donc de la difficulté de faire le bien, comme la première est celle de l’erreur et de la faim. Ici
encore l’âme pousse des cris vers le Seigneur, et le Seigneur la délivre de ses entraves; il brise les
liens qui la retiennent, il la met en état de faire le bien. Ce qui lui était difficile auparavant, lui
devient facile: s’abstenir du mal, éviter l’adultère, ne commettre ni vol, ni homicide, ni sacrilège,
ne désirer plus le bien d’autrui, toutes choses autrefois difficiles, sont faciles aujourd’hui. Dieu
pouvait nous faire arriver là sans peine, mais si nous y étions arrivés sans peine, nous n’aurions
point de reconnaissance pour l’auteur d’un si grand don. Si l’homme se trouvait en cet état dès son
premier désir, s’il ne sentait la révolte des passions, si l’âme n’était brisée sous le poids de ses
chaînes; il en viendrait à n’attribuer qu’à ses propres forces le bien dont il se croirait capable, et ne
confesserait point devant le Seigneur ses miséricordes.
6. Après ces deux épreuves, l’une de l’erreur et de la disette de la vérité, l’autre de la
difficulté de faire le bien, il en survient pour l’homme une troisième: je m’adresse à celui qui a
déjà surmonté les deux premières, lesquelles sont,je l’avoue ,communes à beaucoup. Qui ne sait
qu’il a passé de l’ignorance à la connaissance de la vérité, de l’erreur à la bonne voie, de la faim
de la sagesse à la parole de la foi? De même, il en est beaucoup qui sont aux prises avec les
difficultés de leurs vices, qui sont garrottés par les habitudes, et gémissent dans leurs entraves
comme dans les fers. Ils connaissent donc cette épreuve, bien qu’ils disent déjà, si tant est qu’ils le
disent : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort 1 ? » Vois en
effet ces liens si resserrés : « La chair », dit l’Apôtre, « conspire contre l’esprit, et l’esprit contre la
chair, de sorte que vous ne faites point ce que vous voulez 2». Celui-là dès lors qui est soutenu
par l’esprit ail point de n’être plus adultère parce, qu’il n’a point voulu l’être, ni voleur, parce qu’il
n’a point voulu l’être, et ainsi des autres vices que les hommes voudraient surmonter, et qui les
surmontent bien souvent, de manière que les hommes crient vers le Seigneur, le supplient de les
délivrer des angoisses où ils se trouvent, en sorte qu’une fois délivrés, ils confessent au Seigneur
ses miséricordes; quiconque, dis-je,
1. Rom. VII, 24. — 2. Gal. V, 17.
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est parvenu à vaincre ces difficultés, et à vivre parmi les hommes d’une manière irréprochable,
celui-là arrive à la troisième épreuve, qui est l’ennui de demeurer longtemps en cette vie, de
manière à ne goûter aucun plaisir, pas même dans la prière. Cette troisième épreuve est donc
contraire à la première: dans l’une, c’était la faim ; dans l’autre, c’est le dégoût. D’où vient ce
dégoût, sinon d’une certaine langueur de l’âme? Sans avoir de l’inclination pour l’adultère, on ne
trouve aucun goût dans la parole de Dieu. Après avoir échappé au danger de l’ignorance et de la
convoitise, garde-toi de la plaie de l’ennui et du dégoût. Ce n’est point là une légère épreuve:
sache te reconnaître dans ce danger, et crier vers le Seigneur, afin qu’il te délivre de tous tes
dangers;et une fois que tu seras sorti de ces entraves, que ses miséricordes le confessent à jamais.
7. Une fois délivré de l’erreur, délivré de la difficulté de faire le bien, délivré de l’ennui et
du dégoût de la parole de Dieu, peut-être alors seras-tu digne aux yeux de Dieu, qui voudra bien
te confier son peuple, te placer au gouvernail de sa barque, et te donner la conduite d’une Eglise.
Telle est la quatrième épreuve. Les flots de la mer, qui viennent battre l’Eglise, bouleversent le
pilote. Tout homme pieux dans le peuple de Dieu peut subir les trois autres épreuves : la quatrième
est plus spécialement la nôtre, Plus nous sommes en honneur, plus nous sommes en péril, On peut
craindre pour chacun de vous que l’erreur ne le détourne de la vérité; on peut craindre qu’il ne
succombe à ses passions, et qu’il ne préfère leur obéir plulôt que d’en appeler au Seigneur dans
ses dangers; on peut craindre qu’il ne prenne à dégoût la parole de Dieu, et que ce dégoût ne lui
donne la mort: mais l’épreuve du gouvernement est une épreuve dangereuse dans la direction
d’une Eglise, et qui nous regarde principalement. Et vous, comment seriez-vous étrangers au péril
qui menacerait l’Eglise ? Je fais cette question afin que dans cette quatrième tentation, qui semble
nous être plus particulière, et qui demande néanmoins de continuelles prières de votre part,
puisque vous seriez les premiers exposés au naufrage, vous ne soyez point sans inquiétudes, et que