Introduction
Pendant près de dix ans, le TAMC sest occupé des collec-
tivités mal desservies des USAPI. Les habitants de ces îles
océaniennes ont accès, grâce au programme PIHCP, à des
services denseignement supérieur en médecine. Le Congrès
américain accorde chaque année les fonds nécessaires au
remboursement des frais de déplacement et dune partie
des frais dhospitalisation des patients bénéficiaires.
Toutefois, à cause de lescalade des coûts, ce programme a
dû, au fil des ans, faire lobjet dimportantes compressions
budgétaires. Pendant la même période, le TAMC a mis en
place dans le Bassin du Pacifique plusieurs projets de télé-
médecine visant à procurer en temps utile aux soignants et
à leurs patients des services accessibles et abordables de
consultation, daiguillage et d’édu-
cation dans toutes les USAPI. Un
réseau de consultation et dai-
guillage adossé à lInternet a été
mis en place pour relier le TAMC à
cinq hôpitaux micronésiens. On a
constaté que ce réseau répondait
parfaitement aux besoins des insti-
tutions participantes.
Contexte général
Les îles de lancien Trust Territory of the Pacific Islands,
aujourdhui connues sous le nom de USAPI (United States
Associated Pacific Islands) sont réparties entre six entités
distinctes et couvrent un vaste secteur de lOcéan Pacifique
(figure 1). Trois dentre elles sont des territoires non incor-
porés des États-Unis : Guam; le Commonwealth des Îles
Mariannes-du-Nord (CIMN) et les Samoa-américaines. Les
trois autres sont des États associés autonomes : la
République des îles Marshall (RIM); les États fédérés de
Micronésie (EFM) y compris les États de Chuuk, Kosrae,
Pohnpei et Yap et, à lextrême ouest du Pacifique Nord, la
République de Palau (ROP). Les populations indigènes de ces
îles océaniennes, totalisant environ 500 000 personnes,
comptent sur les services de médecins locaux ou expatriés,
du personnel médical du U.S. Public Health Service, de
sages-femmes et dauxiliaires sanitaires ainsi que de guéris-
seurs traditionnels.
Les renvois à des spécialistes de lextérieur sont devenus
monnaie courante dans les USAPI, une minorité des habi-
tants de ces îles saccaparant à cette fin une vaste propor-
PACIFIC HEALTH DIALOG VOL 7. NO. 2. 2000 LATÉLÉSANTÉDANS LE PACIFIQUE
Le projet PIHCP : premiers résultats d’un réseau de
consultation et d’aiguillage adossé à l’Internet
Donald A. Person*
Résumé
Le projet PIHCP (Pacific Island Health Care Project æ Projet
océanien de soins de santé) a permis à près de 3 000 patients
des îles océaniennes associées aux États-Unis dAmérique
(USAPI) de bénéficier de soins complets auprès du TAMC
(Tripler Army Medical Center). Un réseau adossé à lInternet a
été créé en décembre 1997 afin de réduire les coûts du TAMC,
de faciliter laccès à ses soins et de fournir des services de
consultation et de recours aux médecins du bassin du
Pacifique. Quatre sites du Pacifique
occidental ont été équipés dun
ordinateur personnel, dun appa-
reil-photo et dune caméra vidéo
numérique, dun scanneur à plat et
dune imprimante. Les demandes
de consultation, accompagnées de
limagerie complémentaire, étaient
soumises au TAMC, où elles étaient
entrées dans une base de données et affichées de manière
dynamique sur un serveur Web sécurisé. Les consultants du
TAMC procédaient au triage, commentaient les cas et en défi-
nissaient limportance pédagogique. Les recours inutiles ou
inopportuns étaient déclinés, avec des instructions pour les
soins à dispenser à l’échelon local. Les cas étaient formatés
de manière à accélérer la réponse et à permettre lexamen des
images et linteraction entre le médecin demandeur et son
collègue spécialiste. Plus de 180 consultations ont ainsi été
soumises par voie électronique par les pays océaniens au
TAMC (entre le 7 décembre 1997 et le 30 septembre 1998),
et lexpérience a démontré que lInternet peut devenir un
moyen économique de consultation en différé et de stockage
des données. Ce projet a suscité un énorme enthousiasme de
la part de tous les participants, et, pour la première fois
depuis son lancement, le PIHCP a pu disposer de crédits pour
la totalité de lexercice; des dizaines de milliers de dollars ont
en fait été ainsi économisés.
