L`Autre Canal - Cour des comptes

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Cour de discipline budgétaire et financière
Première section
Arrêt du 10 avril 2015 « Établissement public de coopération culturelle "L’Autre Canal" »
N° 198-719
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
--AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Siégeant à la Cour des comptes en audience publique a rendu l’arrêt suivant :
Vu le code des juridictions financières, notamment le titre 1er du livre III, relatif à la
Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment les articles L. 1431-2 à
L. 1431-9 relatifs aux établissements publics de coopération culturelle ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la
comptabilité publique, en vigueur au moment des faits ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique ;
Vu l’instruction codificatrice n° 06-031-A-B-M du 21 avril 2006 relative aux régies de
recettes, d’avances et de recettes et d’avances des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics et ses compléments ;
Vu la communication du 30 mars 2012, enregistrée au parquet général le 2 avril 2012
par laquelle le procureur financier près la chambre régionale des comptes de Lorraine,
devenue chambre régionale des comptes de Champagne-Ardenne, Lorraine à compter du
2 avril 2012, a informé le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la
Cour de discipline budgétaire et financière de la décision prise le 8 mars 2012 par cette
chambre de déférer à la Cour de discipline budgétaire et financière des faits, relevés à
l’occasion de l’examen de la gestion et de la vérification des comptes de l’établissement
public de coopération culturelle « l’Autre Canal », susceptibles de constituer des infractions
passibles des sanctions prévues à l’article L. 313-4 du code des juridictions financières,
ensemble les pièces à l’appui ;
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Vu le réquisitoire du 23 octobre 2012 par lequel le procureur général, ministère public
près la Cour de discipline budgétaire et financière, a saisi de cette affaire le Premier président
de la Cour des comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la décision du 31 octobre 2012 par laquelle le président de la Cour de discipline
budgétaire et financière a désigné comme rapporteur M. Zian Roch, premier conseiller de
chambre régionale des comptes, en application de l’article L. 314-3 du code des juridictions
financières ;
Vu les lettres recommandées du 14 janvier 2013 par lesquelles le procureur général a
informé Mme X..., directrice de l’établissement, MM. Y... et Z..., comptables de
l’établissement, Mmes A..., B...,C..., MM. D... et E..., régisseurs de l’établissement à la date
des faits déférés, de l’ouverture d’une instruction dans les conditions prévues à l’article
L. 314-4 du code des juridictions financières et leur a transmis son réquisitoire, ensemble les
avis de réception de ces lettres ;
Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière
du 5 décembre 2013 transmettant au procureur général le dossier de l’affaire, après dépôt du
rapport de M. Roch, en application de l’article L. 314-4 du code des juridictions financières ;
Vu la lettre du procureur général en date du 17 avril 2014 informant le président de la
Cour de discipline budgétaire et financière de sa décision, après communication du dossier de
l’affaire, de poursuivre la procédure, en application de l’article L. 314-4 du code des
juridictions financières ;
Vu les lettres du président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du
18 avril 2014, transmettant le dossier à la ministre de la culture et de la communication et au
ministre des finances et des comptes publics afin de recueillir leur avis, en application de
l’article L. 314-5 du code des juridictions financières, ensemble les avis de réception de ces
lettres ;
Vu la décision du procureur général du 2 juin 2014 renvoyant Mme X..., directrice de
l’établissement, MM. Y... et Z..., comptables de l’établissement, Mmes A..., B..., C...,
MM. D... et E..., régisseurs de l’établissement, devant la Cour de discipline budgétaire et
financière, conformément à l’article L. 314-6 du code des juridictions financières ;
Vu les lettres du 2 juin 2014 du procureur général près la Cour de discipline
