre afin de restaurer le
système bancaire et de relancer l’économie mondiale, après la faillite de Lehman
Brothers en novembre 2008. Il s’efforce de mesurer les effets positifs et négatifs
de cet afflux monétaire, sans précédent dans l’histoire. Il s’interroge sur les
conséquences de l’addiction des acteurs de l’économie mondiale à la liquidité. Il
met en lumière les conflits d‘objectifs de ces politiques: soutenir l’activité
économique sans perdre le contrôle de la monnaie. Il s’inquiète des risques de
cette fuite en avant monétaire, qui conduit les investisseurs à prendre des risques
croissants, engendre des bulles sur les actifs, entraine un relâchement de la
discipline budgétaire des Etats et dégrade les bilans des banques centrales. La
détention excessive de dettes publiques par les banques centrales ne menace-t-elle
pas leur indépendance ? L’ouvrage est rédigé dans un style accessible, enrichi de
graphiques éclairants et illustré de formules célèbres qui attestent de
l’omniprésence de l’argent dans la pensée humaine.
J-J. Pluchart
ALERTE AU TSUNAMI MONETAIRE
Eric BOURGUIGNON
Editions Arnaud Franel, 2015
La monnaie est sans doute une des plus extraordinaires inventions humaines tout
en étant difficile à comprendre conceptuellement et pratiquement sans retracer un
parcours historique. Elle a été comme l’écriture un formidable vecteur de
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développement en facilitant considérablement les échanges entre les individus et
partant, la création de richesse.
Par la nécessité d’en préserver la valeur, et donc d’en contrôler le développement,
la monnaie a, de fait, toujours été un instrument de pouvoir que se sont appropriés
les Etats et les Banques centrales.
Puis, progressivement débarrassée, selon l’auteur, de tout lien avec un bien qui en
garantissait la valeur, « la monnaie est devenue une arme, dont les pouvoirs ont
rarement su faire bon usage ».
Si la fuite en avant monétaire totalement expérimentale dans laquelle nous nous
sommes engagés a incontestablement soulagé le malade, elle ne l’a pas
certainement pas soigné, elle engendre même des risques croissants. Il pourrait
apparaitre une résurgence d’inflation, certes sous contrôle actuellement, mais à
terme comme moyen de réduction de la valeur actuelle des dettes.
Enfin l’ouvrage avance une dernière idée, plus grave que les précédentes car elles
remettent en cause des années de relative stabilité et entraine dans un inconnu
supplémentaire après celui du relâchement monétaire, selon laquelle, serait
profondément e cause l’indépendance des Banques Centrales qui avait mis si
longtemps à s’imposer.
La remise en cause de la séparation des pouvoirs budgétaire et monétaire, même
justifiées selon l’auteur, par des circonstances exceptionnelles, crée un précédent
aux conséquences potentiellement explosives.
L’assouplissement quantitatif des Banques centrales américaines, européennes,
chinoises, japonaises et britanniques ressemble d’avantage à un tsunami qu’à un
apport de liquidités.
Dominique Chesneau
ET SI ON ENQUETAIT SUR LA COUR DES COMPTES ?
Bruno BOTELLA
Editions du Moment, 2015.
L’auteur (rédacteur en chef du site acteurspublics.com) explique que la Cour des
Comptes, fondée sous Napoléon I er, mais dont les origines remontent au Moyen
Âge, est une juridiction indépendante qui contrôle la gestion des administrations,
évalue les politiques publiques, certifie les comptes de l'État et de la sécurité
sociale. Ses missions sont de moins en moins juridictionnelles, mais elles restent
néanmoins exercées par des hauts fonctionnaires attachés à leur statut de
magistrat inamovible. La Cour des Comptes fait figure de censeur et d'oracle.
Chaque année, ses 200 rapports de plus en plus médiatisés suscitent la fierté des
11
magistrats de la Cour - issus de la « botte » de l’ENA - mais aussi, l’inquiétude du
gouvernement et des administrations. Le risque pour la Cour des Comptes est de
« prêcher dans le désert ». Si les deux tiers de ses recommandations sont suivies,
ses alarmes sur les grands sujets des finances publiques (la masse salariale de
l'État, l'efficacité du «mille feuilles territorial », la protection sociale, l'efficience
de la dépense publique…) ne semblent pas être entendues. La valorisation de ses
travaux implique qu’elle se désenclave et recherche un nouvel un nouvel équilibre
entre elle, l’exécutif et le législatif
J-J. Pluchart
LE GRAND REFOULEMENT
Stop à la démission démocratique
Nicolas BOUZOU
Plon, 2015.
Révélation et plus jeune lauréat de la XXIème Edition du Prix Turgot, en 2007 1,
Nicolas Bouzou, s’est affirmé en quelques années comme l’un des chroniqueuressayiste le plus recherché par les grands médias nationaux ; son sens inné de la
pédagogie, son expérience de chef d’Entreprise, alliés à une spontanéité de ton,
font merveille.
Cette notoriété s’est accompagnée de la confirmation de ses talents d’auteur qui
lui permettent de publier, chaque année, plusieurs ouvrages et tribunes, (souvent
avec la complicité amicale de grandes signatures, Luc Ferry par exemple) toujours
très attendus par ses fidèles lecteurs. Après, 2015, sa parution « la lucidité habite à
l’étranger » chez Lattès, il récidive aujourd’hui avec cet ouvrage : « Le grand
refoulement » dans lequel, tout au long de sa lumineuse analyse, il laisse paraître
ses inquiétudes pour notre pays accompagnées d’une certaine mélancolie
……« l’envie de Manchester » sans doute.
La raison paraît en effet avoir quitté le débat public et les choix politiques-collectifs
qui en découlent : les passions semblent avoir pris le pas sur les arguments
rationnels. Or « ….le rationalisme unit, la passion sépare….. ». Ainsi les solutions
d’évidence pour l’emploi, l’éducation, l’immigration qui sont autant de plaies
ouvertes pour la France, s’éloignent.
Notre pays s’attarde sans cesse sur son passé, dans des visions quasi romantiques,
comme le montre le goût exacerbé, et mortifère de l’exécutif pour les
commémorations de nos gloires ou des désastres passés.
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C’est ce « grand refoulement », forme de dépression collective, mélange de
tristesse, de défiance et de suspicion qui fige notre pays dans ce passé plutôt que
dans une vision et une action pour le changement.
La France est devenue un pays qui se refuse à nommer les problèmes (le fameux
politiquement correct) et ne peut donc en rien commencer à les régler ; elle ne fuit
rien tant que les disruptions fussent-elles créatives.
Nicolas Bouzou s’élève contre cette « démission démocratique » et suggère le
retour au premier plan de la société civile à travers des mécanismes de décisions
politiques permettant de mieux intégrer la diversité et la richesse nationales :
référendum d’initiative populaire, conférence de consensus rassemblant les
sensibilités de tout bord, retour d’une forme de proportionnelle permettant
d’intégrer, pour mieux les réguler, les idées y compris extrêmes.
Au-delà de cette lucidité sur les périls qui menacent la France et les défis qu’elle
devra relever pour éviter la décadence, Nicolas Bouzou ne perd pas son optimisme
(et c’est aussi en cela qu’on l’aime…..). Il s’efforce de se convaincre que les
nouvelles technologies et l’émergence de la société numérisée sont de nature à
redonner sa prospérité à la France. Beaucoup de vérités dérangeantes pour une
prise de conscience salutaire.
Jean-Louis Chambon
MONNAIE, FINANCE et ECONOMIE REELLE
Anton BRENDER et al.
La Découverte, 2015
Les auteurs s’interrogent sur la multiplication des crises financières et des
comportements opportunistes de certains financiers, depuis le début du XXIe
siècle. Ils revisitent les principales fonctions assurées par la finance et sur les
origines de ses excès. Ils soulignent la dangerosité d’un système globalisé basé sur
le couple « monnaie-risques ». Ils dénoncent la croyance en l’autorégulation des
marchés et leur difficulté à optimiser l’allocation de l’épargne et à répartir les
risques. Ils déplorent notamment la myopie de la finance privée. Ils soulignent les
faiblesses de l’Euro-système, qui
réalise l’intégration monétaire sans
harmonisation économique, financière et fiscale. Ils analysent les politiques
monétaires mises en œuvre dans l’urgence par les banques centrales pour juguler
les crises.
13
Face à de tels constats, les auteurs plaident en faveur d’un renforcement de
l’intervention publique, d’une application plus rigoureuse des règles prudentielles
et d’une supervision plus étroite des des activités bancaires. Ils constatent que les
décideurs politiques et économiques, influencés par l’opinion publique, ont pris
conscience de la nécessité d’une telle régulation. Ils mettent en lumière l’ampleur
des mutations à venir des systèmes financiers.
L’ouvrage, rédigé dans un style précis et didactique, est illustré de nombreux
schémas et encadrés qui en rendent la lecture particulièrement éclairante.
J-J. Pluchart
LE RISQUE DE CREDIT. DES MODELES AU PILOTAGE DE LA BANQUE
Vivien BRUNEL et Benoit ROGER
Economica, 2015
Cet ouvrage porte bien son nom. ll fait, de manière effective, le lien entre des
modéles de valorisation d’actifs, instrument s financiers, sur les marchés et les
politiques de gestion qui en découlent. Avant de rentrer dans le détail des
instruments de dette, l’ouvrage traite du modèle général de financement de
l’économie et de la tendance à la désintermédiation, par ailleurs beaucoup plus
forte aux Etats-Unis qu’en France. Cette évolution explique le développement
d’instruments de dettes plus complexes. Après avoir fourni un synoptique des
différents risques bancaires. L’ouvrage, à la fois théorique et pratique, recentré sur
le risque de crédit, passe en revue les risques associés aux différents instruments
de dette, dérivés structurés, de transfert de risque. Les modèles mathématiques,
qui sous-tendent l’exposé, sont toujours accompagnés d’explications simples et de
règes pratiques. Ceci rend l’ouvrage très opérationnel. Un must pour les
professionnels de la finance.
Denis Molho
JOHN LAW LA DETTE OU COMMENT S’EN DÉBARRASSER
Nicolas BUAT
Les Belles Lettres, 2015
Collection Les Penseurs de la liberté
Le nom de John Law restera à jamais attaché à la terrible banqueroute de Mai 1720
qui ruina des milliers de personnes suite « à l’introduction inédite et fracassante du
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papier monnaie ». Accompagnant son exil forcé, après sa fulgurante ascension dans
l’ancien régime, qui devait le porter jusqu’à la fonction de contrôleur général des
finances, la réputation de spéculateur sans scrupule et d’aventurier qui lui fût faite,
mérite de lui opposer une autre face. C’est précisément tout le mérite de Nicolas
Buat, archiviste paléographe et spécialiste de l’histoire économique et sociale de
l’ancien régime, de montrer dans une analyse exceptionnelle, que Law fut avant
tout, un génie de la finance et un remarquable théoricien de l’économie postmercantiliste. En réalité il fut l’un des premiers « ministre des finances et banquier
central », a tenté de résorber, l’immense dette publique de l’époque qui, sur bien
des points, rappelle la situation contemporaine, par l’émission de papier monnaie
se substituant à l’or. visionnaire, Law, certes, se brûla les ailes en actionnant les
leviers tout neufs de la création monétaire et du soutien à l’économie mais il
proposait déjà un changement de paradigme comme le fît, en son temps, le baron
de l’Aulne, Anne Robert Jacques Turgot. Law doit-il être considéré comme un
précurseur selon l’opinion de Schumpeter ?
Nos grands régulateurs sauront-ils tirer les leçons de cette aventure largement
extraordinaire que vécut « le génial bossu » dont le tricentenaire interviendra en
2015, en gérant la dette gigantesque des Etats sans ruiner les épargnants ?
Eléments de réponse dans ce remarquable ouvrage.
Jean-Louis Chambon
LA POLITIQUE PUBLIQUE D'INTELLIGENCE ECONOMIQUE
Olivier CHARDAVOINE
L'Harmattan, 2015.
L'auteur a contribué à mettre en œuvre le système d'intelligence économique (IE)
de la gendarmerie nationale. Il analyse les concepts (parfois diffus) de défense
économique, de sécurité économique, de sécurité nationale et d'IE défensive et
offensive. Il en présente le cadre juridique et les méthodes de veille, d'anticipation
économique, d'incitation compétitive, de sécurité de données sensibles et
d'influence. Il disserte sur les critères de politique publique, de natures
économique, environnementale et industrielle, qui fondent les politiques
nationales d'IE. Il compare les différents systèmes d'IE - américain, japonais et
suédois – dont la France s'est partiellement inspirée. Il décrit les multiples
structures ministérielles et territoriales chargées en France de l'IE. L'ouvrage
recense les nombreuses publications - plans, livres blancs, textes réglementaires,
déclarations publiques… - qui ont contribué à la mise en œuvre de l'IE en France.
L'ouvrage se distingue des nombreuses études sur l'IE, car il est moins axé sur les
15
systèmes mis en œuvre par les grandes entreprises que sur les dispositifs
complexes mis en place par les pouvoirs publics.
J-J. Pluchart
L’ENERGIE EN ETAT DE CHOC
Sous la direction de Jean-Marie CHEVALIER et Olivier PASTRE
12 cris d’alarme
Eyrolles, 2015.
Avec la perspective COP 21, il n’est pas surprenant que les parutions sur l’énergie
se multiplient mais ce qui fait l’originalité de ce collectif, co-dirigé par Jean-Marie
Chevalier et Olivier Pastré, tient dans le constat que tous les auteurs ne partagent
pas tous le même point de vue, tout en se réunissant dans une conviction : la
gravité de la situation, de son urgence et l’espoir d’agit encore efficacement pour
trouver un équilibre énergétique durable.
Ainsi sont posées les vraies questions, celles qui incluent les décisions préparant
notre avenir et celui de nos enfants : transition énergétique, nucléaire,
réchauffement climatique etc… Des éléments de réponse qui peuvent étonner mais
qui sont autant de cris d’alarme pour éclairer nos choix énergétiques.
Jean-Marie Chevalier, Professeur émérite à l’université de Paris Dauphine et Olivier
Pastré, Professeur à Paris 8 et chroniqueur sur les grands médias nationaux.
Jean-Louis Chambon
LES 100 000 FAMILLES
Cyrille CHEVRILLON
Ed. Grasset, 2015
L’auteur se livre à un vibrant plaidoyer en faveur des familles françaises – au
nombre d’environ 10 000 - engagées dans la création, la reprise et le
développement de PME et d’ETI. Il rappelle les méfaits des mythes français des
« 200 familles » et de la cupidité des « entrepreneurs capitalistes ». Il attribue le
faible effectif des ETI françaises – comparé à celui des ETI allemandes et italiennesà de multiples facteurs : l’excès d’impôts, notamment sur les transmissions
d’entreprise ; la pesanteur administrative ; la complexité des codes (notamment
du travail) et des normes ; la frilosité des banques ; l’étroitesse du marché
boursier ; l’insuffisance de fonds de pension et d’investissement… Ces handicaps
16
expliquent les retards des PME-ETI françaises dans la modernisation de leurs
outils et dans leur effort à l’exportation. Ils sont directement à l’origine de la
désindustrialisation de la France, de sa stagnation économique et de la dégradation
du marché de l’emploi.
L’auteur plaide en faveur d’un changement complet de paradigme. Il recommande
la mise en place de nouvelles structures de financement et d’accompagnement des
« start up high tech », un desserrement du carcan réglementaire et une réforme de
l’enseignement en faveur de la création et de la reprise d’entreprises.
J-J. Pluchart
LE MONDE EST CLOS ET LE DESIR EST INFINI
Daniel COHEN
Ed Albin Michel, 2015
La croissance économique est la religion du monde moderne. Elle est l’élixir qui
apaise les conflits, la promesse du progrès indéfini. Elle offre une solution au drame
ordinaire de la vie humaine en Occident qui est de vouloir ce qu’on n’a pas. Hélas
en Occident du moins, la croissance est devenue intermittente, fugitive…Tout à la
recherche de boucs émissaires, les hommes politiques lèvent les mains au ciel pour
faire tomber la pluie et le monde moderne évite la question centrale : que
deviendra-t-il si la promesse d’une croissance indéfinie est devenue vaine ? Saurat-il trouver d’autres satisfactions ou tombera-t-il dans le désespoir et la violence ?