…le TAMC a mis en place dans le
Bassin du Pacifique plusieurs
projets de télémédecine visant à
procurer en temps utile aux
soignants et à leurs patients des
services accessibles et
abordables de consultation,
d’aiguillage et d’éducation…
*Colonel, Medical Corps, U.S. Army Chef, Department of
Clinical Investigation et Directeur médical du PIHCP, Tripler
Army Medical Center, 1 Jarret White Road, 2D236 TAMC,
Honolulu, Hawaï 96859-5000 tél. : +1 (808) 433 2833
Fax : +1 808 433 2912/1920 Mél. :
donald.person@haw.tamc.amedd.army.mil
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LATÉLÉSANTÉDANS LE PACIFIQUE PACIFIC HEALTH DIALOG VOL 7. NO. 2. 2000
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Figure 1. Carte des îles du Pacifique superposée à une carte des États-Unis
tion des budgets affectés aux soins de santé par les autori-
tés de ces divers États. Selon un rapport récent du Institute
of Medicine portant sur les soins de santé dans le Bassin du
Pacifique, plus du tiers du budget consacré aux soins de
santé par certains États sert à moins de 1 % de la popula-
tion totale de ces États (1). Le PIHCP a financé les soins de
plus de 2 500 patients au cours des neuf dernières années,
mais le coût de ces services a été considérable, atteignant
certaines années près de 8 000 000 $US. Les programmes de
formation offerts par le TAMC ont été dun grand secours au
personnel médical, et leurs répercussions au plan humani-
taire ont été incalculables.
Le tableau 1 indique le nombre et lorigine des patients
admis au PIHCP au milieu des années 90. Les patients dirigés
à partir des EFM étaient les plus nombreux et venaient en
majorité de l’État de Chuuk, qui est à la fois le plus grand, le
plus populeux, et le plus mal desservi de larchipel. Le groupe
des patients de la RIM arrivait au deuxième rang et la plupart
de ces patients venaient de Majuro, la capitale. Venaient
ensuite les patients dirigés des Samoa-américaines par le LBJ
Tropical Medical Center de Pago Pago. La République de
Palau, dans louest du Pacifique, possède certaines des instal-
lations médicales les plus modernes des USAPI; elle achemi-
nait donc moins de patients. Finalement, un petit nombre de
patients ont été acheminés, au fil des ans, de Guam et du
CIMN, deux États insulaires dotés dun programme national
dassurance-santé couvrant les services utilisés à Guam, à
Saipan, aux Philippines ou aux États-Unis.
Le département de chirurgie reçoit chaque année le plus
grand nombre de patients, suivi des départements de méde-
cine, de pédiatrie et dobstétrique/gynécologie. En règle
générale, ladmission des patients est limitée aux services et
aux départements qui participent à lenseignement supérieur
en médecine. Sagissant des diverses sous-spécialités du sec-
teur de la chirurgie, les Océaniens se caractérisent par la fré-
quence élevée dun certain nombre daffections quon ne ren-
contre que rarement dans les programmes de formation des
états continentaux des États-Unis. Par exemple, lotite
moyenne maligne, la mastoïdite chronique et le cholestéato-
me sont des maladies communes au sein des populations
océaniennes et procurent aux étudiants en otorhinolaryngo-
logie loccasion de pratiquer la mastoïdo-tympanectomie et,
dans certains cas, de faire lexpérience du traitement des
abcès du cerveau. Les cancers de la tête et du cou sont très
Tableau 1. Pacific Island Health Care Program
Nombre de patients
EntitéExercice 1994 Exercice 1995 Exercice 1996
EFM 187 141 60
RIM 164 140 48
Samoa-am60 68 23
Palau 41 51 27
Guam/CIMN 10 12 2
TOTAL 462 412 160
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Tableau 2. Pacific Island Health Care Program, 1995
Département Nombre
Chirurgie 201
Médecine 80
Pédiatrie 74
Obstétrique/gynécologie 56
Dentisterie 1
TOTAL 412
communs chez les Océaniens, fournissant ici encore aux étu-
diants de cette sous-spécialité loccasion de parfaire leurs
connaissances. Les problèmes de calculs rénaux sont fré-
quents, et se doublent souvent dune hyperuricémie. Dans la
même veine, les cas dhypospadias sont communs dans cer-
taines régions de la ceinture du Pacifique, ce qui donne loc-
casion aux étudiants en urologie de pratiquer lablation de
gros calculs rénaux et la chirurgie reconstructive, sans parler
des cas de tuberculose et de tumeurs rénales qui constituent
pour les étudiants des occasions uniques de formation.