budgétaire et financière à Mme X..., MM. Y... et Z..., Mmes A..., B..., C..., MM. D... et E...,
les informant de sa décision de les renvoyer devant la Cour, ensemble les avis de réception de
ces lettres ;
Vu les lettres recommandées adressées le 16 juin 2014, par la greffière de la Cour de
discipline budgétaire et financière à Mme X..., MM. Y... et Z..., Mmes A..., B..., C...,
MM. D... et E... les avisant qu’ils pouvaient prendre connaissance du dossier de l’affaire et
produire un mémoire en défense, dans les conditions prévues à l’article L. 314-8 du code des
juridictions financières, et les citant à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et
financière, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu l’avis du ministre des finances et des comptes publics en date du 27 juin 2014 ;
Vu le mémoire en défense de M. Y... enregistré au greffe le 1er septembre 2014 ;
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Vu l’avis de la ministre de la culture et de la communication en date
du 4 septembre 2014 ;
Vu le mémoire en défense de Mme C...en date du 22 septembre 2014 ;
Vu le mémoire en défense de Mme A... en date du 26 septembre 2014 ;
Vu le mémoire en défense de Mme B..., transmis au greffe de la Cour le
1 mars 2015 ;
er
Vu le mémoire en défense de M. E..., transmis au greffe de la Cour le 6 mars 2015 ;
Vu le mémoire en défense de M. Z..., transmis au greffe de la Cour le 10 mars 2015 ;
Vu les lettres recommandées adressées le 6 octobre 2014, par la greffière de la Cour de
discipline budgétaire et financière, à Mme X..., MM. Y... et Z..., Mmes A..., B..., C...,
MM. D... et E... les informant du report de l’audience, ensemble les avis de réception de ces
lettres ;
Vu les lettres recommandées adressées le 19 janvier 2015, par la greffière de la Cour
de discipline budgétaire et financière, à Mme X..., MM. Y... et Z..., Mmes A..., B..., C...,
MM. D... et E... les citant à comparaître le 20 mars 2015 devant la Cour de discipline
budgétaire et financière, ensemble les avis de réception de ces lettres ;
Vu la lettre du 3 mars 2015 par laquelle le Président de la Cour de discipline
budgétaire et financière a autorisé, sur sa demande, Mme B... à ne pas comparaître
personnellement à l’audience, en application de l’article L. 314-10 du code des juridictions
financières ;
Vu les lettre et courriel du 18 mars 2015 par lesquels M. Y... et Mme C...ont fait savoir
qu’ils étaient dans l’impossibilité de se présenter à l’audience pour des raisons médicales et
produit un certificat médical ;
Vu les autres pièces du dossier, notamment les procès-verbaux d’audition et le rapport
d’instruction de M. Roch ;
Entendu le rapporteur, M. Roch, résumant son rapport écrit, en application des articles
L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu M. Jean-Luc Girardi, commissaire du Gouvernement, résumant la décision de
renvoi, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;
Entendu le procureur général en ses conclusions, en application de l’article L. 314-12
du code des juridictions financières ;
Entendu Maître Luisin, conseil de Mme X..., en sa plaidoirie, M. Z..., Mme A...,
MM. D... et E... ayant été invités à présenter leurs explications et observations, la défense
ayant eu la parole en dernier ;
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Sur la compétence de la Cour
Considérant que « L’Autre Canal », en sa qualité d’établissement public de
coopération culturelle (EPCC) à caractère industriel et commercial créé en application des
articles L. 1412-3 et L. 1431-1 à L. 1431-9 du code général des collectivités territoriales, est
soumis au contrôle de la chambre régionale des comptes du ressort territorial, en application
des articles L. 211-1 et L. 211-8 du code des juridictions financières ;
Considérant qu’il résulte du texte précité que tout représentant, administrateur ou
agent de cet organisme est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière en
application du c) du I. de l’article L. 312-1 du code des juridictions financières ;
Considérant que MM. Y... et Z..., chefs de poste la trésorerie de Nancy-Municipale,
fonctionnaires de l’État, sont justiciables devant cette Cour en application du b) du I. de
l’article L. 312-1 du code des juridictions financières ;
Sur la prescription