L’auteur, contrairement à beaucoup d’autres qui manient l’art de la compilation
académique, consacre brillamment la plus grande partie de son ouvrage à imaginer
des solutions qui font appel à tous les registres de la pensée et de la culture de
Freud à René Girard en passant par Georges Bataille pour tenter d’imaginer
comment vivre « au-delà de la croissance ». Alors que chacun espère dans la
révolution schumpeterienne digitale, Daniel Cohen affirme que l’économie
numérique n’a pas d’objet propre, il ne resterait alors de société de consommation
que celle de relations sociales. Aussi, l’un des principaux facteurs d’apaisement du
monde post-industriel consiste –il suffisait d’y penser et peu y pensent !- de
s’immuniser contre les aléas de la croissance. Il faut donc aller vers un monde où
perdre son emploi devienne un non-évènement en créant des « Droits de Tirage
Sociaux ». Il faut arrêter le management par le stress et la peur, tordre le cou à
l’idée selon laquelle il faudrait de la croissance pour financer des dépenses
publiques sociales et d’éducation, guérir de l’addiction institutionnelle des modèles
d’affaire fondé sur la seule croissance. Il faut ensuite éviter la désespérante –pour
17
beaucoup- de l’endogamie sociale, penser une politique de civilisation visant à
restaurer les solidarités, à re-humaniser les villes, à revitaliser la campagne et
renverser l’hégémonie du quantitatif au profit du qualitatif.
Le livre s’achève sur une citation d’Edgar Morin : « une régénération de la pensée
politique doit se fonder sur une conception trinitaire de l’humain : individu, société,
espèce ». On pourra partager tout ou partie du propos, mais ce livre a le mérite
rare de proposer un projet qui dépasse la croissance en faisant appel à une grande
culture polymorphe. Quand on referme l’ouvrage, tout commence. L’ouvrage de
référence de la rentrée.
Dominique Chesneau
LE MONDE EST CLOS et le DESIR INFINI
Daniel COHEN
Albin Michel, 2015.
Ce nouvel essai rassemble toutes les qualités qui font le succès de librairie des
parutions de Daniel Cohen (lauréat du Prix Turgot 2009). Immense culture : tour à
tour, ’anthropologie, la sociologie, l’histoire, la politique, viennent enrichir sa vision
et son expertise de l’économie. Ecriture aérienne et ciselée voire romanesque qui
emporte le lecteur dans un voyage vers l’avenir. Enfin une capacité à surprendre,
intacte, qui s’illustre précisément dans le thème central de ce nouvel ouvrage : la
fin de la croissance ?
« La croissance économique est la religion du monde moderne. Elle est l’élixir qui
apaise les conflits, la promesse du progrès indéfini. Elle offre une solution au drame
ordinaire de la vie humaine qui est de vouloir ce qu’on n’a pas ? La croissance est
devenue intermittente, fugitive ». Tout à la recherche de boucs émissaires, le
monde moderne évite pourtant la question centrale : que deviendra-t-il si la
promesse d’une croissance indéfinie est devenue vaine ? Eléments de réponse
dans ce précieux essai sur ce passage incontournable de la quantité à la qualité
Jean-Louis Chambon
LE MONDE EST CLOS et le DESIR INFINI
Daniel COHEN
Albin Michel, 2015.
On ferme ce livre avec un mélange d’émotions : étonnement, gratitude mais aussi
inquiétude. On pouvait s’attendre à un essai classique d’économie sur la problématique
fondamentale de la satisfaction de besoins infinis face à des ressources finies (introduction
18
à la science économique dans tout manuel scolaire de classe de seconde), alors qu’on se
retrouve happé par un texte étrange, une sorte de partage de réflexions (ou peut-être
même de simples intuitions) sur l’évolution de notre monde occidental dans un contexte
en crise.
L’auteur est une personne certes de grande intelligence et compétence, mais qui révèle
aussi une âme profondément humaniste, un esprit généreux. Daniel Cohen a voulu aller
au-delà de son travail d’économiste devenu frustrant dans un monde pour lequel les
spécialistes sérieux ne peuvent plus prévoir l’avenir en rose, alors il cherche à comprendre
l’Homme, ce qui le motive, par quel biais il peut rester un être social là où les richesses à
partager se feront moindres et la compétition vers l’Autre toujours plus cruelle. Loin des
théories économiques abstraites et des modèles mathématiques, rassurants pour valider la
compétence apparente pour celui qui les énonce, l’auteur s’aventure sur le terrain
dangereux de la définition d’une nouvelle humanité en employant les termes qui font
sourire les cyniques du monde moderne : solidarité, partage, qualité des relations
humaines.
Pour cela il a beaucoup lu, des collègues économistes, mais aussi des philosophes, des
sociologues, des psychanalystes, des scientifiques de toutes compétences ; des quantités
impressionnantes de lectures étudiées, reliées, mises en perspective. Un travail prodigieux
qu’il partage avec ses lecteurs avec beaucoup de générosité (la sélection bibliographique
vaut à elle seule la lecture de ce livre).
On sent dans cet ouvrage une forme de nécessité d’écriture de la part d’un homme qui à
un moment de sa vie doute de l’avenir et essaye d’exprimer une vision qui puisse fournir
des pistes ; mais il n’est pas dupe, il communique bien la lourdeur de la tâche ;
l’inquiétude apparaît à chaque page sur la capacité d’individus nourris à la société de
consommation de se reprogrammer pour intégrer des modèles de société entièrement
nouveaux.
Le mérite de ce travail est donc tout simplement d’exister, d’énoncer le problème, de le
faire très clairement, avec un déploiement de connaissances et d’intelligence éblouissant ;
il faut lire ce livre, il faut s’ imprégner de son message pour un nouvel humanisme et
remercier son auteur pour le courage de sa franchise et pour son engagement social ,rare
chez les économistes bien établis.
Anna Serio
19
TROIS LEÇONS SUR LA SOCIETE POST INDUSTRIELLE
Elie COHEN
Editions Seuil-La République des Idées, 2015
La société industrielle liait un mode de production avec un mode de protection. Elle
scellait l’unité de la question économique et de la question sociale. La société postindustrielle, elle, consacre leur séparation et marque l’aube d’une ère nouvelle.
Daniel Cohen analyse ici les ruptures qui ont conduit le capitalisme du XXIème
siècle à la destruction méthodique de son propre héritage : innovations
technologiques, révolution financière, transformation des modes d’organisation du
travail, mondialisation des échanges. En examinant les logiques à l’œuvre dans ces
bouleversements, ces trois leçons – au sens académique du terme- aident à
comprendre les défis du monde à venir : l’ère des ruptures, la nouvelle économiemonde et leçon subsidiaire sous forme de question : existe-t-il un modèle social
européen ?
Daniel Cohen écrit : « La France a longtemps compté sur l’Europe pour se
moderniser : hier pour échapper à son passé colonial, aujourd’hui pour faire face à
la mondialisation. Elle découvre que l’Europe ne peut l’aider à penser à sa place un
modèle de cohésion qui lui est adapté, qu’elle doit mener seule la réflexion sur la
transformation de son modèle social. La difficulté même de s’entendre en Europe
sur les prérogatives de l’Etat, du marché ou des syndicats témoigne de la difficulté
d’être européen et même d’être français en matière sociale.
Les évènements en cours au sein de la zone Euro par exemple, montrent, certes
tardivement, qu’il ne suffit pas de se doter d’un marché unique pour créer une
citoyenneté partagée.
Même si le terme de « leçon » donne un caractère universitaire au titre, ce n’est
pas le cas du livre dont les parties sont courtes au sein de chapitre qui ne le sont
pas moins. La culture générale de l’auteur et sa capacité pédagogique entrainent le
lecteur d’une idée à l’autre avec aisance et clarté. Il s’agit plus d’échanges entre le
Professeur et ses étudiants que d’une compilation d’idées déjà vues, même si les
thèmes novateurs sont peu nombreux car les diagnostics sont connus.
L’enchainement des idées et de la pensée de l’auteur ainsi que les courtes
conclusions récapitulatives et prospectives de chaque chapitre facilitent
grandement l’appropriation de ses idées –pour les contredire le cas échéant- et
participe de l’élaboration d’un consensus national nécessaire au passage
satisfaisant de l’économie française dans l’ère postindustrielle.
Dominique Chesneau
20
LE SURCOUT DU CAPITAL: La rente contre l'activité.
Laurent CORDONNIER, Thomas Dallery, Vincent Duwicquet, Jordan Melmies,
Frank Van de Welde.
Septentrion Sciences Sociales, 2015.
Écrit à partir d'une étude effectuée pour la CGT, cet ouvrage cherche à démontrer
que la financiarisation de l'économie crée un coût du capital qui excède largement
ce qui est décrit comme le coût "normal" de celui-ci calculé en additionnant le coût
d'acquisition des actifs fixes et une estimation du coût "entrepreneurial" basé sur
le taux d'intérêt plus une prime de risque. Il en déduit que ce surcoût entraîne une
rente financière excessive qui limite la formation de capital fixe des entreprises et
donc leur croissance et le plein emploi.
On retrouve là une critique économique de la "tyrannie de 15%" appuyée sur des
analyses Macroéconomiques parfois intéressantes mais qui se réduisent à des
périmètres nationaux et ne tiennent pas compte de la mondialisation et de la
concurrence des pays pour les projets d'investissement. La rente, même en excès
doit bien se dépenser ou s'investir quelque part...Il contient également dans une
première partie une comparaison de la compétitivité des économies allemande et
française et de l'évolution de leurs balances commerciales pour conclure que
l'écart de compétitivité ne provient pas du niveau absolu des salaires français mais
des écarts de coûts salariaux entre les pays qui affectent la demande globale en
Europe. Ce livre contient néanmoins quelques analyses intéressantes et des parties
didactiques de macro économie bien écrites. Comme dans beaucoup d'ouvrages
collectifs, les différentes parties sont d'inégalités qualité.
Christian Chouffier
LE GÂCHIS FRANÇAIS
Jean-Marc DANIEL
Tallandier , 2015.
« Le nouveau Jean-Marc Daniel est arrivé … » pour le grand plaisir de ses fidèles
lecteurs et élèves. Et on n’est pas déçu ! Corrosif, ironique, lumineux, bref, du JeanMarc ! Constat sans appel d’une France qui s’étiole dans le gâchis :
Chute de la croissance, augmentation du chômage, accumulation de la dette
publique et perte d’influence en Europe….Depuis quarante ans, malgré des atouts
réels, la France ne répond pas correctement aux crises successives – choc pétrolier,
21
récession, déficit – et ses dirigeants semblent incapables de définir une politique
économique cohérente. Depuis 1978, la France prend solennellement des
engagements envers ses partenaires européens, puis s’empresse de ne pas les
respecter : elle signe le traité de Maastricht mais laisse filer son déficit public, elle
adopte le pacte de stabilité et de croissance mais refuse de s’y soumettre….
Les capacités de rebond de l’économie française s’amenuisent. Les relations avec
nos partenaires européens se détériorent et notre crédibilité internationale
disparaît.
Reste l’espoir d’un sursaut d’un pays qui a tout pour réussir, l’auteur montre la
voie. Mais quel homme politique aura le courage de la proposer et de
l’emprunter ? Un excellent moment pour tout lecteur conscient des enjeux du défi
Français.
Jean-Louis Chambon
SOCIETAL 2015 L’Etat providence à bout de souffle ?
Institut de l’Entreprise
sous la direction de Jean-Marc DANIEL et Frédéric MONLOUIS-FELICITE
Editions Eyrolles, 2015
Ce décryptage annuel des enjeux économiques et sociaux que proposent JeanMarc Daniel et Frédéric Monlouis-Felicite sous l’égide de l’Institut de l’Entreprise,
s’impose d’ores et déjà comme le rendez-vous incontournable de la réflexion
économique et financière. Le dossier spécial de son édition 2015 que consacre
Sociétal à l’avenir de notre Etat providence, en est la plus brillante des
démonstrations. En quatre parties thématiques, politique économique et
compétitivité, performance publique, dialogue social et travail et une agora
originale, Sociétal propose des développements particulièrement lumineux, et
complétés de 25 analyses prospectives et multi disciplinaires enrichies de trois
grands entretiens : Pascal Lamy, Xavier Huillard et Laurent Berger. Ainsi 30 auteurs
de premier plan viennent proposer une lecture des mutations économiques et
sociales de notre temps apportant des éléments de réponse à celles et ceux qui
s’interrogent sur notre modèle social qui « ...n’est plus finançable et bientôt plus
financé…. ». Face à des déficits publics abyssaux et une dette sociale qui ne cesse
de se creuser, se pose, à l’évidence, la grande question du rôle de l’Etat et de ses
responsabilités.
Jean-Louis Chambon
22
LES MILLE PEAUX DU CAPITALISME
Olivier DARD, Claude DIDRY, Florent LE BOR et Cédric PERRIN (coord.)
L’Harmattan (2 volumes, 510 pages), 2015.
La revue L’homme et la Société (CNRS) consacre un dossier intitulé « les mille peaux
du capitalisme ». Les 15 articles du dossier restituent les dernières recherches de
sociologues reconnus, consacrées aux multiples formes du capitalisme et à leurs
externalités positives et négatives. La première partie porte principalement sur la
difficulté de concilier capitalisme financier et développement durable : « l’éternel
retour du sweating system », les nouvelles formes du paternalisme, « de l’illusion
post-mécaniste à l’illusion post-industrielle »… La seconde partie explore les
nouvelles formes du capitalisme : un « dépassement capitaliste du salariat » ; le
post fordisme ; le néo-taylorisme, « l’abondancisme »… Les problématiques
originales traitées par les auteurs sont mises en perspective, référencées et
illustrées de cas concrets : Michelin, le Familistère de Guise, l’United Shoe
Machinery Cy…La diversité des questions soulevées et des sensibilités des coauteurs n’entachent pas la cohérence de l’ensemble et l’agrément de sa lecture.
Elles contribuent au contraire, par le croisement des approches, à mieux
appréhender le phénomène complexe des mutations à l’œuvre du capitalisme
contemporain.
Jean-Jacques Pluchart
LE FANTÔME DE L’ÉLYSÉE
Visite impromptue du Baron Necker à François Hollande
Philippe DESSERTINE
Albin Michel , 2015
Cette conversation fantastique, souchée dans l’univers politique, économique,
financier …, se lit avec plaisir. L’auteur s’exprime dans un langage commode qui
nous installe au cœur du sujet. Le lecteur se voit proposer un petit bréviaire des
grands principes en économie endettée.
Ce livre présente un dialogue imaginaire, à deux siècles d’écart, entre un citoyen
helvétique et banquier, Ministre des finances du Roi de France jusqu’en 1781, et
l’actuel Président de la République. Sans provocation ni prosélytisme sont
convoqués d’illustres anciens, Turgot, Choiseul, Colbert, Maurepas, Mirabeau …
avec les retentissements de leurs pensées dans la modernité.
23
Philippe Dessertine a su cueillir les fruits de la réflexion sur les hautes branches du
savoir économique, financier et du temps qui s’écoule pendant que nous passons.
Son livre est truffé d’anecdotes et autres exemples savoureux. Au terme de sa
lecture, on reste sur le sentiment d’un énorme gâchis, une sorte d’absence, la
France est ailleurs. Oui, ce dialogue entre Necker et François Hollande c’est la nuit
en plein jour, entre le couchant d’une débâcle annoncée et l’aurore d’un espoir
libérateur. Mais la simplicité des phrases et des principes développés représente-telle avec une suffisante exactitude la complexité des choses ?
Ce livre est-il juste un avertissement ou formule-t-il une annonce ? La différence
est de taille en ce qu’elle donne à craindre ou à espérer.
Freddi Godet des Marais
LES MULTINATIONALES EMERGENTES
Georges NURDIN & Soraya DJERMOUN
Ed L’Harmattan, 2015.
Les auteurs se livrent à une double analyse (en français et en anglais) - de natures
historique et géopolitique - des phénomènes d’émergence économique des Etatsnations et des entreprises multinationales non occidentales. Ils montrent les
ambiguïtés du concept « d’économie émergente », qui recouvre plusieurs formes
et phases de développement : les « dragons » (Corée du sud, Hong-Kong, Taiwan,
Singapour), puis les « tigres » d’Asie du sud-est, et les BRIC (Brésil, Russie, Inde,
Chine) – devenus les BRICS avec l’Afrique du sud -, suivis des « Next eleven »
(regroupant 11 pays en développement). La dernière vague des émergents réunit
les BENIVM (Bangladesh, Ethiopie, Nigeria, Indonésie, Vietnam, Mexique).
