« Ce matin, tout le monde s’est levé tôt pour partager une journée philosophique organisée autour de la question de l’usage de l’art littéraire. Mme Veschambre, Mme Bonneau et M. Poirier ont accompagné la sortie des Ts1 et des Ts2 à Limoges MATIN : THESE : Critique des poètes et des rhapsodes comme pseudo-savants. Réciter et interpréter ne dépend pas d’une technique ni d’une science rationnelle, mais d’une forme dépossession de soi. Support : Pièce de théâtre : Ion de Platon APRES-MIDI : ANTITHESE : Valorisation de l’écriture et de la lecture de fiction : Support : visite de la bfm : …….et de son exposition sur la fiction : MATIN : THESE : Critique des poètes et des rhapsodes comme pseudo-savants. Réciter et interpréter ne dépend pas d’une technique ni d’une science rationnelle, mais d’une forme dépossession de soi. Support : Pièce de théâtre : Ion de Platon La matinée fût consacrée à la thèse de Platon développée dans le dialogue Ion. Ion est un illustre rhapsode qui sait mieux que personne interpréter Homère : interpréter aux 2 sens du terme : faire vivre le texte en le récitant, et le faire comprendre en l’expliquant. Mais Socrate finit par faire admettre à Ion qu’il n’a aucune technique ni aucun savoir, ni sur le contenu du poème, ni sur son rôle de rhapsode. Platon discrédite ces arts car il s’en tient à son équation « beau=vrai=bien » et ne parvient pas à construire d’esthétique autonome qui soit disjointe ou indépendante de la science ou de la morale. Les acteurs ont donné vie à des lettres mortes dans le droit esprit philosophique de l’école platonicienne qui s’est transmise par l’oralité pendant mille ans. Gérard Mascot a rendu avec saveur l’ironie socratique et son questionnement vivace, que l’on compare à un poissontorpille, ce poisson qui donne des décharges électriques de sorte à engourdir sa proie, car Socrate réduit malgré eux ses adversaires à la contradiction et donc au silence. Francis Matéo a la voix et le coffre impressionnants des chanteurs d’opéra, du genre de voix qui résonnerait merveilleusement dans un théâtre antique ; il a campé un Ion parfait dans sa naïveté mêlée de la griserie du succès. La mise en scène est pleine de trouvailles qui pourraient passer pour des détails si elles étaient superflues, mais qui permettent en réalité au dialogue de vivre avec la tension d’une pièce représentée en public. Le fil des arguments est si serré dans le texte qu’il fallait ces espaces de jeu et cette mise en scène pour que l’attention parvienne à suivre sans s’épuiser. En effet, en lisant le livre, à tout moment il est possible de le poser pour prendre le temps de réfléchir, pour se reposer l’esprit, pour relire des passages antérieurs, et en parlant directement avec Socrate, il serait possible de lui demander de réexpliquer par exemple, ou de faire une pause. Rien de tout cela n’est possible au spectateur de théâtre, et les petites respirations incises dans la mise en scène permettent de relâcher son attention sans la perdre, simplement en lui donnant un appui, un support, comme une canne pour continuer de cheminer malgré les efforts à fournir. Accessoires et décors : A la fin de la représentation, les Ts1 et Ts2 avaient rendez-vous avec les acteurs pour discuter de l’art théâtral. Cet échange fut très enrichissant, il a porté à la fois sur le parcours des deux comédiens, sur leur rapport aux textes de Platon qu’ils interprètent depuis une vingtaine d’année, sur le travail du comédien : la part de technique et la part de « lâcher-prise ». Les élèves de Caraminot ont posé des questions pertinentes et ont nourri un dialogue tout à fait intéressant, se montrant attentifs aux réponses et en en proposant des reprises et des ouvertures : A gauche, Gérard Mascot, ancien prof de maths…, interprète de Socrate depuis 20 ans. A droite, Francis Matéo, aussi journaliste (mais il ne faut pas le dire à sa