Considérant qu’aux termes de l’article L. 314-2 du code des juridictions financières
« la Cour ne peut être saisie après l’expiration d’un délai de cinq années révolues à compter
du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à application des sanctions prévues
par le présent titre » ;
Considérant que la communication du président de la chambre régionale des comptes
de Lorraine a été enregistrée au parquet général le 2 avril 2012 ; qu’il en résulte que les
irrégularités commises antérieurement au 2 avril 2007 sont couvertes par la prescription ;
Sur les faits, leur qualification et l’imputation des responsabilités
Considérant que l’EPCC dénommé « L’Autre Canal », qui associe l’État, la région
Lorraine et la ville de Nancy, a été créé par arrêté préfectoral du 8 décembre 2006 ; que, par
les décisions n° 01-2007 et n° 02-2007 du 8 janvier 2007, cet établissement public a été doté
d’une régie de recettes et d’une régie d’avances ; que la saisine de la Cour de discipline
budgétaire et financière porte sur les conditions de fonctionnement de ces deux régies ;
1 – Sur les faits
S’agissant des dépenses prises en charge par la régie d’avances
Considérant que, conformément à la réglementation en vigueur, ne peuvent être
payées par l’intermédiaire d’une régie d’avances que les catégories de dépenses définies par
l’acte constitutif de la régie ;
Considérant, en premier lieu, que l’article R. 1617-11 du code général des collectivités
territoriales dresse la liste limitative des dépenses pouvant être payées par l’intermédiaire
d’une régie d’avances ; que ce texte ne mentionne, en matière de rémunérations susceptibles
d’être payées par une régie, que « 2° Les rémunérations des personnels payés sur une base
horaire ou à la vacation ainsi que les charges sociales y afférentes » ; que, contrairement à
ces dispositions, la décision n° 02-2007 du 8 janvier 2007 créant la régie d’avances de
l’EPCC autorisait la prise en charge des « salaires nets », sans autre restriction, permettant
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ainsi à la régie de payer, de manière irrégulière, l’ensemble des dépenses de personnel de
l’établissement ; que, toutefois, cette décision a été prise en période prescrite et qu’en
conséquence la responsabilité de ses auteurs ne saurait être recherchée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’il ne résulte pas de l’instruction que la régie
d’avances de l’EPCC ait été utilisée, en période non prescrite, pour payer des rémunérations
de personnels autres que celles limitativement autorisées par les dispositions de l’article
R. 1617-11 précité ;
Considérant, en troisième lieu, qu’il est établi que la régie d’avances a pris en charge,
au cours de la période du 4 juin au 11 décembre 2007, des dépenses relatives à des charges
salariales, sans que l’acte constitutif du 8 janvier 2007 ne mentionne de telles charges parmi
les dépenses pouvant relever de la régie de l’EPCC (mandat n° 198 du 4 juin 2007 pour un
montant de 8 036 € ; mandat n° 202 du 4 juin 2007 pour un montant de 7 746 € ; mandat
n° 206 du 4 juin 2007 pour un montant de 14 890 € ; mandat n° 283 du 21 juin 2007 pour un
montant de 14 126 € ; mandat n° 287 du 21 juin 2007 pour un montant de 18 866 € ; mandat
n° 508 du 26 septembre 2007 pour un montant de 17 077 € ; mandat n° 500 du
26 septembre 2007 pour un montant de 17 079 € ; mandat n° 508 du 26 septembre 2007 pour
un montant de 17 077 € ; mandat n° 688 du 12 novembre 2007 pour un montant de 15 987 € ;
mandat n° 505 du 26 septembre 2007 pour un montant de 15 360 € ; mandat n° 933 du
11 décembre 2007 pour un montant de 19 212 €) ;
S’agissant des recettes encaissées par la régie de recettes
Considérant qu’en vertu de l’article R. 1617-6 du code général des collectivités
territoriales, « la nature des produits à encaisser est fixée par l’acte constitutif de la régie » ;
qu’il résulte de l’instruction que deux chèques, d’un montant respectif de 14 352 € et 7 850 €,
ont été portés à l’encaissement sur le compte de dépôt de la régie de recettes, respectivement
le 16 mai 2007 et le 25 octobre 2007 ; que ces chèques concernent des catégories de recettes
qui d’une part, ne sont pas mentionnées dans l’acte constitutif de la régie n° 01-2007 du
8 janvier 2007 et qui, d’autre part, avaient, l’un et l’autre, fait l’objet d’un titre de recettes
