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Cour de discipline budgétaire et financière
Première section
Arrêt du 10 avril 2015 « Établissement public de coopération culturelle "L’Autre Canal" »
N° 198-719
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Siégeant à la Cour des comptes en audience publique a rendu l’arrêt suivant :
Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1er du livre III, relatif à la
Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment les articles L. 1431-2 à
L. 1431-9 relatifs aux établissements publics de coopération culturelle ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la
comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique ;
Vu l’instruction codificatrice n° 06-031-A-B-M du 21 avril 2006 relative aux régies de
recettes, d’avances et de recettes et d’avances des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics et ses compléments ;
Vu la communication du 30 mars 2012, enregistrée au parquet général le 2 avril 2012
par laquelle le procureur financier près la chambre régionale des comptes de Lorraine,
devenue chambre régionale des comptes de Champagne-Ardenne, Lorraine à compter du
2 avril 2012, a informé le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la
Cour de discipline budgétaire et financière de la décision prise le 8 mars 2012 par cette
chambre de déférer à la Cour de discipline budgétaire et financière des faits, relevés à
l’occasion de l’examen de la gestion et de la vérification des comptes de l’établissement
public de coopération culturelle « l’Autre Canal », susceptibles de constituer des infractions
passibles des sanctions prévues à l’article L. 313-4 du code des juridictions financières,
ensemble les pièces à l’appui ;
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Vu le réquisitoire du 23 octobre 2012 par lequel le procureur général, ministère public
près la Cour de discipline budgétaire et financière, a saisi de cette affaire le Premier président
de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du 31 octobre 2012 par laquelle le président de la Cour de discipline
budgétaire et financière a désigné comme rapporteur M. Zian Roch, premier conseiller de
chambre régionale des comptes, en application de l’article L. 314-3 du code des juridictions
financières ;
Vu les lettres recommandées du 14 janvier 2013 par lesquelles le procureur général a
informé Mme X..., directrice de l’établissement, MM. Y... et Z..., comptables de
l’établissement, Mmes A..., B...,C..., MM. D... et E..., régisseurs de l’établissement à la date
des faits déférés, de l’ouverture d’une instruction dans les conditions prévues à l’article
L. 314-4 du code des juridictions financières et leur a transmis son réquisitoire, ensemble les
avis de réception de ces lettres ;
Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière
du 5 décembre 2013 transmettant au procureur général le dossier de l’affaire, après dépôt du
rapport de M. Roch, en application de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières ;
Vu la lettre du procureur général en date du 17 avril 2014 informant le président de la
Cour de discipline budgétaire et financière de sa décision, après communication du dossier de
l’affaire, de poursuivre la procédure, en application de l’article L. 314-4 du code des
juridictions financières ;
Vu les lettres du président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du
18 avril 2014, transmettant le dossier à la ministre de la culture et de la communication et au
ministre des finances et des comptes publics afin de recueillir leur avis, en application de
l’article L. 314-5 du code des juridictions financières, ensemble les avis de réception de ces
lettres ;
Vu la décision du procureur général du 2 juin 2014 renvoyant Mme X..., directrice de
l’établissement, MM. Y... et Z..., comptables de l’établissement, Mmes A..., B..., C...,
MM. D... et E..., régisseurs de l’établissement, devant la Cour de discipline budgétaire et
financière, conformément à l’article L. 314-6 du code des juridictions financières ;
Vu les lettres du 2 juin 2014 du procureur général près la Cour de discipline
budgétaire et financière à Mme X..., MM. Y... et Z..., Mmes A..., B..., C..., MM. D... et E...,
les informant de sa décision de les renvoyer devant la Cour, ensemble les avis de réception de
ces lettres ;
Vu les lettres recommandées adressées le 16 juin 2014, par la greffière de la Cour de
discipline budgétaire et financière à Mme X..., MM. Y... et Z..., Mmes A..., B..., C...,
MM. D... et E... les avisant qu’ils pouvaient prendre connaissance du dossier de l’affaire et
produire un mémoire en défense, dans les conditions prévues à l’article L. 314-8 du code des
