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bien un Monde qui sert de modèle et un autre qui en est la copie, mais seul ce qui est
toujours identique est réel. Le monde matériel est ainsi subsumé. D’un point de vue
ontologique, le monde visible représente l’image de l’être8.
8 L’unité du monde dans la théorie de Platon est indissociable, en tant que cause ou
conséquence, de sa conception de la vérité. Le tout est un9, unique et immuable, car il est
nécessairement vrai et que le vrai ne saurait être multiple et mouvant. Platon fonde sa
théorie de la connaissance sur l’idée que l’essence, qui est invisible, ne peut être vue que
par l’intelligence. La connaissance consiste à apercevoir l’essence et les choses qui en
participent sans les confondre10. La véritable science est celle de la vraie réalité, celle qui
ne change pas11. La conception de la vérité est ainsi justifiée par la référence
cosmologique. Dans le Livre X de La République, Platon parachève l’exclusion de la poésie
imitative de la cité par des arguments métaphysiques là où, dans le Livre III, il invoquait
précédemment des arguments politiques. Aussi, la référence consiste-t-elle ici à mobiliser
une théorie plus forte, un principe métaphysique, qui représente alors la source ou
l’autorité sur laquelle se fonde la légitimité des autres théories.
Façons de référer aux mondes et fonction de la
référence
9 Karl Popper se définit comme un réaliste dans le double sens où il défend la thèse à la fois
de la réalité du monde physique et de la réalité du monde des entités théoriques. Aussi
existe-t-il selon lui toutes sortes de réalités extrêmement différentes12. Les apparences
forment ainsi une réalité de surface que le sens commun éclairé distingue d’une réalité
plus profonde13. Cependant, contrairement à la théorie platonicienne, même une illusion
est, en tant qu’illusion, une illusion réelle14. Dans Une épistémologie sans sujet connaissant,
Popper développe sa théorie des mondes en défendant l’indépendance de la réalité vis-à-
vis de la subjectivité humaine. Sa thèse porte ainsi sur l’idée que les systèmes théoriques
et les problèmes scientifiques ne sont pas les expressions symboliques ou linguistiques
d’états mentaux subjectifs. C’est-à-dire qu’ils existent en eux-mêmes, en dehors de
l’esprit de ceux qui les conçoivent. Aussi Popper différencie-t-il trois mondes, le monde 1
correspondant aux corps vivants ou non ; le monde 2 aux vécus conscients ou
inconscients ; le monde 3 aux productions objectives de l’esprit humain. Ce dernier
contient des œuvres, théories, propositions langagières et problèmes philosophiques mais
aussi des théories fausses et des conjectures.
10 Popper considère le monde 3 comme une sorte de troisième monde platonicien qui serait
un produit humain, autonome du point de vue de son statut ontologique15. Il est ainsi
possible de contribuer au développement du monde 3 mais celui-ci possède son propre
mode d’existence. Popper interprète la théorie platonicienne comme une ouverture
sérieuse vers un pluralisme philosophique, dans lequel se distingueraient trois sortes
d’états ou d’évènements16. Selon lui, Platon a découvert le monde 3, et l’a théorisé pour
son pouvoir explicatif.17 Les théories des mondes seraient-elles des hypothèses ad hoc,
ajoutées aux théories pour expliquer les manquements de celles-ci ? Popper critique les
explications ad hoc car elles ne sont pas testables indépendamment de l’effet à expliquer18.
Il existe une forme de circularité dans les hypothèses ad hoc, particulièrement lorsque la
seule preuve de l’explication est l’état de chose à expliquer. Bien que Popper reconnaisse
que le réalisme est une question métaphysique non vérifiable et non réfutable, les
La référence philosophique aux mondes, une mise en scène de la vérité
TRANS-, 18 | 2014
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