mère), interprète de Ion Ci-dessous : Photo de groupe, les TS1, TS2, Socrate, Ion, Mme Veschambre, Mme Petit. . (Où est Rimbaud ?) La discussion s’est poursuivie entre les élèves participant à l’atelier théâtre et les deux comédiens, nous ignorons les « secrets de fabrication » qu’ils se sont dévoilés : Et en plus ils ont fini par repérer notre appareil : Francis Matéo (Ion) a répondu à nos questions : 1) Qu'est-ce qui vous plait dans l'activité de comédien? Il y a pour moi un mot qui résume ce qui me plait le plus dans ce travail de comédien : jouer. Dans les deux acceptions du verbe : interpréter, bien sûr, mais également s'amuser. Dans ce dernier cas, c'est presque un plaisir enfantin, celui de se mettre « dans la peau » d'un personnage. C'est aussi le plaisir la scène proprement dite, et de partager des émotions et des sensations avec le public. Au-delà, il y a évidemment la « construction » du personnage. Lui donner corps, c'est lui donner une personnalité, une psychologie qui soit service du texte, c'est donc un jeu de construction très enrichissant pour le comédien. 2) qu'est-ce qui vous plaît dans le fait de jouer Platon? D'abord le texte : la découverte, l'analyse, parfois le décryptage, la mise en évidence des subtilités de ce que j'appelle la « mécanique » platonicienne. Ce sont toujours des textes d'une très grande profondeur, pas forcément évidente à la première lecture, mais qui se prêtent à une subtilité de jeu au moment de les transposer sur scène. Ce sont aussi des dialogues qui offrent le plaisir d'incarner des personnages historiques. Mais surtout, pour qui aime la philosophie comme c'est mon cas, c'est l'occasion de donner chair à des idées. L'une des vertus de Socrate, c'est bien d'avoir prouvé que la philosophie, c'est la vie… au prix même de sa vie. Et quoi de plus vivant dans l'art que le théâtre ? 3) Qu'avez-vous pensé de la rencontre avec les élèves du Lycée Caraminot ? J'y ai retrouvé cette spontanéité qui fait le charme d'une rencontre avec le public. C'est un prolongement naturel du spectacle. Les élèves de l'atelier théâtre semblaient plus intéressés par le métier de la scène, mais après tout, le texte que nous présentions traitait aussi du sujet ! L'un des aspects les plus intéressants de ces échanges, c'est justement de faire tomber cette barrière entre la scène et les spectateurs, de passer du spectacle à la réalité. Ici encore, le texte de Ion s'y prête. Et dans ce souci de raccrocher la philosophie à la réalité, à la vie, la démarche est doublement intéressante. Gérard Mascot (Socrate) : 1) qu'est-ce qui vous plait dans l'activité de comédien? Ce qui est passionnant dans ce métier, c’est de pouvoir se lancer dans de nouvelles aventures régulièrement. Chaque nouveau projet est l’occasion de découvrir un nouvel univers, un nouvel auteur ou un nouveau texte, de nouveaux personnages. La création d’un spectacle ne se résume pas pour moi à l’interprétation d’un rôle. Je tiens à participer à la création du décor et de la lumière, à la mise en scène… c’est donc le bonheur de créer un petit monde dont on espère qu’il fera voyager le spectateur comme il nous fait voyager nous-même. L’aspect narcissique et « égotique" n’est évidemment pas exclu du travail du comédien, mais il s’estompe peu à peu (chez moi en tout cas) en se mettant au service du projet de création 2) Qu'est-ce qui vous plaît dans le fait de jouer Platon? Il est particulièrement agréable de jouer un auteur très peu représenté, parce que c’est l’occasion concrète de ressentir l’importance de notre métier de passeur (d’anneau pour reprendre le thème du Ion). Mais pour rentrer dans l’aspect plus philosophique, je comprends parfaitement l’attirance que l’on pouvait avoir pour l’esprit aiguisé de Socrate, son humour… et pour l’aspect politique et philosophique de Platon. Peu importe d’être d’accord ou non avec toute ou partie de l’oeuvre, elle force le respect, et c’est un vrai plaisir que de se sentir (même si modestement) impliqué dans l’histoire de cette oeuvre à travers le temps. Un autre plaisir est celui de pouvoir jouer un texte de nombreuses fois dans un courte période (3 mois), de pouvoir nuancer ou modifier son interprétation au fil des représentations. C’est un luxe qui n’est pas si courant et qui est très appréciable. De plus la France est très belle, est une tournée comme celle que nous faisons nous permet d’aller à sa rencontre et d’en être émerveillé... 