C
ONTROLE
G
ENERAL
E
CONOMIQUE ET
F
INANCIER
Mission placée auprès d’EDF
22 – 30, avenue de Wagram – 75382 PARIS CEDEX 08
Télécopie : 01 40 42 75 87
P
ARIS, LE 31 juillet 2012
LE CONTROLEUR GENERAL
dominique-t.lemaire@edf.fr
N/REF : 12-20
NOTE
EDF et GDF Suez dans la concurrence sur les marchés de capitaux
Ayant ouvert à la concurrence ses marchés de l'énergie sous l’impulsion de l’Union européenne, dans des
conditions mal adaptées à ses spécificités, la France a accumulé, en particulier pour l’électricité, des
mécanismes de régulation de plus en plus complexes dont on se demande s’ils sont gérables.
Dans le même temps, elle a ouvert en bourse le capital des deux principales entreprises publiques concernées
en 2005, et réalisé la fusion de Suez avec Gaz de France en 2008.
Bien avant ces ouvertures de marché, les entreprises françaises du secteur étaient déjà soumises à des formes
de concurrence, notamment à celle qui s’exerçait et continue à s’exercer entre l’électricité d’une part, et le
gaz d’autre part.
De plus, la concurrence se fait sentir non seulement sur la partie « produits » de l'activité et des comptes,
mais aussi sur la partie « charges » (coût du travail, des achats, coûts financiers...). En particulier, la
concurrence sur les marchés financiers a des répercussions importantes sur les finances et l’image des entités
qui y sont soumises.
Il est question ici de la concurrence en matière de financement d’EDF et de GDF Suez sur les marchés de
capitaux (actions et emprunts).
Dans la mesure les sociétés sont en concurrence sur ces marchés pour attirer les actionnaires et les
prêteurs, elles sont amenées :
- à se comparer à leurs concurrentes du point de vue de leur attractivité. Les marchés financiers font un
grand usage de ratios et autres chiffres qui n’ont généralement de sens que comme moyens de
comparaison, dans le temps ou dans l’espace ;
- à prendre des dispositions pour offrir des conditions susceptibles de convenir le mieux possible aux
apporteurs des capitaux.
1. L’activité d’EDF et de GDF Suez jugée du point de vue de la concurrence financière
On n’évoquera pas ici les données de performance technique telles que les taux de disponibilité des centrales
ni la durée moyenne annuelle de coupure dans la distribution d’électricité, bien que ces indicateurs,
notamment le premier, soient pris en compte par les analystes financiers.
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1.1. Exclusion pour la présente étude des critères fondés sur les capitaux des sociétés
Les performances financières d’un bien ou d’une société peuvent être mesurées par :
- L’utilisation efficiente des capitaux mis en œuvre ;
- Le montant des revenus produits.
Les ratios qui prennent en compte les capitaux à leur dénominateur, comme par exemple les ratios de
rentabilité (ROCE : ratio de rentabilité économique, et ROE : ratio de rentabilité financière. Voir pour la
définition de ces ratios l’annexe 1) ont été exclus de la présente étude.
Pour expliquer cette exclusion, on se contentera ici des observations suivantes.
On notera que ni EDF ni GDF Suez ne publient de ratio de rentabilité au niveau du groupe.
Dans la mesure les méthodes appliquées font que la valeur comptable ne reflète pas la juste valeur, les
ratios ayant les capitaux au dénominateur dépendent fortement de l’écart plus ou moins grand entre la valeur
comptable (rarement réévaluée) et la valeur économique, écart qui dépend lui-même :
- de l’ancienneté des éléments pris en compte dans les capitaux propres, et
- des circonstances dans lesquelles les valeurs comptables ont pu être actualisées (voir des exemples de
ces circonstances en annexe 1).
Les activités fondées sur des actifs anciens non mis à jour font apparaître des ratios artificiellement plus
élevés. Cet inconvénient peut être particulièrement sensible dans le secteur de l’énergie, où les actifs ont une
durée de vie très longue.
Il se produit au cours du temps une distorsion due au fait que les revenus au numérateur de ces ratios
s’actualisent de manière automatique, beaucoup plus rapidement que les capitaux propres au dénominateur.
