EDF et GDF-Suez sur les marchés des capitaux

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CONTROLE GENERAL ECONOMIQUE ET FINANCIER
P ARIS,
Mission placée auprès d’EDF
22 – 30, avenue de Wagram – 75382 PARIS CEDEX 08
LE 31 j uillet 2012
Tél écopi e : 01 40 42 75 87
LE CONTRO LEUR GENERAL
[email protected]
N/REF : 12-20
NOTE
EDF et GDF Suez dans la concurrence sur les marchés de capitaux
Ayant ouvert à la concurrence ses marchés de l'énergie sous l’impulsion de l’Union européenne, dans des
conditions mal adaptées à ses spécificités, la France a accumulé, en particulier pour l’électricité, des
mécanismes de régulation de plus en plus complexes dont on se demande s’ils sont gérables.
Dans le même temps, elle a ouvert en bourse le capital des deux principales entreprises publiques concernées
en 2005, et réalisé la fusion de Suez avec Gaz de France en 2008.
Bien avant ces ouvertures de marché, les entreprises françaises du secteur étaient déjà soumises à des formes
de concurrence, notamment à celle qui s’exerçait et continue à s’exercer entre l’électricité d’une part, et le
gaz d’autre part.
De plus, la concurrence se fait sentir non seulement sur la partie « produits » de l'activité et des comptes,
mais aussi sur la partie « charges » (coût du travail, des achats, coûts financiers...). En particulier, la
concurrence sur les marchés financiers a des répercussions importantes sur les finances et l’image des entités
qui y sont soumises.
Il est question ici de la concurrence en matière de financement d’EDF et de GDF Suez sur les marchés de
capitaux (actions et emprunts).
Dans la mesure où les sociétés sont en concurrence sur ces marchés pour attirer les actionnaires et les
prêteurs, elles sont amenées :
- à se comparer à leurs concurrentes du point de vue de leur attractivité. Les marchés financiers font un
grand usage de ratios et autres chiffres qui n’ont généralement de sens que comme moyens de
comparaison, dans le temps ou dans l’espace ;
- à prendre des dispositions pour offrir des conditions susceptibles de convenir le mieux possible aux
apporteurs des capitaux.
1. L’activité d’EDF et de GDF Suez jugée du point de vue de la concurrence financière
On n’évoquera pas ici les données de performance technique telles que les taux de disponibilité des centrales
ni la durée moyenne annuelle de coupure dans la distribution d’électricité, bien que ces indicateurs,
notamment le premier, soient pris en compte par les analystes financiers.
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1.1. Exclusion pour la présente étude des critères fondés sur les capitaux des sociétés
Les performances financières d’un bien ou d’une société peuvent être mesurées par :
- L’utilisation efficiente des capitaux mis en œuvre ;
- Le montant des revenus produits.
Les ratios qui prennent en compte les capitaux à leur dénominateur, comme par exemple les ratios de
rentabilité (ROCE : ratio de rentabilité économique, et ROE : ratio de rentabilité financière. Voir pour la
définition de ces ratios l’annexe 1) ont été exclus de la présente étude.
Pour expliquer cette exclusion, on se contentera ici des observations suivantes.
On notera que ni EDF ni GDF Suez ne publient de ratio de rentabilité au niveau du groupe.
Dans la mesure où les méthodes appliquées font que la valeur comptable ne reflète pas la juste valeur, les
ratios ayant les capitaux au dénominateur dépendent fortement de l’écart plus ou moins grand entre la valeur
comptable (rarement réévaluée) et la valeur économique, écart qui dépend lui-même :
- de l’ancienneté des éléments pris en compte dans les capitaux propres, et
- des circonstances dans lesquelles les valeurs comptables ont pu être actualisées (voir des exemples de
ces circonstances en annexe 1).
Les activités fondées sur des actifs anciens non mis à jour font apparaître des ratios artificiellement plus
élevés. Cet inconvénient peut être particulièrement sensible dans le secteur de l’énergie, où les actifs ont une
durée de vie très longue.
Il se produit au cours du temps une distorsion due au fait que les revenus au numérateur de ces ratios
s’actualisent de manière automatique, beaucoup plus rapidement que les capitaux propres au dénominateur.
De même, en ce qui concerne l’endettement, le ratio dette/fonds propres est généralement beaucoup moins
significatif que le ratio dette/EBITDA ou dette/capacité d’autofinancement, qui mesure la capacité de
l’entreprise à faire face au remboursement de sa dette, et qui est privilégié par les agences de notation.
L’augmentation des capitaux propres, qui a souvent un aspect quelque peu artificiel, s’il améliore certains
ratios (comme le ratio dettes/capitaux propres), en dégrade d’autres (comme la rentabilité des capitaux
employés et des capitaux propres).
A compter de 2005 ont commencé à s’appliquer les nouvelles normes comptables dites « IAS »
(International Accounting Standards) ou encore IFRS (International Financial Reporting Standards). Ces
normes s’appliquent aux comptes consolidés et non aux comptes sociaux.
Elles ont pour ambition de faire en sorte que les comptes reflètent mieux la réalité économique des
entreprises, et d’éviter les opérations « hors bilan » qui avaient tendance à se multiplier.
Parmi les questions essentielles soulevées par ces nouvelles normes, on mentionnera :
- La valorisation des actifs : le nouveau référentiel a laissé la possibilité de maintenir les actifs à leur
valeur historique ou de les inscrire pour leur juste valeur ; elle aurait pu avoir des effets massifs,
s’agissant de l’évaluation possible (non obligatoire) des actifs en valeur économique. Mais ni EDF ni
Gaz de France n’ont retenu cette solution ;
- Les durées d’amortissement : les nouvelles normes ont conduit les entreprises électriques et gazières à
revoir, dans le sens de l’allongement, la durée d’amortissement de leurs immobilisations corporelles (par
exemple la durée de vie des centrales nucléaires, ou des canalisations de gaz et des câbles électriques, en
réalité supérieure aux 30 ans jusqu’alors retenus). Il est à noter que l’allongement des durées de vie a
pour effet de diminuer les dotations annuelles aux amortissements, et d’augmenter en conséquence les
résultats après amortissements.
1.2. Les « arguments de vente » auprès des investisseurs en 2011-2015
Le groupe EDF, parmi ses objectifs financiers, s’était fixé pour 2011 une croissance de l’EBITDA comprise
entre 4 et 6 %. Il a atteint une croissance de 6,6 %.
