Date : OCT 15
Pays : France
Périodicité : Trimestriel
Journaliste : Frédérique Jourjon
/ Annie Sigwalt / Ronan
Symoneauxz
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> Environnement & Économie circulaire
Démarches et affichage
environnementaux
Partie 1/3: État des lieux et enjeux pour la filière vitivinicole
Frédérique Jourjon1, Annie Sigwalt2, Renan Symoneaux1
1 Grappe-UMTVinitera - Groupe ESA -Angers - France.
2 Laress-UMTVinitera - Groupe ESA -Angers - France
Contexte et Enjeux
La protection de l'environnement
est devenue une priorité pour
les pouvoirs publics et pour les
filières agricoles et viticoles. En
Europe et dans le monde, on as-
siste depuis quèlques années et
dans le cas du vm, à une multi-
plication des demarches environ-
nementales structurées et collec-
tives utilisées comme stratégie
de différenciation commerciale
sur les marches internationaux.
En France, on constate l'émer-
gence de nombreuses demarches
isolées ou collectives regionales.
Les demarches nationales impul-
sées par le ministère de l'Agri-
culture (certification environne-
mentale HVE) semblent avoir du
mal à percer. Bien qu'imposées
le plus souvent par les gouver-
nements, les consommateurs y
attachent de plus en plus d'im-
portance et sont de plus en plus
attentifs à la qualité environ-
nementale des produits agri-
coles et agro-alimentaires (TNS
Sofres, 20121. L'explosion de la
consommation des produits issus
de l'agriculture biologique en est
la preuve (Agence Bio, 2012).
Une enquête d'opinion
IDegroote, 2012) confirme que
76 % des consommateurs sou-
haitent avoir davantage d'infor-
mations sur les conditions de
fabrication des produits. Selon
cette même enquête, 51 % des
consommateurs déclarent qu'ils
seraient très intéressés par des
produits de « consommation
responsable » s'il y avait plus de
transparence sur l'engagement
social et environnemental des
entreprises. Il semble que l'achat
de produits écolabellisés-
claré par les consommateurs lors
d'enquêtes s'avère extrêmement
lie à leur sensibilité environne-
mentale (Vergez 2012; Jour/on et
al, 2012) Ces elements tendent a
encourager les filieres agricoles
à des strategies de communica-
tion environnementale comme
facteur clef de différenciation et
de compétitivite.
Cependant aucune étude ne
semble avoir aborde l'évaluation
conjointe de l'affichage environ-
nemental et l'affichage qualité
des produits dans le cadre des
produits sous label d'appellation
d'origine contrôlée, notamment
pour des produits à forte image
d'AOC tels que lavin.
Cet article a pour objectif de
présenter un état des lieux sur
les démarches et les affichages
environnementaux, la perception
des professionnels et les attentes
des consommateurs.
Cette étude de la situation ac-
tuelle a pour objectif de nous
conduire à extraire les ensei-
gnements nécessaires pour
construire une stratégie collec-
tive et pour identifier les leviers
pour la mise en marché des vins.
Cette synthèse sera présentée
en trois parties successives; la
premiere fera un etat des lieux
du contexte et des enjeux autour
de l'affichage environnemental
et des démarches environne-
mentales dans la filiere viticole;
la deuxième partie présentera
les travaux menés autour de
la perception des démarches
Photo 1 : Multiplication des logos environnementaux.
environnementales par les ac-
teurs amont de la filière vitivini-
cole, l'identification des freins et
leviers et des pistes pour la mise
en place de démarches collec-
tives au sem de la filière viticole.
Enfin une troisième partie sera
consacrée aux attentes et per-
ceptions des consommateurs
vis-à-vis de l'affichage environne-
mental et aux interactions entre
AOC et environnement.
Une multiplication
des démarches
environnementales au
niveau des entreprises
Parmi les professionnels du sec-
teur viticole, l'agriculture biolo-
gique ne fait pas l'unanimité et
les vignerons s'engagent dans
différentes demarches environ-
nementales individuelles ou
portées par des collectifs re-
gionaux ou nationaux. Parmi
elles on peut citer:Terra Vitis,
Agriconfiance, Vignerons en
Développement Durable, RSE,
IS026000, SME dans le Bordelais,
Reférentiel Viticulture durable en
Champagne, Qualenvi porte par
les Vignerons Independants de
France, etc.