Les auteurs soulignent la diversité des processus de développement de ces pays. Ils
en soulignent les forces et les faiblesses. Ils montrent leur rôle croissant au sein des
institutions internationales (G20, OMC, FMI, Banque mondiale…).
Les auteurs étendent leurs observations aux groupes industriels et financiers, ainsi
qu’aux fonds souverains des pays émergents. Ils analysent leurs stratégies
génériques; ils spécifient leurs modes de management ; ils identifient leurs
marchés cibles ; ils apprécient la soutenabilité de leur croissance future. Ils sont
ainsi conduits à présenter les cas d’Apollo, de Mahindra, Marico, Wipro (Inde),
Arcelik, Beko, Turkish Airlines (Turquie), Chigo, Haier, Lenovo, (Chine), Mobile
Telesystems (Russie), Natura (Bresil), Aramex (Jordanie), Al Ghurair, Al Serkal,
Emirates Group, Qatari Investors (Emirats), Sabic, Savola (Arabie Saoudite),
24
Standard Bank (Afrique Du Sud), Dangote Group (Nigéria). Le thème traité est
original et ambitieux. Il est développé avec rigueur et pédagogie. Les auteurs
mettent clairement en lumière les transformations actuelles de l’environnement
concurrentiel international.
Jean-Jacques Pluchart
L'INTERREGULATION
Gabriel ECKERT et Jean-Philippe KOVAR (dir)
L'Harmattan, 2015.
L'ouvrage collectif restitue les actes des journées européennes de la régulation
tenues à Strasbourg en février 2013, en présence de responsables d'autorités de
régulation et d'enseignants du droit international. Elles portent sur les relations
entre les trois grandes formes de régulation - concurrentielle, sectorielle, bancaire
et financière - des comportements des acteurs économiques. L'interrégulation est
définie comme la capacité à nouer des relations entre les différentes autorités
chargées de la régulation afin de garantir le bon fonctionnement des marchés et
de servir l'intérêt général. Elle vise à adapter les méthodes de régulation à
l'évolution des marchés, à leur complexité, à leur interdépendance et à leur
internationalisation. La régulation peut être ex ante (elle fixe les conditions d'accès
à un marché) et/ou ex post (elle surveille le fonctionnement du marché et
sanctionne les infractions). Elle peut être nationale ou internationale,
intersectorielle, solidaire, supervisée, institutionnalisée... L'interrégulation se
distingue de l'autorégulation, qui suppose un libre accord entre les agents
économiques, et de la co-régulation, qui implique une réelle coopération entre ces
derniers. Les auteurs comparent les modèles institutionnels d'interrégulation à
l'échelle mondiale, à celles des Etats-Unis et des principaux pays européens. Ils
analysent les évolutions des rapports entre les agences indépendantes de
régulation, les appareils législatifs, les systèmes judiciaires et les autorités
politiques. Ils montrent enfin les incohérences entre certains dispositifs prudentiels,
notamment entre les différents accords de Bâle et de Solvency. L'ouvrage est à la
fois original, ambitieux et essentiel.
Jean-Jacques Pluchart
25
BIENVENUE DANS LE CAPITALISME 3.0
Philippe ESCANDE et Sandrine CASSINI,
Albin Michel, 2015.
Les plus belles pages de ce livre sont dans sa conclusion : une ode brève, un peu
éculée, sur les avancées de l’humanité à travers les siècles, dans la triste
permanence de sa condition. Dit autrement, aucune société n’en remplace une
autre, elles s’hybrident sans cesse. Ou encore, dans la même veine, la révolution
numérique que vit le monde suscite autant d’espoirs que de craintes. Puis l’attendu
CQFD (ce qu’il fallait démontrer) : le monde qu’elle nous dessine fera dans les
générations à venir des êtres différents… et en même temps si semblables dans
leurs élans et dans leurs doutes. Bref, telle la mythologique Chimère, ces
technologies naissantes portent nos rêves les plus fous mais aussi nos utopies
impossibles. Rideau.
Le langage est joli, parfois fleuri certes, mais quelle réponse apporte-t-il au débat ?
Aucune. Le récit a beau se dérouler plaisamment, il ne reste qu’une enquête sur un
monde qui s’élève « engagé dans les débris du monde qui tombe », citation de
l’épitaphe du livre, une belle phrase d’Alexis de Tocqueville tirée « De la
démocratie en Amérique ».
Ce livre donc est une enquête, ce que le métier des auteurs aurait pu laisser
présager ; ils sont journalistes. Et leur constat se montre souvent sévère : excès
d’un système naissant qui n’a pas encore trouvé ses lois, schizophrénie d’un Etat
(ou plutôt de ceux qui le gouvernent) qui entend préserver l’existant sans
compromettre le futur, ou protéger des acquis sans freiner le progrès technique.
Le titre de l’ouvrage promettait un voyage vers le capitalisme 3.0. Mais le lecteur
n’en prend jamais l’avion… Il y a bien quelques bribes sur la fin des petits chefs, la
fin du travail organisé tel que nous le connaissons aujourd’hui, l’avènement d’un
« prosommateur » dont on se saisit pas très bien en quoi consistera son
comportement. Avec un couplet final qui s’envole lyriquement vers rien : le web
incarne l’avenir de la démocratie-i-e, qui ne se fera pas en opposant les éli-i-tes au
pleuple-e, tsoin-tsoin. Bref, on apprend plein de choses, beaucoup d’anecdotes.
Hélas, sans faire avancer la musique.
Jean-Philippe Bidault
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HISTOIRE DU SIECLE à VENIR
Ou va le monde selon les cycles des civilisations ?
Philippe FABRY et Jean-Cyrille GODEFROY, 2015
Historien du droit, esprit novateur, Philippe Fabry, enseignant, féru d’histoire
romaine a vu son ouvrage «Rome, du libéralisme au socialisme» paru aussi chez
Jean-Cyrille Godefroy, couronné par le Prix Turgot du jeune talent en 2014.
Passionné par la doctrine libérale, particulièrement de l’école autrichienne,
l’auteur tente de répondre dans ce nouvel ouvrage à la question que se pose la
plupart de nos contemporains, à savoir: où va le monde selon les cycles des
civilisations ?.
Quelle place pour l’Europe, la Russie, la Chine et la super puissance Américaine ?
Quels risques représentent les religions et l’islam radical ?
Par une comparaison systématique des grandes civilisations antiques et modernes
et s’appuyant sur une méthode originale, Philippe Fabry éclaire les cycles
historiques d’une très longue durée, Grèce antique, civilisation romaine, nations
ennemies de l’Europe moderne. De même que la difficile co-existence du judaïsme
avec les autres formes de religion.
Les anticipations qu’il propose sont quelquefois à contre-courant, surprenantes
mais étayées de modèle historique solide.
C’est «armé de ces embryonnaires mais prometteuses – lois de l’Histoire – que
Philippe Fabry décrit l’état du monde actuel et dégage une ligne de force des
siècles à venir».
En perspective les contours géo-politiques, économiques, sociaux et religieux des
prochaines décennies, voire des millénaires suivant…
Jean-Louis Chambon
27
LE CAPITALISME EN QUELQUES MOTS De Platon à nos jours
Aimé FAY
L’Harmattan, 2015.
L’ouvrage d’Aimé Foy (ex banquier et consultant) n’est pas un dictionnaire
ordinaire. Il ne se limite pas à une recension des termes techniques de l’économie
financière. Il retrace la généalogie de chaque concept, en décline les différentes
définitions par les auteurs de référence, en indique les synonymes, en dresse les
passerelles et l’illustre d’exemples chiffrés. Le terme « capital », qui constitue le fil
conducteur du lexique, est ainsi décliné en capital privé et public, individuel et
collectif, matériel et immatériel, naturel et technique, industriel, humain et
financier, écologique et économique, social et emprunté, flottant et réglementé,
fixe et circulant, souscrit et investi , d’investissement et d’exploitation, appelé et
libéré, souscrit et investi, monétaire et physique, permanent et circulant… La
déclinaison du terme « capitalisme » est également riche de sens. Le dictionnaire
est assorti d’un index des auteurs de référence. Sa consultation sera utile à la fois
aux professions comptables et financières ainsi qu’aux enseignants et aux
étudiants en économie et en finance.
Jen-Jacques Pluchart
FAUT-Il DONNER UN PRIX A LA NATURE ?
Jean GADREY et Aurore LALUCQ
Les petits matins/Institut Veblen, mars 2015
C’est dans les années 1970 que l’Américain Garrett Hardin publiait La Tragédie des
communs (sensée démontrer l’inefficacité du système communiste). Elle prendra
une place centrale dans l’analyse économique dite « standard » : l’accès libre – et
la gratuité d’une ressource limitée engendre inexorablement sa surutilisation, voire
sa disparition. Au travers de cette lecture, la création de droits de propriété
permettrait au marché de révéler un prix et donc de monétariser la nature. Les
auteurs, s’ils ne rejettent pas totalement cette solution, y voient surtout une
preuve de l’ « affligeante pauvreté » de la théorie néoclassique. Le lecteur soucieux
de ne pas rester étranger à ce débat qui se voudrait démocratique, trouvera sans
nul doute dans ce petit livre un condensé des connaissances théoriques et des
errements des méthodes d’évaluation économique de la nature. Ainsi le rapport
Stern publié en 2006 qui démontrait que sans action publique, les coûts du
changement climatique équivaudraient à une perte annuelle de PIB mondial par
habitant pouvant s’élever à 20% était-il largement contestable. Son impact a
pourtant été majeur pour les arbitrages présentés aux responsables politiques. Une
28
discussion sur ces considérations méthodologiques est donc cruciale pour éviter de
nouveaux « subprimes écologiques ».
Alain Brunet
PIKETTY AU PIQUET! «Le Capital au XXIe siècle» Enquête sur une imposture
Frédéric GEORGES-TUDO
Editions du Moment, 2015.
Piketty entre l’enclume et le marteau-piquet. Il est, en effet, assez cocasse que
Frédéric Georges-Tudo, rédacteur en chef de Management, ait écrit en 2012
« Salauds de riches ! », pamphlet anachronique (prémonitoire?) de l’ouvrage de
Thomas Piketty, « Le capital au XXIe siècle ». Voilà pour l’enclume. Et comme pour
achever sa tâche, il assène un dernier coup de marteau-piquet à l’ouvragecoqueluche de l’an passé, pour endiguer l’épidémie de mal-penser qui ravage le
débat économique d’aujourd’hui. Le remède est de cheval. Car on referme ce livre
avec la satisfaction d’avoir vaincu l’hérésie et la lèpre marxiste répandues par
Piketty. Et l’on se dit aussi, avec un sourire repu : les vérités naissent des
confrontations d’idées. Puis, les yeux pétillants, on s’étonne de l’exploit Pikettiste,
inédit dans l’histoire de l’humanité, d’être devenu riche grâce à sa haine des riches.
Ce livre se lit d’un trait. Le réquisitoire contre cette « sainte » écriture est alerte et
souvent drôle, mais ne cède jamais en rien à la facilité. C’est un western, mieux
c’est un « Indiana Jones » qui débusque, tire et atteint sa cible là où ça fait mal.
Tantôt, l’auteur nous laisse patauger dans la boue des chiffres, mais il traîne
vigoureusement son lecteur hors cette forêt broussailleuse, qui ne mérite pas le
qualificatif de « vierge », puisque issue de manipulations, d’omissions et
d’inventions. Bref, un viol de statistiques, que, pudiquement, l’auteur nomme
« mystification statistique ».Tantôt, l’auteur conduit notre pensée à la mode de
Sherlock Holmes : réfuter les opinions avec de solides arguments selon le sage
précepte que la théorie doit se plier aux faits et non l’inverse, qui relève du
terrorisme intellectuel. Il y a d’abord le démontage en règle de la prétendue loi « r
> g », et un premier piquet pikettologique s’effondre. Il y a encore ces erreurs
qu’on devrait nommer escroqueries : comparer les revenus sans en omettant les
aides sociales reçues et les impôts subis. Il y a enfin cet étonnant constat, passé
sous silence par Piketty, que seuls 27% des personnes figurant au palmarès des
grandes fortunes parviennent à s’y maintenir plus d’un an. Sait-on combien de
piliers soutiennent les « Pikettyneries » (sic) ? Mais il n’y en pas un qui reste
fièrement debout. Le grand mérite de « Piketty au piquet » ne réside pas dans sa
verve pamphlétaire, qui tient plus de la forme que du fond. Ce livre est
29
pédagogique, sa lecture entretient le bon sens économique, démonte le
fonctionnement du capitalisme sans en cacher les excès et surtout, en n’en
exagérant pas les vertus. Prenez ce livre comme un manuel d’économie amusante,
au sens où Nietzsche parle du « Gai savoir ». Oui, ce livre guérit de la confusion des
concepts, qui donne raison à Marx pour excuser Hayek et demande à Keynes de
justifier le laxisme des Etats.
La jalousie rend amnésique ; ce livre en est un remède, anti-amnésique, certes, et
mutation du gène Jalousie en noble envie. Une grande leçon de rigueur
économique.
Jean-Philippe Bidault
L’HOMME INUTILE Du bon usage de l’économie
Pierre Noël GIRAUD
Odile Jacob, 2015.
Lauréat du Prix Turgot en 2002 pour le « Commerce des promesses au Seuil » (dans
lequel il pressentait, parmi les premiers, l’éminence d’une crise financière
mondiale), Pierre Noël Giraud est resté un économiste médiatiquement discret
comme savent l’être les grands, à l’instar de Jean Tirole. Ses parutions n’en sont
que plus attendues. Dans ce nouvel essai, ses qualités reconnues de chercheur et
de pédagogue viennent s’ajouter au regard « plein d’usage et raison » de celui qui
peut se retourner sur son riche parcours et son expérience pour proposer « un bon
usage de l’économie ». Pour contribuer à construire « une vie bonne », pour « tous
les terriens » et combattre les excès d’inégalités. En effet aux yeux de l’auteur, la
« science économique » « auto-réalisatrice, moquée, faillie » s’est par trop
appuyée sur une mode de mathématisation (l’auteur préfère la langue naturelle).
Elle s’est éloignée ainsi de ses capacités réelles à dépasser les difficultés
théoriques, les vraies questions et les faux débats, créant une forme d’impérialisme
économique sans pouvoir, rien prouver ni s’appuyer sur « aucune loi
générale »…Par-delà ces précautions l’auteur tire de ses analyses la conviction que
la grande peur malthusiennne d’une incapacité de notre mère, la terre, à nourrir à
l’horizon du XXIème siècle, 10 milliards d’humains, est infondée : d’une part,
l’autorégulation de la natalité avec l’élévation du niveau de vie fait que cette
perspective est un pic et va déclencher une pente démographique descendante,
inversant la courbe pour plonger à l’horizon du XXIIème siècle à quatre milliards
d’habitants……. Et d’autre part, pour le court terme, les capacités d’inventivité de
produits substituables pour l’alimentation et l’énergie et les aménagements
potentiels des territoires permettront de supporter ce pic : ce qui conduit l’auteur à
30
considérer que la vraie difficulté n’est pas celle de la ressource (quasiment
inépuisable, contrairement à une idée reçue) mais du traitement de nos déchets
qui menacent via la perturbation de l’écosystème, notre capital collectif. Ce qui
nécessite des actions fortes et urgentes.
Mais le thème central de sa réflexion reste celui des inégalités et « de sa pire
forme », l’inutilité car elle « enferme les hommes dans des trappes dont il est
impossible de sortir ».
Comme il l’avait déjà montré dès 1996 avec « l’inégalité du monde » bien avant
Piketty (qui en réalité ne traite que d’un des aspects des inégalités croissantes,
celle des revenus), l’auteur se focalise sur le développement avec la mondialisation
du nombre « d’hommes inutiles »….. pour eux-mêmes et pour les autres…La triple
globalisation, des firmes, du numérique et de la finance, met en concurrence les
catégories d’actifs (Nomades que les Etats s’efforcent de fixer sur leurs sols pour
leurs revenus élevés) et les Sédentaires qui apportent au plan local des services
non délocalisables mais dépendants de la « puissance nomade ». L’inutilité
prospère lorsqu’interviennent des déséquilibres structurels entre ces deux
populations soit parce qu’ils ne sont pas retenus (les nomades) soit parce que le
poids des sédentaires progresse relativement trop fortement. L’émergence de ces
hommes inutiles réduits à survivre dans une forme nouvelle de surexploitation et
connaissant « une chienne de vie » n’est pas simplement une catastrophe sociale
et morale mais aussi une aberration économique : par la mesure de la perte de
valeur collective que ce capital humain inemployé sous-tend. L’auteur apporte ses
éléments de réponse à cette situation complexe en préconisant de « penser
autrement » nos politiques économiques pour fixer sur notre sol les emplois
nomades, combattre les monopoles et s’épargner les tensions « de guerre civile »
qui, ici et là, ont forme d’alternative.