Il a annoncé une trajectoire 2011-2015 comportant les objectifs suivants :
- croissance annuelle moyenne de l’EBITDA : 4-6 % ;
- croissance annuelle moyenne du résultat net courant : 5-10% ;
3
-
ratio endettement financier net/EBITDA inférieur à 2,5;
taux de distribution (payout) : 55-65 %.
GDF Suez, de son côté, s’était fixé pour 2011 les objectifs suivants, tous atteints :
- EBITDA : 17-17,5 milliards d’euros ;
- Bénéfice net par action : N+1 égal ou supérieur à N ;
- Investissements bruts : environ 11 milliards d’euros ;
- Structure financière : notation « A » et dette nette sur EBITDA égale ou inférieure à 2,5 ;
- Dividende 2011 égal ou supérieur à dividende 2010.
Pour 2012, les objectifs financiers sont les suivants :
- Résultat net récurrent part du groupe : 3,5-4 milliards d’euros ;
- Bénéfice net par action : N+1 égal ou supérieur à N ;
- Investissements bruts : environ 11 milliards d’euros ;
- Structure financière : notation « A » et dette nette sur EBITDA égale ou inférieure à 2,5 ;
- Dividende 2012 égal ou supérieur à dividende 2011.
On peut noter une certaine virtuosité des sociétés en ce qui concerne la neutralisation des éléments qui
pourraient les empêcher d’atteindre leurs objectifs, par exemple :
- en excluant les conséquences de changements législatifs ou réglementaires,
- en raisonnant à climat moyen,
- sans changement de contexte macroéconomique…
Ces neutralisations, dictées par la prudence, sont souvent contreproductives, car elles peuvent rendre confus
le message que l’entreprise veut faire passer aux investisseurs.
1.3. Les marges
Les calculs de marge présentent l’avantage de mettre en relation, au dénominateur comme au numérateur,
des valeurs comptables qui s’actualisent d’elles-mêmes en permanence, contrairement aux ratios de
rentabilité ayant les capitaux propres au dénominateur.
Ils peuvent permettre de situer les entreprises les unes par rapport aux autres, et de repérer des écarts, qui
peuvent être des anomalies appelant une action corrective.
Les ratios de marge
Les ratios de marge sont obtenus en rapportant par exemple au chiffre d’affaires :
- L’excédent (ou résultat) brut d’exploitation encore appelé EBITDA (Earning Before Interest, Tax,
Depreciation and Amortization), qui, comme l’indique l’expression en anglais, inclut les dotations aux
amortissements et aux provisions ;
- le résultat opérationnel encore appelé résultat d’exploitation, ou EBIT (EBITDA moins les
amortissements et provisions) ;
- le résultat net (ratio de marge nette)...
Par exemple, si une hausse du CA ne se répercute pas sur le résultat, ce peut être en raison d'un événement
qui rétrécit la marge comme, par exemple, une augmentation importante du coût d'achat des marchandises.
Toutefois, les comparaisons peuvent être rendues difficiles par l’hétérogénéité des chiffres d’affaires, en
particulier entre les activités gazières et les activités électriques ; prendre pour références les montants
d’EBITDA (ou d’EBE) peut donc être plus significatif.
Difficultés de comparaison des ratios calculés par rapport au chiffre d’affaires
Les chiffres d’affaires n’ont pas la même signification selon le secteur d’activité, même au sein d’un même
secteur tel que celui de l’énergie, lorsqu’on compare par exemple le gaz et l’électricité.
En ce qui concerne le gaz, les fortes variations du prix de la matière première rendent peu significative
l’évolution des ventes en valeur. Le chiffre d’affaires des activités gazières, dans la mesure où il est
principalement constitué par la revente de gaz importé, est très dépendant des évolutions des prix
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internationaux des hydrocarbures, dont les entreprises n’ont pas la maîtrise, et avec lesquelles le résultat
d’exploitation n’est pas nécessairement en corrélation. On peut même dire qu’il serait anormal qu’il existe
une corrélation telle que le résultat de l’entreprise gazière varie au même rythme que le prix du gaz.
Les entreprises gazières telles que GDF Suez s’approvisionnent encore très largement dans le cadre de
contrats à long terme avec des prix fixés en grande partie à l’avance et indexés sur les produits pétroliers. Il
arrive souvent que ces prix ne soient plus compétitifs par rapport à ceux que les clients peuvent trouver sur
les marchés de court terme. Récemment, les pouvoirs publics ont amené GDF Suez à intégrer davantage les
prix spot du gaz dans la nouvelle formule de calcul des prix pour les ménages.
L’annexe 3 montre que les ratios de marge calculés par rapport au chiffre d’affaires sont très différents selon
qu’il s’agit de l’activité d’achat-revente de gaz ou de l’activité de production d’électricité.
Intensité capitalistique variable et distorsions comptables après amortissements et provisions
Les ratios de rentabilité ayant les capitaux au dénominateur sont plus élevés lorsque l’activité nécessite
relativement moins de capitaux, leur dénominateur étant alors relativement faible (voir l’annexe 1). Mais le
caractère plus ou moins capitalistique de l’activité a aussi un effet sur les ratios de marge. En effet, en aval
de l’EBITDA, les résultats sont influencés en particulier par les méthodes d'amortissement, et ne donnent pas
le meilleur reflet de la profitabilité économique d'une entreprise.
Lorsqu’on trouve au numérateur une grandeur comptable après amortissements (EBIT ou résultat
opérationnel, résultat net…), les entreprises relativement peu capitalistiques (où le montant des
amortissements est relativement faible) auront des ratios plus flatteurs que celles où les amortissements sont
importants.
Cette remarque s’applique aussi au cas des entreprises intégrées du secteur de l’énergie, telles qu’EDF et
GDF Suez, du point de vue :
- de la combinaison des métiers : la combinaison de métiers capitalistiques (centrales électriques et
réseaux) et de métiers relativement peu capitalistiques tels que la commercialisation se résume par un
ratio global qui dépend de l’importance respective de ces deux types de métiers ;
- du caractère plus ou moins capitalistique des unités de production elles-mêmes (nucléaires ou gazières,
par exemple).
Il convient de garder cette remarque à l’esprit lorsqu’on compare les ratios d’un groupe diversifié comme
GDF Suez ou EDF avec les ratios de ses filiales de réseau.
Il convient aussi de se rappeler que le montant des amortissements et provisions peut dépendre:
- de règles particulières (par exemple, en France, celles qui régissent les provisions pour renouvellement
dans le cas des biens en concession).
- de la modification des durées d’amortissement (voir ci-dessus ce qui est dit des normes comptables IFRS
(International Financial Reporting Standards).
