Chapitre vingt-neuvième — Du premier Commandement « Je suis le

(Page 277)
Chapitre vingt-neuvième Du premier Commandement
« Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai tiré de la terre d’Egypte, de la maison de
servitude ; tu n’auras point de dieux étrangers devant Moi ; tu ne te feras point
d’idoles », etc.
Cette Loi que Dieu donna aux Juifs sur le mont Sinaï, la nature l’avait imprimée
et gravée longtemps auparavant dans le cœur de tous les hommes, et tous les
hommes pour ce motif étaient obligés de l’accomplir. Dieu l’avait ainsi voulu. II
sera donc très utile d’expliquer avec soin aux Fidèles les termes mêmes dans
lesquels elle fut promulguée par Moïse, qui en fut le ministre et l’interprète, et
de leur faire connaître l’histoire si pleine de mystères du peuple hébreu.
§ I. RÉCIT ABRÉGÉ DE L’HISTOIRE SACRÉE.
Les Pasteurs commenceront par raconter que de toutes les nations qui vivaient
sur la terre, Dieu en choisit une qui descendait d’Abraham. Ce saint Patriarche,
pour obéir à Dieu, avait habité comme étranger la terre de Chanaan, et Dieu lui
avait promis de lui donner cette terre ; mais ni lui ni ses descendants ne la
possédèrent qu’après avoir erré pendant plus de quatre cents ans. Durant ce long
pèlerinage, Dieu ne les abandonna jamais. Ils allaient de nation en nation, de
peuple en peuple, mais nulle part II ne souffrit qu’on leur fît aucun mal, et même
Il punit les rois qui voulaient leur nuire. Avant qu’ils descendissent en Egypte, Il
envoya dans ce pays un homme dont la sagesse devait les préserver, eux et les
Egyptiens, des suites de la famine. Il les entoura tellement de sa Bonté
protectrice, que malgré la résistance de Pharaon et son acharnement à les perdre,
ils se multiplièrent prodigieusement. Puis quand Il les vit dans l’affliction et
soumis au plus dur esclavage, Il suscita un chef dans la personne de Moïse pour
les tirer d’Egypte par la puissance de son bras. C’est de cette délivrance que
Dieu fait mention au commencement de la Loi. quand Il dit: 1 « Je suis le
Seigneur ton Dieu qui t’ai tiré de la terre d’Egypte, de la maison de servitude. »
Ici le Pasteur fera remarquer avec soin que si Dieu choisit cette nation entre
toutes, pour l’appeler son peuple, et pour être plus spécialement connu et servi
par elle, ce n’est point qu’elle fût plus nombreuse ou plus juste que les autres,
comme Dieu ne manque pas de le lui rappeler ; mais c’est qu’Il le voulut ainsi
pour rendre plus sensible et plus éclatante aux yeux de tous sa Puissance et sa
Bonté, en comblant de bienfaits et de richesse une nation si peu nombreuse et si
pauvre. Quelque misérable que fût l’état des Hébreux, Dieu s’attacha à eux, et
les aima, au point que le Maître du ciel et de la terre ne rougit point d’être
appelé leur Dieu. 2 Son but était de provoquer les autres peuples à les imiter, et
d’amener tous les hommes à embrasser son culte, par le bonheur dont Il
comblait les Israélites sous leurs yeux. De même l’Apôtre Saint Paul déclarera
1 Exod., 20, 2.
2 Deut., 10, 15.
(Page 278)
plus tard 3 qu’Il a excité l’émulation de son peuple, en lui représentant le
bonheur des Gentils, et la connaissance du vrai Dieu qu’Il leur avait donnée.
Ensuite le Pasteur enseignera aux Fidèles que Dieu laissa longtemps les
Patriarches hébreux errer comme des voyageurs en pays étranger, et leurs
descendants gémir sous l’oppression et l’accablement de la plus dure servitude,
pour nous apprendre qu’on ne peut être ami de Dieu, sans être ennemi du monde
et étranger sur la terre, et par conséquent qu’il est d’autant plus facile de gagner
son amitié qu’on est plus détaché et séparé du monde. En même temps, Il voulait
nous faire comprendre, à nous qui Lui rendons le culte qu’Il mérite, qu’il y a
infiniment plus de bonheur à Le servir, qu’à servir le monde. C’est ce que
l’Ecriture nous rappelle quand elle dit: 4 « Les enfants de Judas seront soumis à
Sésac, afin qu’ils apprennent quelle différence il y a entre mon service et le
service des rois de fa terre ».