La multiplication de ces-
marches se traduit par une
complexité et un manque de
lisibilité pour les consomma-
teurs (photo 1). Cette multipli-
cité de demarches provient en
partie du fait que le « Reférentiel
national de l'agriculture raison-
e » mis en place en avril 2002
n'a pas su faire ses preuves au-
près du grand public, creusant
un fossé entre les agriculteurs
biologiques et les agriculteurs
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Journaliste : Frédérique Jourjon
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« traditionnels » En France, lors
du Grenelle de l'environnement
en 2007, l'accent a ete mis dans
le secteur agricole sur l'agro-
ecologie et la nécessite d'orien-
ter les modes de consommation
vers des produits respectueux
de l'environnement (Bessou et
al, 2013).
Ainsi, depuis juin 2011, dans le
cadre de la promulgation de la loi
pour « un engagement national
pour l'environnement », encore
appelé Grenelle 2, une nouvelle
certification volontaire a ete mise
en place par decret1 l'agriculture
à haute valeur environnemen-
tale (HVE) (MAAF, 2011!. Cette
certification a pour objectif d'har-
moniser les démarches agro-
environnementales existantes;
elle repose sur un systeme
semi-quantitatif d'évaluation
des pratiques et se veut être un
intermédiaire entre l'agriculture
conventionnelle et l'agriculture
biologique. La certification envi-
ronnementale est une demarche
volontaire respectant trois prin-
cipes issus du Grenelle. valoriser
les démarches existantes dans
un nouveau dispositif, s'adresser
au plus grand nombre d'agricul-
teurs et les porter vers un niveau
d'excellence environnemental
{Meybeck et al, 2011).
C'est une demarche en trois ni-
veaux d'engagements, où seul le
niveau le plus exigeant autorise
un affichage environnemental par
l'apposition du logo HVE sur les
produits issus de l'exploitation
L'objectif ambitieux initial affiche
par le ministère était de faire
entrer dans cette démarche 50 %
des exploitations agricoles des
2012. L'ambition affichée n'est
pas encore atteinte même si on
peut constater que les premières
exploitations agricoles certifiées
HVE ont ete des entreprises de
la filiere viticole et que de plus
en plus de démarches environ-
nementales portées par des col-
lectifs viticoles sont aujourd'hui
reconnues ou en cours de recon-
naissance HVE; on peut citer a
titre d'exempleTerra Vitis ou en-
core le Reférentiel Viticulture du-
rable en Champagne L'argument
de plus grande facilite de diffé-
renciation et de valorisation au-
près des consommateurs par les
entreprises viticoles est avance
par les acteurs du secteur agri-
cole lin logo permettant la valo-
risation de la demarche auprès
des consommateurs a eté mis
en place par le ministère à l'au-
tomne 2014 Iphoto 2).
L'affichage
environnemental des
produits alimentaires:
une démarche
impulsée par les
pouvoirs publics
En parallèle, entre 2011 et 2013,
une expérimentation nationale
a eté lancée auprès de 168 en-
treprises de tous secteurs pour
évaluer les conditions d'une
éventuelle généralisation d'un
affichage environnemental sur
une large gamme de produits
de grande consommation, dont
le vin (Vergez 2012) (photo 3).
I Photo 3: Exemple d'affichage environnemental.
Laffichage testé doit permettre
« d'informer progressivement le
consommateur par tout procede
approprie du contenu en équi-
valent carbone des produits et
de leur emballage, ainsi que de
la consommation de ressources
naturelles ou de l'impact sur les
milieux naturels qui sont impu-
tables à ces produits au cours
de leur cycle de vie » (article 228
de la loi « Grenelle 2 » de 2010)
L'objectif est d'utiliser les don
nées d'inventaire d'analyse de
cycle de vie (AGV) afin de pro-
duire des indicateurs pour l'af-
fichage environnemental des
produits agricoles. 60 % des
168 entreprises participantes,
toutes volontaires, se sont décla-
rées satisfaites d'avoir participe
a cette expérimentation. Pour
78 % des entreprises ayant pris
part ainsi de façon spontanée a
l'expérimentation, l'affichage a
éte un moyen de mieux connaître
les performances environnemen-
tales de toute la chaîne d'appro-
visionnement ou de la filière,
tandis que 73 % estiment que
l'affichage environnemental re-
présente une source de compe-
titivité potentielle Pour 50% des
repondants, il a même permis
de les améliorer effectivement
Cette efficacité provient du fait
que l'analyse de cycle de vie
permet de prendre conscience
des postes les plus impactant
sur l'environnement, d'identifier
les leviers de progrès environ-
nemental correspondants (éco-
conception) et de hiérarchiser les
efforts d'amélioration. Comme
l'a montre l'expérimentation, les
premieres mesures à mettre en
œuvre par une entreprise pour
limiter son empreinte environne-
mentale ne sont pas nécessaire-
ment onéreuses et sont suscep-
tibles de générer des économies
directes qui peuvent en absorber
les coûts de mise an œuvre.