Pour prendre l’exemple des concessions de distribution d’électricité, ERDF, filiale d’EDF, est légalement le
concessionnaire unique chargé de l’essentiel (95 %) des réseaux de distribution publique en France, dont les
concédants sont les collectivités locales, auxquels les biens sont censés revenir à l’expiration de la
concession. L’ensemble des biens en concession est porté à l’actif du bilan d’ERDF qu’il s’agisse d’ouvrages
achetés ou construits par ERDF ou d’ouvrages remis par les concédants. Le régime comptable spécial
quelque peu schizophrénique appliqué à ces biens (qui doivent revenir gratuitement à l’autorité concédante
au terme du contrat de concession, mais dont ERDF reste néanmoins le concessionnaire obligé) se
caractérise notamment par :
- un amortissement linéaire de l’ensemble des valeurs immobilisées sur la durée d’utilité estimée ;
- une provision pour renouvellement pour les seules immobilisations renouvelables avant le terme de la
concession, provision calculée sur la différence entre la valeur de remplacement des biens (revalorisée en
fonction d’indices officiels spécifiques à la profession), et leur valeur d'origine c'est-à-dire l'assiette de
l'amortissement industriel. Cette provision est constituée sur la durée de vie de l’ouvrage et vient
compléter les charges d’amortissement industriel.
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Les dotations nettes du groupe EDF aux provisions pour renouvellement des immobilisations en concession
se sont élevées à : 526 MEUR en 2008 ; 490 MEUR en 2009 ; 428 MEUR en 2010 ; 221 MEUR en 2011.
Les tableaux de l’annexe 3 montrent l’importance des dotations aux amortissements et provisions, dotations
qui restent encore relativement plus élevées dans les comptes d’EDF que dans ceux de GDF Suez.
2. Les actions
Comme les cours de bourse varient continuellement, il est difficile de déterminer quelle est exactement la
valeur d’une action. Cette incertitude affecte tous les ratios boursiers : rendement des actions, capitalisation
boursière rapportée aux fonds propres, aux résultats, à d’autres éléments comptables… Il est donc utile de se
référer à des moyennes de cours mais le choix des périodes de temps à retenir crée lui aussi de l’incertitude.
2.1. L’actionnariat
Les actionnariats respectifs d’EDF et de GDF Suez ont des structures nettement différentes.
Certes, l’Etat est présent dans le capital des deux entreprises, mais très majoritairement en ce qui concerne
EDF, et pour un peu moins de 40 % chez GDF Suez (si l’on additionne les parts de l’Etat, de la Caisse des
Dépôts et de la CNP).
Le « public » (actionnaires non dirigeants) détient un peu plus de la moitié du capital de GDF Suez (50,5 %).
Les chiffres ci-dessous présentent la composition des deux actionnariats, en % du capital, au 31 décembre
2011.
EDF
Etat Français : 84,44 % (84,50 % des droits de vote)
Institutionnels Europe hors France : 4,70 %
Institutionnels reste du monde : 3,06 %
Institutionnels France : 3,07 %
Actionnaires individuels : 2,82 %
Actionnariat salarié : 1,84 %
Auto-détention : 0,07 %
(Source : document de référence AMF 2011, point 18.1)
GDF Suez
Etat français : 36,0 % (36,6 % des droits de vote)
Groupe Bruxelles Lambert : 5,2 %
Caisse des Dépôts et CNC : 3,1 %
Salariés : 2,3 %
Sofina : 0,6 %
Auto-détention : 1,7 %
Public : 50,5 %, dont institutionnels 40 % et individuels et autres : 10,5 %
(Source : document de référence AMF 2011, page 237)
2.2. L’évolution du cours de l’action
L’action EDF a été introduite en bourse à 32 euros le 21 novembre 2005 (prix de l'Offre à Prix Ouvert auprès
du public en France). Après être montée à plus de 80 euros, elle est descendue à 16 euros au 27 juillet 2012.
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Statistiques au 27 mars 2012 sur différentes périodes de l'action EDF
1 mois
3 mois
6 mois
Depuis l'ouverture du capital *
Variation EDF (%)
- 3,68 %
- 2,55 %
- 17,06 %
- 43,95 %
Variation CAC 40 (%) + 1,76 % + 12,85 %
+ 15,83 %
- 23,64 %
* par rapport au prix de l'Offre à Prix Ouvert auprès du public en France (32 €)
Comment expliquer les contre-performances boursières d’EDF ? On peut énumérer les raisons suivantes :
- L’activité nucléaire : après avoir été considérée comme un atout par la bourse (voir plus loin les
remarques au sujet de PER), elle est désormais un handicap après la catastrophe de Fukushima ;
l’Allemagne et l’Italie ont déclaré renoncer au nucléaire ; la publication du rapport de l'Autorité de sureté
nucléaire exigeant qu'EDF investisse entre 10 et 16 milliards d'Euros (suivant les sources) pour
renforcer la sécurité de ses centrales a eu un impact significatif sur son cours de bourse ;
- Dans la période récente, la rentabilité de l’entreprise a été affectée par la diminution du taux de
disponibilité des centrales ; l’échec des projets récents d’implantation aux Etats-Unis a dégradé les
comptes et les perspectives de développement;
- Le coût croissant des subventions aux énergies renouvelables (photovoltaïque en particulier, et éolien)
est pour l’instant supporté de fait par EDF pour des montants considérables ;
- L’arrivée au pouvoir d’une nouvelle majorité politique en France : à l’occasion des élections
présidentielle et législative du premier semestre 2012, le débat sur la pérennité du nucléaire et l’accord
verts-PS ont pesé sur le titre ; mi-2012, le nouveau gouvernement a limité l’augmentation des tarifs
réglementés ;
- Les mauvaises performances boursières de l’ensemble du secteur auquel appartient EDF. En 2011, le
secteur avait bien commencé l’année, mais après la catastrophe de Fukushima il a été l’un des pires
« performeurs » de l’année, en ce qui concerne Veolia (-61,3%), Areva (-47,7 %), Suez environnement (42,4 %), et EDF (-38,8 %), qui sont soit des « nucléaristes ayant souffert de la catastrophe japonaise avec
l’augmentation du risque politique et les incertitudes sur les investissements de sûreté supplémentaires,
soit des titres cycliques d’environnement qui ont souffert de la récession économique et des annonces
négatives (« profit warnings » à répétition pour Veolia).
Les performances boursières de GDF Suez ne sont guère plus brillantes que celles d’EDF.
