Eva Freud, une vie
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Eva Freud, une vie
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Date de mise en ligne : samedi 26 janvier 2008
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Eva Freud, une vie
Sommaire
EVA FREUD, UNE VIE Berlin 1924, Nice 1934, (...)
in Memoriam Francine BEDDOCK, psychanalyste
EVA FREUD, UNE VIE Berlin 1924, Nice 1934,
Marseille 1944
Pierre SEGOND (article repris et complété en Mars 2004)
in Memoriam Francine BEDDOCK, psychanalyste
« Garance : Je trouvais ma vie tellement vide et je me sentais si seule. Mais je me disais : tu n'as pas le droit d'être
triste, tu as tout de même été heureuse puisque quelqu'un t'a aimée »
Jacques PREVERT
(Les Enfants du Paradis)
« Auschwitz, en être... »
Anne-Lise STERN (1988)
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La destinée d'Eva Freud, petite-fille de Sigmund Freud, morte à Marseille en 1944, à l'àge de vingt ans, est traversée
tout entière par l'histoire collective. J'ai essayé ici de resituer cette trajectoire individuelle à la fois dans son cadre
familial et dans le contexte de son époque, tout en restituant, aussi fidèlement que possible, les divers témoignages
inédits que j'ai pu recueillir auprès de ceux qui l'ont connue. Par sa dimension dramatique, cet itinéraire de vie, ni
privé, ni public, m'est apparu être de l'ordre du politique : c'est parce qu'elle était juive et parce qu'elle était femme
qu'Eva est morte dans ces conditions.
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Eva Freud, une vie
Repères chronologiques
1891
Naissance à Vienne, le 19 Février 1891, d'Oliver FREUD, troisième enfant de S.Freud et Martha Bernay, prénommé
Oliver, en hommage à Oliver Cromwell, héros admiré par Freud. Avec sa soeur Sophie, c'est l'un des plus beaux
enfants de la fratrie. Il est le fils préféré de sa mère : c'est un bel enfant aux yeux et cheveux noirs, au type « italien
», qui suscitait l'admiration pour sa beauté ; intelligent et apprécié par son père, il en était aussi « la fierté » et «
l'espoir secret ». Comme ses frères et soeurs, il fait d'abord ses études primaires à domicile, avec un précepteur. Par
ailleurs, les enfants ne sont pas élevés dans la religion juive : ils partagent l'athéisme de leur père, mêlé à un souci
d'intégration à la société viennoise ; ils seront, en revanche, semble-t-il, assez proches, par la suite, du courant
sioniste qui se développait, et envisageront même - ce fut le cas d'Oliver et de Ernst, vers 1933 - une éventuelle
émigration vers la Palestine, projet qui, finalement, ne se réalisera pas.
1900-1909
Oliver effectue ses études classiques au Humanistic Gymnasium de Vienne où il obtient d'excellents résultats
scolaires : il aime le dessin et les mathématiques et se montre très perfectionniste, mais peu enclin aux activités
physiques. Sa mère « ne recevait que des compliments pour les progrès que faisait Oliver »...il « n'avait pas de
temps à perdre avec les fantaisies, ne s'intéressant qu'à la réalité telle qu'il la voyait...Papa racontait qu'Oliver
consacrait beaucoup de temps à noter très exactement les routes, les distances, les noms des localités et des
montagnes » (Martin Freud, Freud, mon père) C'est à lui que l'on confie la charge d'étudier les itinéraires les plus
compliqués dans les horaires de trains, pour les divers voyages des uns et des autres. Par ailleurs, il est gêné par un
zézaiement et est traité par des séances d' orthophonie. Vers 1909, il passe le Reifprüfung (examen d'entrée à
l'Université) et« ne voulait faire que des mathématiques industrielles »(idem).
1910-1914
Durant cette période, Oliver poursuit ses études, d'abord à Vienne, puis à Berlin, où il obtiendra son diplôme
d'ingénieur en génie civil, en 1915. Dans le même temps il effectue plusieurs voyages d'agrément ou d'étude à
l'étranger,(1910, en Hollande avec son père ; avril 1911, en Angleterre, seul et sur ses deniers ; en décembre 1913,
une quinzaine de jours à Paris ; en avril 1914, en Egypte).
1914-1918
Oliver essaie de s'engager, mais il ne sera pris dans l'armée que fin 1916. En attendant, il travaillera à la réalisation
d'un tunnel sous les Carpates, destiné à relier par chemin de fer Berlin à Constantinople et son père lui rend visite
sur son chantier. Durant cette pèriode, il avait fait la connaissance, à l'occasion du voyage en Égypte organisé par
l'Université, d'une jeune femme, médecin, Ella Haïm, d'une riche famille juive de Vienne. Les deux jeunes gens se
fiancent en septembre 1915, et se marient à Vienne le 19.12.1915, à l'occasion d'un bref séjour à Vienne d'Oliver.