De même, en ce qui concerne l’endettement, le ratio dette/fonds propres est généralement beaucoup moins
significatif que le ratio dette/EBITDA ou dette/capacité d’autofinancement, qui mesure la capacité de
l’entreprise à faire face au remboursement de sa dette, et qui est privilégié par les agences de notation.
L’augmentation des capitaux propres, qui a souvent un aspect quelque peu artificiel, s’il améliore certains
ratios (comme le ratio dettes/capitaux propres), en dégrade d’autres (comme la rentabilité des capitaux
employés et des capitaux propres).
A compter de 2005 ont commencé à s’appliquer les nouvelles normes comptables dites « IAS »
(International Accounting Standards) ou encore IFRS (International Financial Reporting Standards). Ces
normes s’appliquent aux comptes consolidés et non aux comptes sociaux.
Elles ont pour ambition de faire en sorte que les comptes reflètent mieux la réalité économique des
entreprises, et d’éviter les opérations « hors bilan » qui avaient tendance à se multiplier.
Parmi les questions essentielles soulevées par ces nouvelles normes, on mentionnera :
- La valorisation des actifs : le nouveau référentiel a laissé la possibilité de maintenir les actifs à leur
valeur historique ou de les inscrire pour leur juste valeur ; elle aurait pu avoir des effets massifs,
s’agissant de l’évaluation possible (non obligatoire) des actifs en valeur économique. Mais ni EDF ni
Gaz de France n’ont retenu cette solution ;
- Les durées d’amortissement : les nouvelles normes ont conduit les entreprises électriques et gazières à
revoir, dans le sens de l’allongement, la durée d’amortissement de leurs immobilisations corporelles (par
exemple la durée de vie des centrales nucléaires, ou des canalisations de gaz et des câbles électriques, en
réalité supérieure aux 30 ans jusqu’alors retenus). Il est à noter que l’allongement des durées de vie a
pour effet de diminuer les dotations annuelles aux amortissements, et d’augmenter en conséquence les
résultats après amortissements.
1.2. Les « arguments de vente » auprès des investisseurs en 2011-2015
Le groupe EDF, parmi ses objectifs financiers, s’était fixé pour 2011 une croissance de l’EBITDA comprise
entre 4 et 6 %. Il a atteint une croissance de 6,6 %.
Il a annoncé une trajectoire 2011-2015 comportant les objectifs suivants :
- croissance annuelle moyenne de l’EBITDA : 4-6 % ;
- croissance annuelle moyenne du résultat net courant : 5-10% ;
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- ratio endettement financier net/EBITDA inférieur à 2,5;
- taux de distribution (payout) : 55-65 %.
GDF Suez, de son côté, s’était fixé pour 2011 les objectifs suivants, tous atteints :
- EBITDA : 17-17,5 milliards d’euros ;
- Bénéfice net par action : N+1 égal ou supérieur à N ;
- Investissements bruts : environ 11 milliards d’euros ;
- Structure financière : notation « A » et dette nette sur EBITDA égale ou inférieure à 2,5 ;
- Dividende 2011 égal ou supérieur à dividende 2010.
Pour 2012, les objectifs financiers sont les suivants :
- Résultat net récurrent part du groupe : 3,5-4 milliards d’euros ;
- Bénéfice net par action : N+1 égal ou supérieur à N ;
- Investissements bruts : environ 11 milliards d’euros ;
- Structure financière : notation « A » et dette nette sur EBITDA égale ou inférieure à 2,5 ;
- Dividende 2012 égal ou supérieur à dividende 2011.
On peut noter une certaine virtuosité des sociétés en ce qui concerne la neutralisation des éléments qui
pourraient les empêcher d’atteindre leurs objectifs, par exemple :
- en excluant les conséquences de changements législatifs ou réglementaires,
- en raisonnant à climat moyen,
- sans changement de contexte macroéconomique…
Ces neutralisations, dictées par la prudence, sont souvent contreproductives, car elles peuvent rendre confus
le message que l’entreprise veut faire passer aux investisseurs.
1.3. Les marges
Les calculs de marge présentent l’avantage de mettre en relation, au dénominateur comme au numérateur,
des valeurs comptables qui s’actualisent d’elles-mêmes en permanence, contrairement aux ratios de
rentabilité ayant les capitaux propres au dénominateur.