A la date de la fusion entre GDF et Suez, le 22 juillet 2008, le cours de l’action était de 40,09 euros.
En décembre 2011, le cours le plus bas a été de 19,52 euros, et le cours le plus haut de 21,39 euros.
Au 27 juillet 2012, l’action GDF Suez était à 17,85 euros.
2.3. Le taux de distribution du résultat
Le taux de distribution (en anglais « payout ») est égal au rapport dividende/résultat net.
D’après les comparaisons effectuées par EDF, la politique de dividende est actuellement (2012) la suivante,
pour :
- RWE : 50 à 60 % du résultat net récurrent ;
- E.On : 50 à 60 % du résultat net ajusté, plancher à 1 euros en 2011, 1,1 euro pour 2012 ;
- Enel : 60 % du résultat net, 40% comme plancher sur 2012-2016.
- EDF : 55-65 % du résultat net ;
- GDF Suez : politique de dividende confortable pour l’actionnaire, avec un taux de distribution de 72 %
pour 2010 et de 83 % pour 2011.
2.4. Le rendement de l’action
Le bénéfice net par action (BNA) rapporté au cours de l’action (taux de rendement implicite) est l’inverse du
PER présenté ci-dessous. Multiplié par le taux de distribution du résultat (dividende/bénéfice), il donne le
rendement de l’action (dividende/cours de l’action) :
(BNA/cours de l’action) x (dividende par action/BNA) = dividende par action/cours de l’action.
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Le rendement d’une action (« dividend yield » en anglais) est obtenu en rapportant le dividende au cours de
l’action.
Il ne prend en compte que les dividendes versés sans inclure la plus-value (ni déduire la moins-value) en cas
de revente. La notion de rendement est ainsi plus étroite que celle de rentabilité (rentabilité d'une action =
rendement + plus-value - moins-value).
Le rendement des actions est un moyen de mesurer combien l’actionnaire reçoit de dividende annuellement
pour chaque euro investi dans la société.
Un faible rendement ne signifie pas nécessairement que la rentabilité de la société est faible, car il dépend de
plusieurs facteurs : le résultat net ; le taux de distribution (dividende sur résultat net) ; le cours de l’action.
L’analyse de ces trois facteurs conduit aux réflexions suivantes :
- le niveau relatif du résultat net, comme le montre la comparaison des grandes entreprises de l’énergie en
Europe, dépend souvent davantage de la nature intrinsèque de l’activité (type d’énergie, type de moyens
de production…) que de la qualité de la gestion ;
- en ce qui concerne les taux de distribution des entreprises européennes de l’énergie, on voit que le
rendement de l’action GDF Suez a été obtenu au prix d’un taux de distribution particulièrement élevé ;
- S’agissant de la valeur de l’action, avant Fukushima le plus faible rendement de l’action EDF était à
mettre en relation avec son PER plus élevé (PER = cours de l’action/bénéfice : voir ci-dessous).
Le rendement de l’action (« dividend yield ») est le suivant pour quelques entreprises européennes (source :
EDF) :
RWE
E.On
Enel
2009
5,2 %
5,1 %
6,2 %
2011
6,6 %
5,8 %
8,4 %
Prévu 2012*
5,7 %
6,0 %
5,3 %
GDF Suez
EDF
4,9 %
2,8 %
7,0 %
6,2 %
7,6 %
6,4 %
*source : consensus médian des analystes financiers, mars 2012
2.5. Le PER
Le « Price/Earning Ratio », plus connu sous le nom de « PER », est le rapport entre le cours de bourse d'une
entreprise et son bénéfice après impôts ramené à une action (bénéfice net par action).
On l'appelle parfois en français le quotient (ou multiple) C/B : capitalisation/bénéfice de l'entreprise, ou
cours/bénéfice par action. Il indique combien de fois le cours capitalise le bénéfice.
Le PER généralement publié dans la presse est calculé sur le dernier bénéfice annuel publié, et sur le
bénéfice anticipé pour l'année en cours.
Le PER est calculé de manière systématique par les médias boursiers. Mais c’est une notion complexe :
- En tant que rapport entre le cours d’une action et le bénéfice net par action, il reflète en principe la
croissance des bénéfices attendue par la bourse ;
- Mais comme inverse du rapport : cours de l’action/bénéfice par action, il correspond à l’inverse d’un
rendement : plus il est élevé, plus le taux de rendement à court terme est faible.
Le PER ne peut s'appliquer qu'aux sociétés bénéficiaires. Le bénéfice net de la société ne doit pas comporter
d'éléments exceptionnels, sinon le PER n'est plus significatif. Meilleure est la visibilité sur les résultats, plus
le PER sera élevé. Un endettement élevé se traduit par un PER peu élevé. Plus une valeur est liquide, plus
son PER est élevé.
Parfois c'est l'inverse du PER qui est utilisé, sous le nom de « taux de rendement implicite», censé faciliter la
comparaison avec les taux de rendement de divers placements. Par exemple un PER de 20 correspond à un
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rendement bénéficiaire de 1 / 20 = 5 %. Arithmétiquement, plus le PER est élevé, plus le rendement est
faible, et inversement.
Le PER peut varier fortement, selon:
- Le secteur considéré ;
- les types d'entreprises (entreprise de croissance, entreprise défensive, entreprise cyclique, entreprise en
crise ou en déclin...) ;
- les phases, baissières ou haussières, du cycle économique et financier général ;
- le lieu géographique de l'entreprise, ou de ses activités principales, la bourse où elle est cotée…
S’agissant des sociétés comparables à EDF, les PER cours de l’action/bénéfice (x) sont présentés dans le
tableau suivant :
PER
Iberdrola
RWE
E.On
Enel
GDF Suez
EDF
Réalisé 2009
10,71
7,35
7,98
7,27
12,56
14,90
Réalisé 2011
11,8
9,4
Prévu 2012*
9,0
8,7
12,7
7,6
12,6
9,1
*source : consensus médian des analystes financiers, mars 2012
D’après Les Echos du 16 novembre 2010, EDF bénéficiait alors en bourse d’une forte prime du point de vue
du PER : « En le payant 15 fois ses bénéfices, écrivait ce journal, (les marchés financiers) le valorisent 50 %
plus cher que la moyenne du secteur, presque deux fois plus que ses confrères allemand et italien ». Il est
probable que cette différence était due en particulier à l’importance de l’activité nucléaire d’EDF.
En 2012, la situation a complètement changé avec un multiple de capitalisation moyen attendu de 9,1 fois les
profits. Non seulement EDF a perdu la prime dont elle disposait auparavant et qui reposait sur ses positions
fortes dans le nucléaire, mais celles-ci sont devenues un handicap du point de vue de la bourse.