Sagissant de la médecine générale, de la pédiatrie et de la
chirurgie cardio-thoracique, les cardiopathies rhumatismales
sévissent en grands nombres dans le Pacifique et la chirurgie
de remplacement valvulaire est une opération commune au
TAMC. Dans le domaine de la chirurgie orthopédique, lostéo-
myélite, larthrite septique, la tuberculose ostéo-articulaire,
les tumeurs malignes, les scolioses et les traumatismes comp-
tent pour une bonne part des maladies observées par les
internes en orthopédie. On cherche à obtenir les services de
neurochirurgiens pour le traitement des patients atteints de
tumeurs cérébrales, dabcès du cerveau, dempyème sous-
dural et dhydrocéphalie. Les programmes de formation en
chirurgie générale acceptent les patients souffrant de mal-
adies congénitales, de tumeurs malignes et de traumatismes
qui se prêtent à lintervention chirurgicale.
Les départements de pédiatrie et de médecine interne
accueillent des patients océaniens atteints de diverses mal-
adies infectieuses, quil sagisse de tuberculose, de lèpre, de
pyomyosite tropicale ou de leptospirose, une maladie fré-
quente à Kosrae (EFM) (2). Le diabète sucré est épidémique
dans les pays insulaires océaniens, où on trouve également
toutes les complications qui en découlent. Dans le domaine
de lobstétrique et de la gynécologie, on relève des grossesses
à risques chez de jeunes femmes souffrant de cardiopathies
rhumatismales ou de tuberculose, ainsi que de nombreux cas
daffections malignes gynécologiques qui ne se rencontrent
pas fréquemment aux États-Unis.
Jusqu’à lavènement récent du réseau de consultation et
daiguillage adossé à lInternet, les patients étaient recom-
mandés au PIHCP par lettre, télécopie ou téléphone. La diffi-
culté des consultations téléphoniques est évidente, et com-
pliquée encore davantage dans le Pacifique à cause de la
ligne internationale de changement de date, qui sépare
Hawaï de louest du Pacifique, et de la subdivision de la zone
en cinq fuseaux horaires. De plus, il arrivait souvent que les
communications téléphoniques soient coupées au milieu
dune conversation entre le médecin responsable du renvoi et
le directeur médical cherchant à se renseigner sur l’état du
patient ou à réacheminer lappel au spécialiste approprié du
Figure 2. Formulaire de consultation
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LATÉLÉSANTÉDANS LE PACIFIQUE PACIFIC HEALTH DIALOG VOL 7. NO. 2. 2000
TAMC. Lutilisation du téléco-
pieur facilitait quelque peu les
choses, mais avant que la
demande de réservation offi-
cielle ne soit délivrée, il fallait
obligatoirement fournir le
nom, la date de naissance et
le numéro de passeport du
patient, à défaut de quoi ce
dernier se voyait refuser lem-
barquement. Au cours des
premières années dapplica-
tion du PIHCP, les patients des
USAPI étaient retenus trop
longtemps à lhôpital, le nom-
bre moyen de jours dalite-
ment dépassant 20 par
patient. Au cours des quelques
dernières années, les autorités
responsables ont acheté ou
loué des propriétés sur l’île
dOahu où les patients et les
parents qui les accompagnent
peuvent séjourner pendant le
traitement au TAMC et où les
patients externes peuvent
sinstaller entre les périodes dhospitalisation. En moyenne, le
coût dun voyage aller-retour pour un patient capable de
voyager sans être accompagné varie de 1 500 à 3 000 dollars.
Les responsables du TAMC reconnaissent depuis très long-
temps déjà limportance des télécommunications; le centre
médical a en fait été désigné pour servir de site dessai du
Composite Health Care System (CHCS) en 1989-90. Ce sys-
tème informatisé a évolué rapidement à lintérieur de lins-
titution et entre lhôpital et les dispensaires périphériques.