juridictions financières, et les citant à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et
financière, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu l’avis du ministre des finances et des comptes publics en date du 27 juin 2014 ;
Vu le mémoire en défense de M. Y... enregistré au greffe le 1er septembre 2014 ;
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Vu l’avis de la ministre de la culture et de la communication en date
du 4 septembre 2014 ;
Vu le mémoire en défense de Mme C...en date du 22 septembre 2014 ;
Vu le mémoire en défense de Mme A... en date du 26 septembre 2014 ;
Vu le mémoire en défense de Mme B..., transmis au greffe de la Cour le
1er mars 2015 ;
Vu le mémoire en défense de M. E..., transmis au greffe de la Cour le 6 mars 2015 ;
Vu le mémoire en défense de M. Z..., transmis au greffe de la Cour le 10 mars 2015 ;
Vu les lettres recommandées adressées le 6 octobre 2014, par la greffière de la Cour de
discipline budgétaire et financière, à Mme X..., MM. Y... et Z..., Mmes A..., B..., C...,
MM. D... et E... les informant du report de l’audience, ensemble les avis de réception de ces
lettres ;
Vu les lettres recommandées adressées le 19 janvier 2015, par la greffière de la Cour
de discipline budgétaire et financière, à Mme X..., MM. Y... et Z..., Mmes A..., B..., C...,
MM. D... et E... les citant à comparaître le 20 mars 2015 devant la Cour de discipline
budgétaire et financière, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu la lettre du 3 mars 2015 par laquelle le Président de la Cour de discipline
budgétaire et financière a autorisé, sur sa demande, Mme B... à ne pas comparaître
personnellement à l’audience, en application de l’article L. 314-10 du code des juridictions
financières ;
Vu les lettre et courriel du 18 mars 2015 par lesquels M. Y... et Mme C...ont fait savoir
qu’ils étaient dans l’impossibilité de se présenter à l’audience pour des raisons médicales et
produit un certificat médical ;
Vu les autres pièces du dossier, notamment les procès-verbaux d’audition et le rapport
d’instruction de M. Roch ;
Entendu le rapporteur, M. Roch, résumant son rapport écrit, en application des articles
L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu M. Jean-Luc Girardi, commissaire du Gouvernement, résumant la décision de
renvoi, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu le procureur général en ses conclusions, en application de l’article L. 314-12
du code des juridictions financières ;
Entendu Maître Luisin, conseil de Mme X..., en sa plaidoirie, M. Z..., Mme A...,
MM. D... et E... ayant été invités à présenter leurs explications et observations, la défense
ayant eu la parole en dernier ;
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Sur la compétence de la Cour
Considérant que « L’Autre Canal », en sa qualité d’établissement public de
coopération culturelle (EPCC) à caractère industriel et commercial créé en application des
articles L. 1412-3 et L. 1431-1 à L. 1431-9 du code général des collectivités territoriales, est
soumis au contrôle de la chambre régionale des comptes du ressort territorial, en application
des articles L. 211-1 et L. 211-8 du code des juridictions financières ;
Considérant qu’il résulte du texte précité que tout représentant, administrateur ou
agent de cet organisme est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière en
application du c) du I. de l’article L. 312-1 du code des juridictions financières ;
Considérant que MM. Y... et Z..., chefs de poste la trésorerie de Nancy-Municipale,
fonctionnaires de l’État, sont justiciables devant cette Cour en application du b) du I. de
l’article L. 312-1 du code des juridictions financières ;
Sur la prescription
Considérant qu’aux termes de l’article L. 314-2 du code des juridictions financières
« la Cour ne peut être saisie après l’expiration d’un délai de cinq années révolues à compter
du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à application des sanctions prévues
par le présent titre » ;
Considérant que la communication du président de la chambre régionale des comptes
de Lorraine a été enregistrée au parquet général le 2 avril 2012 ; qu’il en résulte que les
irrégularités commises antérieurement au 2 avril 2007 sont couvertes par la prescription ;
Sur les faits, leur qualification et l’imputation des responsabilités
Considérant que l’EPCC dénommé « L’Autre Canal », qui associe l’État, la région
Lorraine et la ville de Nancy, a été créé par arrêté préfectoral du 8 décembre 2006 ; que, par
les décisions n° 01-2007 et n° 02-2007 du 8 janvier 2007, cet établissement public a été doté