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Son père exprime vite des inquiétudes quant à l'avenir de cette union, craignant que cela n'apporte pas le bonheur
souhaité à son fils, car la jeune femme n'envisage pas de renoncer à l'exercice de la médecine pour rester au foyer ;
de plus l'écart économique entre les deux familles constitue, à ses yeux, un handicap. Aussi est-il assez satisfait
lorsque dés mai 1916, une procédure de divorce est engagée, qui abotira à un divorce juif le 10.09.1916 (cf. diverses
lettres de Freud à Ferenczi et à Eitigon en 1915-1916) En décembre 1916, il est incorporé comme officier dans un
régiment du Génie et participera, en novembre 1917, à la réalisation d'un pont sur le Dniestr : « Mon second fils,
l'ingénieur, est parti hier rejoindre son régiment après achèvement de son tunnel. Direction Cracovie ». (Freud à Lou
Andréas Salomé, 3.12.1916). Le 2 décembre 1918 il est démobilisé et rentre à Vienne pour se mettre en quête d'une
situation.
1919-1923
Comme pour ses frères, Martin et Ernst, le retour à la vie civile se révèle difficile pour Oliver : « Oliver est déprimé
parce qu'un voyage à Graz pour y rencontrer l'homme de confiance du gouvernement hollandais lui a fait
comprendre qu'aucune décision touchant sa candidature n'est à attendre avant deux mois et que ses chances sont
plutôt douteuses. Entre temps, il va probablement aller à Berlin et à Hambourg ».(Freud à Max Eitingon, 2.12.1919.).
Le 7.12.1919, il est présent à Vienne au mariage de son frère Martin avec Ernestine(Esti) Drucker, fille d'un avocat
viennois. Ce mariage, qui sera un échec par la suite, intervenait peu après la libération de Martin d'un camp de
prisonniers de guerre et avait été, dés l'origine, vivement désapprouvé par la Tante Minna BERNAYS, belle-soeur de
Sigmund FREUD (qui avait toujours partagé la vie de la famille) ; selon ROAZEN, elle aurait alors déclaré : « Il est
tombé de lui-même, d'un emprisonnement dans un autre. » (P.ROAZEN, La Saga freudienne).
Le 25 juin 1920, Sophie Halberstadt-Freud, la fille préférée de Freud, meurt à Hambourg, à 27 ans, d'une grippe très
grave (sur ses photos d'adolescence, certains témoins noteront, plus tard, une forte ressemblance physique entre
elle et sa nièce Eva au même âge). Elle était mariée à Max Halberstadt, un petit cousin, photographe à Hambourg
(qui plus tard se remariera et aura une fille : il est décédé en 1940, en Afrique du Sud, à Johannesburg, où il s'était
réfugié au moment de la guerre). Elle laisse deux enfants : Ernst (Ernstl) qui suivra en 1938 son grand-père dans
l'exil et deviendra psychanalyste, et Heinz (Heinerle) qui mourra, le 19.6.1923, à l'âge de 5 ans, d'une tuberculose
miliaire, décès qui marquera profondément S.Freud qui lui était très attaché (il établira, plus tard, un lien de
ressemblance entre Heinerle et Eva).
Durant la même période la famille Freud est éprouvée par un autre deuil aux circonstances dramatiques : Mausi
Graf, nièce de S.Freud (fille de sa soeur Rosa Graf, qui était veuve et avait déjà perdu son fils Hermann, tombé à
vingt ans, en 1917, sur le front italien) se suicide au véronal, en août 1922, en raison d'une grossesse non-désirée.
Il apparaît qu'Oliver connaît alors une période difficile, sur le plan psychique, durant ces années d'immédiat
après-guerre. Il s'installe à Berlin, où il vit avec son frère Ernst, l'architecte, jusqu'au mariage de ce dernier avec
Lucie BRASCH, le 18.5.1920. C'est vers 1921 qu'il entreprend une analyse. Préoccupé par l'état de son fils (névrose
obsessionnelle), Freud recherche pour lui un analyste : « Oliver m'a souvent causé du souci... il aurait besoin d'une
analyse » (Freud à Max Eitingon, 31.10.1920). « Il est particulièrement difficile pour moi d'être objectif dans ce cas,
parce qu'il fut longtemps ma fierté et mon espoir secret, jusqu'à ce que son organisation anale-masochiste
apparaisse nettement... Je souffre beaucoup de mon sentiment d'impuissance »(Freud à Max Eitingon, 13.12.1920).
Plus tard il écrira également à propos d'Oliver : « Quelqu'un de remarquable... dons extraordinaires... étendue et
solidité de ses connaissances... Puis la névrose intervint et la floraison n'a pas eu lieu... Il n'a pas eu de chance dans
la vie... » (Freud à Arnold Zweig, 28.1.1934). Contrairement à ce qu'il fera pour sa fille Anna, il n'était pas envisagé
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par Freud de prendre lui-même son fils en analyse. Finalement, sur les conseils de Hans Lampl, Oliver entreprendra,
à Berlin, une cure analytique avec Franz Alexander (psychiatre hongrois disciple de Freud, réfugié en Allemagne).
