Corpus et catégorisation Perspective linguistique sur les

Université de Liège
Faculté de Philosophie et Lettres
Département des Sciences de l’Antiquité
Corpus et catégorisation
Perspective linguistique sur les genres en néo-égyptien
Thèse de doctorat présentée par
Stéphanie Gohy
sous la direction de
Jean Winand
en vue de l’obtention du titre de docteur
en Langues et Lettres
Année académique 2011 2012
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À mes piliers : mes parents,
Manu, Anne-Claude
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Arrivée au terme de ce travail, je me rends compte que les dettes que j’ai contractées sont
nombreuses.
Je tiens particulièrement à remercier J. Winand, nb.i mntf (i.)ir wi, pour citer un passage bien
connu de la littérature égyptienne. Je vous dois tant. Vous m’avez fait un cadeau unique en
me permettant de travailler durant ces 4 années au sein d’un projet aussi enrichissant que le
projet Ramsès. Vous avez toujours été pour moi durant le parcours, pas toujours simple, du
doctorat et avez toujours répondu présent dans les moments de doutes, d’angoisse ou de
découragements. J’espère ne pas vous avoir déçu…
Je dois également beaucoup à St. Polis dont la disponibilité, la gentillesse et les conseils
judicieux m’ont été très précieux. Toujours là pour me prêter main forte, me réorienter
lorsque cela était nécessaire, me soutenir et me guider, j’ai beaucoup appris à tes côtés.
Je tiens également à remercier O. Goldwasser, E. Grossman et P. Vernus pour avoir accepté
de faire partie de ce jury et pour l’attention qui sera accordée à ce travail.
Mes remerciements vont également à l’ensemble de l’équipe Ramsès pour leur soutien et leurs
encouragements, particulièrement durant ces dernières semaines qui n’ont pas toujours été
simples.
Je remercie aussi mon « équipe de reliseurs » : Anne-Claude, Nathalie, Guillaume, Mancéline
et Clarisse.
Durant ces mois de travail intense, le soutien indéfectible de ma famille et de mes amis fut
très précieux. J’ai la chance incroyable d’être particulièrement bien entourée. Anne-Claude, tu
as suivi mon aventure depuis le début. Tu as tout partagé avec moi : les moments d’euphories
comme les moments de découragements. Tu m’as épaulée, encouragée, soutenue, motivée
durant ces 4 années. Sans toi, j’en suis certaine, je n’y serai jamais parvenue. Tu es une amie
hors pair, d’une générosité, d’une sagesse et d’une joie de vivre incroyable. Tu m’as dit
souvent que tu étais fière de moi et bien moi, Anne-Claude, je suis fière de t’avoir à mes
côtés. Manu, l’ami et confident de toujours, toi qui y as toujours cru, bien plus que moi-
même, merci pour ton soutien, tes encouragements et ton amitié si précieuse à mes yeux. Je
voudrai encore remercier ma sœur et mes nièces, véritables petits rayons de soleil, remède
instantané à toute baisse de moral ! Bien sûr, l’aboutissement de ce parcours, je le dois aussi à
mes parents qui m’ont toujours encouragée dans cette voie que je m’étais fixée. Je sais toute
votre fierté et votre admiration face à ma détermination, j’espère pouvoir un jour vous
remercier comme il se doit pour votre soutien et votre amour.
Romain, tu es arrivé au moment le plus difficile et tu n’as pas pris tes jambes à ton cou !
Merci d’avoir compris et accepté cette passion qui me dévore et occupe une si grande place
dans ma vie. Ton amour m’a permis de tenir bon.
Enfin, à tous ceux que je ne pourrais nommer ici, amis, collègues ou proches, merci pour vos
petits mots d’encouragements et vos attentions.
4
Introduction
1. Objectif
Depuis quelques années déjà, le service d’égyptologie de l’Université de Liège se consacre au
développement d’une base de données qui devrait, à terme, rassembler la totalité des textes
conservés en néo-égyptien
1
. Très vite s’est posée la question de la catégorisation de ces
documents ; c’est dans ce cadre que s’inscrit cette thèse. Le corpus néo-égyptien a suscité et
suscite encore beacoup d’intérêt, toutefois les études menées jusqu’ici ne se sont pas
toujours exprimées sur la définition du corpus. La question est pourtant cruciale : comment
justifier les résultats d’une étude linguistique si l’on n’est pas en mesure de définir
précisément les critères qui ont permis la sélection de données langagières à l’exception
d’autres au sein d’un corpus ?
Le corpus néo-égyptien comprend plusieurs centaines de textes écrits dans les registres les
plus divers : œuvres littéraires, textes royaux, textes administratifs et juridiques, lettres, textes
scolaires, etc. Dans plusieurs études, l’appellation « néo-égyptien » a longtemps été réservée
aux textes de la pratique, censés refléter au plus près la langue parlée. S’il paraît évident que
les œuvres littéraires se distinguent des documents non littéraires, limiter l’étude du corpus
néo-égyptien à l’une ou l’autre catégorie semble assez réducteur, et il paraît peu judicieux
d’opposer à ce point deux états de langue : l’un pour les textes littéraires, l’autre réservé aux
textes non littéraires. Il ne s’agit pas de deux langues distinctes, mais plutôt de sélections
opérées dans un répertoire mêlant le néo-égyptien à des traits de langue plus anciens
directement empruntés à l’égyptien classique. D’autre part, l’étendue chronologique du
corpus néo-égyptien a également fortement variée, depuis la vision synchronique de Černý-
Groll jusqu’à une perspective diachronique
2
. À vrai dire, si l’étude du néo-égyptien a suscité
beaucoup d’intérêt chez les égyptologues, deux perspectives ont généralement été
envisagées :
une vision englobante : l’étude du néo-égyptien se fait à partir d’un corpus étendu,
sans aucune restriction particulière et sans prêter attention aux genres des textes, à la
diachronie ou à l’état de langue employé (Erman, Gardiner, Korostovtsev) ;
une vision restrictive : l’étude du néo-égyptien s’appuie sur un corpus réduit, en tenant
compte de critères préalablement définis comme la diachronie, le lieu géographique ou
le genre (littéraire >< non littéraire) (Černý-Groll).
Quelques études ont également été consacrées à un genre de texte particulier
3
. À l’heure
actuelle, une étude manque encore ; en effet, à ma connaissance, aucun travail n’a envisagé
l’étude du corpus néo-égyptien selon une perspective diachronique large, sans restriction entre
textes littéraires et non littéraires, et en tenant compte des genres. C’est dans cette perspective
que je propose de définir le corpus néo-égyptien. On rappellera que cet état de la langue
égyptienne appartient à ce qu’il est convenu d’appeler « Égyptien de la seconde phase ».
L’hypothèse de départ adoptée dans ce travail est de définir le néo-égyptien comme la langue
« de la pratique » du Nouvel Empire et de la Troisième Période Intermédiaire (XVIIIe-XXVe
dynastie ; c. 1500-700 av. J.-Chr.). Deux remarques s’imposent :
1
Sur ce point, S. Rosmorduc, St. Polis & J. Winand (2009), J. Winand, St. Polis & S. Rosmorduc (2009), St.
Polis, A.-Cl. Honnay, J. Winand (à paraître).
2
Sur la définition du corpus néo-égyptien, cf. infra, point 2.2.1.
3
Pensons, par exemple aux études d’A. Bakir (1970) sur les lettres ou B. Mathieu (1996) sur la poésie
amoureuse.
5
la langue est en perpétuelle évolution et il est évident qu’il faut mesurer tout ce qu’il
y a d’artificiel à vouloir définir de manière totalement homogène un corpus qui couvre
une telle période ;
à partir du Nouvel Empire, on observe la coexistence en Égypte de deux états de
langue : le néo-égyptien, langue de la pratique, représente l’évolution progressive du
moyen égyptien (en œuvre dès le début de la Deuxième Période Intermédiaire), et
l’égyptien de tradition (pour reprendre l’appellation désormais canonique proposée par
P. Vernus
4
), une langue figée et mimétique de l’égyptien classique dont les emplois ne
sont pas sans rappeler ceux du latin à la Renaissance et aux Temps Modernes. Cela a
pour conséquence l’émergence d’un état de diglossie chez les locuteurs les plus
cultivés avec une répercussion directe sur les textes produits : en fonction du registre
d’expression, on rencontre l’un ou l’autre état de langue, alternant éventuellement à
l’intérieur d’un même texte.
Selon moi, tout corpus peut se définir comme un ensemble de textes s’inscrivant dans
différents genres dans lesquels s’actualisent différents registres d’expression. Dès lors, la
définition du corpus néo-égyptien passe nécessairement par la définition des genres et des
registres d’expression employés au sein de ce corpus. Si l’on s’accorde souvent sur le genre
d’un texte, les critères qui président à sa catégorisation sont rarement objectivés. Pourquoi tel
document appartient-il au genre épistolaire ? Sur base de quels critères ? La question est
pourtant cruciale
5
. En objectivant les critères de définition du genre épistolaire, par exemple,
on voit rapidement apparaître des distinctions importantes avec le P. Anastasi 1, et donc la
nécessité de distinguer ce document du genre des lettres. Toute production écrite est
naturellement tributaire du genre, structure conventionnelle par laquelle un texte est
construit
6
. Ainsi, chaque texte est soumis aux règles/normes codifiant son genre ; un genre
particulier va imposer la présence/absence de formules phraséologiques, de constructions
spécifiques, d’une structure formelle propre, d’un lexique approprié, etc. De même, la
variabilité est un phénomène propre à toute langue
7
. Une même situation discursive peut
varier selon divers facteurs ; on peut dire la même chose de différentes façons. Ces variations
peuvent se manifester à différents niveaux, les causes sont variées ; la première est la plus
évidente, elle est directement liée au locuteur. Chacun exprimera différemment un énoncé ;
cela dépend des caractéristiques sociales d’une personne (sexe, éducation, âge, fonction,…).
De même, le but poursuivi par le locuteur peut aussi entraîner des variations. La nature de
l’allocutaire peut également jouer un rôle important ; ainsi, une lettre rédigée à un condisciple
ou une lettre rédigée à un supérieur présentera des dissimilitudes. De même, le genre, par la
normativité qu’il impose, est susceptible de créer des variables. Genre is viewed as a social
process in which participants within a culture use language in predictable sequential
structures to fulfill certain communicative purposes
8
. Ce sont ces normes, ces règles qu’il
s’agira de mettre en avant ici. La première partie de ce travail sera donc consacrée à la
définition des genres, elle s’attachera à mettre en évidence les critères qui les définissent, à
spécifier les fonctionnements propres aux différents genres afin d’établir leur « carte
4
P. Vernus (1982).
5
Fr. Rastier (2004) : Pour parvenir à des traitements automatiques spécifiques et efficaces de corpus et adapter
les stratégies applicatives, il convient de spécifier les fonctionnements propres aux différents discours, champs
génériques et genres textuels. Dans un corpus homogène, connaître les régularités structurelles du genre peut
permettre de simplifier les traitements ; par exemple, certaines parties des textes peuvent parfois être
systématiquement éliminées, au profit des sous-corpus pertinents pour une tâche donnée.
6
D. Biber, S. Conrad (2009 : 2).
7
Ibid., p. 4.
8
Ibid., p. 22.
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