C’est cette « utopie réaliste » à laquelle veut croire Pierre Noël Giraud, pour créer
une société « minimalement juste » qui donne à chacun la vie « qu’il a raison de
vouloir » comme le pensaient Rawls et Sen, et permettant ainsi de mesurer les
degrés tolérables et efficaces des inégalités. Eradiquer « l’homme inutile » apparaît
sur bien des aspects, à l’issue de ce voyage passionnant, dans le monde de la
globalisation, des inégalités et de l’instabilité que nous propose Pierre Noël Giraud,
comme l’un des grands défis de notre Civilisation et se doit d’interpeler nos
« hommes politiques ». Dans ce combat, dont l’issue reste incertaine, même si ce
n’est pas (encore ?) la fin programmée de l’espèce humaine et même si la capacité
avérée de visionnaire de l’auteur peut inquiéter (comme l’irrémédiabilité d’un
énorme crash financier mondial) par bonheur, nous sommes assurés de pouvoir
31
compter sur (au moins) un « économiste utile » et précisément l’auteur de cet
essai. Il marquera durablement, et nous en sommes convaincus, par la puissance et
la profondeur de ses analyses, la réflexion économique contemporaine. Ce n’est
pas le moindre de ses mérites.
Jean-Louis Chambon
LES LIMITES DU MARCHE L'oscillation entre l'Etat et le capitalisme
Paul de GRAUWE
ed. de Boeck, 2015
Paul de Grauwe (professeur à la London School of Economics) s’interroge sur les
combinaisons possibles entre le marché et l’Etat, et donc, entre les différentes
formes du capitalisme. Il répond à cette grande problématique du début du XXI e
siècle, en cernant les limites respectives de l’économie de marché et de l’économie
publique. Il montre que le marché est plutôt régi par le système II (au sens de
Kahneman), qui relève de la sphère calculatrice du cerveau, tandis que le système
politique est plutôt dominé par le système I, qui règle les émotions et les intuitions.
Les limites externes du capitalisme financier résident dans les externalités
négatives des activités productives (la dégradation de l’environnement) et
financières (les effets des dernières crises). Le marché comporte également des
limites internes inhérentes à la répartition de plus en plus inégalitaire des revenus,
à la motivation de plus en plus difficile des salariés et à la privatisation
problématique de certains biens publics. Il dresse notamment un bilan des
réactions positives et négatives à la formule proposée par Piketty, selon laquelle
l’écart entre le rendement net du capital productif et le taux de croissance
économique ne cesse de s’accroitre dans les pays occidentaux, conduisant
inévitablement à plus d’inégalités et à un risque d’implosion sociale.
L’auteur dénonce « l’utopie » d’une autorégulation du système de marché. Il
explore les différentes voies de son sauvetage. Il observe qu’une redistribution
excessive des richesses et qu’une pression fiscale accrue, risquent de heurter les
intérêts individuels et d’affecter la compétitivité des économies. L’auteur fait
preuve à la fois d’esprits de géométrie et de finesse en déclinant avec un grand
sens pédagogique les multiples agencements de la rationalité individuelle et de la
rationalité collective.
Jean-Jacques Pluchart
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HISTOIRE DE LA PENSEE ECONOMIQUE EN 60 AUTEURS
Nicolas GUERRERRO
Editions Ellipses, 2015
Depuis ses origines au XVIème siècle, l’histoire de la pensée économique est une
formidable aventure intellectuelle : les auteurs n’ont jamais cessé de se répondre
et un grand nombre de théories ont été élaborées en réponse à d’autres.
Cet ouvrage a pour objet de faire découvrir la pensée économique au travers de
soixante portraits d’économistes qui ont contribué à la façonner. Classés par ordre
chronologique, ils couvrent l’ensemble de l’histoire de la pensée économique
moderne du XVIème siècle à nos jours.
Ce livre est nouveau dans sa méthode. En premier lieu une brève étude
biographique indispensable pour comprendre l’homme et son œuvre et surtout le
cadre économique et politique dans lequel sa pensée s’est construite.
Puis une étude synthétique des principales idées développées par cet économiste.
Cette étude s’élargit à l’influence des idées sur les politiques économiques mises en
œuvre. Enfin des citations bien choisies, dont la pertinence limite le risque connu
de l’interprétation sortie du contexte.
La richesse du propos est évidente, la table des matières suffit à s’en convaincre.
L’auteur avec application, méticulosité et une prudence mêlée à des affirmations
fortes réalise ici une remarquable synthèse.
Cet ouvrage s’adresse aux étudiants, mais il rappellera à beaucoup des souvenirs
sur lesquels le temps est passé !
Dominique Chesneau
CE MODELE SOCIAL QUE LE MONDE NE NOUS ENVIE PLUS
Jean-Olivier HAIRAULT
Editions Albin Michel, 2015.
Redéfinir un nouveau modèle social Français : une utopie ou une ambition
salvatrice ? C’est en tous cas la proposition de l’auteur de cet essai, Jean-Olivier
Hairault, économiste et chercheur associé au CEPREMAP, et auteur spécialisé dans
l’analyse des problématiques des séniors. Un constat sans appel d’une réalité que
traîne la France, dans le déni, comme un boulet… Autrefois considéré comme un
exemple à l’échelle planétaire, le modèle social français est aujourd’hui à bout de
souffle. Temps de travail en baisse, pré-retraites longtemps encouragées,
33
disparition progressive de secteurs entiers de l’industrie « refus de créer des
emplois peu qualifiés, système d’aide aux effets pervers… »
En sacrifiant l’illusoire égalité idéologique « pour oser un nécessaire
pragmatisme… » : en réduisant les impôts et la dette publique, tout en préservant
un haut niveau de protection sociale. Il n’y a pas de fatalité prétend l’auteur, il
s’agit tout simplement, pour les acteurs politiques d’avoir le courage de mettre en
œuvre les actions que requièrent de multiples rapports et diagnostics depuis
plusieurs décennies ...
Jean-Louis Chambon
CE MODELE SOCIAL QUE LE MONDE NE NOUS ENVIE PAS
Jean-Olivier HAIRAULT
Albin Michel, 2015
Connaissez-vous l’évolution du modèle social de la France depuis 4 décennies ?
Parcourons-la avec l’auteur qui nous assure que le modèle social français a atteint
ses limites et qu’il est même déjà remis en cause de manière subreptice,
notamment par la désindexation des prestations sur l’inflation. Pour faire la
démonstration de son analyse, Jean-Olivier Hairault avance un indicateur
économique pertinent, le PIB par habitant. Il présente les forces en action dans
leurs petites différences et petits dérapages qui font à l’arrivée les grandes
différences en dépit du haut niveau de productivité horaire du travail en France
pour expliquer de manière instructive les raisons du décrochage. Une chose est
sûre, avance-t-il, le taux de chômage n’explique en rien les différences d’heures
travaillées en France par rapport aux autres pays. Une large part de l’ouvrage bat
en brèche intuitions et idées reçues pour se polariser sur les causes fondamentales.
Cet ouvrage contribue par son unité et son accessibilité à une pénétrante
présentation des principes à l’œuvre bien au-delà du simple intérêt théorique.
Notre modèle social s’articule sur un triptyque paradoxal souché sur un haut
niveau de protection sociale, un financement basé sur le travail et une stratégie
conjointe de réduction des heures travaillées. Voilà le dilemme à l’origine du cercle
vicieux. Désormais, tous les ingrédients sont dans la cornue, il ne manque juste
qu’un peu de flamme.
Freddi Godet des Marais
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TURGOT et ADAM SMITH Une étrange proximité
Anne-Claire HOYNG
Editions Honoré Champion , 2015
Pourquoi Adam Smith n’a-t-il jamais cité Turgot ? Pourtant Smith a bien connu le
contrôleur général des finances de Louis XVI dans les salons parisiens en 1796 et il a
maintenu longtemps le contact avec lui, ce dont les bibliothèques des deux
hommes apportent la preuve. Dans ce brillant essai, Anne Claire Hong prolonge
l’interrogation de nombreux chercheurs . Elle lève le voile sur cette énigme en
confirmant que plusieurs textes de Turgot, réunis dans ses « Réflexions pour deux
étudiants chinois », parues dans les « Ephémérides » de novembre 1769 à janvier
1770, ont inspiré « La Richesse de nations » publiée six ans plus tard par Adam
Smith (1776). Exploitant l’importante correspondance des hommes et des femmes
qi ont accompagné la naissance de l’économie politique à Paris, au temps des
Lumières, cet essai démontre aussi qu’Adam Smith, comme Turgot, prolonge
« l’Essai sur la nature du commerce en général » (1755). L’œuvre posthume de
Cantillon laisse en effet des traces profondes chez l’un et l’autre des deux
économistes. Ce bel essai d’histoire économique rappelle donc les solides racines
françaises de l’économie politique que la doctrine classique rattacherait aux seules
sources écossaises.
Une mise en lumière de l’œuvre e les mérites du Baron de l’Aulne, Anne Robert
Jacques Turgot, universellement reconnu comme le premier grand concepteur
d’une doctrine de redressement des finances publiques. « La main invisible »
semble avoir aussi prospéré à l’ombre de cette étrange proximité.
Au moment où les archives de Turgot, détenues par ses descendants, autour
d’Ysabel de Naurois Turgot, viennent d’être classées trésor national et que le
château de Lantheuil, berceau familial des Turgot va être accessible au public, il
fallait rendre au Baron de l’Aulne, l’ensemble de ses mérites : cet essai y contribue
largement.
Anne-Claire Hoyng, franco-néerlandaise, a obtenu le grade de docteur en économie
à l’Université d’Amsterdam en décembre 2011. Après avoir été économiste au
conseil de la concurrence des Pays-Bas et directrice de projet pour une société de
télécommunications, elle est depuis 2013, maître de conférences en économie à
l’Université d’Utrecht. Elle y enseigne notamment l’histoire de la pensée
économique, du XVIIème siècle jusqu’à nos jours.
Jean-Louis Chambon
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CHINE, INDE : LES FIRMES AU COEUR DE L'EMERGENCE
Sous la direction de Jean François HUCHET, Xavier RICHET et Joël RUET.
Presses Universitaires de Rennes, 2015.
Comment les firmes ont-elles contribué à l'émergence, en relation avec les
différentes politiques économiques de l'Inde et de la Chine ? Un essai intéressant
sur le rôle des entreprises dans la croissance, le rattrapage technologique et
finalement le début des expansions internationales indienne et chinoise et ce
parfois malgré les politiques industrielles revendiquées par les gouvernements. La
comparaison montre que des moyens très différents ont contribué à l'émergence
économique de ces deux nations du fait de politiques publiques extrêmement
différentes. L'Inde ayant laissé une certaine autonomie aux entreprises dans le
cadre de licences de production limitées, elles se sont déployées en oligopoles dont
les branches se sont mutuellement enrichies sur les plans technologique et
managerial. Cette évolution est allée de pair avec la création d'un capitalisme local
robuste qui a permis la constitution de champions nationaux. La Chine, elle, a mené
pendant longtemps, même après les excès maoïstes du grand bon en avant et de la
révolution culturelle, des politiques industrielles très centralisées, soit au niveau
central soit aux niveaux régional et municipal. Ceci a amené les entreprises à
progresser plus lentement à partir des investissements étrangers, les plans
quinquennaux hérités de la vision soviétique n'ayant eu que des résultats mitigés.
Ce sont plutôt les entreprises hors périmètre qui ont généré les expansions
internationales à l'exception des activités réservées comme l'énergie. Il est
intéressant cependant de noter dans les deux cas une grande proximité entre les
entreprises et l'Etat qui n'est pas sans rappeler le modèle français de l'après-guerre.
Christian Chouffier
ÉLOGE DE LA GENTILLESSE EN ENTREPRISE
Emmanuel JAFFELIN
Editions First, 2015.
Emmanuel Jaffelin confirme pleinement dans ce nouvel essai le statut éminent qu’il
s’est acquis à travers ses parutions successives1, de « philosophe de la gentillesse et
de l’Entreprise ». Il fallait en effet oser d’introduire la gentillesse dans les théories
du management, largement inspirées des recettes américaines, jusqu’à la
fascination et par le vocabulaire anglo-saxon. Dans cet imaginaire d’une pseudoNotamment : Eloge de la gentillesse 2010 – Bourin – Petite philosophie de l’entreprise 2012 –
Bourin - Apologie de la punition 2014 - Plon
1
36
scientificité associée à ce jargon anglicisé, paraît émerger une vérité d’entreprise
où ni la langue de Molière, ni la bienveillance n’occupent spontanément une place.
Le manager se doit d’occuper la posture de l’homme fort qui dirige sans faiblesse
en « domptant » plus facilement par le fouet que par la caresse psychologique, ses
collaborateurs. Pourtant, preuve est faite que la boîte à outils « managériale » (de
Kenton à Rosenberg), se heurte frontalement à la complexité des relations
humaines. Le management par le stress que préconise l’approche classique et
« l’Entreprise méchante » sont pour beaucoup dans l’établissement d’une
atmosphère de travail irrespirable par les salariés, qui inhibe leur motivation et leur
efficacité. Quand la pression dans l’Entreprise prend le pas sur le « supplément
d’âme » cher à Bergson, l’association nécessaire de la double finalité
entrepreneuriale, l’économique et le social, disparaît. Alors que toutes les études
récentes montrent que pour être productifs les salariés, dans leur Entreprise,
doivent être heureux, épanouis dans leur environnement, pour être en capacité de
rendre au centuple ce qu’ils ont reçu d’elle. La thèse de l’auteur, la gentillesse,
apparaît dans toute sa logique ; le fait de rendre service, ce tact moral de la
gentillesse est une vertu qui anoblit (élève) celui qui « s’abaisse » vers le service
qu’il rend et le soulagement qu’il procure à celui qui le reçoit. Cette gentillesse est
donc une donnée objective d’un management capable de restaurer l’humanité
dans l’Entreprise. La gentillesse, rappelle l’auteur, n’est pas une faiblesse mais une
force que le « gentleman manager » utilise pour se grandir et permettre aux autres
de se grandir.
Cette émergence post-moderne d’une classe de « dirigeants-chevaliers »
retrouvant par la noblesse de l’esprit et de comportement la capacité à surmonter
les contradictions économiques et sociales inhérentes à l’Entreprise rejoint la place
que la « gentry » (noblesse sans titre) occupe dans la société anglaise, en étant plus
respectueuse des personnes et du savoir être. « ……créer de la richesse en
produisant de la noblesse et une vie heureuse en société….. » tel est le défi que
devra relever le gentleman manager en faisant réconcilier par son élégance morale,
son intelligence psychologique et sa compétence professionnelle, l’Entreprise et
ses salariés. Que vive la gentillesse dans un monde où l’Entreprise change d’ère et
les managers « d’air ». Un essai remarquable qui réconcilie l’optimisme avec le
possible.
Jean-Louis Chambon
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L’ELOGE DE LA GENTILLESSE
Emmanuel JAFFELIN
François Bourrin Editeur, 2015 (reed).
« Être gentil au travail, c’est rendre service à quelqu’un qui le demande. Punir,
c’est rendre service à celui qui ne vous le demande pas »… « Tisser la relation au
travail, c’est une force. L’entreprise est une microsociété. Si l’ambiance est pourrie,
alors ça ne marche pas… »… « Que pour s’élever, il faut savoir s’abaisser ; que la
gentillesse anoblit en faisant de nos petites gestes un tissu d’une pétillante
sociabilité »… Ces quelques formules rédigées par un philosophe résument la
pensée de l’auteur, qui s’efforce de montrer tout l’intérêt d’être « gentil au
travail ». Son invitation s’adresse aux cadres d’entreprise ou d’administration,
notamment confrontés à la génération Y en recherche d’indépendance et de
liberté. Mais la notion de « gentillesse au travail » n’est-elle pas chargée
d’ambiguïté et le comportement du « gentil supérieur » taxé de cynisme ? Bien
qu’il remonte à l’antiquité et qu’il soit loué par de nombreux grands auteurs, le
terme de « gentillesse » ne figure dans aucun manuel de gestion des ressources
humaines ou de sociologie. L’auteur tente de convaincre ses lecteurs des bienfaits
collectifs et individuels de la gentillesse en multipliant les exemples et contre
exemples issus de situations réelles. Il cite notamment celui des surveillants des
prisons suédoises qui exercent leur fonction sans arme, mais avec succès , auprès
de criminels. La gentillesse au travail est une « vertu post-moderne » et une
« morale de notre temps » située entre deux empathies : celle, froide, de la règle et
du droit, et celle, brûlante, de la sollicitude incarnée par Amélie Poulain… La
gentillesse est une vertu discrète et rhizomatique, dont la réhabilitation
contribuerait certainement à humaniser la société contemporaine.