émis, hors régie, par le comptable de l’établissement ;
S’agissant de l’encaisse de la régie de recettes
Considérant qu’en application de l’article R. 1617-10 du code général des collectivités
territoriales, l’acte constitutif de la régie de recettes du 8 janvier 2007 autorise le régisseur à
conserver un montant maximum de l’encaisse de 40 000 € ; que l’article 8 du même acte
impose au régisseur de verser au comptable assignataire son encaisse, dès que le montant de
celle-ci atteint ce maximum ; que, pour calculer le montant de l’encaisse, il y a lieu de tenir
compte, ainsi que l’indique l’instruction du 21 avril 2006 susvisée, non seulement, comme le
soutient Mme X..., des espèces détenues par le régisseur mais aussi des autres recettes
retracées dans le solde du relevé du compte de dépôt ouvert au Trésor, à l’exclusion du
montant du fonds de caisse permanent autorisé au régisseur ; qu’il résulte de l’instruction que
l’encaisse ainsi déterminée a dépassé le maximum autorisé du 19 mars au 30 avril 2008
(48 109,57 € le 19 mars 2008 ; 84 761,91 € le 31 mars 2008 ; 92 181,82 € le 30 avril 2008),
sans qu’il ait été procédé au reversement immédiat de l’encaisse ;
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S’agissant de l’encaissement des recettes de la régie de recettes
Considérant qu’au cours de la période non prescrite et jusqu’à une régularisation
intervenue en 2011, plusieurs personnes, n’ayant ni la qualité de régisseur ni celle de
mandataire du régisseur désigné conformément au II de l’article R. 1617-5-2 du code général
des collectivités territoriales, ont manié des fonds de la régie correspondant à des recettes
provenant des activités de bar, de billetterie et de vestiaire ; que, selon le rapport
d’observations définitives sur la gestion de l’établissement de la chambre régionale des
comptes, ces personnes non habilitées ont pris en charge 65 % des opérations de recettes de la
régie ;
S’agissant de l’absence de gestion distincte des régies
Considérant qu’une régie de recettes et une régie d’avances, instituées par des actes
distincts, obéissent aux règles qui leur sont propres ; que, d’une part, en application de
l’article R. 1617-8 du code général des collectivités territoriales, les recettes encaissées par
une régie de recettes sont destinées à être reversées, au minimum une fois par mois, au seul
comptable assignataire, dans les conditions définies par l’acte constitutif ; que, d’autre part,
comme l’indique l’instruction susvisée du 21 avril 2006, pour payer les dépenses en
numéraire qui lui incombent le régisseur d’une régie d’avances alimente sa caisse au moyen
d’un retrait de fonds auprès du comptable qui tient son compte de dépôt, contre remise d’un
chèque ; qu’il résulte de l’instruction qu’en méconnaissance de ces règles, la caisse de la régie
de recettes de l’EPCC a été utilisée, entre le 2 avril 2007 et le 31 août 2008, pour régler les
dépenses en numéraire de la régie d’avances ;
2 – Sur leur qualification
Considérant qu’en application des dispositions du décret du 29 décembre 1962
susvisé, en vigueur à la date des faits, reprises par le décret du 7 novembre 2012 susvisé, les
comptables sont seuls chargés de l’encaissement des droits au comptant et des recettes de
toute nature que les organismes publics sont habilités à recevoir, ainsi que du paiement des
dépenses soit sur ordres émanant des ordonnateurs accrédités, soit au vu des titres présentés
par les créanciers, soit à leur propre initiative ; que des régisseurs peuvent toutefois être
chargés pour le compte des comptables publics d’opérations d’encaissement ou de paiement ;
Considérant qu’en application des dispositions de l’article R. 1431-13 du code général
des collectivités territoriales, le directeur d’un EPCC « peut, par délégation du conseil
d’administration et sur avis conforme du comptable, créer des régies de recettes, d’avances et
de recettes et d’avances soumises aux conditions de fonctionnement prévues aux articles
R. 1617-1 à 1617-18 » ; qu’aux termes de l’article R. 1617-3 du même code, le régisseur est
nommé par une décision de l’ordonnateur de l’organisme auprès duquel la régie est instituée,
sur avis conforme du comptable assignataire ; qu’aux termes de l’article R. 1617-5-2 du