Il expliquera aussi que Dieu n’accomplit sa promesse qu’après plus de quatre
cents ans, afin d’entretenir son peuple dans la Foi et l’Espérance. Le Seigneur en
effet veut que ses enfants dépendent continuellement de Lui et qu’ils mettent
tout leur espoir dans sa bonté, comme nous le dirons en développant le premier
Commandement.
Enfin il marquera le temps et le lieu où le peuple d’Israël reçut de Dieu cette
Loi. Ce fut après sa sortie d’Egypte et dès qu’il fut entré dans le désert, afin que
le souvenir de sa récente délivrance et la vue d’une région si sauvage le rendît
plus propre à recevoir ses Commandements. Les hommes en effet s’attachent
fortement à ceux dont ils viennent d’éprouver la bonté, et ils se réfugient sous la
protection de Dieu, lorsqu’ils se voient privés de tout secours humain. Et c’est
ce qui nous fait conclure que nous sommes d’autant mieux disposés à recevoir
les Vérités divines, que nous fuyons davantage les attraits du monde et les
plaisirs mauvais. Aussi est-il écrit dans le Prophète: 5 « A qui le Seigneur
enseignera-t-il sa Loi ? A qui donnera-t-il l’intelligence de sa parole ? Aux
enfants sevrés et arrachés du sein de leurs mères. »
§ II. APPLICATION DE CETTE HISTOIRE AUX CHRÉTIENS.
Que le Pasteur s’efforce donc, autant qu’il le pourra, d’amener les Fidèles à
avoir toujours présentes à l’esprit ces paroles si graves: Je suis le Seigneur votre
Dieu. Elles leur feront comprendre qu’ils ont pour législateur le Créateur Lui-
même, Celui qui leur a donné la vie et qui la leur conserve, et leur permettront
de répéter en toute vérité : 6 « Oui, il est notre Seigneur et notre Dieu: nous
sommes le peuple de ses pâturages, le troupeau de sa droite. » Ces paroles
3 Rom., 11. 14.
4 2 Paral., 12, 8.
5 Is., 20, 9.
6 Psal., 94, 7.
(Page 279)
souvent répétées, et avec une sainte ardeur, auront la vertu de les rendre plus
prompts à obéir à la Loi, et de les éloigner du péché.
Quant aux suivantes: « Qui vous ai tirés de la terre d’Egypte, de la maison de
servitude, » bien qu’elles semblent s’appliquer uniquement aux Hébreux
délivrés de la domination des Egyptiens, néanmoins si l’on considère ce qu’est
en elle-même l’œuvre du salut de tous, il est facile de voir qu’elles se rapportent
infiniment mieux aux Chrétiens qui ont été arrachés par Dieu Lui-même non pas
à la servitude d’Egypte, mais à la région du péché et à la puissance des ténèbres,
pour être introduits enfin dans le Royaume de son Fils bien-aimé. C’est ce grand
bienfait qu’avait en vue le Prophète Jérémie quand il disait: 7 « Voici que des
jours viennent, dit le Seigneur, oie l’on ne dira plus: Vive le Seigneur, qui a tiré
les enfants d’Israël de la terre d’Egypte ! mais vive le Seigneur, qui a rappelé
les enfants d’Israël du Septentrion, et de toutes les parties de la terre où ils
avaient été dispersés, pour les réunir dans la terre qui avait été donnée à leurs
pères ! Voilà, dit le Seigneur, que J’enverrai des pêcheurs en grand nombre, et
ils pêcheront les enfants d’Israël. »
En effet, ce Père infiniment bon a rassemblé, par son Fils,. ses enfants dispersés
8, afin que désormais esclaves de la justice et non plus du péché 9, nous le
servions en marchant devant Lui tous les jours de notre vie dans la sainteté et la
justice 10.