Jean-Jacques Pluchart
LE REVOLUTIONNAIRE, L’EXPERT ET LE GEEK
COMBAT POUR L’AUTONOMIE
Gaspard KOENIG
Plon, 2015.
Enfin, un livre d’économie qui, outre qu’il est abordable à tous les esprits, se garde
des travers de la politique et des combats d’arrière ou d’avant-garde. Le sujet en
est aussi simple qu’il est éternel : la liberté de chacun d’entre nous et des moyens
d’y tendre à défaut à de la conquérir.
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C’est tout à la fois un manuel d’économie politique, de macro économie et de
droit. De philosophie aussi puisqu’il propose une voie vers la liberté individuelle
dans une société qui respecte la fraternité.
Le titre du livre intrigue. On en découvre l’explication au fil des pages. Le
révolutionnaire, l’expert et le geek ont chacun leur conception de la liberté. Le
premier demande à l’Etat de garantir les libertés (c’est 1789) ; le second
réglemente pour protéger (c’est la bureaucratie planiste) ; le geek veut balayer les
vestiges imparfaits et périssables de l’Humanité. Trois idées de la liberté qui se
heurtent. Que faire alors ?
Notre erreur courante, dit l’auteur, est de confondre la nécessaire intervention de
l’Etat pour construire les conditions de l’autonomie, et son insupportable
immixtion dans tous les domaines de la vie économique et sociale. « Le choix n’est
pas entre « le marché » et « l’intérêt général », « le public » et « le privé ». Ces
oppositions se meurent.
Autre constat : Le révolution numérique ne représente pas un simple progrès
technique. C’est une utopie qui suscite des enthousiasmes prodigieux et se dote de
moyens colossaux. Thomas More nous a appris à nous méfier des utopies et de leur
danger : le délire collectiviste. Cependant, s’il garde la tête froide, le geek élimine
les rentes, car il détruit tout ce qui, dans le circuit économique, ne crée pas de
valeur. Le monde qu’a vu naître la Silicon Valley arrivera en Europe et en France. Il
bouleversera notre conception de l’Etat, de l’individu et de l’ordre social. Il
basculera les droits collectifs sur l’individu. Il rétablira « le droit, le marché et la
politique, trinité classique à laquelle s’ajoutera un élément supplémentaire, la
neutralité. »
Ce livre a du souffle ; Mirabeau, Frédéric Bastiat ou Victor Hugo ne le renieraient
pas. Il est farouchement jacobin et profondément libéral, attaché aux racines de
l’esprit qui souffla en 1789 et dévoyé depuis plus de quatre-vingts ans. Il esquisse
une panoplie de réformes concrètes, pour balayer trois maux que sont
l’autoritarisme, le planisme et l’asservissement.
Autant dire que ce livre nous donne du pain sur la planche. Avec enthousiasme et
conviction.
Jean-Philippe Bidault
39
LE REVOLUTIONNAIRE, L’EXPERT ET LE GEEK
Gaspard KOENIG
Plon, 2015.
Un révolutionnaire sommeille en chaque Français, prêt hier comme aujourd’hui à
briser les rentes et les privilèges. Dans le même temps, un expert l’observe et le
dirige, planifiant autoritairement la société. Et un Geek lui tape sur l’épaule,
l’entrainant dans le monde inconnu des nouvelles technologies qui fourmille de
promesses et de menaces. Telle est la trame de cet ouvrage. Ces trois influences
parfois contradictoires nous font tourner la tête, causes partielles mais réelles de la
crise d’identité de notre pays. On connait bien les idées de l’auteur à ce propos
exprimées brillamment dans de nombreux ouvrages et dans les médias. Ce nouvel
opus s’inscrit dans la même veine, en tentant – avec un succès certain- de placer la
France dans un futur optimiste, de la réconcilier avec les contradictions qu’on lui
connait décrites par Braudel liées à son peuplement et sa diversité culturelle et par
Todd entre autres provenant de son hétérogénéité sociologique et familiale moins
prégnante en Allemagne par exemple malgré une unification somme toute récente.
Koenig, par culture sait tout cela. Il a décidé de considérer la France depuis son
observatoire londonien ce qui le conduit à passer « aux travaux pratiques ». Au lieu
de nous laisser tourner la tête par nos contradictions, Koenig propose de les
interpréter à la lumière d’une philosophie politique, fondée sur l’autonomie
individuelle, de tenter de réconcilier en quelques sortes le meilleur des deux
mondes latins et anglo-saxons, catholiques et protestants…sans toutefois les
mettre à toutes les sauces comme beaucoup de penseurs « faciles » peuvent le
faire. L’auteur propose des principes solides. Revenons à notre modèle
révolutionnaire originel, ce « jacobinisme libéral » incarné par le député Le
Chapelier. Rejetons la tentation planiste et corporatiste, léguée par le régime de
Vichy et responsable encore aujourd’hui de tant d’injustice et d’exclusion quand
elle s’inscrit dans un cadre démocratique. Apprenons à maîtriser l’utopie
numérique, en imaginant un nouvel humanisme qui réponde – en plus des
tablettes numériques à l’école et à l’amélioration de la couverture 3G du territoire,
nécessaires mais insuffisantes- aux défis de la Silicon Valley et un Etat 2.0 qui nous
redonne le contrôle de notre destin numérique. De la culture alliée à la
technologie, le meilleur des mondes mentionné plus haut, du souffle ! Pays des
libertés, la France meurt de servitude volontaire qui pourrait la conduire à suivre
les chants de certaines sirènes de malheur ! « Terminons notre Révolution, enfin »,
retrouvons les Lumières, « et chacun redeviendra son propre maître ».
Dominique Chesneau
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LES CRISES FINANCIERES HISTOIRE, MÉCANISMES ET ENJEUX
Olivier LACOSTE
Editions Eyrolles, 2015
Préface de Philippe Herzog
Les crises financières, événements récurrents de l’histoire du capitalisme, de la
tulipomania en 1637 jusqu’à aujourd’hui, ne doivent jamais être perçues comme
des accidents insignifiants : certains épisodes sont majeurs, constituant de
véritables ruptures, 1929 – 2008 en sont des exemples et la question n’est plus de
savoir si une autre grande crise financière mondiale interviendra mais plutôt quand
apparaîtra ce nouvel effondrement.
Comme le souligne le préfacier, Philippe Herzog, sortir de cette impasse n’est pas
chose aisée : l’Etat n’est pas en mesure de jouer son rôle d’investisseur direct, les
grandes zones monétaires sont rivales et la zone euro reste incomplète et
imparfaite, enfin la globalisation du capitalisme financier incarne plus une
révolution qu’une spécificité en soi.
Aussi tout le mérite d’Olivier Lacoste, économiste et journaliste, ancien élève de
l’ENA, est de montrer qu’en réalité ces crises nous parlent de notre économie dont
elles révèlent brutalement les mécanismes et les défauts. En revenant sur les plus
importantes d’entre elles, dont celles des subprimes et de l’euro, il en examine les
causes comme les conséquences en s’interrogeant sur les réactions des autorités
concernées. Sa réflexion porte aussi sur les évolutions majeures intervenues ces
dernières décennies et tout particulièrement sur cette dérive du capitalisme vers
une priorisation du court terme qui amplifie la fréquence et la gravité des crises.
S’ajoutent deux découplages historiques à dépasser : entre l’économique et le
social et entre la finance et l’économie. L’enjeu étant « ... de ramener la finance
en économie … » en limitant sa violence et en préservant l’intérêt public. Un
décryptage des mécanismes et enjeux des crises financières, particulièrement
lumineux, proposé dans une perspective historique de quatre siècles, à un large
public comme aux étudiants en sciences économiques.
Jean-Louis Chambon
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LES CRISES FINANCIERES HISTOIRE, MÉCANISMES ET ENJEUX
Oliver LACOSTE
Ed. Eyrolles, 2015
Préface de Philippe Herzog
Au travers de ce livre très pédagogique, l’auteur Olivier LACOSTE nous éclaire sur
les différentes causes et les caractéristiques des différentes crises financières qui se
sont succédé depuis la Tulipomania en 1637, jusqu’à la crise des subprime de 2007
et ses différents développements. Il nous démontre en s’appuyant sur les
nombreux cas abordés comment la crise est inhérente à l’économie elle-même,
comment la confrontation de sa propre dynamique avec la psychologie des
différents acteurs, et notamment des investisseurs conduit à reproduire sous
différentes formes les mêmes erreurs, crise après crise, la principale étant que le
refus des pertes empêche de prendre au bon moment les bonnes décisions, alors
que les symptômes caractéristiques de toutes les crises ne sont curieusement
jamais repérés à temps (actifs trop chers notamment)
Si les deux premières parties sont plutôt descriptives, et mettent en évidence des
évènements majeurs et de vraies rupture, en avançant le pourquoi et le comment,
la troisième nous invite à une réflexion tout à fait pertinente, sur les moyens de
combattre les crises, tout d’abord de façon curative, mais également dans une
démarche plus prospective, de façon préventive. Le constat premier étant que la
finance que nous connaissons depuis une vingtaine d’année, est devenue une
finance de court terme, qui va de pair avec un comportement irrationnel des
marchés. Le point d’orgue de cet ouvrage est dans la démonstration que le
libéralisme qui avait été avalisé par le plus grand nombre a montré ses limites, et
devait devenir compatible avec plus de régulation pour mieux maîtriser et encadrer
la finance. C’est dans l’équilibre fragile entre libéralisme et régulation qu’on pourra
mieux financer l’économie, mieux anticiper les crises, et leurs effets car quoiqu’il
arrive, elles font partie des cycles de l’économie.
Patrick Magne
UN NOUVEAU MONDE ECONOMIQUE
Eloi LAURENT, Jacques LE CACHEUX
Odile Jacob, 2015, 250 pages.
Les auteurs relancent le débat sur la validité des grands indicateurs statistiques (PIB,
revenu national, chômage…) qui mesurent la réussite ou l’échec d’une politique
économique. Ces données négligent les enjeux essentiels : le bien-être des
42
populations et la soutenabilité du développement. Ils montrent que les données
publiées – souvent confuses ou contradictoires - viennent troubler les opinions
publiques et déconsidérer les hommes politiques. Ils montrent que les nouveaux
indicateurs eux-mêmes – comme l’indice du développement humain conçu par
Amartya Sen et publié par l’ONU – ont une portée limitée. Ils déplorent que
l’appréciation du bonheur par le niveau de vie, soit trop réductrice. Ils proposent
un indicateur à huit composantes : le revenu, l’emploi, la santé, le niveau
d’éducation, le temps libre, le lien social, le sentiment du bonheur ressenti et la
qualité des institutions. Ils critiquent également les différents indices de
soutenabilité du développement calculés par des universités, la banque mondiale,
l’ONU… Ils proposent de les construire à partir d’une valorisation du capital sous
ses formes manufacturée, humaine, sociale, naturelle, scientifique… L’ouvrage
vient utilement contribuer à l’effort de reconstruction du système socioéconomique actuel.
J-J. Pluchart
ANTI-PIKETTY Vive le Capital au XXIème siècle!
Nicolas LECAUSSIN, Jean-Philippe DELSOL
Sous la coordination d’Emmanuel MARTIN
Libréchange, 374 pages
Best seller de la littérature économique, aux Etats Unis comme en France, l’ouvrage
de Thomas Piketty a fait l’objet, à l’opposé de l’enthousiasme de la « gauche
mondiale », de très nombreuses critiques au point d’apparaître pour de nombreux
auteurs comme l’une des grandes mystifications du XXIème siècle.
Tour à tour le Financial Times en 2014, les économistes libéraux en France dont
Alain Madelin ou Henri Lepage, directeur de l’Institut Turgot, mais aussi Nicolas
Baverez, ont contesté des hypothèses, des raisonnements, les chiffres et les
graphiques présentés par l’auteur. Ces éléments paraissent utilisés pour parvenir à
des conclusions idéologiques. Les données sont en effet très nombreuses mais
souvent tronquées, visiblement pour parfaire le raisonnement et les inexactitudes
scientifiques.
La thèse centrale (R > G) qui se veut démontrer l’inégalité fondamentale
qu’engendre une rentabilité du capital supérieure au taux de croissance de
l’économie, avant d’être économique ? reste une thèse politique.
C’est ce que s’attache à démontrer ce collectif, placé sous la direction de Nicolas
Lecaussin et Jean-Philippe Delsol, regroupant une vingtaine d’économistes,
43
historiens et fiscalistes dont un ancien conseiller économique du Président des
Etats-Unis.
Leur grand mérite est de montrer que les inégalités n’ont pas explosé, elles se sont
réduites à de nombreux égards (éducation, santé) et que les riches ne « mangent
pas le pain des pauvres », mais leur en donnent, en prenant des risques et en
créant des millions d’emplois.
Le patrimoine ne peut, indéfiniment, se développer plus vite que la croissance
économique et une taxation excessive ne résout pas les problèmes mais les
aggrave.
Cette parution propose « une argumentation raisonnée et raisonnable » à cette
idéologie d’essence marxiste en lui opposant des critiques académiques, des faits
et en regroupant l’essentiel des critiques scientifiques s’opposant à la
« Pikettymania », en avertissant au passage le grand public contre la facilité
qu’offrent les thèses simplistes et populistes dans un ouvrage complet.
Jean-Louis Chambon
CHANGEONS LA BANQUE
Benoit LEGRAND
Ed. Cherche Midi, 2015.
Ecrit par le responsable France de la banque ING, cet ouvrage, qui se lit en une
petite heure, s’ouvre sans surprise par une attaque aux banques traditionnelles,
qui chargent des frais excessifs à leurs clients et jouissent d’une position de rente,
modèle dépassé par l’innovante banque en ligne, dont ING Direct est un exemple
d’excellence, dixit M. Legrand.
Décliné en trois parties classiques : constat, analyse, prévision, le texte rappelle le
rôle de la transformation digitale dans la prise de pouvoir du nouveau
consommateur qui force ses fournisseurs, dont le système bancaire, à plus
d’interactivité, de transparence, d’économies de coûts. Les banques françaises
traditionnelles, selon l’auteur, gardent leur avance aussi bien à cause des barrages
culturels et psychologiques de leurs clients que d’un système règlementaire qui ne
facilite pas les transferts de compte. Il déplore cet état des choses et en guise de
modèle alternatif développe longuement la « success story » de ING Direct.
Dans les toutes dernières dix pages, M. Legrand survole enfin le thème de son livre,
soit la banque de demain, qui devra faire face aux nouveaux modèles CtoC, au Big
Data, aux cryptomonnaies, à la concurrence des Fintech et des plateformes
de crowdfunding (les « uberisateurs de la finance »). Il indique quelques
44
fondamentaux pour assurer la survie du système bancaire : une très forte réduction
des coûts pour réduire les frais appliqués aux clients, une plus forte ouverture à la
concurrence, une meilleure utilisation du Big Data pour des activités de coaching
financier plus personnalisé, dans l’objectif de construire une relation–client
réellement plus proche et utile et éviter de se faire devancer par les géants de la
technologie et des télécoms (les GAFA).
Anna Serio
LA FINANCE PEUT-ELLE ETRE AU SERVICE DE L’HOMME ?
Pierre de LAUZUN
Editions Desclée de Brouwer , 2015
Cet éditeur n’est pas le spécialiste des ouvrages traitant de finance et de banque.
Le choix de l’auteur d’être édité chez Desclée de Brouwer, est la première
indication que l’ouvrage a un caractère humaniste marqué, tout comme son
auteur. Il ne s’agit pas d’utiliser le vocable de l’économie réelle, mais celui de
l’homme !
La finance peut-elle être au service de l’homme ? Les cyniques, diront que si cela
arrive. c’est involontairement. La Crise de 2008 a jeté un coup de projecteur sur
des pratiques collectivement nuisibles. Les deux questions de Pierre de LAUZUN
sont les suivantes : Est cela la réalité de la finance ? Est-ce une fatalité ?
