SPEECH/06/353
Peter Mandelson
Commissaire européen chargé du commerce
Un monde d'opportunités: la Chine et
l'avenir du commerce international
Université de Renmin
Pékin, Chine, le 8 juin 2006
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Dans son discours prononcé à l'université de Renmin à Pékin le 8 juin 2006, le
commissaire européen chargé du commerce Peter Mandelson invite la Chine à
prendre des dispositions pour respecter les engagements qu’elle a souscrits dans le
cadre de l’OMC et qu’elle n’a pas encore exécutés, si elle ne souhaite pas
s’exposer à des réactions hostiles en Europe contre ce qui est perçu comme une
domination commerciale. Affirmant que l'Europe, de son côté, doit avoir «la
confiance nécessaire pour accepter l’essor économique de la Chine», M.
Mandelson souligne que si la Chine ne s’ouvre pas davantage aux investissements
et aux produits communautaires, si elle n'assure pas une meilleure protection des
droits de la propriété intellectuelle et si elle ne supprime pas les incitations à
l’exportation et autres formes de subventions qui faussent les échanges, elle risque
de provoquer une réaction protectionniste négative en Europe.
Selon M. Mandelson, «la Chine a vocation à jouer un rôle central dans l'économie
mondiale au cours des prochaines décennies. Le leadership économique
s’accompagne aussi de responsabilités : respecter et soutenir l'ouverture des
marchés, appliquer les règles au lieu de les contourner et, surtout, veiller à ce que
les avantages procurés par l'ouverture des marchés profitent à tous».
Il continue en déclarant que «L'Europe et la Chine doivent toutes deux s'engager
pour l'ouverture des marchés. Pour l'Europe, cela signifie respecter son
engagement à l’ouverture des échanges. Pour la Chine, cela signifie respecter les
engagements qu’elle a pris dans le cadre de l'OMC d’accorder aux biens et services
provenant d’autres pays un accès total et effectif à son marché et de garantir la
liberté d'investissement et la protection des droits des entreprises étrangères». Il
ajoute que la Chine peut agir sur la perception qu’a l’Europe de son essor en
«ouvrant ses marchés aux biens et services non chinois, en renforçant la protection
juridique des entreprises étrangères et en évitant les pratiques et réglementations
commerciales anticoncurrentielles.»
Il conclut par ces mots: «Nous devons avoir conscience que nous sommes en train
de forger un accord majeur. Plus les portes de la Chine s'ouvriront et plus le monde
percevra la Chine comme un pays responsable qui respecte les règles du jeu,
mieux les citoyens ordinaires en Europe seront en mesure de comprendre que nous
avons un intérêt commun à approfondir notre relation C'est la seule manière
d'assurer que le monde partage votre enthousiasme de vivre dans l'endroit le plus
stimulant du monde au début du 21ème siècle.»
Je suis enchanté de me trouver ici, dans l’une des universités majeures de la Chine,
pour faire ce discours-programme de ma cinquième visite en Chine en ma qualité
de commissaire européen chargé du commerce, et encore plus enchanté de
m’exprimer devant la population estudiantine chinoise, génération qui, plus que
toute autre l’ayant précédée au cours de la longue histoire de la Chine, contribuera
de manière décisive à créer les conditions de la prospérité future non seulement de
votre pays, mais aussi du monde entier.
La mondialisation: un phénomène économique demandant une réponse
politique
On affirme souvent que, si le 19ème siècle fut celui de l'Empire britannique et le
20ème celui des États-Unis (et peut-être de l'Union soviétique), le siècle qui s'ouvre
sera celui de l'Asie et, en particulier, de la Chine.
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L'histoire de la Chine est celle de la mondialisation en marche. Depuis plus de 25
ans, votre pays connaît une croissance annuelle d’environ 10%, ce qui a permis à
250 millions de personnes de sortir de la pauvreté et à une classe moyenne animée
par l'esprit d'entreprise et dépassant déjà les 50 millions de personnes de se former.
L'analyse occidentale de ce réveil de la Chine pèche souvent par manque de
nuance, dans une ou l’autre des voies suivantes. Certains réagissent principalement
par la crainte. Crainte que la puissance économique mène à la puissance militaire
et à une politique étrangère reposant sur la confrontation. Crainte que cette nouvelle
concurrence entraîne un alignement par le bas impliquant la fin du modèle social
européen, dont nous sommes légitimement fiers.
À l'autre extrémité, on trouve les tenants de ce que j'appelle le désir outrancier de
mondialisation. Selon eux, le monde connaît une révolution économique sur laquelle
la politique a peu de prise et peu d'influence. Nous devons «moderniser ou
disparaître», en nous assurant une part maximale des marchés émergents, en
signant de nouveaux contrats et en tirant le profit le plus élevé possible -et malheur
au vaincu.
Ceux d'entre vous qui connaissent mes options politiques ne seront pas surpris
d'entendre que je rejette ces analyses peu nuancées. J'estime que l'Europe doit
avoir la confiance nécessaire pour accepter l’essor économique de la Chine et que
nous sommes capables de soutenir la concurrence dans une «course vers le
sommet». L'Europe et la Chine peuvent construire une relation économique
profitable à toutes les parties. Toutefois, une telle relation fructueuse signifie que les
deux parties devront assumer des responsabilités -et des engagements-
économiques et politiques.
Sur le plan économique, l’Europe et la Chine doivent toutes deux s'engager pour
l'ouverture des marchés et résister aux pressions protectionnistes. Pour l'Europe,
cela signifie respecter son engagement à l’ouverture des échanges. Pour la Chine,
cela signifie respecter les engagements qu’elle a pris dans le cadre de l'OMC,
d’accorder aux biens et services provenant d’autres pays un accès total et effectif à
son marché et de garantir la liberté d'investissement et la protection des droits des
entreprises étrangères.
Sur le plan politique, les deux parties devront coopérer dans l'affrontement des
tensions engendrées par l’ensemble des effets de la mondialisation sur la sécurité,
la situation sociale et l'environnement, et elles devront le faire tant dans le cadre de
leurs politiques internes qu'à l'échelon international.
S'agissant des politiques intérieures européennes, l'élimination du protectionnisme
demande davantage qu'un engagement politique et des effets de rhétorique. Elle
requiert de nouvelles politiques permettant d’aider les populations à s'adapter au
changement. La mondialisation et l'essor de la Chine ont des incidences profondes
sur la manière dont le monde occidental élabore de nouvelles politiques
économiques et sociales de portée générale, dont la finalité est d’anticiper
l'évolution structurelle future, de créer de nouvelles sources d'avantage comparatif,
favoriser la créativité -notre point fort traditionnel - et offrir à toutes nos populations,
y compris celles qui subissent des handicaps sociaux sévères, une chance
équitable de développer pleinement leurs talents. Aborder ces questions constitue
le grand défi auquel la prochaine génération d'Européens sera confrontée. Nos
gouvernements cherchent les réponses et, inévitablement, cette situation
conditionne l'attitude des populations vis-à-vis de la Chine.
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Toutefois, la Chine est confrontée à des défis sociaux et politiques tout aussi
immenses. Après être restée fermée aussi longtemps, elle doit s’ouvrir rapidement.
Après avoir sacrifié presque toute sa part historique du PIB mondial -atteignant un
niveau proche du néant à la fin de la Révolution culturelle- elle a besoin d'une
croissance rapide et durable. Pour que ce processus donne des résultats, la
croissance de la Chine doit cependant être supportable sur les plans social et
environnemental. La Chine a fait beaucoup pour réduire la pauvreté, mais elle doit
faire face à de nouveaux problèmes d'inégalités interrégionales. Ses industries
publiques et son système financier doivent être restructurés et réformés, avec les
répercussions inévitables sur l’emploi que cela implique. Son système de santé doit
être renforcé. Enfin, naturellement, les défis liés à l'environnement auxquels elle est
confrontée sont redoutables.
En ce qui concerne la politique extérieure, la mondialisation crée une liste prioritaire
de défis politiques qui ne pourront être affrontés que collectivement. Nous
partageons le même environnement et les mêmes ressources naturelles. Nous
devons faire face aux mêmes maladies et aux mêmes menaces à la sécurité
internationale.
En outre, les choix de politique intérieure d'acteurs de la dimension de la Chine ou
de l'Union européenne ne peuvent être décidés et mis en oeuvre isolément. Je
reconnais que cette affirmation bat en brèche des années d'orthodoxie chinoise sur
le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures, mais, en réalité, la
mondialisation a pour effet que les dimensions externe et intérieure ne font plus
qu'une. Nous devons tous, pays développés, émergents et en développement,
trouver une réponse appropriée à ces questions et nous devons veiller à ce que les
institutions globales renforcées et réformées -des Nations unies à l'Organisation
mondiale du commerce- nous aident.
Je ne dis pas tout ceci pour faire la leçon à la Chine, mais pour souligner que
l'engagement commun à l’ouverture des marchés auquel je souhaite voir l'Union
européenne souscrire en compagnie des dirigeants chinois dépend d'une
reconnaissance partagée des défis politiques auxquels nous sommes confrontés.
La mondialisation est dans une large mesure un phénomène économique, mais
notre vie politique et notre orientation politique détermineront si nous aboutissons à
une prospérité globale durable ou si nous débouchons sur un échec abrupt et
catastrophique, comme ce fut le cas de la dernière vague de mondialisation en
1914.
En conséquence, l'approche nuancée qui est la mienne -opposée aussi bien à la
solution du laisser-faire qu'aux modèles étatiques centralisés- souhaite l'émergence
d'une Chine prospère et connaissant le succès, en tant que membre engagé du
système international des échanges et partenaire à tous les niveaux dans la gestion
de l'impact de la mondialisation, en tant que marché nouveau et en pleine
expansion pour les investissements et exportations communautaires et en tant que
source de nouveaux produits pour les entreprises et consommateurs européens.
La mondialisation transforme notre monde
Comme je l’ai dit, le phénomène de la mondialisation n’est pas nouveau. Ce qui la
différencie aujourd’hui est le rythme et l’intensité sans précédent de l’évolution.
Notre monde est «nivelé» par des communications plus rapides et moins
coûteuses, des chaînes d’approvisionnement globales et une nouvelle dynamique
concurrentielle caractérisée par le fait que chaque partie de l'économie globale se
trouve de facto en concurrence avec chaque autre partie.
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Permettez-moi de mentionner trois conséquences de cette évolution.
Premièrement, les distances perdu de l’importance. La technologie est le facteur
déterminant à cet égard: Internet naturellement, mais aussi les faibles coûts de
transport qui ont aidé la Chine à devenir un exportateur très performant. Ce
phénomène a entraîné une spécialisation accrue de l’activité économique. Des
produits créés en Europe sont fabriqués en Chine. Les appels téléphoniques aux
services d’assistance à la clientèle sont acheminés vers l’Inde. Grâce au Web, les
petites entreprises peuvent transformer un ordinateur quelconque dans le monde en
vitrine de leurs produits. Tout cela permet aux pays en développement de rattraper
les pays développés en une ou deux générations. Toutefois, ce paysage en
mutation suscite inévitablement des craintes et des préoccupations au sein du
grand public.
Deuxièmement, effet corollaire du point précédent, le débat public sur la
mondialisation est plus vif que jamais. La mondialisation a modifié la manière de
faire de la politique. Je suis profondément conscient du contrôle étroit dans le cadre
duquel je mets en œuvre la politique commerciale au nom de l’Union européenne.
Nous prenons part à une discussion intense et ouverte sur l’évolution future de
notre monde commun, avec la responsabilité supplémentaire que cela implique.
Troisièmement, dans l’économie globale de l’information, la connaissance est une
valeur en soi. Nous prenons tous des mesures visant à centrer les priorités
politiques sur la formation et les compétences, ce qui implique des investissements
sans précédent, des règles de protection de la propriété intellectuelle et une volonté
de souscrire à l’innovation et d'assumer les risques liés à l’entreprise. L’Europe tire
profit du talent de nos États membres les plus récents et la Chine produit chaque
année plus de 4 millions de diplômés en sciences et 600.000 ingénieurs. Il en
résulte une population mieux formée dont les attentes sont également plus élevées
et plus exigeantes.
Un monde globalisé est donc un monde où les vieilles certitudes économiques sont
rapidement dépassées. Des investissements énormes peuvent être redéployés d’un
marché à un autre par un simple clic sur un ordinateur. Les importations bon
marché qui exercent une pression intense sur une entreprise européenne sont
susceptibles de constituer le produit final d’une chaîne d’approvisionnement globale
entamée par une autre entreprise européenne et dont d’autres encore constituent
des maillons intermédiaires. À mesure que les droits d’entrée et les contingents sont
progressivement réduits, les barrières les plus importantes freinant les échanges
deviennent les barrières réglementaires – concessions non transparentes de
licences et application des normes, ou protection insuffisante des droits de la
propriété intellectuelle. Nous devons concevoir de nouvelles réponses à ces
nouvelles priorités.
L’Europe comme réponse à la mondialisation
Europe a un rôle important à jouer dans cette recherche de solutions. Notre Union
européenne est, au niveau régional, une expérience unique et réussie sur la
manière de répondre aux défis de la mondialisation.
Dans notre marché intérieur, nous avons élaboré des règles et normes communes
visant à libérer la circulation des marchandises, des capitaux et des personnes. Ces
règles et normes, ainsi que nos institutions politiques, nous fournissent les outils
nécessaires pour négocier sur un pied d’égalité avec les partenaires continentaux et
pour faire face aux défis globaux.
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