En revanche, le rendement de l’action a augmenté.
2.6. La capitalisation boursière
Capitalisation boursière et « price to book ratio »
La capitalisation boursière d'une société par actions est le produit du nombre de ses actions par la valeur de
marché de chaque action.
Elle est distincte de la valeur de l'entreprise, qui mesure la valeur de marché de l'ensemble des capitaux
investis dans l’entreprise, et qui comprend non seulement la capitalisation boursière, mais aussi la dette
financière, argent investi par les prêteurs de la même manière que la capitalisation est l'argent investi par les
actionnaires.
Lorsqu'un investisseur désire acquérir 100 % des actions d'une société, il doit généralement payer plus que le
cours du marché, en y ajoutant « une prime de contrôle ».
Si l'on suppose que les actionnaires recherchent uniquement leur profit financier et que les marchés
fonctionnent de manière efficiente:
- la capitalisation boursière sera d'autant plus élevée que les profits attendus sont élevés ;
- à espérance de profit égale, plus les prévisions sont incertaines, moins la capitalisation boursière sera
élevée.
Le « Price to Book Ratio » (PBR ou p/b), cours sur actif net, se calcule en divisant la capitalisation boursière
d'une société par son actif net (éventuellement réévalué). Il permet de comparer la valorisation de la société
par le marché à sa valorisation comptable.
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Un PBR élevé peut désigner des valeurs dont l’actif comptable est sous-évalué, soit parce que son calcul est
ancien, soit parce que les investisseurs estiment que la valeur de l'actif net va croître dans le futur. Au
contraire, un PBR faible peut signifier que, selon le marché, les actifs de l'entreprise sont trop valorisés dans
ses comptes.
On peut appliquer, à une entreprise que l'on cherche à évaluer, des coefficients multiplicateurs calculés pour
des entreprises comparables, coefficients tels que le PER, ou encore le multiple obtenu en rapportant la
valeur d'entreprise (capitalisation boursière + valeur de marché de la dette) au chiffre d'affaires, à l’EBITDA
(excédent brut d’exploitation), ou à l’EBIT (résultat opérationnel)…
Les exemples d’EDF et de GDF Suez
Dans le cas d’EDF :
- Fin 2009, les capitaux propres s’élevaient en comptabilité à 32,750 milliards d’euros, et la capitalisation
boursière à plus de 68 milliards d’euros ;
- au 3 décembre 2010, la capitalisation boursière était de 58,6 milliards d’euros ;
- fin mars 2012 : la capitalisation boursière s’élevait à 33 milliards d’euros.
Cette capitalisation peut être comparée au montant des capitaux propres (part du groupe) d’EDF fin 2011 :
31,317 milliards d’euros.
Dans le cas de GDF Suez :
- La capitalisation boursière au moment de la 1ère cotation s’élevait à 96 milliards d’euros ;
- Fin 2009, les capitaux propres (comptables) s’élevaient à 65,500 milliards d’euros et la capitalisation
boursière à environ 64 milliards d’euros ;
- Au 3 décembre 2010, la capitalisation boursière était de 59, 2 milliards d’euros ;
- fin mars 2012 : la capitalisation boursière était de 44 milliards d’euros.
Cette capitalisation peut être comparée au montant des capitaux propres (part du groupe) en comptabilité fin
2011 : 62 930 millions d’euros.
Alors que le montant comptable des capitaux propres de GDF Suez en mars 2010 était légèrement supérieur
au montant de sa capitalisation boursière, il lui est très inférieur en mars 2012.
Si le montant des capitaux propres comptables de GDF Suez est à peu près deux fois plus élevé que celui des
capitaux propres d’EDF, cette différence s’explique en grande partie par les effets de la fusion entre Gaz de
France et Suez, qui a eu pour conséquence comptable d’ajouter aux fonds propres de Suez environ 40
milliards d’euros correspondant au montant de « l’acquisition » de Gaz de France (évaluation des actifs à
leur juste valeur, et « goodwill »).
3. Les emprunts
Les sociétés cotées telles que EDF et GDF Suez ne sont bien entendu pas les seules à être exposées à la
concurrence financière, toutes les entités privées ou publiques le sont lorsqu’elles veulent emprunter.
Cette concurrence s’exerce notamment par les notes de crédit des agences de notation, dont les trois
principales sont Standard & Poor’s, Moody’s, et - au second plan - Fitch.
3.1. Les notes des agences de notation
Les grilles de notation
Un exemple : la grille de notation de Moody’s :
Notation de dette à un an ou plus
Catégorie investissement
Aaa – valeurs de tout premier ordre (« gilt edged »)
Aa1, Aa2, Aa3 – fourchette haute (« high-grade »)
A1, A2, A3 – notation intermédiaire (« upper-medium grade »)
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Baa1, Baa2, Baa3 – fourchette basse (« medium grade »). Peut comporter certaines caractéristiques
spéculatives.
Catégorie spéculative
Ba1, Ba2, Ba3 – éléments dits spéculatifs
B1, B2, B3 – absence de caractéristiques d’investissement souhaitables
Caa1, Caa2, Caa3 – obligations de très mauvaise qualité
Ca – hautement spéculatives
C – notation la plus basse. Perspectives extrêmement faibles d’atteindre un niveau propice à
l’investissement.
Notation de dette à court terme (maturité inférieure à un an)
Prime-1 - fourchette haute
Prime-2 - notation intermédiaire
Prime-3 - fourchette basse
Not Prime - Peut être considérée comme appartenant à la catégorie spéculative
Le contexte général au début de 2012
Dans la foulée de la perte du triple A par l’Etat français en même temps que la dégradation de 8 autres Etats
européens, l'agence de notation Standard & Poor's a annoncé le 17 janvier 2012 dans un communiqué la
dégradation d'un cran d’EDF et de sa filiale RTE de AA- à A+, ainsi que celle de la SNCF de AA+ à AA. On
peut mentionner aussi dans le lot de ces dégradations : Réseau Ferré de France (RFF), l'Unedic, la Cades et
l'AP-HP.
S&P a placé également la note A+ d'Aéroports de Paris (ADP) sous perspective négative. Ces dégradations
ou baisses de perspectives ont concerné 13 entreprises de la zone euro, « directement affectées par la
dernière action sur la notation dans l'euro-zone du fait de leur statut » lié à la sphère gouvernementale.