Durant ces années vingt, Oliver aurait travaillé également à Düsseldorf et à Breslau.
1923-1933
Le 10 avril 1923, à Berlin, Oliver épouse la fille d'un médecin berlinois, d'origine juive, Henny FUCHS, (née le 11
février 1892, à Berlin) qui s'intéresse à l'art et peint elle-même des tableaux. Anna Freud, sa soeur, assiste au
mariage.
Le 3 Septembre 1924 naît, à Berlin, leur fille unique EVA FREUD.
Il est à noter qu'un mois auparavant, le 6 août 1924, était née à Vienne, au foyer de Martin Freud et d'Esti, Sophie
Freud, leur deuxième enfant (après Anton-Walter, né le 3 Avril 1921)) qui, avec Eva, sera l'autre petite fille de Freud
(Sophie Freud-Loewenstein, assistante sociale et professeur à Boston, vit actuellement aux U.S.A). Prénommée
Sophie, en souvenir de sa tante décédée en 1920, elle voyait ses grands parents régulièrement, habitant la même
ville qu'eux jusqu'à la guerre, et son grand-père ne manquait pas de lui adresser des petites lettres à l'occasion des
vacances, comme à ses autres petits-enfants (témoignage de S.F.). Ses parents s'entendaient de plus en plus mal,
depuis 1922 (ils iront jusqu'à mener une vie complètement séparée au fil des années, la guerre marquant entre eux
une séparation définitive, Sophie restant avec sa mère et Anton-Walter avec son père) et Esti, sa mère, n'était guère
appréciée de S.Freud, car très irascible et étrange : « Comme tu le sais, ou le devines, cela va mal entre Martin et sa
femme, déraisonnable et anormale. Ses deux enfants vont bien. Tout n'est pas pour le mieux dans notre famille au
sens large, mais pourquoi ferions-nous une exception aux règles les mieux établies ? » (Freud à son neveu Sam
Freud, 31.12.1930). « Martin partira probablement avant nous avec sa famille, il laissera sa femme et sa fille à Paris
et ira à Londres avec son fils. Il espère, comme nous tous, que cela mettra, en pratique, un terme à son mariage
malheureux. Sa femme n'est pas simplement cinglée de méchanceté, mais elle est vraiment folle au sens médical du
terme... » (Freud à Ernst Freud, 12.5.1938). En fait, Lucy (Lux), la femme de son fils Ernst, l'architecte, semble être
la seule de ses brus qui ait trouvé réellement grâce à ses yeux.
A l'occasion des fêtes de Noël 1924 , Oliver et sa femme viennent présenter Eva, âgée alors de 4 mois, à ses grands
parents à Vienne :« Seul mon fils Oliver est venu chez nous, à cette époque, [Noël 1924] en compagnie de sa jeune
femme. Je ne voulais pas tarder plus longtemps à faire la connaissance de l'adorable nouvelle petite-fille ».(Freud à
Karl Abraham, 4.1.1925, et non pas 1924 comme l'indique la correspondance de façon erronée, semble-t-il).
Pour Noël 1926, ce seront les grands parents Freud qui se déplaceront pour aller voir leurs enfants et petits enfants
à Berlin (Ernst habite avec sa famille 23, Regenstrasse, au 4Ú étage - Oliver et sa famille habitent à Tempelhof,
faubourg plus populaire de Berlin, proche de l'aéroport). Il semble que ce soit à cette occasion qu'ont été prises les
photos de la petite Eva sur les genoux de son grand-père : peut-être lui aura-t-il raconté, comme il avait coutume de
le faire à ses petits-enfants, « des légendes grecques ou même l'histoire de Hans im Glück, tirée des contes de
Grimm » (D.Berthelsen, La famille Freud au jour le jour, P.U.F.,1991). L'enfant avait alors deux ans et quatre mois :«
Ce qui produit en moi la plus forte impression, quand je me rends à Berlin, c'est la petite Evchen. Elle ressemble en
tous points à Heinele, elle a le visage carré et des yeux de jais, le même tempérament, la même aisance de parole,
la même intelligence, mais heureusement elle semble plus robuste. Sa santé était mauvaise au début et elle n'était
pas gentille. »(Freud à Anna Freud, 27.12.1926). Dans les années qui suivent, Martha, la grand-mère, ira
régulièrement à Berlin, au printemps, pour l'anniversaire de son fils Ernst, et verra ainsi ses petits-enfants. Il en est
de même pour Freud, qui se rend à Berlin pour suivre des traitements à la Maison de Santé de Tegel. C'est ainsi
qu'accompagné d'Anna il ira visiter la maison de vacances de Ernst, sur l'île d'Hiddensee, dans la Baltique, à
proximité de Stralsund, en mai 1930. A d'autres reprises, ce sont sans doute Oliver et (ou) Henny, accompagnés de
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