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1. des raisons historiques : dans les pays vaincus en 1918 (Allemagne, Autriche), le parlementarisme
est d'autant plus haï que ses origines sont liées à la défaite. Dans un pays frustré par les traités de
paix (Italie), on lui fait grief d'avoir sacrifié les intérêts de la Nation aux puissances étrangères.
2. au nom de l'unité, condition de la grandeur nationale.
Le régime parlementaire se caractérise par des discussions stériles et paralysantes, il entretient les
dissentiments, cultive les divisions au lieu de faire concourir toutes les énergies à l'objectif commun :
l'unité et la grandeur de la Nation. En outre, il offre à l'étranger un spectacle grotesque, indigne d'un
peuple appelé à montrer l'exemple.
3. au nom de l'efficacité.
Ce régime, qui un peu partout est jugé dépassé par les événements et dont le fonctionnement s'avère
défectueux, se condamne lui-même par ses lenteurs et son inefficacité - à en juger, notamment, par
son incapacité à sortir le pays de la crise économique.
4. à cause de sa démarche rationnelle, dont les fascistes n'ont rien à faire (voir ci-après Anti-
intellectualisme romantique).
C. Anti-intellectualisme, romantique.
Ce caractère représente une raison supplémentaire d'opposition au parlementarisme pour le fascisme.
La démocratie parlementaire se présente comme un système rationnel. Elle s'adresse à l'esprit des
citoyens, qu'elle s'emploie à convaincre (campagnes électorales, discours au Parlement, presse, etc.) ; et elle
règle son fonctionnement sur base de décisions prises à la majorité (critère mathématique). Elle postule donc la
rationalité des conduites et des comportements.
Tout au contraire, le fascisme est une réaction anti-intellectualiste. Exaltant la force physique, la
violence même, allant jusqu'à brûler les livres dont les idées sont jugées incompatibles avec l'idéologie
officielle, il fait appel à toutes les forces irrationnelles, à la sensibilité, à l'émotivité, à l'affectif. C'est une
revanche de l'instinct. Par ce trait, le fascisme apparaît comme un avatar du romantisme. Comme le romantisme,
il joue sur les sentiments, le goût du panache et du spectacle, et aussi sur la référence à un passé lointain et
idéalisé. De là l'importance accordée à la mise en scène (cf. les congrès du parti nazi à Nuremberg) : le soin
apporté au décor (drapeaux claquant au vent, sonneries de trompette, jeux de projecteurs…), les grandes
cérémonies, les parades spectaculaires. C'est une liturgie nouvelle, grandiose et barbare, qui substitue la
musique, le chant, les torches, le défilé, à la délibération et à la discussion dans le respect des minorités. Les
discours, minutieusement répétés et accompagnés de gestes et d'intonations savamment calculés, sont destinés à
emporter une adhésion instinctive, irréfléchie, inconditionnelle et unanime, et non pas la conviction ; la
démarche attendue relève de la foi et nullement de la raison. Dans la même logique, on assiste à la récupération
du passé national, glorifié par une sorte de mythe de l'Age d'or : glorification de l'Antiquité romaine par
Mussolini, ou Hitler posant à côté des emblèmes du Saint-Empire !
N.B. Une telle mobilisation
épidermique
de masses fanatisées n'est pas forcément le monopole du
fascisme. On connaît bien d'autres exemples de parades grandioses, de mise en valeur des uniformes et de
l'armement, de défilés spectaculaires : France révolutionnaire et impériale, Union soviétique, Corée du Nord,
etc.3
D. Anti-individualisme et anti-libéralisme.
Le libéralisme a pour objectif essentiel le bien-être et l'épanouissement de l'individu. Il affirme la liberté
de l'individu, s'emploie à la préserver et à garantir les droits des individus : liberté d'opinion, d'expression, de
religion, de conscience, de réunion, d'association, de presse, d'enseignement, etc. Il limite en conséquence
l'autorité de l'Etat (
Etat-gendarme,
c'est-à-dire dont le rôle principal doit se limiter au maintien de l'ordre). -
Tout à l'opposé, le fascisme a pour objectif essentiel le bien-être et la grandeur de la communauté nationale. Il
se présente donc comme un adversaire de l'individualisme et du libéralisme. En effet :
1. L'exercice des libertés individuelles risque de déforcer, d'affaiblir la cohésion du groupe national et de
porter atteinte à l'autorité de l'Etat à parti unique. Le fascisme, comme tout régime totalitaire (ex. le
communisme sous Staline), place le groupe national au-dessus des individus. L'intérêt de l'Etat
(raison d'Etat) doit donc toujours primer sur les intérêts individuels - qui sont d'ailleurs très souvent
contradictoires. L'individu trouve sa raison d'être dans la subordination au groupe et son
accomplissement dans son intégration à la communauté. Il n'a pas de droits propres : il n'a que ceux
3 On se gardera donc de faire endosser trop vite ce genre de manipulation des masses à un trait de mentalité typiquement
germanique…