Pour tenter de répondre à ces questions, le banquier appelle ses références
personnelles historiques culturelles et familales : peut on avoir une finance
orientée dans le bon sens sans se référer aux valeurs qui animent une société ? Et
que signifie être au service de l’homme, sinon avoir une conception définie du bien
et donc une forme de morale et d’éthique ? Ethique et finance : c’est par là que
commence l’examen avec ses définitions, ses préalables, ses pratiques, ses outils.
Enfin le banquier nous surprend mais l’homme est cohérent, car dans sa quatrième
partie, il fait l’apologie du don et de l’action publique : « juste rôle pour la solidarité
financière et les finances publiques » puis « la finance et le don ».
Un ouvrage indispensable pour comprendre l’articulation de la régulation des
marchés et de l’éthique personnelle et une claire démonstration des conditions
indispensables pour prétendre à la possibilité d’une finance au service de l’homme.
Dominique Chesneau
45
L’OFFENSIVE CHINOISE EN EUROPE
Philippe LE CORRE et Alain SEPULCRE
Fayard, 2015, 195 pages.
Les investissements chinois en Europe constituent un sujet de questionnement et
aussi parfois, d’inquiétude pour la plupart des européens. Les relations avec la
République Populaire de Chine ont toujours été compliquées, en raison
notamment des ambiguïtés qui pèsent sur la politique sociale, sur les stratégies
industrielle et financière, ainsi que sur les méthodes de management de ses
dirigeants. Les investisseurs européens en Chine s’interrogent notamment sur les
promesses de projets « gagnant-gagnant » proposés par les décideurs chinois. Les
auteurs retracent la montée irrépressible des investissements chinois et observent
l’évolution des politiques industrielles, des pratiques managériales et du soft power
chinois. Ils observent - au-travers du passage du made in China au made by China les changements de ciblage de leurs investissements successifs vers l’Allemagne (la
technologie), le Royaume Uni (la finance), la France (le luxe et le tourisme), la
« nouvelle Europe » (les ateliers de l’Est). Ils révèlent les succès mais aussi les
échecs de certains projets industriels, la fragilité des réseaux bancaires chinois et la
difficulté de pratiquer un management pleinement multiculturel dans le nouvel
Empire du Milieu.
J-J. Pluchart
LA RECHERCHE ET L’INNOVATION EN FRANCE (FutuRIS 2014-2015)
Jacques LESOURNE & Denis RANDET (dir.)
Odile Jacob, 2015.
L’ouvrage collectif, coordonné par Jacques Lesourne (professeur au CNAM) et
Denis Randet (délégué général de l’ANRT), dresse l’état actuel de la recherche et de
l’innovation en France. Les auteurs constatent que, bien que constituant le
principal levier de création d’emplois productifs de notre pays, les ressources
consacrées à la recherche et l’innovation nationales ne mobilisent que 2,2 % du
PIB, dont les deux tiers apportées par les entreprises. Les marges de manœuvre des
pouvoirs publics se rétrécissent en raison du ralentissement de l’activité
économique et des contraintes imposées par le programme européen Horizon
2020 pour la R&D. Les auteurs soulignent notamment l’importance des enjeux
attachés au rapprochement entre les laboratoires publics et les entreprises privées
(notamment les PME). Ils révèlent la complexité du Système Français de Recherche
et d’Innovation, marqué à la fois par l’accumulation des programmes (agenda
46
France Europe 2020, « pacte national pour la croissance, la compétitivité, et
l’emploi », programme de la commission Innovation 2030, « 34 plans de
reconquête industrielle », plan « une nouvelle donne pour l’innovation »…), par la
pesanteur du « mille feuilles territorial », par l’apparition de nouveaux acteurs
(Communautés d’Universités et d’Etablissements, Sociétés d’Accélération du
Transfert de Technologie, Instituts de Recherche Technologique, Instituts Carnot,
Labex, Idex …), par la création de métiers d’avenir (business developers, chargés de
valorisation, agents technico-commerciaux…), par la mise en place de dispositifs
innovants (contrats science-société, contrats de partenariat public-privé…). La
réussite ou l’échec de ces programmes conditionne directement la soutenabilité de
la croissance française et l’issue de la bataille pour l’emploi.
J-J. Pluchart
LE CAPITAL I/ L’invention du capitalisme
Michel LETER
Les Belles Lettres, 2015
L’auteur (docteur es lettres, professeur de philosophie) sonde les fondements du
capitalisme, par une approche originale – de nature généalogique – de ses
concepts fondateurs. Il souligne les ambiguités et les paradoxes attachés aux
notions de capital, de propriété, d’argent, de classe sociale … Bastiat et Guyot ne
qualifient-ils pas de « métaphore » le concept de capitalisme. Michel Leter soutient
que « le capitalisme est introuvable » dans l’œuvre de Marx, qui en situe
arbitrairement la naissance en… 1492. Le terme de « capitalisme » n’apparait en
fait qu’en 1867, notamment sous la plume de Sombart, qui, par des raisonnements
empruntés à la physique, le fit entrer dans le vocabulaire scientifique de
l’Université impériale fondée par Bismarck. Il rappelle que Max Weber en attribua
l’origine à l’éthique protestante. Il revisite longuement la notion de « lutte des
classes », rappelant que, selon Marx, le « prolétaire est un homme sans capital »,
« le capital est un travail mort », la société est partagée entre « les hommes vivant
de leur industrie et les hommes vivant de l’industrie d’autrui », « le capitalisme est
l’exploitation de l’homme par l’homme »… Il lui oppose les enseignements de
l’école autrichienne d’économie, notamment illustrés par les travaux de Menger,
Von Mises, Hayek et Rothbard, qui concluent que « ce n’est pas le travail qui crée le
capital, mais c’est le capital qui permet le travail ».
Michel Leter introduit par ce premier volume une monumentale histoire du
capitalisme, le second tome devant porter sur ses mythes, le troisième sur sa
47
théologie et le quatrième sur ses implications philosophiques. L’auteur fait preuve
d’une culture encyclopédique, mais son écriture traduit parfois un certain
hermétisme, dont il se défend en citant Kautsky : « l’exégèse des ignorants est
toujours plus logique que celle des savants ».
Jean-Jacques Pluchart
JOHN LAW
Le magicien de la dette, Une étrange proximité
Bertrand MARTINOT
Editions Nouveau Monde, 2015
Economiste et haut fonctionnaire, Bertrand Martinot a été conseiller à la
présidence de la République en 2007-2008. Il est l’auteur de plusieurs essais
économiques, dont Chômage : inverser la courbe (les Belles Lettres, 2013),
récompensé en 2014 par le Prix Turgot du meilleur livre d’économie financière et
par le Prix Edouard Bonnefous de l’Académie des sciences morales et politiques.
Mais il s’affirme aussi comme un brillant historien de l’Economie en publiant ce
nouvel essai qui retrace l’histoire du « Magicien de la dette », John Law, en
soulignant un certain nombre de similitudes entre ce système et l’Economie
contemporaine.
En effet, début 1720, Law est contrôleur général des finances. Plus puissant que le
grand Colbert, il manipule la monnaie, contrôle la banque, la fiscalité et le
commerce extérieur. Pour soutenir les actions de la Compagnie du Mississippi, il
invente un mécanisme de type subprimes. C’est le règne de l’argent fou. Le
système va s’effondrer en quelques mois. L’avertissement que nous lance la faillite
spectaculaire de John Law, c’est qu’une monnaie qui n’est plus étalonnée sur le
métal précieux voit son sort fondamentalement lié à celui de l’endettement public.
C’est pour ne pas l’avoir compris que la zone euro est aujourd’hui en danger. Car,
entre autre la dette publique a acquis en réalité la qualité de monnaie……
Michel Pebereau, qui préface, avec le talent que l’on lui connaît, cet ouvrage,
observe que « ….rien n’est plus stimulant que la réflexion qui fait un détour par le
passé, d’autant que les économistes contemporains sont assez ignorants de
l’Histoire…… ». Une brillante analyse qui est aussi une alerte pour chacun de nos
responsables politiques et s’adresse à un large public, maître et élèves compris.
Jean-Louis Chambon
48
Le SHADOW BANKING Qu’est-ce que la finance parallèle ? Quel est son rôle ?
Comment la réguler ?
MELLIOS C. et PLUCHART J-J. (coor.)
Préface de J.de la Rosière, postface de J-L. Chambon
Eyrolles (collection Turgot), 2015.
L’ouvrage collectif Shadow banking a été conçu et rédigé par des théoriciens et des
praticiens parmi les plus reconnus de la finance moderne, sous la direction des
professeurs C.Mellios et J-J. Pluchart (Université Paris I), dans le cadre d’une
coopération entre le Laboratoire d’Excellence Régulation Financière (Labex Réfi),
qui regroupe des chercheurs de l’Université Paris I, de l’ESCP Europe, du CNAM et
de l’ENA, d’une part, et d’autre part, le Cercle Turgot, think tank qui réunit des
personnalités de la finance et décerne chaque année le prix Turgot du meilleur livre
francophone de finance.
Les encours relevant de la « banque de l’ombre » sont estimés au début de 2015, à
plus de 80 trillions $, soit un montant supérieur au PIB consolidé mondial. Ils
recouvrent des fonds d’investissement alternatifs, dont la disparité rend la
régulation d’autant plus délicate : private equity, fonds de placement, fonds
d’investissement, fonds monétaires non cotés, crédit coopératif, crédit interentreprises... Ils répondent à des besoins spécifiques de financement et de
couverture des risques de l’économie réelle, mais leurs activités, souvent liées à
celles des banques conventionnelles, sont porteuses de risques systémiques.
Sept années après l’éclatement de la crise des subprimes, les auteurs s’efforcent de
répondre aux principales questions soulevées par le phénomène du shadow
banking : quelle est sa dimension réelle? Quelles raisons expliquent son expansion
accélérée ? Quels rôles économiques précis exerce-t-il ? Comment a-t-il favorisé la
propagation des risques systémiques ? Les auteurs observent que les systèmes
financiers réglementés et non réglementés traversent une phase de profonde
mutation. Ils montrent que l'univers du shadow banking est en expansion rapide
sous les effets conjugués de l'innovation financière et de la montée des besoins de
financement au moindre risque de l'économie réelle. Ils conviennent que
l'expansion de ce nouvel écosystème de la finance n'en est qu'à ses débuts et que
sa maturation devrait être longue et difficile. Ils s'accordent à reconnaître que les
problématiques soulevées par la propagation du shadow banking varient en
fonction des structures, des processus et des cultures propres aux systèmes
financiers anglo-saxons - dominés par la finance de marché –, aux systèmes des
pays de la zone euro – principalement financés par du crédit bancaire – et aux
systèmes hybrides (intermédiés et désintermédiés) des BRIC et des pays
émergents. Les auteurs analysent les risques de dérives et les externalités
49
potentielles de ces systèmes, ainsi que les risques systémiques de leurs contagions
à la finance réglementée. Ils constatent que les voies d'extension au shadow
banking, de la régulation bancaire conventionnelle sont étroites et multiples, et
qu'une régulation inappropriée serait préjudiciable à l'ensemble du système
financier. Leurs analyses et leurs propositions appréhendent les dimensions
économique, mais aussi sociale et psychologique de ces effets. La valeur ajoutée de
leurs contributions, par rapport aux nombreux rapports officiels (notamment du
FSB et du FMI) sur le sujet, réside dans l’originalité de leurs hypothèses, dans
l'audace de leurs conclusions et dans la vivacité de leur style.
J-J. Pluchart
DESORDRE DANS LES MONNAIES
François MEUNIER (coordinateur),
Eyrolles (collection Turgot), 2015.
L’ouvrage collectif réunit des experts reconnus (membres du cercle Turgot) de
l’économie monétaire. Les auteurs s’interrogent sur la pertinence du dogme de la
stabilité financière observé par toutes les institutions internationales. Ils
s’étonnent, avec James Galbraith, de cette « obsession économique », si contraire
à la nature instable de tout système social. Le devoir des régulateurs n’est-il pas de
« stabiliser l’instabilité », de « maîtriser sans détruire », de concilier les intérêts
souvent contradictoires des pouvoirs publics et des investisseurs privés ? En leurs
qualités de praticiens et d’universitaires, les auteurs confrontent leurs analyses,
toujours éclairantes et souvent originales, des dernières crises financières –
notamment de la crise des suprimes de 2008 – et des politiques monétaires notamment du quantitative easing – mises en œuvre par les banques centrales afin
d’y remédier. L’ouvrage est organisé en trois parties, consacrées respectivement à
des rappels historiques, à des comparaisons internationales et à des propositions
de nouveaux dispositifs de régulation. Par la diversité et la profondeur des points
de vue exprimés, l’ouvrage éclaire l’actualité monétaire actuelle, marquée par des
fluctuations erratiques des monnaies, des remises en question du quantitative
easing et une refondation du système bancaire classique.
J-J. Pluchart
50
LE CLIMAT VA-T-IL CHANGER LE CAPITALISME ?
La grande mutation du XXIème siècle
Sous la direction de Jacques MISTRAL
Eyrolles, 2015.
Le climat se réchauffe, le moment de l’action est venu. Cette planète n’est pas
condamnée, il faut seulement prendre conscience que l’économie aborde un
nouveau et gigantesque défi.
La réponse des 21 économistes sous la direction de Jacques Mistral, de Jean Tirole,
de Michel Rocard etc….s’articule autour du « prix du carbone » : les émetteurs de
carbone devraient payer pour leurs émissions. C’est du bon sens, mais c’est une
révolution. Mais le capitalisme peut-il réellement changer ? le XXème siècle a déjà
connu une « grande transformation » par laquelle le capitalisme sauvage et le
prolétariat caractéristiques du XIXème siècle ont cédé la place à un capitalisme
mixte et aux classes moyennes. Aujourd’hui, après la crise financière, tout est à
reprendre et la lutte contre le réchauffement climatique ouvre une ère nouvelle : la
transition vers l’économie bas-carbone sera la grande mutation du XXIème siècle.
C’est autant une conviction qu’une nécessité.
Jean-Louis Chambon
MANAGER AVEC SUCCES LES SYSTEMES D’INFORMATION DANS LES PME
Denis MOLHO (coord.)
Ellipses, 2015.
Cet ouvrage, rédigé par un collectif d’auteurs, professionnels de grande expérience,
membres de la Commission Technique Systèmes d’Information présidée par Denis
Molho et Jean de Sigy, au sein de l’association des Directeurs Financiers et de
Contrôle de Gestion, propose des clés pratiques d’évolution des systèmes
d’information d’une PME. Le grand intérêt de cette parution réside à la fois dans le
parti pris des auteurs de proposer une démarche opérationnelle s’appuyant sur
leurs expériences avérées de praticiens mais aussi d’impulser l’action vers cette
exigence de performances et de création de valeurs qui reste le défi des PME
françaises.
Dirigeants et professionnels trouveront dans les quatre chapitres (dimensionner,
réussir, un projet SI, conduire un projet humain, assurer la pérennité) de ce
remarquable ouvrage, des outils ayant fait leurs preuves, étayés d’exemples
51
concrets, et permettant de choisir « le bon projet » à bien des égards, vital pour
l’avenir de leur Entreprise.
Parmi toutes les voies explorées par la multitude de rapports de toute origine
susceptibles de remettre la France sur la voie de la compétitivité et de la
croissance, émerge, en grande constance, le développement de nos PME.
Cet ouvrage s’avère manifestement comme une contribution essentielle à cet
objectif et mérite une attention toute particulière.
Jean-Louis Chambon
MANAGER AVEC SUCCES LES SYSTEMES D’INFORMATION DANS LES PME
Denis MOLHO (coord.)
Edition Ellipses, 168 pages, 2015.
Cet ouvrage collectif, rédigé en partenariat entre le Cercle Turgot et le Comité
scientifique de la DFCG (Association des Directeurs Financiers et de Contrôle de
Gestion), répond aux attentes des PME confrontées à l’adaptation de leurs
systèmes d’information et d’aide à la décision (SIAD), aux changements de leurs
environnements. L’ouvrage montre clairement qu’un SIAD constitue un instrument
stratégique de gouvernance et de pilotage de l’entreprise. Il analyse le processus –
qui doit être à la fois intégré et collaboratif - d’analyse des besoins, de modélisation
des fonctionnalités, de projection des coûts, de mise en œuvre rapide et fiable du
projet. Il souligne l’importance de la dimension humaine dans l’accompagnement
du projet et propose des solutions pragmatiques à ses dysfonctionnements et à ses
crises. Il conseille la réalisation, au cours de la phase de démarrage, de supports
d’aide aux utilisateurs du SIAD et la documentation précise de son architecture
technique. Il compare les avantages et les inconvénients des différentes possibilités
d’externalisation de certaines fonctionnalités du système. L’ouvrage restitue les
grandes expériences de ses auteurs. Il est solidement construit, illustré d’exemples
et de schémas éclairants, rédigé dans un style accessible aux non-informaticiens.