d’une régie de recettes et d’une régie d’avances ; que la saisine de la Cour de discipline
budgétaire et financière porte sur les conditions de fonctionnement de ces deux régies ;
1 – Sur les faits
S’agissant des dépenses prises en charge par la régie d’avances
Considérant que, conformément à la réglementation en vigueur, ne peuvent être
payées par l’intermédiaire d’une régie d’avances que les catégories de dépenses définies par
l’acte constitutif de la régie ;
Considérant, en premier lieu, que l’article R. 1617-11 du code général des collectivités
territoriales dresse la liste limitative des dépenses pouvant être payées par l’intermédiaire
d’une régie d’avances ; que ce texte ne mentionne, en matière de rémunérations susceptibles
d’être payées par une régie, que « 2° Les rémunérations des personnels payés sur une base
horaire ou à la vacation ainsi que les charges sociales y afférentes » ; que, contrairement à
ces dispositions, la décision n° 02-2007 du 8 janvier 2007 créant la régie d’avances de
l’EPCC autorisait la prise en charge des « salaires nets », sans autre restriction, permettant
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ainsi à la régie de payer, de manière irrégulière, l’ensemble des dépenses de personnel de
l’établissement ; que, toutefois, cette décision a été prise en période prescrite et qu’en
conséquence la responsabilité de ses auteurs ne saurait être recherchée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’il ne résulte pas de l’instruction que la régie
d’avances de l’EPCC ait été utilisée, en période non prescrite, pour payer des rémunérations
de personnels autres que celles limitativement autorisées par les dispositions de l’article
R. 1617-11 précité ;
Considérant, en troisième lieu, qu’il est établi que la régie d’avances a pris en charge,
au cours de la période du 4 juin au 11 décembre 2007, des dépenses relatives à des charges
salariales, sans que l’acte constitutif du 8 janvier 2007 ne mentionne de telles charges parmi
les dépenses pouvant relever de la régie de l’EPCC (mandat n° 198 du 4 juin 2007 pour un
montant de 8 036 € ; mandat n° 202 du 4 juin 2007 pour un montant de 7 746 € ; mandat
206 du 4 juin 2007 pour un montant de 14 890 € ; mandat n° 283 du 21 juin 2007 pour un
montant de 14 126 € ; mandat n° 287 du 21 juin 2007 pour un montant de 18 866 € ; mandat
n° 508 du 26 septembre 2007 pour un montant de 17 077 € ; mandat n° 500 du
26 septembre 2007 pour un montant de 17 079 ; mandat n° 508 du 26 septembre 2007 pour
un montant de 17 077 € ; mandat n° 688 du 12 novembre 2007 pour un montant de 15 987 € ;
mandat n° 505 du 26 septembre 2007 pour un montant de 15 360 € ; mandat n° 933 du
11 décembre 2007 pour un montant de 19 212 €) ;
S’agissant des recettes encaissées par la régie de recettes
Considérant qu’en vertu de l’article R. 1617-6 du code général des collectivités
territoriales, « la nature des produits à encaisser est fixée par l’acte constitutif de la régie » ;
qu’il résulte de l’instruction que deux chèques, d’un montant respectif de 14 352 € et 7 850 €,
ont été portés à l’encaissement sur le compte de dépôt de la régie de recettes, respectivement
le 16 mai 2007 et le 25 octobre 2007 ; que ces chèques concernent des catégories de recettes
qui d’une part, ne sont pas mentionnées dans l’acte constitutif de la régie n° 01-2007 du
8 janvier 2007 et qui, d’autre part, avaient, l’un et l’autre, fait l’objet d’un titre de recettes
émis, hors régie, par le comptable de l’établissement ;
S’agissant de l’encaisse de la régie de recettes
Considérant qu’en application de l’article R. 1617-10 du code général des collectivités
territoriales, l’acte constitutif de la régie de recettes du 8 janvier 2007 autorise le régisseur à
conserver un montant maximum de l’encaisse de 40 000 € ; que l’article 8 du même acte
impose au régisseur de verser au comptable assignataire son encaisse, dès que le montant de
celle-ci atteint ce maximum ; que, pour calculer le montant de l’encaisse, il y a lieu de tenir
compte, ainsi que l’indique l’instruction du 21 avril 2006 susvisée, non seulement, comme le
soutient Mme X..., des espèces détenues par le régisseur mais aussi des autres recettes
retracées dans le solde du relevé du compte de dépôt ouvert au Trésor, à l’exclusion du
montant du fonds de caisse permanent autorisé au régisseur ; qu’il résulte de l’instruction que
l’encaisse ainsi déterminée a dépassé le maximum autorisé du 19 mars au 30 avril 2008
(48 109,57 € le 19 mars 2008 ; 84 761,91 € le 31 mars 2008 ; 92 181,82 € le 30 avril 2008),
sans qu’il ait été procédé au reversement immédiat de l’encaisse ;
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