En complément aux travaux
français, la commission euro-
péenne a lancé en 2014 une
expérimentation du même
type basée sur l'empreinte en-
vironnementale des produits
(PEP' Product Environnemental
Photo 2: Logo HVE mis en
œuvre par le MAAF
Foodprmt) La difference avec
le projet français se situe dans
la différenciation des produits
agro-alimentaires des autres
produits non alimentaires, à
travers le projet Envifood lll
Celui-ci vise à établir une me-
thode scientifique compréhen-
sible, pratique et harmonisée,
pour les aliments et boissons,
plus simple que l'ACV défendue
par le systeme français
Lobjectif secondaire est de lut-
ter contre la prolifération des
différentes initiatives des pays
membres afin d'harmoniser le
marche Bien que la demarche
française soit unique en son
genre, elle s'inscrit dans un cadre
mondial de prise de conscience
pour la protection de notre envi-
ronnement Depuis 2008, l'affi-
chage environnemental connaît
un dynamisme international
ll se traduit par la multiplica-
tion des initiatives fondées sur
l'analyse du cycle de vie, dési-
reuses de mesurer l'empreinte
environnementale des produits
(Medef, 2013)
La première illustration de cette
démarche fut la PAS 2050 Mise
en place en Angleterre, cette
norme, monocritere, est basée
sur le calcul de l'empreinte car-
bone Elle est à l'origine de la
multiplication des résolutions in-
ternationales en Europe, en Asie,
en Oceanie et plus récemment
en Amérique (Medef, 2013).
Cependant, la grande majorité
de ces demarches concernent
des materiaux de constructions
(I) European Food Sustainable
Consumption & Production Round
Table, 2013
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Photo 4: Ecolabel
Européen.
TT W
* /r *
**f **
EuV/^
Ecolabel
www.ecolabel.eu
et des produits electriques Lin
faible pourcentage des initia
tives est porte sur les produits
agro-alimentaires et par cense
quent celles sur le vm restent
tres limitées De ce fait, on
retrouve essentiellement les
demarches liées a l'évaluation
environnementale du vm dans
les grands vignobles internats
naux Afrique du Sud, Nouvelle
Zelande Australie, Californie,
Chili, Suisse (Pierot et al, 2014)
La généralisation de l'affichage
environnemental représente a
terme un enjeu majeur pour
l'ensemble de la filiere vitivmi
cole française voire europeenne
Du côté
des consommateurs
Les consommateurs sont de plus
en plus demandeurs d'informa
lion
sur les
caractéristiques
en
vironnementales des produits,
afin de pouvoir faire des achats
réfléchis Selon la loi française
n° 2009-967 (dite loi Grenelle 1)
ils doivent pouvoir disposer
d'une information environne-
mentale sincère, objective et
complète, portant sur les carac
tenstiques globales du couple
produit/emballage et se voir pro-
poser des produits respectueux
de l'environnement a prix attrac-
tif Or, en Europe, seul l'ecolabel
europeen (photo 4) informe effi
ciellement les consommateurs
des pays membres sur les im-
pacts environnementaux des pro
duits Cependant, celui ci n'est
pas connu des consommateurs,
ni répandu sur l'ensemble des
produits notamment en agro-
alimentaire (Ceci-Renaud,2012)
De nombreux dispositifs d'af
fichage existent en Europe et
a l'international pour informer
sur la qualite environnementale
d'un produit ou d'un service
Le dispositif français, base sur
une approche « cycle de vie », se
distingue par son analyse mul-
ticnteres (empreinte carbone,
consommation et qualite de l'eau
par exemple) (Vergez, 2011) ll ap-
paraît aujourd'hui une nécessite
d'harmoniser les methodes de
calcul et le format de restitution
des impacts aux consommateurs
(Vergez 2011) Plusieurs travaux
montrent le souhait exprime des
consommateurs pour un label