Les notes d’EDF et GDF Suez
A l’époque où EDF et Gaz de France étaient des entreprises publiques, les agences de notation financière ont
considéré comme un soutien justifiant une meilleure notation le fait qu’un Etat soit majoritaire dans le capital
d’une entreprise. Puis, considérant la perte du statut d’EPIC, et l’engagement dans des activités plus
concurrentielles, elles ont réduit leur note de crédit à long terme.
S&P a fait passer cette note de AAA à AA en mai 2003. Le 25 mars 2005, cette agence a abaissé sa notation
de AA à AA- avec perspective stable.
Moody’s, de son côté, a confirmé le 23 février 2005 la note précédemment abaissée à Aa3 pour la dette à
long terme, en modifiant la perspective de négative à stable, à la suite de l’annonce de la réduction
considérable des engagements de retraite incombant à l’entreprise (dans le cadre des normes IFRS). Cette
agence a publié le 28 avril 2005 une nouvelle méthodologie de notation qui conduit à une amélioration de la
dette à long terme de Gaz de France de Aa3 à Aa1, avec perspective stable.
Afin de conserver sa notation, Gaz de France devait :
- pour Standard and Poor’s, maintenir une couverture d’environ 35 % de son endettement net (ajusté des
engagements de retraite et du cash non immédiatement disponible) par les FFO (« Funds from
operations » : flux générés par l’exploitation) ;
- pour Moody’s, respecter un niveau minimum de 30 % du ratio cash flow/dette nette ajustée (y compris
les engagements de retraite).
Dans la période récente, EDF (voir le document de référence AMF 2011 page 207) a reçu les notes suivantes
:
- Moody’s : long terme Aa3 assortie d’une perspective stable ; court terme P-1 ;
- Standard & Poor’s : long terme A+ note assortie d’une perspective stable (note réévaluée le 7 juillet
2011, passant de A+ à AA-avec une perspective stable, S&P ayant jugé le soutien de l’Etat plus probable
en cas de difficultés ; mais le 15 décembre S&P a placé EDF sous surveillance négative en lien avec la
mise sous surveillance de l’Etat français ; puis le 17 janvier 2012 l’agence a dégradé EDF de AA- à A+ à
la suite de la dégradation de la notation de l’Etat français) ; court terme : A-1+ (note dégradée le 17
janvier de A-1+ à A-1 à la suite de la dégradation de l’Etat français) ;
- Fitch Ratings : long terme A+ et perspective stable ; court terme F1.
11
GDF Suez est actuellement noté de la manière suivante :
- Moody’s: A1/P-1 avec perspective négative (publication de juillet 2012) ;
- Standard & Poor’s : A/A-1 avec perspective stable (publication d’avril 2012).
Sont aussi notées dans le groupe GDF Suez les entités suivantes : Electrabel SA ; Compagnie Européenne de
Financement ; GDF Suez CC ; Suez environnement ; International Power.
Ainsi, EDF est mieux noté (d’un cran) que GDF Suez, aussi bien par Moody’s que par S&P, ce que l’on peut
attribuer au caractère public de l’entreprise.
Il convient de remarquer que les niveaux de notation des agences font partie des objectifs annuels des
entreprises. Ainsi, GDF Suez a eu (et atteint) en 2011 l’objectif d’une notation de niveau A.
3.2. Les ratios d’endettement
Le ratio dette nette/EBITDA
Les agences de notation (et les analystes financiers) fondent leurs appréciations notamment sur l’analyse de
ratios d’endettement, dont le principal semble être désormais celui qui rapporte l’endettement net à
l’EBITDA.
C’est pourquoi en matière d’endettement, EDF et GDF Suez communiquent principalement sur leur ratio:
endettement financier net/EBITDA (EDF) ou dette nette/EBITDA (GDF Suez), qui fait partie des ratios
rapportant l’endettement aux flux par opposition aux ratios rapportant l’endettement aux capitaux.
Le ratio Endettement net/Excédent brut d'exploitation ou EBITDA, exprime, en nombre d'années d'excédent
brut d'exploitation, la capacité de l'entreprise à rembourser son endettement au moyen de son excédent brut
d'exploitation.
Pour 2011, EDF a affiché (et atteint) l’objectif d’un ratio endettement financier net/EBITDA compris entre
2,1 et 2,3 (le groupe a atteint 2,2).
Pour 2011, GDF Suez a affiché (et atteint) l’objectif d’un ratio dette nette/EBITDA inférieur ou égal à 2,5 (le
groupe a atteint 2,3).
Détail du ratio dette/EBITDA
L’EBITDA
Rappelons ici les définitions de l’EBIT et de l’EBITDA :
- EBIT (Earning Before Interesty, Tax and Depreciation) : résultat opérationnel, équivalent au résultat
opérationnel et au résultat d’exploitation dans le système français
- EBITDA (Earning Before Interesty, Tax, Depreciation and Amortization) : EBIT avant dépréciation et
amortissement
En 2011, l’EBITDA d’EDF s’est élevé à 14 824 millions d’euros (16 623 millions d’euros), et celui de GDF
Suez à 16 525 millions d’euros (15 086 millions d’euros en 2010).
La diminution de l’EBITDA d’EDF entre 2010 et 2011est due à plusieurs causes : la mise en équivalence de
la filiale de transport d’électricité RTE, la cession de la participation dans la société allemande EnBW, des
cessions aux Etats-Unis dont les réseaux de distribution…
L’endettement net
D’après l’explication donnée par EDF dans son document de référence AMF 2011 (page 181), l’endettement
financier net n’est pas défini par les normes comptables et n’apparaît pas en lecture directe dans les bilans
consolidés du groupe. Il correspond aux emprunts et dettes financières diminués de la trésorerie et des
12
équivalents de trésorerie ainsi que des actifs liquides. Ces derniers sont des actifs financiers composés de
fonds ou de titres de maturité initiale supérieure à trois mois, facilement convertibles en trésorerie, et gérés
dans le cadre d’un objectif de liquidité.
A la fin de 2011, l’endettement financier net d’EDF s’est élevé à 33,3 milliards d’euros, et la dette nette de
GDF Suez à 37,6 milliards d’euros.
Réflexions sur le niveau de l’endettement
Les entreprises n’ont pas nécessairement intérêt à se prévaloir du plus faible endettement possible.
Lorsque les taux d'intérêt sont faibles, les entreprises peuvent emprunter à faible taux pour développer leur
activité et bénéficier d'un retour sur investissement supérieur au coût d'emprunt. En revanche, recueillir des
fonds pour les placer est en général sanctionné par les marchés.
Lorsque l’endettement net devient faible, ce n’est pas toujours le signe d’une bonne gestion. La capacité
d’endettement peut apparaître comme « sous-utilisée », ou encore la trésorerie excédentaire peut être placée
à taux faibles au lieu de contribuer à un investissement plus rémunérateur, comme on l’a reproché à Gaz de
France au milieu de la décennie 2000-2010. La direction financière de cette entreprise, sans vraiment
convaincre, répondait que si la rémunération était relativement faible, les principes de placement étaient
l’absence de risque en capital et la possibilité de mobiliser ces sommes dans un délai court.
4. Réflexions sur le degré d’adaptation d’EDF et de GDF Suez à la concurrence financière
4.1. Les actions : Contradictions entre les exigences d’un marché boursier et les caractéristiques
boursières d’EDF
On peut considérer comme conditions d’un bon fonctionnement sur le marché boursier :
- Un type d’activité ayant un horizon de court ou moyen terme, alors que le titre EDF est plutôt une valeur
de long terme. La bourse n’est donc pas pour EDF un instrument idéal, même si elle intègre des éléments
d’anticipation (voir ce qui a été dit plus haut sur les PER) ;
- Un type d’activité plutôt concurrentiel et non monopolistique ;
- Un minimum d’indépendance par rapport aux décisions politiques, ce qui n’est pas le cas du nucléaire, ni
d’ailleurs de l’activité d’ensemble d’EDF ;
- Corrélativement, une mise sur le marché d’une proportion suffisamment importante du capital…
S’agissant de ce dernier point, comme on l’a constaté plus haut, à peine 12,67 % du capital d’EDF sont
détenus par des personnes autres que l’Etat français (84,44 %) et les salariés de l’entreprise (voir plus haut).
Au contraire, 50,5 % des actions de GDF Suez sont dans le public (institutionnels 40 % et individuels :
10,5%).
En ce qui concerne le nucléaire, on a vu qu’avant la catastrophe de Fukushima, le nucléaire était considéré
par la bourse plutôt comme un atout (d’où les PER très favorables d’EDF), mais qu’après cette catastrophe
l’atout est devenu un handicap, non seulement pour EDF, mais aussi pour GDF Suez, si l’on considère ses
démêlés avec l’Etat belge au sujet de ses centrales nucléaires en Belgique.
Par ailleurs, GDF Suez comme EDF sont dépendants des décisions prises par l’Etat français sur les tarifs du
gaz et de l’électricité, et les cours des actions respectives s’en ressentent.
4.2. L’endettement : le paradoxe de l’appartenance au secteur public
Si la dépendance vis-à-vis des décisions publiques est relativement peu favorable sur le marché des actions,
l’appartenance au secteur public est au contraire un facteur propice à une meilleure notation, car cette
appartenance est considérée comme une garantie supplémentaire, comme on l’a vu au point 3.1., du moins en
ce qui concerne la France.
13
Il ne semble pas que GDF Suez bénéficie de ce facteur favorable, malgré les 40 % de capital détenus par
l’Etat, la Caisse des dépôts et la CNP : en effet, sa notation est un peu inférieure à celle d’EDF, tout en étant
elle aussi en catégorie A.
Ce léger avantage en faveur d’EDF paraît assez fragile, comme on l’a vu au début de 2012, quand la
dégradation par S&P de la note de la France a entraîné celle des entreprises publiques.
Dominique Lemaire
14
Annexe 1. Concurrence et rentabilité des capitaux employés
EDF et GDF Suez ne communiquent pas sur le ROCE et le ROE au niveau du groupe.
Il est à noter que le montant comptable des capitaux propres du groupe EDF, qui permettrait de calculer des
ratios de rentabilité, n’est pas significatif.
Mais le ROCE (de même que le ROE) est actuellement un élément de communication de RTE, filiale de
transport d’électricité d’EDF.
Rentabilité économique et rentabilité financière
Rentabilité économique
Le ROCE (Return On Capital Employed) est le rapport entre le résultat opérationnel et les capitaux
employés. Si on utilise non pas les capitaux de fin de période, mais la moyenne des capitaux propres de
début et de fin de période, le ROCE est appelé ROACE (A pour Average).
Le ROCE vise à mesurer la rentabilité des capitaux employés indépendamment des modalités de
financement. C’est pourquoi il comporte au dénominateur, en plus des capitaux propres, les dettes
financières, afin de neutraliser la différence entre les sources de financement, en faisant comme si tout était
financé sur capitaux propres.
Les capitaux employés comprennent le total des actifs mis en œuvre (hors disponibilités et valeurs mobilières
de placement), net des provisions pour risques et charges, des dettes d’exploitation diverses et des comptes
de régularisation passif.
La rentabilité de l’entreprise appréhendée par le ROCE s’apprécie :
- Par rapport au résultat d’exploitation ;
- Et par rapport à l’ensemble des moyens mis en œuvre (apports des actionnaires et des prêteurs) pour
obtenir le résultat d’exploitation ; dans le cas des entreprises soumises au régime des concessions (par
exemple dans la distribution de gaz et d’électricité), elle s’apprécie par rapport aux capitaux mis en
oeuvre à la fois par le concessionnaire et par le concédant.
Rentabilité financière
Le ROE (Return On Equity) est le rapport entre le résultat net d’une société et le montant de ses fonds
propres. Il mesure la capacité à valoriser les capitaux apportés par les actionnaires.
Le ROE, plus simple que le ROCE, est par la même plus aisément comparable. D’où son calcul systématique
par les médias financiers. Mais il est, en même temps, plus simpliste.
La rentabilité pour l’actionnaire n’est pas la rentabilité de l’entreprise. Elle se juge différemment, c’est-àdire :
- Par rapport au résultat net sur lequel sont prélevés les dividendes (non par rapport au résultat
d’exploitation) ;
- Et par rapport aux seuls apports de fonds de l’actionnaire ; la question se pose de savoir si les capitaux
propres figurant au bilan sont suffisamment significatifs ; souvent, ils ne le sont qu’imparfaitement, et les
ratios boursiers, quand la société est cotée, permettent parfois une meilleure appréciation.
L’une des questions qui se posent notamment dans la distribution d’électricité dont les réseaux sont la
propriété des collectivités locales concédantes) est celui des biens en concession : le calcul du ROE amène à
reconnaître clairement, pour la définition des capitaux au dénominateur de ce ratio, l’exclusion des biens qui
sont en fait la propriété des collectivités concédantes.
Exemples d’événements comptables ayant gonflé les capitaux propres
On peut évoquer succinctement trois événements comptables qui ont eu des effets notables sur le niveau des
ratios de rentabilité des entreprises françaises électriques et gazières.
15
Le rachat des réseaux de transport d’électricité et de gaz
En ce qui concerne l’électricité, le rachat par EDF du réseau de transport a fait passer les capitaux propres de
cette entreprise de 3,689 milliards d’euros (24,2 milliards de francs) au 31 décembre 1996 à 12,074 milliards
d’euros (79,2 milliards de francs) au 1er janvier 1997.
En ce qui concerne le gaz, les capitaux propres de Gaz de France ont augmenté en 2002 de 3297 MEUR,
cette variation étant sensiblement égale au résultat de l’exercice (+3612 EUR) minoré du dividende versé en
2002 au titre du résultat 2001 (312 MEUR), résultat incluant l’impact net d’impôt du rachat des réseaux de
transport pour un montant de 2 774 MEUR.
Les ouvertures du capital
Le ratio endettement net/capitaux propres est très sensible à l’évolution ponctuelle des capitaux propres qui,
par exemple, sont passés de 10 853 MEUR en 2004 à 14 430 MEUR en 2005 dans le cas de Gaz de France
en raison notamment de l’opération d’ouverture/augmentation du capital.
La fusion Gaz de France-Suez
Si le montant des capitaux propres de GDF Suez est à peu près deux fois plus élevé que celui des capitaux
propres d’EDF, cette différence s’explique par les effets de la fusion entre Gaz de France et Suez, qui a eu
pour conséquence comptable d’ajouter aux fonds propres de Suez environ 40 milliards d’euros correspondant
au montant de « l’acquisition » de Gaz de France (évaluation des actifs à leur juste valeur, et « goodwill »).
Dans le cas de GDF Suez, les capitaux propres à la fin de 2007 s’élevaient à 18,501 milliards d’euros pour
Gaz de France et 24,861 milliards d’euros pour Suez. A la fin de 2008, après la fusion, les capitaux propres
de GDF Suez se sont élevés à 62,818 milliards d’euros (voir le document de référence AMF 2008 de GDF
Suez).
L’importante différence de montants entre fin 2007 et fin 2008 ne s’explique pas par une évolution
économique réelle, mais par le fait que les capitaux propres de l’entreprise résultant de la fusion ont été
calculés (sous réserve de quelques ajustements) en ajoutant aux capitaux propres de Suez plus de 40
milliards d’euros correspondant à l’« acquisition de Gaz de France » (bien que, juridiquement, Gaz de France
ait absorbé Suez, c’est Suez qui, du point de vue comptable, a absorbé Gaz de France). Ces 40 milliards
d’euros correspondent :
- à la juste valeur de l’actif net de Gaz de France (et non à sa valeur comptable antérieure) pour un
montant de presque 29 milliards d’euros;
- Et à un goodwill d’un peu plus de 11 milliards d’euros.
La différence entre les ratios de rentabilité financière d’EDF et de GDF Suez est à mettre en relation avec le
fait que le montant des capitaux propres (fin 2011) s’élève à 31,217 milliards d’euros dans le cas d’EDF, et
le double dans le cas de GDF Suez (62,93 milliards d’euros).
16
Annexe 2 : Données relatives aux entreprises européennes de l’énergie
Source : EDF
*RN= Résultat net courant
**DFN=dette financière nette
2010
RWE
E.On
Enel
CA
53 320
81 817
73 377
EBITDA
10 256
13 346
17 480
RN*
3 752
4 882
5 673
RN PG
3 308
5 853
4 390
DFN**
11 900
20 300
44 900
GDF Suez
EDF
EDF
ajusté*
84 478
65 320
63 922
15 086
16 623
14 156
5 626
3 961
3 105
4 616
1 020
41 600
34 400
34 400
*Ajusté c’est-à-dire: hors EnBW, Eggborough, réseaux au Royaume-Uni et avec mise en équivalence RTE
2011
RWE
E.On
Enel
CA
51 686
112 954
79 514
EBITDA
8 460
9 293
17 717
RN*
2 479
2 501
5 358
GDF
Suez
EDF
90 673
16 525
5 420
65 307
14 824
3 520
RN PG
DFN**
12 200
18 000
44 600
37 600
3 010
33 300
17
Annexe 3 : marges brutes ; dotations aux amortissements et provisions
Marges brutes
Les chiffres des deux tableaux ci-dessous montrent que les marges brutes correspondant au rapport achats
d’énergie/ventes d’énergie sont très différentes selon qu’il s’agit de gaz (comptes sociaux de GDF Suez) ou
d’un ensemble où l’électricité est prépondérante (comptes consolidés d’EDF) :
GDF Suez
(MEUR)
2008
2009
2010
2011
Ventes d’énergie (1)
23 523
23 245
23 356
22 143
Achats énergie et var.stocks gaz
(2)
17 369
16 867
17 102
16 994
(2)/(1)
73,8 %
72,6 %
73,2 %
Comptes sociaux
Source: documents de référence (AMF)
EDF (MEUR)
CA (1)
2008
2009
2010
2011
63 847
66 336
65 320
65 307
Achats combustibles et énergie
(2)
26 590
26 558
26 176
30 195
(2)/(1)
41,6 %
40,0 %
40,1 %
46,2 %
Comptes consolidés
Source: documents de référence (AMF) 2009 p. 165
Amortissements et provisions
Les tableaux ci-dessous montrent l’importance des dotations aux amortissements et provisions dans les
comptes d’EDF et de GDF Suez.
2008 (MEUR)
EDF
GDF Suez
EBITDA (1)
14 240
13 886
Dotations amort. et prov (2)
6 240
4 885
(2)/(1)
43,8 %
35,2 %
Dotations amort. et prov (2)
7 466
5 184
(2)/(1)
42,7 %
37,0 %
Dotations amort. et prov (2)
7 854
5 899
(2)/(1)
47,2 %
39,1 %
Dotations amort. et prov (2)
6 506
7 048*
(2)/(1)
43,9 %
42,7 %
Source: documents de référence (AMF)
2009 (MEUR)
EDF
GDF Suez
EBITDA (1)
17 466
14 012
Source: documents de référence (AMF) page 246
2010 (MEUR)
EDF
GDF Suez
EBITDA (1)
16 623
15 086
Source: documents de référence (AMF) page 246
2011 (MEUR)
EDF
GDF Suez
EBITDA (1)
14 824
16 500
*l’augmentation des charges d’amortissement provient de l’acquisition l’International Power et des mises en services
effectuées en 2011
Sources: documents de référence (AMF)
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