Il a servi à la gestion des commandes des laboratoires, des
pharmacies et des services de radiologie, et au traitement
des dossiers des patients externes et, éventuellement, des
patients hospitalisés. Un service de courrier électronique a
été largement utilisé pour les communications à lintérieur
de linstitution et avec une modernisation du logiciel réali-
sée en décembre 1995, il est devenu possible de communi-
quer de lextérieur avec le CHCS par courrier électronique.
Toutefois, le système sécurisé du CHCS nautorisait pas les
pièces jointes.
Les consultations de télémédecine entre le champ de tir de
missiles des forces armées américaines de Kwajalein, aux
Îles Marshall (où un centre de vidéoconférences AT&T a été
construit) et le TAMC ont débuté en 1993. Il est ainsi deve-
nu possible de consulter les spécialistes du TAMC pour le
traitement denviron 200 dossiers médicaux ou de chirurgie
ayant trait à des membres des forces en service actif, à des
membres de leurs familles, à des entrepreneurs, à des civils
à lemploi du Ministère de la Défense et à quelques ressor-
tissants des Îles Marshall en poste à Kwajalein. Ce service a
certainement permis d’éviter
un certain nombre d’évacua-
tions médicales inutiles et
coûteuses sur Honolulu (3).
Lorganisation du calendrier des
services pour tenir compte de
lhoraire chargé des praticiens
en particulier les chirurgiens
du TAMC a toutefois posé
des difficultés. Le système exi-
geait en outre lachat dordina-
teurs et dappareils vidéo
coûteux, et lembauche de
techniciens compétents pour
en assurer lentretien. Il est
intéressant de noter que le
nombre de consultations, très
élevé la première année de la
mise en place du système, a
diminué graduellement pour
tomber à moins de 20 par
année, avant quon décide de
mettre fin au service.
À la réunion portant sur la
charte du PBMA organisée à
Pohnpei (EFM) en avril 1995, les participants ont assisté à une
démonstration du système Picasso de transmission télépho-
nique dimages fixes. Jai en effet été en mesure de consulter
un spécialiste de Koror (Palau) au sujet dun adolescent
atteint de lupus érythémateux systémique.
Le même système nous a permis dorganiser une télécon-
férence entre le TAMC et Pohnpei. Les participants ont vive-
ment apprécié loccasion qui leur était ainsi donnée de dis-
cuter avec des collègues de Palau. Quatre appareils Picasso
ont été fournis gracieusement à des institutions de louest
du Pacifique, et plus de 30 démonstrations de télémédecine
ont ainsi été réalisées sur l’île de Pohnpei, entre des îles dif-
férentes de l’État de Pohnpei et à l’échelle internationale,
entre lAlaska, Hawaï, Pohnpei, la Nouvelle-Calédonie,
Kosrae et Palau (4). Un certain nombre de patients ont été
dirigés grâce à ce système dans le cadre du PIHCP, mais le
coût des appels téléphoniques internationaux sest avéré
prohibitif pour la plupart des services de santé intéressés.
Méthodes
Avec la popularisation de lInternet et du courrier électro-
nique, en 1996, certains praticiens ont commencé à utiliser
cet outil pour transmettre directement des dossiers de
consultation dans mon micro-ordinateur au CHCS. Ces pre-
mières tentatives de transmission de données se sont tradui-
tes par des pages et des pages de caractères indéchiffra-
bles (5). Avec la participation des responsables dAKAMAI, on
a élaboré un système simple de transmission des données par
lInternet.
Figure 3. Formulaire daiguillage
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PACIFIC HEALTH DIALOG VOL 7. NO. 2. 2000 LATÉLÉSANTÉDANS LE PACIFIQUE
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Figure 5. (Radiographie pulmonaire) enfant de 1 an :
tératome (Îles Marshall)
Figure 4. (Radiographie pulmonaire) enfant de 11
mois : éventration diaphragmatique
Figure 6. Enfant de 1 mois : hépatosplénomégalie mas-
sive consécutive à une leucémie congénitale (Palau) Figure 7. Femme de 20 ans : rhabdomyosarcome
embryonnaire (Yap)
Figure 8. Fille de 10 ans : fistule palatale (Chuuk) Figure 9. Nouveau-né : ambiguïté sexuelle (Yap)
Figure 11. Fracture non consolidée du radius/cubitus
(Chuuk). Figure 10. Hernie ombilicale (Chuuk)
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