même code, l’acte constitutif de la régie doit prévoir le recours à des mandataires du
régisseur, nommés par l’ordonnateur sur avis conforme du comptable et du régisseur ;
Considérant qu’il résulte des textes précités que constitue une infraction, passible de la
sanction prévue par l’article L. 313-4 du code des juridictions financières : le paiement de
dépenses et l’encaissement de recettes non mentionnées dans l’acte constitutif d’une régie
d’avances ou de recettes, en contradiction avec l’article R. 1617-6 du code général des
collectivités territoriales ; le non-versement au comptable assignataire de l’encaisse d’une
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régie de recettes lorsque le montant maximum de l’encaisse a été dépassé, conformément à
l’article R. 1617-8 du même code et à l’acte constitutif de la régie ; le fait d’autoriser des
personnes, n’ayant ni la qualité de régisseur ni celle de mandataire d’un régisseur, désigné
dans les conditions prévues par l’article R. 1617-5-2 du même code, à encaisser des recettes
publiques ; le fait d’avoir méconnu les règles de gestion respectives d’une régie de recettes et
d’une régie d’avances et d’avoir utilisé la caisse d’une régie de recettes pour payer les
dépenses en numéraire d’une régie d’avances ;
Considérant que les infractions précitées ont été commises durant la période non
prescrite ;
3 – Sur les responsabilités
Considérant que Mme X... a été nommée directrice de l’établissement « l’Autre
Canal » par décision de son conseil d’administration et de son président en date du
19 décembre 2006 ; qu’elle a dirigé cet établissement public durant toute la période en cause ;
que M. Y... était comptable de l’établissement au moment de sa création ; que M. Z... lui a
succédé à compter du 2 septembre 2009 ; qu’ont été successivement nommés régisseurs de la
régie de recettes et de la régie d’avances de l’établissement, Mme A..., par décisions du
16 janvier 2007, M. D..., par décisions du 3 avril 2008, M. E..., par décisions du 9 juin 2008,
Mme C..., par décisions du 1er septembre 2010 et Mme B..., par décisions du 15 juin 2011 ;
S’agissant de la directrice de l’établissement
Considérant qu’aux termes de l’article R. 1431-13 du code général des collectivités
territoriales, le directeur d’un EPCC assure la direction de l’établissement ; qu’à ce titre, il est
ordonnateur des recettes et des dépenses et assure la direction de l’ensemble des services ; que
le directeur d’un EPCC à caractère industriel et commercial est seul compétent pour recruter
aux emplois de l’établissement ;
Considérant qu’en application du même article, le directeur d’un EPCC peut, par
délégation du conseil d’administration, créer des régies de recettes et des régies d’avances ;
qu’il peut en définir les modalités de fonctionnement, nommer les régisseurs et leurs
mandataires, fixer la liste des dépenses pouvant être payées et des recettes pouvant être
encaissées, émettre les titres et les mandats de régularisation correspondant aux recettes
encaissées et aux dépenses payées par les régisseurs, dans les conditions définies aux articles
R. 1617-1 à R. 1617-18 du même code ;
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article R. 1617-17 du code général
des collectivités territoriales, les régisseurs ainsi que leurs mandataires sont soumis aux
contrôles notamment de l’ordonnateur ;
Considérant qu’il appartenait au directeur de l’établissement de nommer les
mandataires, de vérifier l’usage fait des encaisses confiées aux régisseurs et de s’assurer que
les dépenses payées ainsi que les recettes encaissées par eux étaient conformes aux actes
constitutifs ;
Considérant, en conséquence, que la responsabilité de l’ensemble des infractions
relevées incombe, au premier chef, à Mme X..., en sa qualité d’ordonnateur de l’établissement
au moment des faits ;
7
S’agissant des comptables
Considérant qu’aux termes de l’article R. 1431-13 du code général des collectivités
territoriales, le comptable est chargé de donner un avis conforme sur la création des régies ;
qu’en vertu de l’article R. 1617-3 du même code, le comptable public est chargé de donner un
avis conforme sur la nomination des régisseurs ; que, conformément aux dispositions de
l’article R. 1617-5 du même code, il doit délivrer au régisseur qui a quitté ses fonctions un
