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Expédition Deepwater
L’impressionnant MS Tûranor PlanetSolar a fait le tour du monde mû par l’énergie solaire.
L’équipe s’attaque maintenant au Gulfstream en collaboration avec des scientifiques genevois,
afin de collecter des données qui n’avaient encore jamais été mesurées de cette façon à ce jour.
Stefanie Pfändler PlanetSolar
Comme il arrive souvent, tout ne fut qu’une question
de hasard. Au moment où le MS Tûranor terminait
sa circumnavigation, le professeur de l’Université de
Genève, Martin Beniston, entendit parler de ce pro-
jet, contacta l’équipe, s’entretint avec elle et une
idée germa dans la foulée: le climatologue réputé
verrait bien une collaboration avec PlanetSolar pour
étudier le Gulfstream. Convaincu de la faisabilité de
ce projet, Beniston revint à Genève, rassembla ses
collègues autour d’une table et constitua rapide-
ment une équipe motivée qui n’aura dès lors plus
qu’une seule idée en tête: mener à bien l’expédition
Deepwater.
Les scientifiques ne cachent par leurs ambitions: ils
entendent suivre tout le Gulfstream de Miami jusqu’à
Bergen en Norvège à bord du plus grand catamaran
solaire jamais construit. Sur 8000 kilomètres, on col-
lectera pour la première fois des données physiques
et biologiques qui ne seront pas altérées par les éma-
nations produites par le bateau. Ces données sont
censées fournir un profil vertical du courant, per-
mettre d’étudier les processus océaniques et com-
prendre comment ces derniers interagissent avec
l’atmosphère. Comprendre comment le changement
climatique influe sur le Gulfstream est de toute pre-
mière importance pour l’Europe et l’Amérique du
Nord, car ce courant est justement l’un des princi-
paux régulateurs du climat des deux continents.
Navigation depuis Genève
Le très futuriste bateau solaire est déjà en route vers
les Caraïbes, afin de tester les instruments et les
préparer à l’aventure. Mais les préparatifs vont éga-
lement bon train à Genève même. L’expédition
requiert une logistique impressionnante. L’équipe
scientifique, qui sera renouvelée à chacune des cinq
étapes au programme, doit être au bon moment dans
le bon port, les retards être pris en compte et les
visas organisés. Il faut également gérer la commu-
nication avec les médias, organiser le séjour des jour-
nalistes à bord, sans oublier le très réputé Massa-
chusetts Institute of Technology (MIT) à Boston,
qui souhaite voir ce que ces Suisses peuvent bien
transporter à bord de leur bateau solaire.
Mais ce n’est là encore qu’une petite partie de l’his-
toire. Le véritable travail requiert un savoir technique
et des connaissances scientifiques qui doivent per-
mettre à l’équipe de gérer l’expédition depuis Genève
sur la base d’images satellite, de procéder correcte-
ment aux mesures 24 heures sur 24, de veiller au bon
fonctionnement des huit instruments emportés et,
le cas échéant, de les réparer. «L’eau salée, les diffé-
rences de température et les conditions météo mus-
clées malmèneront les machines», prédit Beniston.
«Si un instrument tombe en panne, il faut le réparer
sur place. Si on ne le fait pas, nous perdons les don-
nées de toute une étape.» Bien qu’à Genève l’on en-
visage avec sérénité cette expédition et que l’on s’y
prépare dans le calme, on sent une certaine nervo-
sité dans la voix de Béniston: «Les expériences scien-
tifiques d’un nouveau genre peuvent toujours cacher
Deux personnalités de l’expédition Deepwater
Martin Beniston
Martin Beniston dirige l’Institut des Scien-
ces de l’environnement de l’Université de
Genève ainsi que la chaire de climatologie.
Spécialiste reconnu du climat, il participe à
plusieurs projets dans ce domaine et colla-
bore au sein du GIEC (Groupe d’experts in-
tergouvernemental sur l’évolution du cli-
mat) en tant que membre actif, et ce, depuis
les années 90. En tant que membre de cette instance, il a reçu en 2007, avec d’autres
chercheurs, le Prix Nobel de la Paix.
Gérard d‘Aboville
Gérard d’Aboville est le capitaine du MS
Tûranor PlanetSolar pendant l’expédition
Deepwater. Le navigateur français fut le pre-
mier à traverser l’Atlantique à la rame en 1980
et le Pacifique en 1991. En 2001, il rallie le
pôle nord avec un petit avion monomoteur
sans l’aide d’instruments de navigation élec-
troniques. Outre son engagement politique
en faveur de l’environnement, il est engagé auprès de PlanetSolar depuis 2006, avec le-
quel il a également participé à la première circumnavigation solaire.
_01 Une université suisse en haute
mer: cette année, des scientifiques
genevois seront en route à bord de
PlanetSolar.
_02 Les instruments des scientifiques
genevois sont déjà à bord.
_03 C’est à la Ciotat, en France, que le
MS Tûranor retrouvera enfin l’eau après
avoir passé l’hiver à terre.
_L’auteure est une spécialiste de
l’environnement et membre du team
Deepwater. Elle sera à bord pour l’étape
Miami-New-York où elle aura la fonction
de collaboratrice scientifique et
responsable de la communication.
Nature _PlanetSolar