Ainsi à toutes les tentations sachons opposer, comme un bouclier, ces paroles de
l’Apôtre 11: « Etant mort au péché, comment pourrions-nous vivre encore dans
le péché ? » nous ne sommes plus à nous, mais à Celui qui est mort et qui est
ressuscité pour nous. C’est le Seigneur notre Dieu Lui-même qui nous a achetés
au prix de son Sang. Comment pourrions-nous pécher encore contre Lui, et de
nouveau l’attacher à la croix ? puisque nous sommes vraiment libres, de cette
liberté que Jésus-Christ Lui-même nous a rendue 12, faisons servir nos membres
à la justice, et à notre propre sanctification, comme nous les avons fait servir à
l’injustice et à l’iniquité.
§ III. OBJET DU PREMIER COMMANDEMENT.
« Vous n’aurez point de dieux étrangers devant Moi. » Le Pasteur fera
remarquer que dans le Décalogue la première place est pour les choses qui
regardent Dieu, et la seconde pour celles qui regardent le prochain. C’est qu’en
effet Dieu est la cause des devoirs que nous accomplissons envers le prochain.
Et ce prochain nous ne l’aimons conformément à l’ordre de Dieu que si nous
l’aimons pour Dieu. On sait que la première des deux tables de pierre
7 Jerem.,16, 14, 15, 16 et 17.
8 Joan., 11, 52.
9 Rom., 6, 12.
10 Luc., 1, 74, 75.
11 Rom., 6, 2.
12 Gal., 2, 31.
(Page 280)
renfermait les Commandements qui ont Dieu pour objet. Le Pasteur montrera
ensuite que les paroles qui expriment le premier Commandement contiennent
deux préceptes, dont l’un a pour but de commander et l’autre de défendre.
Car en se servant de ces mots: vous n’aurez point de dieux étrangers devant
Moi, Dieu disait en d’autres termes : vous M’adorerez, Moi le Dieu véritable,
mais vous n’aurez point de culte pour les dieux étrangers.
Le premier de ces préceptes embrasse la Foi, l’Espérance et la Charité. Qui dit
Dieu, en effet, dit un être constant, immuable, toujours le même, fidèle,
parfaitement juste. D’où il suit que nous devons nécessairement accepter ses
oracles, et avoir en Lui une Foi et une confiance entières. Il est Tout-Puissant,
clément, infiniment porté à faire du bien. Qui pourrait ne pas mettre en Lui
toutes ses espérances ? et qui pourrait ne pas l’aimer en contemplant les trésors
de bonté et de tendresse qu’Il a répandus sur nous ? de là cette formule que Dieu
emploie dans la sainte Ecriture soit au commencement, soit à la fin de ses
préceptes: Je suis le Seigneur.
Voici la seconde partie du précepte: vous n’aurez point de dieux étrangers
devant Moi. Si le Législateur l’a aussi formulée, ce n’est pas que sa volonté
n’eût été assez clairement expliquée dans cette partie impérative et positive de
son Commandement: Vous M’adorerez, Moi le seul Dieu. Car s’il y a un Dieu, il
n’y en a qu’un. Mais c’était pour dissiper l’aveuglement d’un grand nombre
d’hommes, qui, tout en faisant profession d’adorer le vrai Dieu, avaient
cependant des hommages pour une multitude de divinités ; et il y avait quelques
Juifs dans ce cas ; on le voit par ces reproches que leur faisait le Prophète Elie 13:
« Jusques à quand boiterez-vous des deux côtés ? » Ce fut aussi le crime des
Samaritains 14, qui adoraient en même temps et le Dieu d’Israël et les divinités
des nations.
A ces explications il faudra ajouter que ce Commandement est le premier et le
plus grand de tous, non seulement par le rang qu’il occupe, mais encore par sa
nature, sa dignité, et son excellence. nous devons à Dieu infiniment plus
d’amour, de respect et de soumission qu’à nos supérieurs et à ceux qui nous
gouvernent. C’est Lui qui nous a créés ; c’est Lui qui nous conserve, qui nous a
nourris dès le sein de nos mères, qui ensuite nous a appelés à la lumière ; c’est
Lui enfin qui nous fournit toutes les choses nécessaires à notre vie et à notre
entretien.
