
Dans cette analyse, seuls les éléments contributifs à la recherche des causes de cette erreur de dispensation sont recherchés.
●Facteurs contributifs
Facteurs liés au patient
Le patient présente des antécédents d’hypertension artérielle depuis 2 ans. Son traitement est équilibré, avec des chiffres tensionnels normalisés. Son traitement est dispensé en
officine de ville, avec des médicaments génériques qui peuvent changer de laboratoire en fonction des moments. Ce malade, parfaitement orienté, est acteur dans son protocole de
soins. Il ne connaissait pas cette forme de médicaments et a fait confiance à l’équipe soignante du service.
Cet incident semble ne pas l’inquiéter au vu des explications données et des risques formulés en lien avec cette erreur d’administration ; et il a parfaitement compris la problématique.
Facteurs liés aux tâches à accomplir
La dispensation du traitement per os ne s’appuie pas sur un protocole de soins, la dispensation d’un médicament faisant partie du cœur de métier de l’infirmière.
Facteurs liés à l’individu
L’interne des urgences qui a réalisé la prescription est un interne de 3° semestre, qui maîtrise cet exercice. La prescription manque néanmoins de précision.
L’infirmière qui a administré et préparé le traitement pour les 24 premières heures est un personnel intérimaire qui est venue pour la première fois, qui ne maitrisait pas l’organisation du
service et les procédures et habitudes institutionnelles. Son expérience professionnelle reste modeste (moins d’un an de diplôme).
Facteurs liés à l’équipe
Les transmissions à l’arrivée de l’intérimaire ont été réalisées de façon macro, la charge de travail n’a pas permis un accompagnement optimal.
La collaboration entre les professionnels a été décrite comme « normale » ; chaque fois que l’infirmière intérimaire a demandé de l’aide ou des informations, l’infirmière coordinatrice en
charge du secteur a pu l’orienter à chacune de ses sollicitations.
Il faut préciser que le dossier patient de cet établissement n’est pas encore informatisé (format papier). Il est probable qu’un support dématérialisé n’aurait pas permis cette prescription
incomplète.
Lors des transmissions du soir, au départ de l’équipe de jour, il n’a pas été formulé un quelconque questionnement sur le traitement de Monsieur Z.
Les piluliers sont habituellement préparés par les équipes de nuit pour les patients hospitalisés présents dans la journée. Le traitement préparé par l’infirmière intérimaire pour le
lendemain est parti d’une bonne intention, et n’a pas été vérifié par l’équipe de nuit.
Facteurs liés à l’environnement de travail
La charge de travail était lourde, avec de nombreux patients âgés dépendants. Malgré cet état de fait, il n’y a pas eu de retards dans le déroulement de la journée, et dans la réalisation
des soins.
Le système documentaire du service permettait d’obtenir les informations nécessaires sur le médicament à délivrer au patient (VIDAL, accès internet, ….)
La dotation de médicaments du service : les deux formes de LOXEN* (20 et 50 LP) sont présentes habituellement, mais ce jour là, seule la forme 50 LP était disponible immédiatement.
Le personnel intérimaire n’étant plus présent, il n’a pas été possible de l’interroger sur un questionnement possible sur ces 2 formes de présentation.
Les effectifs de l’équipe paramédicale étaient conformes au schéma d’organisation validé dans la structure.
Facteurs liés à l’organisation et au management
L’organisation du service a permis un encadrement sur les 2 tiers de la journée de l’infirmière intérimaire. Il faut néanmoins préciser que l’incident s’est produit en fin de journée, sur une
période moins propice pour un accompagnement.
Le process général de distribution du médicament n’a pas été suivi : pas de vérification du pilulier par l’équipe de nuit, pas de vérification ad hoc lors de la dispensation du traitement par
l’infirmière le lendemain, infirmière différente de la veille.
La question du pourquoi il n’y avait pas de LOXEN* 20 mg dans la pharmacie du service n’a pas eu de réponse précise formelle : il semble que ce soit une erreur de livraison au niveau
de la pharmacie (fonctionnement en dotation globale). Cette hypothèse est plausible, puisque la dotation de LOXEN 50* LP était plus importante que celle du LOXEN 20 mg. Le
professionnel de santé qui a réceptionné et rangé la commande de médicaments reconnaît ne pas avoir eu le temps de procéder au contrôle habituel (dénomination – dosage – quantité
– rangement dans emplacement dédié).
Facteurs liés au contexte institutionnel
Cette structure est très attentive au dimensionnement des équipes soignantes. Comme de nombreux établissements de santé, l’équilibre financier est toujours plus difficile à trouver
chaque année.
L’ensemble des responsables d’équipe est sollicité sur ce point.
Le suivi des événements indésirables graves au sein de cette structure montre une augmentation sensible des incidents sur ce thème ; chaque signalement correspond à une charge de
travail limite.
●En résumé : les facteurs contributifs suivants sont retenus
- L’emploi de médicaments génériques au sein de l’établissement : les fournisseurs, en fonction de l’évolution des tarifs, changent régulièrement.
- La prescription de l’interne des urgences était imprécise, avec oubli du dosage.
- L’infirmière n’a pas réagi à la lecture de la prescription. Le double contrôle attendu dans le process du circuit du médicament n’a pas eu lieu. Il semble que l’infirmière ne s’est pas
questionnée sur la posologie du traitement ; la posologie pour la forme à libération prolongée n’est pas habituelle.
-L’infirmière de nuit n’a pas vérifié le contenu du pilulier.
- L’infirmière en charge de la dispensation le lendemain n’a pas contrôlé la concordance entre prescription et médicament distribué.
- L’infirmière qui a réceptionné la commande de pharmacie n’a pas réalisé le contrôle attendu à réception des médicaments.
Un nombre conséquent de contrôles n’a pas été respecté dans ce cas précis. La charge de travail assez dense ne suffit pas à expliquer ce constat. L’ensemble des professionnels de
santé l’a d’ailleurs admis volontiers.