3) Qu'avez-vous pensé de la rencontre avec les élèves du Lycée Caraminot ?* C’est un réel plaisir que de pouvoir discuter avec un public qui nous montre l’intérêt qu’il a ressenti à vivre la représentation avec nous, d’aller au devant du public et faire que ce mot générique « public » , se transforme en individus, en personnalités avec qui échanger. Il est parfois troublant de sortir de scène et de ne voir personne, comme si nous avions été des marionnettes déposées sur la scène pour faire un numéro, et qu’on range dans une boite quand le rideau se referme. D’autant que dans le cadre de notre présentation des textes de Platon, il y a un espoir de communiquer un gout pour le raisonnement, la prise de conscience (peut importe le thème, apprendre à analyser et à s’interroger, devient utile dans tous les domaines). La rencontre avec vos élèves à été très agréable dans ce sens parce qu’on y a senti un véritable échange. Les questions très pertinentes ne font que confirmer que la jeunesse est toujours prête à s’élever. C’est bien tout ce qu’on peut espérer, n’est-ce pas ? Que les élèves s’élèvent. Et cela grâce à votre travail de tuteur… C’est aussi un plaisir de ressentir cette passion du théâtre, ces questionnements, que nous ressentions lorsque nous étions nous-mêmes étudiants. On aimerait pouvoir les rassurer et leur dire que c’est très simple en réalité : Un texte, une scène (en fait un espace de jeu, même une place de village, au sol…) et de la passion... Après le repas nous prenons l’air aux jardins de l’Evêché : APRES MIDI : ANTITHESE : Valorisation de la lecture de fiction Support : visite de la bfm : …. et de son exposition sur la fiction : 1) Bibliothèque Francophone Multimédia: Œuvre de Riboulet inaugurée en 1998, elle comporte 3 types d’espace : le bâtiment classé de l’ancien hôpital, un nouveau bâtiment et un jardin d’hiver pour relier les deux : Bâtiment de l’ancien hôpital : Nouveau bâtiment : L’ensemble vu du ciel : MOSAIQUE ROMAINE : au cœur du nouveau bâtiment : TAPISSERIE : La bfm présente dans son hall une toile gigantesque tissée à Aubusson et cousue avec des fils d’or. Elle présente des citations célèbres et des symboles expliqués en détail sur le site internet de la bfm. Détails : NOUVEAU BÂTIMENT : LE JARDIN D’HIVER : L’ANCIEN HOPITAL : L’espace multimédia, l’espace de la presse et des revues (la bfm est abonnée à Charlie Hebdo) A gauche : « La source » permet de télécharger sur une clé usb des livres numériques de la bibliothèque. A droite : le coin des revues. Cherchez l’erreur Pendant qu’une classe visitait la bibliothèque, l’autre profitait de l’exposition « Fabulator », et à 15h nous avons alterné les visites. Cette organisation de l’après-midi fût proposée par Mme Claire Soubranne, qui travaille à la BFM de Limoges pour mettre en contact le public avec les auteurs et les artistes. Il se trouve également qu’elle a fait sa scolarité à Egletons et son Lycée à Caraminot… Voici son parcours et ce qui la passionne dans son métier : « J'étais à Caraminot à l'époque du "P5" et de la section L. J'ai passé mon bac L en 1998. J'ai suivi un double cursus lettres modernes et langues à l'Université de Limoges, et après mon DEA (Master de recherche), suis partie à Paris en stage dans une maison d'édition, Le Dilettante, où j'ai eu la change d'être embauchée comme attachée de