La lecture du livre sera particulièrement utile aux entrepreneurs, aux responsables
et développeurs des SIAD, aux contrôleurs de gestion, aux comptables et aux
managers opérationnels.
Jean-Jacques Pluchart
52
ARRETEZ DE NOUS COMPLIQUER L'EXISTENCE
Max MOREAU
L'Harmattan, 2015
L'ouvrage – préfacé par le Professeur Jean-Paul Betbeze – se présente sous la
forme d'un bloc-notes rédigé au fil de l'inspiration de l'auteur. Ce « consultant
béarnais » cultive un style volontairement débridé et allusif, qui contribue à
représenter la France en véritable champ de ruines et à rendre d'autant plus
urgente sa reconstruction. Mais l'originalité du livre ne réside pas dans sa
thématique, qui s'inscrit dans le fertile courant de « la France qui tombe » et du
« french bashing » , mai plutôt dans l'exploration des nombreuses mesures qu'il
conviendrait de mettre en œuvre afin de libérer les énergies créatrices du carcan
légal, administratif et fiscal, qui lentement les étouffe. Il formule ainsi pas moins de
115 propositions – souvent radicales et parfois originales - destinées à relancer
l'économie et à libérer la société française, dans les domaines de la défense, de la
santé, de l'éducation, de la recherche, des comportements des citoyens et du
budget. L'auteur s'efforce désespérement de construire une vision prospective de
la France, mais il est conscient de l'ampleur des réformes structurelles et des
mutations culturelles à opérer afin de la repositionner dans le peloton de tête des
économies compétitives et des sociétés entreprenantes
J-J. Pluchart
LE NUMERIQUE
Godefroy Dang Nguyen , Sylvain Dejean
Economica ? 2015
Voilà un ouvrage qui fera date et qui présente l’avantage de fournir une vision d’ensemble
profonde et étayée par des exemples concrets sur un sujet qui est un peu une « bouteille
à l’encre « dont on ne perçoit pas tous les contours qui présentent de multiples aspects :
économiques, technologiques, sociaux, sociétaux. En fait, ce qui est en jeu, c’est
l’exploitation efficace de la connaissance pour alimenter l’innovation, levier essentiel de la
croissance dans les sociétés d’aujourd’hui. Pour autant, le numérique ne se réduit pas à
une seule dimension technologique. Il recouvre des aspects d’organisation, de gestion des
hommes dans leurs compétences et dans leurs relations. La prise en compte de ces aspects
est une condition indispensable à l’utilisation efficace des technologies pour innover. Un
autre aspect stimulant de l’ouvrage a trait aux réflexions économiques sur l’impact parfois
négatif sur l’emploi, en raison de la concentration de richesses créées sur un petit nombre
53
et en en raison du niveau élevé de frais fixes poussant à la constitution de monopoles ou
d’oligopoles. Un autre aspect très intéressant de l’ouvrage a trait aux réseaux sociaux
comme leviers de développement de la richesse et à la manière concrète de les exploiter
de manière sélective. En conclusion, il s’agit d’un must pour qui veut clarifier ses idées sur
le numérique.
Denis Molho
LA PENTE DESPOTIQUE DE L’ECONOMIE MONDIALE
Hubert RODARIE
Forum Salvator, 2015.
Primé par le Prix Turgot en 20111, pour ses qualités d’auteur, Hubert Rodarie est
aussi un économiste et un chef d’Entreprise unanimement reconnu par ses pairs.
Son nouvel essai porte, de surcroît, l’empreinte de sa formation de scientifique et
de chercheur, et constitue une critique fondamentale de l’organisation moderne
des acteurs économiques à partir notamment d’une explication originale et
détaillée des mécanismes de la dette et du monde financier. Un « système » qui
conduit l’Economie mondiale vers une pente despotique.
L’auteur s’attache en effet à démontrer qu’après la chute du mur de Berlin, les
« bons principes » (le Marché pour l’allocation de capital, le Common law pour les
accords internationaux et la démocratie-droit de l’homme pour l’adhésion des
citoyens) n’ont pas trouvé le sursaut de développement souhaitable que pouvait
laisser espérer cette liberté retrouvée. La crise de 2008 a démontré jusqu’à
l’absurde que les travaux de maîtrise des risques sont « … comme la ligne Maginot,
superbes, perfectionnés, mais contournables à chaque nouvelle crise….. ».
Pour l’auteur le monde financier et économique s’est perdu dans la mise en place
d’une régulation à vocation universelle, fondée abusivement sur une logique
« scientifique » et une mathématisation extrême des modèles. Le cœur de ces
concepts visant principalement à la prévention de l’erreur humaine et proposant
une gouvernance universelle, évitant à la fois la critique des systèmes en place et la
nécessité d’une prise de décision courageuse du Politique.
Le pire est que cette évolution s’appuyant sur des organisations rationnalisées et
autorégulées privilégiant l’idée d’automatisme à celle de la raison des
comportements humains, a contaminé tout autant la régulation européenne que la
gestion des Entreprises et l’administration des services publics.
54
« ….Les concepts actuels de la règlementation véhiculent une vision réductionniste
du futur en ce sens qu’ils promeuvent une conception étroite de l’aléa supposant
que tout élément est maîtrisable…». Progressivement ont été créés de façon
artificielle et inappropriée au sein de l’Economie « ……des caractéristiques procycliques et des rigidités…… ». Ce gouvernement, « par le nombre », de plus en plus
absolu et détaillé, pointé dès 1930 par Schumpeter, et conforme au système
communiste décrit par Zinoviev, exerce bien une forme de despotisme…….qui
paralyse l’innovation et les énergies. De même, la création permanente de dettes
publiques (qui ont acquis en réalité la qualité de véritable Monnaie) étouffe
l’activité économique, entretenant déflation et chômage et en même temps
nourrissant le pessimisme et le ressenti d’impuissance des acteurs. S’appuyant sur
la cybernétique (la science des systèmes), Hubert Rodarie propose des éléments de
réponse pour réinventer « …..un corps doctrinal conservé intact depuis cinquante
ans… ».
Renouveler les idées, construire des fondations répondant à la fois aux exigences
« …d’une résistance statique et dynamique (résistance aux chocs)…. » des
systèmes, en établissant des ponts de « performativité ». « …….L’approche actuelle
de la maîtrise des risques permet certes d’envisager la quasi suppression des crises
mineures aux conséquences limitées mais conserve une forte probabilité de subir
une rupture brutale du système…… ». Une alerte sur les conséquences de la
rigidification du système économique qui s’adresse en priorité aux politiques,
étrangement cachés derrière une logique d’une utilisation potentiellement infinie
de la dette publique mondiale.
Une analyse décapante qui brille par son originalité et qui peut éveiller à la fois la
réflexion d’un large public averti, comme les étudiants et les experts.
Jean-Louis Chambon.
1 Pour son ouvrage « Dettes et monnaie de singe » chez Salvator
STRATEGIE ET GOUVERNANCE des INSTITUTIONS FINANCIERES MUTUALISTES
Michel ROUX
Préface Jean-Louis Bancel – Avant-propos Olivier Pastré
RB Edition, 2015
Doyen honoraire de Paris XIII, Michel ROUX s’est affirmé à travers ses parutions
très remarquées comme l’un des meilleurs experts de l’éthique en finance avec
une focalisation particulière sur la banque de détail, le management et
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précisément le mouvement mutualiste et coopératif. Dans ce nouvel essai, l’auteur
confirme en tous points son parti pris d’une analyse sans concession des défis
technologiques, réglementaires et financiers qui pèsent sur la sphère financière :
les Fin-tech menacent les professions financières tandis que la pression de
l’environnement (lois Hamon, Touraine, etc..) comme le digital et internet les
projettent dans une forme de « nouveau monde incertain ». En outre l’auteur, les
banques coopératives et les sociétés d’assurances mutuelles sont doublement
concernées par cette nouvelle donne : au plan de leur gouvernance, de leur
stratégie et de leurs relations clients, mais aussi au plan de leurs valeurs : comment
en effet éviter une forme de banalisation des valeurs mutualistes et « …dans un
cadre budgétaire contraint, d’être vassaliser par le marché ?...... ».
Face à ce « grand basculement » l’auteur apporte des éléments de réponse pour
« …préserver et développer le mutualisme, vecteur d’une éducation démocratique
et d’une pratique citoyenne…. » et faire par l’innovation, « correctement pilotée »,
un formidable levier pour réinventer la finance et le modèle de protection social de
demain. Une chance pour les institutions financières mutualistes ?
Jean-Louis Chambon
LA VRAIE REVOLUTION DU MICROCREDIT
Jean-Michel SERVET
Odile Jacob, mars 2015. 25,90€
Serait-ce l’effondrement d’un mythe et peut-être même de sa « créature » ? Est-il
vrai que Sufia Begum, première icône du microcrédit, symbole de l’empowerment
des femmes et immortalisée par le Prix Nobel de la Paix Muhammad Yunus soit
morte endettée et réduite à l’état de mendiante ? L’enfer serait – au dire de ceux
qui s’en sont approché - pavé de bonnes intentions. On peut affirmer que JeanMichel Servet, spécialiste de la microfinance et déjà auteur de Banquiers aux pieds
nus nous livre une réalité qui met à mal ce qui pouvait apparaître comme une
révolution. L’engouement suscité par une résolution de l’Assemblée générale de
l’ONU qui déclarait 2005 « Année du microcrédit » a vite laissé la place à un social
business, sorte de microcrédit « seconde génération », soutenu par de grandes
firmes soucieuses de revêtir une image « éthique, responsable, solidaire » vis-à-vis
de leurs apporteurs de fonds. Si les faits finissent par parler, faut-il en conclure que
l’assertion d’Alphonse Allais à l’égard des damnés de la terre est toujours aussi
intelligible : « Il faut prendre l’argent là où il se trouve, c’est-à-dire chez les pauvres.
Bon d’accord, ils n’ont pas beaucoup d’argent, mais il y a beaucoup de pauvres. »
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Alain Brunet
AU DELA DU MUR DE L’ARGENT
Edouard TETREAU
Stock, 2015.
La finance et les nouvelles technologies dominent l’économie mondiale, elles
génèrent une création de richesses et d’innovation sans précèdent dans l’histoire
de l’humanité. Elles ambitionnent de modifier l’identité humaine que l’on cherche
à »augmenter» en effaçant ses limites. L’auteur veut nous alerter sur les
processus de déshumanisation rapide à l’œuvre dans nos économies et sociétés
mondiales. Les êtres humains ou les pays qui se révèlent incapables de s’adapter
seront broyés.
Les marchés électroniques financiers mondiaux -lieux de rencontre des offres et
demandes de capitaux et de travail- sont à la veille d’un accident majeur à cause
des déséquilibres financiers et de l’extrême vulnérabilité technologiques de nos
sociétés ; cet accident sera mondial et instantané et il aura des conséquences plus
lourdes que celles de 1929.
La deuxième ambition de cet essai est d’appeler les grandes religions à réinvestir
ensemble ce débat, à se faire entendre le plus vite et le plus clairement possible
des décideurs politiques économiques et financiers de l’économie mondiale. Le
temps presse car cet accident au rythme où se déploient les déséquilibres actuels
est imminent et d’autre part parce que l’église catholique s’est dotée d’un chef
dont l’audience mondiale va bien au-delà du monde catholique. Un quart de siècle
après la chute du communisme dont Jean paul II en fut l’un des principaux artisans
quel mur le pape François va-t-il contribuer à faire tomber ? Son parcours et ses
prises de risques lui confèrent une autorité mondiale. C’est le seul leader mondial.
L’excès de liquidités dans l’économie mondiale masque difficilement une panne de
projets et d’envie d’aller de l’avant de la part de nombreux acteurs privés.
La digitalisation de nos vies et sociétés ne fait que s’accélérer. Les voix les plus
autorisées ont beau s’exprimer sans ambiguïté sur la vulnérabilité des êtres
humains face aux progrès de l’automatisation de nos sociétés et l’intelligence
artificielle, rien n’y fait. C’est très certainement la menace existentielle la plus
forte.
Michel Gabet
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CONTRE LE DROIT AU TRAVAIL
Préface de Pierre Bessard
Alexis de TOCQUEVILLE
Petite Bibliothèque classique de la liberté, Les Belles Lettres, 87 pages,
Redonner vie à l’œuvre d’auteurs ayant jusqu’à la seconde moitié du XXème siècle
« … .apportée une notable contribution à l’histoire de la pensée libérale, entendue
dans son acception la plus ouverte….. », est en soi une noble cause. Mais le grand
mérite de l’équipe des Belles Lettres de cette « petite bibliothèque classique »,
animée par Alain Laurent, consiste à proposer des textes de format réduit en
extrayant des ouvrages volumineux originaux, les parties devenues obsolètes.
Ce petit opus en est l’illustration, en reprenant le discours d’Alexis de Tocqueville
« contre le droit du travail », prononcé à l’assemblée constituante le 12 Septembre
1848. La concomitance de cette parution, avec les turbulences qui agitent
aujourd’hui les relations sociales en France (dialogue social et code du travail entre
autre) pourrait être un simple clin d’œil malicieux….. accompagnant la nomination
de la nouvelle ministre du travail, prochainement confrontée à des travaux
herculéens. Mais c’est en réalité une contribution « initiale et majeure » à un débat
de fond : l’Etat doit-il être le grand et unique organisateur du travail, le maître et
possesseur de chaque homme, le propriétaire unique de chaque chose ? et peut-il
faire prospérer « un droit au travail », ce à quoi s’oppose Tocqueville en ajoutant
les motifs de son combat contre le socialisme qui « se livre à une attaque directe
contre la propriété et la liberté individuelles ».
Le « droit au travail » fait-il donc partie de ces revendications récurrentes mais
irréalistes de la vie sociale et publique qui ne font que prospérer sous l’emprise
socialiste….. mais pas seulement. En fait la critique de Tocqueville souligne
l’incapacité de l’Etat à créer de l’emploi productif en détournant simplement du
secteur privé efficient au moins autant de ressources pour le financer ; les emplois
créés par l’Etat ne génèrent pas de richesse car ils gaspillent inutilement des
réserves qui, selon la théorie économique, auraient été créées plus librement et
avec plus de valeur par ailleurs.
Comme le rappelle Pierre Bessard, dans sa lumineuse introduction, l’illusion d’un
faux « droit », accessible à tous et pour tous, reste une des profondes convictions
socialistes qui s’accompagne en réalité dans le monde réel d’une nouvelle forme de
servitude humaine. L’écrasante et confiscatoire fiscalité à la Française, qui
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dépouille via la redistribution les plus dynamiques de ses acteurs, n’en est hélas
que l’une de ces illustrations.
Jean-Louis Chambon
LA REVOLUTION NUMERIQUE : SITUATIONS, MENACES, PROMESSES REINVENTONS L'AVENIR
Jean-Michel Treille
Ed Ovadia, 2015.
L’auteur revisite la notion de révolution – dite « numérique » - qui modifie en
profondeur l’organisation et les valeurs des sociétés post-modernes. Elle a été
rendue possible par le développement accéléré de l'informatique et de l’internet,
qui ont permis la mise en réseau planétaire des individus, l’intensification des
échanges et la circulation des idées. Le concept de « révolution » évoque les
espoirs que fait naître cette mutation, et notamment, celui d'une réappropriation
de l'espace public par les citoyens. Le qualificatif « numérique » recouvre
l'introduction progressive de la technologie numérique dans tous les domaines, les
espaces et les temps de la vie. La « révolution numérique » est comparable à la
révolution industrielle, survenue au XIXe siècle.
L’auteur montre que la révolution numérique contribue à redonner à tous les
groupes d’acteurs de la société, les pouvoirs (« l’information, c’est le pouvoir »), les
responsabilités et les «souverainetés», dont ils ont été dépossédés par la
mondialisation. La révolution numérique implique toutefois une organisation
sociale respectant le principe de subsidiarité, qui favorise les initiatives et
l’affirmation des droits et des devoirs individuels, dans le respect des valeurs et du
bien commun. Dans le cadre d’une « organisation subsidiaire », l’information est
distribuée dans le cadre de plans d’action, en fonction d’objectifs communautaires.