certificat attestant que ce dernier lui a versé l’intégralité des avances mises à sa disposition ;
qu’aux termes de l’article R. 1617-17 du même code, les régisseurs ainsi que leurs
mandataires sont soumis aux contrôles du comptable ; que, selon l’instruction du
21 avril 2006 précitée précisant le décret du 29 décembre 1962, un contrôle sur place doit être
effectué au moins lors d’un changement de régisseur ; qu’enfin le comptable prend en charge
les titres et les mandats de régularisation correspondant aux recettes encaissées et aux
dépenses payées par les régisseurs ;
Considérant que l’ensemble des dispositions ainsi rappelées relatives au
fonctionnement et au contrôle des régies sont des règles relatives à l’exécution des recettes et
des dépenses des organismes publics, au sens de l’article L. 313-4 du code des juridictions
financières ; qu’en l’espèce les comptables disposaient des moyens de s’opposer ou de
dénoncer les irrégularités relevées ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient M. Y..., la responsabilité d’un
comptable public, au titre de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières, n’est pas
exclusive de sa responsabilité personnelle et pécuniaire telle qu’elle est prévue par le
troisième alinéa du I de l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; qu’un débet
prononcé par une juridiction financière a pour finalité première de rétablir les comptes d’une
collectivité ; qu’en conséquence il ne revêt pas de caractère répressif et ne constitue pas une
sanction ;
Considérant qu’il en résulte que la responsabilité de M. Y..., comptable de
l’établissement au moment de sa création et de celle de ses régies, est engagée pour l’absence
de contrôle sur place et sur pièces des régies, en particulier lors des changements de
régisseurs ;
Considérant que, s’agissant de l’absence de nomination de mandataires du régisseur,
seul grief pouvant lui être imputé, M. Z..., en fonction à compter du 2 septembre 2009 a
demandé , dès le procès-verbal de vérification de la régie de recettes du 15 décembre 2009, la
nomination de mandataires ; qu’il a effectué un rappel dans un procès-verbal de vérification
du 2 août 2010 ; que la régularisation est intervenue le 6 janvier 2011 ; qu’ainsi, eu égard à la
fréquence des contrôles de régies menés par lui, à leur caractère effectif et à leur efficacité, il
n’y a pas lieu d’engager la responsabilité de M. Z..., qui a accompli les diligences qui lui
incombaient ;
S’agissant des régisseurs
Considérant que cinq régisseurs se sont succédé de 2007 à 2011 : Mme A... du
16 janvier 2007 au 2 avril 2008 ; M. D... du 3 avril 2008 au 8 juin 2008 ; M. E... du
9 juin 2008 au 31 août 2010 ; Mme C...du 1er septembre 2010 au 14 juin 2011 et Mme B..., à
compter du 15 juin 2011 ;
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Considérant qu’aux termes de l’article R. 1617-4 du code général des collectivités
territoriales, le régisseur chargé pour le compte d’un comptable public d’opérations
d’encaissement ou de paiement est personnellement et pécuniairement responsable de la garde
et de la conservation des fonds et valeurs qu’il recueille ou qui lui sont avancés par le
comptable public, du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités,
de la conservation de pièces justificatives ainsi que de la tenue de la comptabilité des
opérations ; que cette responsabilité s’étend à toutes les opérations de la régie, depuis la date
de son installation jusqu’à la date de sa cessation de fonction ;
Considérant qu’il appartient à un régisseur de respecter strictement les dispositions
applicables du code général des collectivités territoriales, celles du décret du
29 décembre 1962, explicitées par l’instruction n° 06-031-A-B-M du 21 avril 2006 relative
aux régies du secteur public local et celles de l’acte constitutif de la régie dont il est chargé ;
Considérant, en conséquence, que la responsabilité de Mme A... est engagée pour le
paiement de dépenses non prévues par l’acte constitutif de la régie d’avances ; que la
responsabilité de Mme A... et de M. D... est engagée pour l’encaissement de recettes non
prévues par l’acte constitutif de la régie de recettes ainsi que pour le dépassement du montant
maximum de l’encaisse de la régie de recettes ; que la responsabilité de Mme A..., MM. D...
et E... est engagée pour la méconnaissance des règles de gestion distincte d’une régie de
recettes et d’une régie d’avances ;
Considérant que les régisseurs ne peuvent être tenus pour responsables de l’irrégularité
résultant de l’intervention de personnes non habilitées dans l’encaissement des recettes,
n’ayant pas autorité pour recruter et nommer ces personnels ;
Sur les circonstances
S’agissant de la directrice de l’établissement
Considérant que les EPCC étaient, au moment des faits, une catégorie
d’établissements publics nouveaux de création encore récente ; que certains des manquements
à la réglementation relevés visaient à pallier la carence des moyens de fonctionnement dont
disposait l’établissement au moment de son ouverture, dans le cadre du budget qui lui était
alloué par le conseil d’administration de l’établissement, alors qu’il s’est très rapidement
engagé dans une programmation active de manifestations ; que ces faits peuvent constituer
des circonstances atténuantes ;
S’agissant des comptables
Considérant que M. Y..., contrairement à son successeur, n’a pas réalisé les contrôles
prévus par la règlementation, assortis de recommandations ; que son inaction a contribué aux
dysfonctionnements constatés dans le fonctionnement des régies de l’établissement public de
coopération culturelle « l’Autre Canal » et n’a pas conduit au rappel de la nécessité de
nommer des mandataires ; que ces faits sont de nature à constituer des circonstances
aggravantes ;
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S’agissant des régisseurs
Considérant que M. D... n’a réalisé qu’un intérim de quelques semaines, entre le
départ anticipé de Mme A... et la nomination effective de son successeur, M. E... ; qu’il peut
bénéficier de ce fait de circonstances absolutoires de responsabilité ;
Considérant que Mme A... et M. E... n’ont pas bénéficié de la part de l’ordonnateur et
du comptable de dispositifs d’encadrement et de contrôle qui leur auraient permis d’éviter de
commettre les irrégularités qui leur sont imputées ; que ces manques d’appui sont de nature à
constituer des circonstances atténuantes ;
Sur l’amende
Considérant qu’il sera fait une juste appréciation des irrégularités commises et des
circonstances de l’espèce en infligeant à
Mme X... une amende de 1 000 euros ;
M. Y... une amende de 1 000 euros ;
Mme A... une amende de 300 euros ;
M. E... une amende de 300 euros ;
Sur la publication au Journal officiel de la République française
Considérant qu’il y a lieu, compte tenu des circonstances de l’espèce, de publier le
présent arrêt au Journal officiel de la République française en application de l’article
L. 314-20 du code des juridictions financières ;
ARRÊTE :
Article 1er : Mme X... est condamnée à une amende de 1 000 € (mille euros) ;
Article 2 : M. Y... est condamné à une amende de 1 000 € (mille euros) ;
Article 3 : Mme A... est condamnée à une amende de 300 € (trois cents euros) ;
Article 4 : M. E... est condamné à une amende de 300 € (trois cents euros) ;
Article 5 : M. Z..., M. D..., Mme C...et Mme B... sont relaxés des fins de la poursuite ;
Article 6 : Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, le
20 mars deux mille quinze par M. Migaud, Premier président de la Cour des comptes,
président ; MM. Loloum, Larzul et Bouchez, conseillers d’État ; M. Maistre, conseiller maître
à la Cour des comptes ;
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Lu en séance publique le 10 avril 2015.
En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce
requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux de grande instance d’y tenir la main, à tous les commandants et
officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la Cour et la greffière.
Le président,
La greffière,
Didier MIGAUD
Isabelle REYT
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