presse de 2005 à 2008. J'ai voulu revenir en Limousin et après quelques petits contrats à la webTV de l'Université, j'ai travaillé 1 ans et demi au Centre régional du livre sur deux missions: la coordination du festival Coquelicontes et celle d'ateliers culturels en prison. J'ai rejoint la Bfm en 2011. Ce qui me passionne c'est de faire le lien entre les artistes, penseurs, auteurs, créatifs en tous genres et le public. De partager les richesses et le bien être que procure la culture avec le plus grand nombre. Il est pour moi évident que c'est la culture dans son sens le plus large qui est le ciment d'une société. » 2) Exposition « Fabulator » : L’exposition commence sur le lien entre « texte » et « textile », la racine latine commune de ces mots renvoie à l’idée de tissage. On coud des histoires, le vocabulaire courant est très marqué par ce champ lexical commun : Ici des robes suspendues cousues en papier et en bas des robes en papier mâché dépositaires d’une histoire : L’exposition continue de « filer la métaphore » entre écriture et couture : Des casiers interactifs pour montrer la dette que nous avons vis-à-vis des mythes antiques et modernes : Des cartes postales inédites : Aimer lire parce que cela distend notre rapport au temps : Lire pour changer d’époque et ne pas voir le temps passer : Lire guérit : Sur chaque porte de cette pharmacie est inscrit un problème existentiel, à l’intérieur de chaque casier se trouve un livre qui aborde ce problème et dont on conseille la lecture. En dernier lieu, nous insistons sur le fait que les romans, les fictions, les poèmes, les lieux de culture, les artistes sont toujours les premiers touchés et les premiers mis au rebus par les dictatures qui réduisent par la censure la pensée au silence. Car lire invite à réfléchir, à à chaque page un vent de liberté se met à souffler ; lire c’est mettre la réalité entre parenthèse et donc s’arracher à sa présence et son emprise : lire c’est mettre de la distance entre le monde et le moi, la culture nous désincarcère du présent, nous donne des ancrages que les propagandes auront du mal à faire chanceler. Le livre est un instrument de résistance intellectuelle, un instrument de liberté qui ne s’use que si l’on oublie d’en user. Enfin, un dernier mot : Je tiens à féliciter tous les élèves pour leur attitude absolument exemplaire tout au long de cette journée, par leur bonne tenue, leur savoir-vivre, leur politesse, leur enthousiasme malgré une journée bien chargée et assez ambitieuse (aussi bien pendant la représentation, que pendant l’échange qu’ils ont eu avec les acteurs, ou pendant le repas, pendant la visite de bibliothèque, pendant les trajets en bus ou à pieds). Je tiens à remercier Monsieur Laborde, Proviseur du Lycée Caraminot pour ses encouragements et son large soutien concernant l’organisation de cette sortie, ainsi que M. Raud-Dugal Proviseur-Adjoint et M. Piron Gestionnaire pour leurs conseils et leur participation. Sans oublier Mme Veschambre, Mme Bonneau et M. Poirier car ils ont été activement présents : pas seulement comme « accompagnateurs », mais de réels complices à la fois efficaces et conviviaux tout au long de cette journée. Un merci plus lointain à notre parfait chauffeur Christophe et à nos interlocuteurs du matin et de l’après-midi C’était Mme Petit, Professeur de Philosophie & Reporter pour lyceecaraminot.fr, en direct du bus, à vous les studios ». Fait à Egletons, le mardi 3 février 2015. Dernière mise à jour le 14 février 2015 Image ci dessus : http://a137.idata.overblog.com/350x296/1/70/36/39/Nouvelalbum/images.jpeg Image p 1 : le rhapsode, sur un vase grec antique du british museum : http://www.britishmuseum.org/collectionimages/AN 00221/AN00221978_001_l.jpg Ci contre, détail du vase p1 C’est précisément cette œuvre a servi de modèle pour la construction de l’affiche de la pièce de la compagnie de Platon