Ils peuvent permettre de situer les entreprises les unes par rapport aux autres, et de repérer des écarts, qui
peuvent être des anomalies appelant une action corrective.
Les ratios de marge
Les ratios de marge sont obtenus en rapportant par exemple au chiffre d’affaires :
- L’excédent (ou résultat) brut d’exploitation encore appelé EBITDA (Earning Before Interest, Tax,
Depreciation and Amortization), qui, comme l’indique l’expression en anglais, inclut les dotations aux
amortissements et aux provisions ;
- le résultat opérationnel encore appelé résultat d’exploitation, ou EBIT (EBITDA moins les
amortissements et provisions) ;
- le résultat net (ratio de marge nette)...
Par exemple, si une hausse du CA ne se répercute pas sur le résultat, ce peut être en raison d'un événement
qui rétrécit la marge comme, par exemple, une augmentation importante du coût d'achat des marchandises.
Toutefois, les comparaisons peuvent être rendues difficiles par l’hétérogénéité des chiffres d’affaires, en
particulier entre les activités gazières et les activités électriques ; prendre pour références les montants
d’EBITDA (ou d’EBE) peut donc être plus significatif.
Difficultés de comparaison des ratios calculés par rapport au chiffre d’affaires
Les chiffres d’affaires n’ont pas la même signification selon le secteur d’activité, même au sein d’un même
secteur tel que celui de l’énergie, lorsqu’on compare par exemple le gaz et l’électricité.
En ce qui concerne le gaz, les fortes variations du prix de la matière première rendent peu significative
l’évolution des ventes en valeur. Le chiffre d’affaires des activités gazières, dans la mesure où il est
principalement constitué par la revente de gaz importé, est très dépendant des évolutions des prix
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internationaux des hydrocarbures, dont les entreprises n’ont pas la maîtrise, et avec lesquelles le résultat
d’exploitation n’est pas nécessairement en corrélation. On peut même dire qu’il serait anormal qu’il existe
une corrélation telle que le résultat de l’entreprise gazière varie au même rythme que le prix du gaz.
Les entreprises gazières telles que GDF Suez s’approvisionnent encore très largement dans le cadre de
contrats à long terme avec des prix fixés en grande partie à l’avance et indexés sur les produits pétroliers. Il
arrive souvent que ces prix ne soient plus compétitifs par rapport à ceux que les clients peuvent trouver sur
les marchés de court terme. Récemment, les pouvoirs publics ont amené GDF Suez à intégrer davantage les
prix spot du gaz dans la nouvelle formule de calcul des prix pour les ménages.
L’annexe 3 montre que les ratios de marge calculés par rapport au chiffre d’affaires sont très différents selon
qu’il s’agit de l’activité d’achat-revente de gaz ou de l’activité de production d’électricité.
Intensité capitalistique variable et distorsions comptables après amortissements et provisions
Les ratios de rentabilité ayant les capitaux au dénominateur sont plus élevés lorsque l’activité nécessite
relativement moins de capitaux, leur dénominateur étant alors relativement faible (voir l’annexe 1). Mais le
caractère plus ou moins capitalistique de l’activité a aussi un effet sur les ratios de marge. En effet, en aval
de l’EBITDA, les résultats sont influencés en particulier par les méthodes d'amortissement, et ne donnent pas
le meilleur reflet de la profitabilité économique d'une entreprise.
Lorsqu’on trouve au numérateur une grandeur comptable après amortissements (EBIT ou résultat
opérationnel, résultat net…), les entreprises relativement peu capitalistiques (où le montant des
amortissements est relativement faible) auront des ratios plus flatteurs que celles les amortissements sont
importants.
Cette remarque s’applique aussi au cas des entreprises intégrées du secteur de l’énergie, telles qu’EDF et
GDF Suez, du point de vue :
- de la combinaison des métiers : la combinaison de métiers capitalistiques (centrales électriques et
réseaux) et de métiers relativement peu capitalistiques tels que la commercialisation se résume par un
ratio global qui dépend de l’importance respective de ces deux types de métiers ;
- du caractère plus ou moins capitalistique des unités de production elles-mêmes (nucléaires ou gazières,
par exemple).
Il convient de garder cette remarque à l’esprit lorsqu’on compare les ratios d’un groupe diversifié comme
GDF Suez ou EDF avec les ratios de ses filiales de réseau.