Jean-Jacques Pluchart
LA REVOLUTION NUMERIQUE : situations, menaces, promesses - Réinventons
l'avenir
Jean-Michel TREILLE
Editions Ovadia, 2015
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Il est des révolutions qui pour être « silencieuses » n’en sont pas moins disruptives
L’Agriculture par exemple, en son temps, a permis certes de nourrir contre toute
attente la démographie galopante de la planète (mais on en oublie souvent le prix
payé : dix fois moins d’Exploitants…..). Celle du Numérique s’inscrira-t-elle dans ce
continuum schumpéterien ? pour quel avenir de l’humanité, libertés individuelles,
emploi, croissance, solidarité et partage ?
Chacun, qu’il soit fan ou contempteur, ressent plus ou moins confusément que
cette « nouvelle civilisation » qui est en train de se construire, s’accompagne tout
autant de risques que d’espérances ? Aussi ce nouvel essai de Jean-Michel Treille
arrive à point nommé pour apporter éclairages et éléments de réponse à ces
questions quasi existentielles.
Au terme d’une analyse rigoureuse, surprenante tant par ses fulgurances que son
pragmatisme, l’auteur, dont les qualités de plume ont été primées par le Prix
Turgot 2013, inscrit sa réflexion dans une vision de long terme auquel l’a préparé
son riche parcours professionnel d’entrepreneur et d’enseignant (CESA et ISA). Il
avait compris dès son passage au Commissariat général du Plan et au cours de ses
expertises pour la banque mondiale, les enjeux liés à la modernisation par le
numérique (dont il est devenu un des acteurs, à travers son entreprise Gapset).
Comment répondre aux aspirations (souvent contradictoires) des utilisateurs et à
« l’homme économique » qui côtoie en permanence « l’homme inutile » pour de
nouveaux espaces de croissance et de progrès ?
Mais l’essor de la connectique et du big data s’accompagne aussi d’une face
sombre… Les risques du « ….harcèlement numérique, d’asservissement, de
menaces sur la vie privée, de surveillance de masse…… », et, hélas comme le
rappelle cruellement notre actualité de « cyber-guerre », sont pointés par une
analyse très documentée : certes le numérique peut permettre d’envisager « …de
nouveaux chemins…. », pour répondre aux tendances mortifères de l’économie
mondiale (panne de croissance, chômage, surendettement, repli sur soi). Encore
faudrait-il que la « personne numérique » y trouve son comptant et puisse
s’approprier, via l’éducation et la formation, le savoir et l’intelligence que requiert
cette technologie au plan financier, social et citoyen.
Parmi les éléments de réponse que propose l’auteur, se placent quelques priorités :
la reconstruction d’une souveraineté juridique et fiscale face au monopole des
géants internationaux, l’affirmation forte des droits (à l’oubli, à la mort) de la
« personne numérique », expression immatérielle de la personne physique. Elle est
à protéger par les mêmes droits.
La civilisation du numérique qui se dessine ouvre de nouveaux droits et de belles
espérances (même si la question du trans-humanisme reste posée). Elle doit
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s’accompagner de nouveaux devoirs pour l’Etat et chaque citoyen, pour redonner à
la Société, des pouvoirs, des responsabilités, des souverainetés dont ils ont été
largement dépossédés par la mondialisation globalisante. Le grand mérite de JeanMichel Treille est de montrer, par ses éclairages des ombres et lumières de la
révolution numérique, que les clés de notre avenir sont encore entre nos mains.
Réinventer l’avenir, tel est le défi ; mais le temps presse car comme le disait Mac
Arthur « …je ne connais que deux mots qui qualifient les batailles perdues : trop
tard….. ». Un ouvrage précieux pour tout public, étudiants, enseignants, experts et
(honnête homme).
Jean-Louis Chambon
RECREER LE SYSTEME MONETAIRE INTERNATIONAL
Débat public – Collection de l’Académie des Sciences Morales et Politiques
Jean Claude TRICHET, Michel Pébereau, Jacques de Larosière, Jean Baechler
Ed. Hermann, 2015
Compilation des interventions d’éminents spécialistes financiers dans le cadre d’un
débat public à l’Académie des Sciences Morales et Politiques, cet excellent ouvrage
est un très bon rappel didactique des principaux évènements qui ont accompagné
le développement de l’internationalisation des échanges de biens et de capitaux
depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et des causes multiples à l’origine de la
grave crise de 2007 ainsi qu’une intéressante analyse des enjeux en cours et des
solutions possibles.
Ainsi le thème central « recréer le système monétaire international » (dans son
sens large de système économique et financier mondial comme le souligne M.
Trichet) est l’occasion pour rappeler qu’un système d’échanges régulés (mais aussi
de politiques macro-économiques convergentes..) est une condition fondamentale
pour le bien être de l’humanité, sa stabilité étant même définie comme un « bien
collectif supérieur ».
Or le constat est univoque : inutile de rêver à une grande « architecture financière
internationale » par un FMI plus élargi et par des instances de régulation qui
engloberaient tous les acteurs systémiques mondiaux (et notamment la Chine) car
les conditions politiques n’y sont pas. Les USA, pays où les politiques laxistes et la
finance bancaire excessivement dérégulée ont été parmi les majeurs responsables
de la crise internationale actuelle, sont clairement cités comme les plus investis
pour que rien ne change. Alors que l’Union Européenne et la zone Euro insistent
pour réguler leur secteur financier en vue de le sécuriser au maximum mais au
point de mettre en danger sa compétitivité, comme le souligne M. Pébereau.
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Quid de l’avenir ? Quelques pas en avant ont été accomplis par une plus grande
coopération des banques centrales dans le cadre du G20 (pour la surveillance
bancaire, la prévention des risques financiers systémiques, la définition de la
stabilité des prix à 2% sur le moyen terme) ; c’est une étape fondamentale pour
éviter une mortifère guerre des monnaies. Mais il faut rester réalistes : aller plus
loin signifierait la création d’une monnaie commune mondiale or c’est un objectif
politiquement irréalisable. Par contre M. Trichet fournit des pistes intéressantes
pour développer l’usage officiel et privé des DST (en intégrant le renminbi).
Toutefois il souligne que l’ambition doit être plus grande puisque il s’agit pour le
futur d’amener tous les états souverains à influence systémique à accepter un
« confinement » de leur liberté de gestion, notamment à accepter une
« convergence conceptuelle » et une surveillance externe contraignante (par le
FMI, le Conseil de Stabilité Financière, le G20 ? ce point n’est pas éclairci) sur les
points suivants : les déficits ou excédants des balances de paiements courants, la
coordination des politiques macroéconomiques par la cohérence de la
gouvernance économique et budgétaire, la standardisation de règles de prudence
financière pour la gestion bancaire. Beaucoup de chemin reste donc à accomplir.
Anna Serio
ON VA DANS LE MUR…
Agnès VERDIER-MOLINIE
Albin Michel, 2015.
La prédiction de l'auteure (directrice de l'iFRAP) est d'autant plus accablante qu'elle
est réaliste et globale. Elle dresse en effet un bilan sans concession de la
gouvernance administrative, économique et fiscale de la France. Elle dénonce trois
types de dysfonctionnements: l'empilement (360 impôts et taxes, 5,3 millions
d'agents publics, 36 769 communes, 700 milliards € de charges sociales…), les
dérives (618 000 élus, 100 000 mandats paritaires, 300 corps d’État, 5 millions de
chômeurs, 2 millions de jours de grève par an…) et la complexité des systèmes (400
000 normes, 10 500 lois, 3500 pages de code du travail, 37 régimes de retraite…).
La France fait bien figure d'exception, mais non pour son modèle social ou culturel,
mais pour sa pléthore administrative, son «mille feuilles territorial», sa frénésie
fiscale, sa myopie syndicale… Ce réquisitoire interpelle le lecteur qui s'interroge sur
les causes du phénomène: est-il plutôt dû à une absence de volonté politique, à
une pratique généralisée du clientélisme, à une culture déviante du service public,
à une survivance du féodalisme...? L'auteure se garde de répondre à une telle
question et d'en attribuer la responsabilité à un parti politique. Elle propose
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(curieusement en annexe de l'ouvrage !) un vaste programme destiné à
repositionner la France (dès 2022 ?) dans le peloton de tête des économies
performantes. L'ouvrage devrait bénéficier du lectorat des 618 000 élus français et
de leurs millions d'électeurs.
J-J. Pluchart
LES MUTATIONS DE l’INDUSTRIE FINANCIERE
Revue d’Economie Financière n° 118 , juin 2015
L’industrie financière sera d’ici peu « méconnaissable » , souligne d’emblée les
coordinateurs de ce nouveau numéro de la Revue d’Economie Financière, JeanPaul Betbeze Carlos Pardo et la vingtaine d’auteurs qui collaborent à cette
parution, banquiers, économistes..., apportent leur éclairage de ces profonds
changements : ralentissement de la croissance durable, présence renforcée des
régulateurs limitant les possibilités de transformation des banques, leur prise de
risques et la résolution de leurs difficultés. Cette vague de répression financière
touche tout autant les sociétés d’assurances que les sociétés de gestion dont une
partie des activités est mise en accusation de « shadow banking » …
Enfin la technologie est devenue omniprésente dans tous les secteurs de la
finance : la capacité à récupérer et à traiter mieux et moins cher l’information, est
devenue décisive….
En perspective, apparaît un nouveau paradigme consistant à renforcer les canaux
de financement direct des agents économiques, privés et publics: une situation
paradoxale faisant cohabiter une forte demande de capitaux pour financer une
croissance poussive et un niveau de patrimoine des ménages qui atteint des
sommets… Le tout entraînant une farouche concurrence des acteurs de la finance,
anciens et nouveaux entrants.
En quatre chapitres les auteurs traitent des contraintes et des nouveaux acteurs de
l’industrie financière, de ses nouveaux paramètres et du rôle renouvelé de la
gestion d’actifs et des nouveaux risques de l’Assurance.
Une contribution majeure pour éclairer les révolutions en cours et à venir de
l’industrie financière.
Jean-Louis Chambon
63
CHANGEMENT CLIMATIQUE ET FINANCE DURABLE
Revue d’Economie Financière n° 117, 2015
Les oracles médiatiques ont déjà fait de 2015, l’année du « grand rendez-vous
historique de l’avenir de notre planète ». C’est ainsi que la conférence mondiale
dite « climat » (cop 21) se tiendra à Paris, en fin d’année, précédée de peu de celle
d’Addis Abeba, centrée sur le développement durable. Certes la lutte contre le
réchauffement climatique, les risques multiples qui y sont liés, ont déjà fait l’objet
de diagnostics nombreux et convergents, émanant tant des économistes que du
monde politique. Mais l’interrogation sur la capacité de la communauté
internationale, de passer des discours alarmistes ou volontaristes à l’action
collective, reste prégnante. Dans ce sens le grand mérite de cette nouvelle parution
de la Revue d’Economie Financière, qui est aussi un hommage à Edmond
Malinvaud qui vient de disparaître, consiste à élargir le champ de la réflexion en
présentant le secteur de la finance, contrairement à une « intuition première »,
comme grande partie prenante des responsabilités dans ce combat. Ainsi Jean
Boissinot (DGT) et Patrice Geoffron (Professeur à Paris Dauphine) conduisent avec
une dizaine d’experts, une réflexion qui porte sur l’évaluation des risques financiers
en la matière et sur les questions qui accompagnent le choix des activités à
financer. Les liens entre le changement climatique et la finance durable qui font
l’objet d’un éclairage lumineux de Pierre René Lemas de même que les risques
climatiques et les besoins de financement amènent des développements
approfondis ainsi que les outils et mécanismes financiers, susceptibles d’apporter
des réponses. Des thèmes qui rejoignent des préoccupations plus anciennes liées à
la crise financière de 2008 avec le sujet incontournable que développe Jean
Boissinot sur la capacité de la finance à se mettre au service de la Société. Le
concept d’une finance durable, respectueuse de l’environnement, et oeuvrant au
développement économique et social, est-il susceptible d’émerger de ces rendezvous de 2015, sous la pression de la Société et d’une prise de conscience salutaire
des acteurs du secteur ? On ne peut que le souhaiter.
Cette remarquable parution apporte indiscutablement une contribution essentielle
à cette réflexion pour notre avenir et celui de nos enfants.
Jean-Louis Chambon
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MANAGEMENT ET FINANCEMENT DE L’INNOVATION
Bernard YON et Bernard ATTALI
RB Edition - Eyrolles, 2015, Préface de Philippe Raimbourg
L’ouvrage, rédigé par un ingénieur et un financier, se présente comme un outil de
pilotage et d’aide à la décision portant sur l’innovation de rupture. Un projet
innovant doit conjuguer une idée créatrice, un management performant, un
investissement financier et un sens de la mise en marché. Il développe une
réflexion sur la part de l’innovation dans la croissance économique, sur la gestion
du risque dans le management de projet, sur la construction d’un business plan et
sur les méthodes de valorisation des entreprises innovantes. Le livre est préfacé
par le professeur Raimbourg, directeur du master Ingénierie financière de
l’Université Paris I.
J-J. Pluchart
INFLUENTIA La référence des stratégies d'influence
Romain ZERBIB et Ludovic FRANÇOIS (coor.)
Lavauzelle, 2015.
L'ouvrage – préfacé par le professeur Fitoussi - réunit de prestigieuses signatures,
comme celles de Noam Chomsky, Joseph Nye et Edward Freeman. Il montre que le
pouvoir d'influence, qui constitue un des principaux leviers de la gouvernance des
institutions modernes, repose sur la réputation de quelques leaders, mais aussi, sur
leur maîtrise de certaines techniques de communication. L'influence constitue le
moyen d'action privilégié de nombreux métiers : homme politique, syndicaliste,
journaliste, consultant, militant d'ONG… La liberté d'expression en usage dans la
société occidentale, devrait logiquement conduire à un pluralisme d'opinions sur
les problématiques contemporaines. Elle engendre au contraire une forme de
dictature du « politiquement correct » et de la « pensée unique ». Les leaders
émettent des « signaux de légitimité » et manipulent les « réflexes d'adhésion »
des citoyens et des consommateurs à des normes, des valeurs et des croyances à la
fois simples et pratiques. Les auteurs analysent – sans parti pris moral - par quels
types de discours plus ou moins réducteurs, par quels renforts d'expertises plus ou
moins scientifiques et par quelles actions médiatiques plus ou moins objectives, les
acteurs sociaux les plus influents favorisent la construction d'une société
d'information formatée.
J-J. Pluchart
65
Ouvrages lus mais non chroniqués
AUTEURS
TITRE
ATTALI & YON
BAGLIN
BANCEL & al
Management et financement de l’innovation Eyrolles
Maitriser les ERP
Economica
Le grand repli
Découverte
JJP
DM
AB
BAUWENS
Sauver le monde
Liens Libèrent
CC
BELOT
BRUNET
BOUZOU
CALON
CARROUE
COCOMMO
COLASSE
DEMBINSKI
DEFAVALD
DUVAL
La déconnexion des élites
Le risque de crédit
La lucidité habite à l’étranger
Vive les vieux
la planète financière
Histoire des faits économiques
Dictionnaire de comptabilité
Ethique et responsabilité en finance
La révolution de l’économie
Les Arenes
Economica
Lattes
L'opportun
A Colin
HA
DM
GD
AS
FG
Ellipses
JLC
Economica
RB ed.
De l’Atelier
Découverte
JLC
JLC/JJP
JJP
AB
Séisme sur la planète finance
De Boeck
Découverte
Faut- il donner un prix à la nature ?
Petits matins
LF
AB
AB
La fin des banques
Economie de la mondialisation
Le massacre fiscal
Eyrolles
A.Colin
Du Moment
Changeons la banque
La bataille des deux monnaies
Euro les années critiques
Chine, Inde, les firmes au cœur de
l’émergence
Alstom scandale d’Etat
La crise de l’Etat providence
L’ingénierie fiscale
Cherche midi
Erem
PUF
PUR
DUPUIS
FALCANI
GADREY & LALUCQ
HERLIN
JOUBERT & LORRAINE
LAPORTE
LEGRAND
MANO
MONNET & STERNBERG
MUCHET & al
QUATREPOINT
ROSANVALLON
SPIRE & WEIDENFELD
EDITEUR
La France ne sera plus jamais une grande
puissance
Economie et comptabilité immatérielle
66
Fayard
Essais Point
Découverte
LEC 1
AS
FG
CC
JLC
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