clair et unique (Blanquart et
Carbone, 2010)
Toutefois, on ne sait pas quelle
forme d'affichage serait la plus
pertinente, ni quel serait son
impact sur l'image des produits
ll semble que l'achat de produits
ecolabellises déclare dans des
enquêtes s'avère extrêmement
lie a la sensibilité environnemen-
tale (Vergez, 2011)
Le vin, produit agro-alimentaire
de grande consommation, est
donc soumis a ces projets enga-
ges dans le cadre du Grenelle de
l'environnement (Clerget, 2012)
L'ajout d un affichage environ-
nemental en lien avec I impact
du produit peut être envisage
maîs les acteurs de la filiere ont
besoin de mieux connaître la
perception des consommateurs
face a celui ci
Des etudes montrent effective
ment qu'il existe une volonté
des consommateurs quant a
l'accès a l'évaluation de la per
formance environnementale,
notamment sous forme d'un
affichage compréhensible et
« universel » (Ernst and Young,
2009, Ethicity, 2011 et 2012)
Cependant, pour la filiere viti-
vmicole, des etudes ont montre
que la majorité des consom-
mateurs « ne recherchent pas,
lorsqu'ils choisissent un vm,
d'informations complemen-
taires sur l'environnement » et
« sont peu interesses par un label
environnemental » (Jourjon et
al, 2013) Lors de l'acte d'achat
en supermarche, le consomma-
teur choisit un vm principale-
ment en fonction du vignoble
et de l'appellation (Interdire,
2013) La majorité des etudes
concernant la consommation
du vm segmente la population
en fonction de la frequence de
consommation (Brugiere, 2009)
Parallèlement, d'autres etudes se
sont attachées a comprendre les
implications d'une « conscience
environnementale » chez les
consommateurs, (Barber et
al, 2009, Najar et al, 2010,
Vermeir et al, 2006, Démarque
et al ,2011, Xiao et al, 2007,
Michaelidou et al, 2008, Muller
et al, 2010, Sinex 2010, Stolz
et al, 2008) Des etudes précé-
dentes (Barber et al 2009-2010,
Jourjon et Symoneaux, 2012-
2013} ont démontre la pertinence
du concept d'implication vis-a-
vis du vm comme critere de seg-
mentation des consommateurs
de vm face a la problématique
environnementale maîs sans
intégrer clairement l'implication
pour les questions relatives a
I environnement Ce concept
d'implication est la façon dont
I individu lui-même se repre
sente sa relation avec un centre
d'intérêt Elle peut être reliée
au niveau d'information ou de
connaissance d'une personne
pour ce sujet (Valeau, 2004)
A ce jour, aucun travail sur Tim
pact de la notoriété d'un vm sur
la perception environnementale
par les consommateurs n'a ete
réalise Cette question apparaît
importante dans le cas d'un pro
dull agricole a forte valeur ajou
tee, offrant une tres large offre
de produits différents par leur
label, leur notoriété, leur prix
et leur qualite organoleptique
ou environnementale
Même si aucune contrainte
concernant le respect environ
nemental n'est inscrite dans le
cahier des charges des AOP, il
semble pourtant que ce signe
d'appellation apparaisse aux
yeux des consommateurs
comme une promesse de res-
pect environnemental plus ou
moins forte selon leur implica
lion dans les problématiques
environnementales (Jourjon et
al, 2013) Ce point fera partie de
I objet du troisieme volet final de
cet article
NDLR Les references bibliographiques
concernant cet article sont disponibles
sur simple demande auprès de la Revue
des Œnologues
- Par courrier joindre une enveloppe
affranchie avec tes references de I article
-Surinternet wwwoenotmfr
NDLR La deuxieme partie de cette etude
sera publiée dans le numero W dan
vier 2016) et la troisieme partie dans
le numero 159 (avril 2016) de la Revue
des Œnologues
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