Il convient aussi de se rappeler que le montant des amortissements et provisions peut dépendre:
- de règles particulières (par exemple, en France, celles qui régissent les provisions pour renouvellement
dans le cas des biens en concession).
- de la modification des durées d’amortissement (voir ci-dessus ce qui est dit des normes comptables IFRS
(International Financial Reporting Standards).
Pour prendre l’exemple des concessions de distribution d’électricité, ERDF, filiale d’EDF, est légalement le
concessionnaire unique chargé de l’essentiel (95 %) des réseaux de distribution publique en France, dont les
concédants sont les collectivités locales, auxquels les biens sont censés revenir à l’expiration de la
concession. L’ensemble des biens en concession est porté à l’actif du bilan d’ERDF qu’il s’agisse d’ouvrages
achetés ou construits par ERDF ou d’ouvrages remis par les concédants. Le régime comptable spécial
quelque peu schizophrénique appliqué à ces biens (qui doivent revenir gratuitement à l’autorité concédante
au terme du contrat de concession, mais dont ERDF reste néanmoins le concessionnaire obligé) se
caractérise notamment par :
- un amortissement linéaire de l’ensemble des valeurs immobilisées sur la durée d’utilité estimée ;
- une provision pour renouvellement pour les seules immobilisations renouvelables avant le terme de la
concession, provision calculée sur la différence entre la valeur de remplacement des biens (revalorisée en
fonction d’indices officiels spécifiques à la profession), et leur valeur d'origine c'est-à-dire l'assiette de
l'amortissement industriel. Cette provision est constituée sur la durée de vie de l’ouvrage et vient
compléter les charges d’amortissement industriel.
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Les dotations nettes du groupe EDF aux provisions pour renouvellement des immobilisations en concession
se sont élevées à : 526 MEUR en 2008 ; 490 MEUR en 2009 ; 428 MEUR en 2010 ; 221 MEUR en 2011.
Les tableaux de l’annexe 3 montrent l’importance des dotations aux amortissements et provisions, dotations
qui restent encore relativement plus élevées dans les comptes d’EDF que dans ceux de GDF Suez.
2. Les actions
Comme les cours de bourse varient continuellement, il est difficile de déterminer quelle est exactement la
valeur d’une action. Cette incertitude affecte tous les ratios boursiers : rendement des actions, capitalisation
boursière rapportée aux fonds propres, aux résultats, à d’autres éléments comptables… Il est donc utile de se
référer à des moyennes de cours mais le choix des périodes de temps à retenir crée lui aussi de l’incertitude.
2.1. L’actionnariat
Les actionnariats respectifs d’EDF et de GDF Suez ont des structures nettement différentes.
Certes, l’Etat est présent dans le capital des deux entreprises, mais très majoritairement en ce qui concerne
EDF, et pour un peu moins de 40 % chez GDF Suez (si l’on additionne les parts de l’Etat, de la Caisse des
Dépôts et de la CNP).
Le « public » (actionnaires non dirigeants) détient un peu plus de la moitié du capital de GDF Suez (50,5 %).
Les chiffres ci-dessous présentent la composition des deux actionnariats, en % du capital, au 31 décembre
2011.
EDF
Etat Français : 84,44 % (84,50 % des droits de vote)
Institutionnels Europe hors France : 4,70 %
Institutionnels reste du monde : 3,06 %
Institutionnels France : 3,07 %
Actionnaires individuels : 2,82 %
Actionnariat salarié : 1,84 %
Auto-détention : 0,07 %
(Source : document de référence AMF 2011, point 18.1)
GDF Suez
Etat français : 36,0 % (36,6 % des droits de vote)
Groupe Bruxelles Lambert : 5,2 %
Caisse des Dépôts et CNC : 3,1 %
Salariés : 2,3 %
Sofina : 0,6 %
Auto-détention : 1,7 %
Public : 50,5 %, dont institutionnels 40 % et individuels et autres : 10,5 %
(Source : document de référence AMF 2011, page 237)
2.2. L’évolution du cours de l’action
L’action EDF a été introduite en bourse à 32 euros le 21 novembre 2005 (prix de l'Offre à Prix Ouvert auprès
du public en France). Après être montée à plus de 80 euros, elle est descendue à 16 euros au 27 juillet 2012.
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