Ceux-là donc pèchent contre ce premier Commandement, qui n’ont ni la Foi, ni
l’Espérance, ni la Charité. Et leur nombre, hélas ! est extrêmement considérable.
Ce sont ceux qui tombent dans l’hérésie, qui ne croient pas ce que la sainte
Eglise notre mère nous propose à croire ; ceux qui ont foi aux songes, aux
augures et à toutes les vaines superstitions de ce genre ; ceux qui désespèrent de
13 3 Reg., 18, 21.
14 4 Reg., 17, 33.
(Page 281)
leur salut, qui manquent de confiance dans la miséricorde divine ; ceux qui ne
s’appuient que sur les richesses, la santé et les forces du corps. On peut voir,
pour plus de détails, les Auteurs qui ont écrit sur les vices et les vertus.
§ IV. DU CULTE ET DE L’INVOCATION DES ANGES ET DES
SAINTS.
En expliquant ce Commandement, le Pasteur fera soigneusement remarquer aux
Fidèles que le culte et l’invocation des Saints, des Anges et des Ames
bienheureuses qui jouissent de la Gloire du ciel, comme aussi le respect pour les
corps mêmes et les reliques des Saints, tel que l’Eglise l’a toujours pratiqué, ne
sont nullement contraires à l’esprit de ce premier Commandement. Est-il un
homme assez insensé pour s’imaginer qu’un souverain qui interdirait à ses sujets
de prendre la qualité de roi, et d’exiger les hommages et les honneurs qui ne sont
dus qu’à cette dignité suprême, défendrait par là -même d’honorer les
magistrats ? Quoiqu’il soit dit que les Chrétiens, à l’exemple des Saints de
l’Ancien testament, adorent les Anges, cependant ce culte qu’ils leur rendent
diffère essentiellement de celui qu’ils offrent à Dieu. Et si quelquefois nous
voyons les Anges refuser les honneurs qui leur étaient rendus par des hommes,
cela signifie simplement qu’ils ne voulaient point prendre pour eux la gloire qui
n’est due qu’à Dieu. Car le même esprit-Saint qui a dit 15: « A Dieu seul honneur
et gloire », nous ordonne néanmoins d’honorer nos parents et les vieillards. Les
Saints n’adoraient que Dieu seul, et cependant comme le remarque l’Ecriture, ils
avaient pour les rois une espèce d’adoration, en ce sens qu’ils les honoraient
assez pour se prosterner devant eux. Or si les rois par qui Dieu gouverne le
monde ont droit à de tels honneurs, les esprits angéliques que Dieu a faits ses
ministres, qu’Il emploie non seulement dans le gouvernement de son Eglise,
mais encore dans celui de l’univers entier, et dont la protection nous délivre tous
les jours des plus grands dangers et de l’âme et du corps, ces esprits bienheureux
ne recevront-ils pas de nous, bien qu’ils ne se montrent point visiblement à nos
yeux, des honneurs d’autant plus grands qu’eux-mêmes l’emportent en dignité
sur tous les rois de la terre ?
Ajoutez à cela la Charité qu’ils ont pour nous. C’est cette Charité qui les fait
prier, comme nous le voyons dans la sainte Ecriture, pour les provinces dont ils
sont les protecteurs. Et il n’est pas permis de douter qu’ils n’agissent de même
envers ceux dont ils sont les Gardiens, puisqu’ils présentent à Dieu nos prières et
nos larmes. Voilà pourquoi le Seigneur nous enseigne dans l’Evangile 16: « Qu’il
ne faut point scandaliser même les plus petits enfants, parce que leurs Anges qui
sont dans le ciel voient sans cesse la face du Père qui est dans le ciel. »
Il faut donc invoquer les Anges, et parce qu’ils voient Dieu continuellement, et
parce qu’ils se chargent avec joie du soin qui leur est confié de veiller à notre
15 1 Tim., 1, 17. ---- Exod., 22, 12. ------ Levit., 19, 32.
16 Matth., 18, 10.
1 / 14 100%

Chapitre vingt-neuvième — Du premier Commandement « Je suis le

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !