Les Etudes du CERI - n° 145-146 - juillet 2008 5
ait été, passe désormais pour « aventuriste » dans les milieux dirigeants. Hu Jintao et son
Premier ministre Wen Jiabao ont en effet compris que pour échapper à cette dépendance,
il était nécessaire de mettre en place un marché de consommation, intérieur notamment
en développant les politiques sociales non seulement pour garantir la paix sociale mais
aussi pour distribuer du pouvoir d’achat. Ces politiques sociales permettraient également de
réduire le niveau très élevé du taux d’épargne des ménages qui constitue l’un des principaux
problèmes de l’économie chinoise.
L’analyse de l’histoire intérieure de la direction chinoise de 2002 à 2005 explique cette
évolution.
Après avoir pris la direction du PCC lors du XVIe Congrès de l’automne 2002, Hu Jintao
a eu d’emblée les mains relativement liées par les anciens collaborateurs de Jiang Zemin.
Mais dès l’année suivante, il a habilement utilisé la crise du SRAS pour les affaiblir avant de
se concilier une partie des soutiens de son prédécesseur, dont celui de Zeng Qinghong, pour
obtenir finalement, au printemps 2004, le retrait de Jiang Zemin du poste de président de la
Commission des affaires militaires du comité central du PCC. Ensuite, et c’était probablement
le prix à payer pour le soutien de l’aile conservatrice, Hu Jintao a conduit une politique de
retour apparent aux grandes pratiques mao-staliniennes en mettant en place une campagne
de « rectification » idéologique à l’intérieur du Parti communiste. La campagne d’avril 2005,
autorisée, voire suscitée, contre le Japon, qui visait à conforter l’aile nationaliste du Parti,
a été le sommet de cette période de reprise en main. La nouvelle politique combine une
attitude ferme au plan politique et une approche plus sociale.
Mais ne nous y trompons pas, il ne s’agit pas seulement d’une sorte de cabotage tactique,
mais d’une modernisation de la société chinoise, du travail ; l’objectif est de passer d’une
société de « serviteurs », composée d’une main-d’œuvre servile, à une société fondée sur
une main-d’œuvre d’une plus grande qualité intellectuelle et technique et consciente
d’elle-même. C’est un tournant social, il ne s’agit pas seulement de monter en gamme dans
le domaine de la technologie, mais de faire monter en gamme la société elle-même. Le
véritable changement interviendra en octobre de cette même année, quand Hu Jintao fera
accepter au Parti communiste chinois sa nouvelle doctrine politique après le remplacement
au printemps 2007 de certains responsables civils et surtout militaires.
En effet, jusqu’alors, Hu Jintao était tenu à l’écart par l’armée. A trois reprises, celle-ci a
négligé l’autorité du Président : lors de la destruction sans autorisation formelle d’un satellite
chinois, lors de l’affaire des hackers chinois qui avaient pénétré les systèmes d’informations
stratégiques américains et quand un sous-marin chinois s’est aventuré au milieu de la flotte
de guerre américaine. Conscient du danger, Hu Jintao a mis en place un plan de mutation des
responsables militaires et politiques de grande ampleur : remplacement du chef d’état-major
des armées et des responsables des régions militaires. On comprend alors que le personnage
est remarquablement intelligent, qu’il possède une stratégie et que, s’il sait attendre, il sait
aussi passer à l’offensive.
Réfléchissons à son succès lors du Congrès du PCC d’octobre 2007. L’objectif est alors admis
de construire une « société harmonieuse », de réduire et rééquilibrer la croissance économique et
d’intégrer dans le projet politique des éléments de justice sociale. Ce virage idéologique aux
relents confucéens marque la mutation du PCC en un grand parti unique social, confucéen autoritaire.