le débat égalité-équité

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LE DÉBAT ÉGALITÉ-ÉQUITÉ
Le terme égalité fait partie, avec la liberté et la fraternité, des principes fondateurs de la République. Cependant, ce principe peut faire oublier que les
inégalités sont multiples et qu’il peut être préférable de se référer au principe
d’équité.
L’ÉGALITÉ, VALEUR FONDAMENTALE DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE
q Les différents types d’égalités
On distingue habituellement trois types d’égalités. L’égalité des droits ou des conditions juridiques signifie que tous les individus sont égaux devant la loi, comme le
L’égalitarisme
stipule la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789 : « Les
L’égalitarisme est une doctrine polihommes naissent et demeurent libres et
tique qui place l’égalité au-dessus de
égaux en droits. » Son corollaire est l’égatoutes les valeurs. Cette « passion
lité politique, c’est-à-dire que les citoyens
pour l’égalité », selon l’expression
sont égaux entre eux : le vote de chaque
d’Alexis de Tocqueville, conduit à refuser
tout traitement différencié des individus,
individu a le même poids lors d’une élecquels que soient leur milieu social, leurs
tion. L’égalité de fait ou des conditions
conditions de vie, leur milieu familial…
matérielles d’existence signifie qu’il y a un
rapprochement objectif du niveau de vie
des groupes sociaux, notamment en termes de revenu ou de patrimoine. Enfin, l’égalité
des chances qui est étudiée dans la fiche 22 signifie que tout individu peut accéder aux
positions sociales que lui permettent ses talents propres.
q La place cruciale de l’égalité dans la société française
Depuis la Révolution et l’adoption de la devise « liberté, égalité, fraternité », l’égalité
joue un rôle crucial dans la société française. C’est l’égalité politique qui a été la première
préoccupation des constituants de 1789 : en réaction à une société hiérarchisée en ordres,
l’objectif était de donner à chaque citoyen les mêmes droits. Les régimes successifs ayant
peu à peu remis en cause cette vision égalitaire, il faudra attendre en fait 1946 pour que
tous les citoyens (et citoyennes) français aient le même poids dans l’élection.
C’est dans l’après-guerre que la lutte contre les inégalités de condition s’impose comme
objectif de l’intervention de l’État. Outre l’égalité de traitement des usagers des services
publics, cet objectif est illustré par le versement sans critères restrictifs de certaines prestations (par exemple les allocations familiales) ou le remboursement identique des soins
médicaux par la Sécurité sociale pour tous les individus. La redistribution s’impose cependant comme un moyen de corriger les inégalités de revenu : en plaçant de nombreuses
prestations sous condition de ressources, on demande à ceux qui ont un revenu élevé de
financer par leurs cotisations les prestations versées à ceux qui ont des revenus inférieurs
au seuil fixé. De nos jours, la quasi-totalité des prestations sociales est ainsi distribuée.
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L’INÉGALITÉ EST-ELLE TOUJOURS INJUSTE ?
L’équité peut être définie comme la situation où chacun dispose de ce qui lui est nécessaire, en fonction de ses besoins « objectifs » et de sa participation à la création des
richesses.
q Égalité ne signifie pas équité
Dans cette perspective, les inégalités de revenus ne sont pas forcément injustes dans
la mesure où elles répercutent des disparités dans les qualifications, dans le degré de
responsabilités… En pratique, le concept d’équité, fondé sur le « principe de différence »
énoncé par John Rawls, est surtout utilisé pour critiquer l’intervention égalitaire de
l’État-providence.
q L’égalité, une menace pour l’allocation optimale des ressources ?
Dans l’analyse libérale traditionnelle,
deux arguments reviennent couramment.
La discrimination positive,
La redistribution constituerait une désincitation au travail : ceux qui reçoivent des
une pratique équitable
prestations sont encouragés à l’oisiveté et
ceux qui financent les prestations par
Le philosophe John Rawls (1921-2002)
estime qu’une société juste est une soleurs cotisations voient une partie du fruit
ciété qui donne les mêmes chances à
de leurs efforts s’envoler. De plus, l’arsenal
tous ses membres tout en respectant
redistributif garantit les individus contre
leur liberté et leurs différences.
les aléas de la vie (maladie, invalidité…) et
Au nom de ces principes, on peut toléoffre un revenu lors de la vieillesse ; les
rer les inégalités si elles donnent un
individus ne sont alors pas incités à se
avantage aux plus défavorisés, c’est la
constituer une épargne de précaution,
discrimination positive en France (parité homme-femme pour les élections) ou
dont les sommes permettraient le financeaffirmative action aux États-Unis (quoment direct des entreprises sur les martas d’étudiants noirs aux États-Unis).
chés financiers. La croissance
économique serait donc freinée par un tel
système redistributif. Cette analyse ne prend cependant pas en compte les effets positifs
de la redistribution, notamment celui de protéger relativement contre la grande pauvreté
et de stabiliser la demande, donc la production, y compris en période de récession…
q L’abandon du critère d’égalité, une menace pour la démocratie !
La nécessité d’une réduction des inégalités a été montrée par Jean-Jacques Rousseau,
qui explique que trop d’inégalités nuisent à la démocratie. En effet, des inégalités trop
importantes et trop criantes conduiraient ceux qui en souffrent à remettre en cause leur
volonté de vivre en paix avec les autres.
Enfin, si on accepte comme « naturelles » certaines inégalités, quel argument peut-on
opposer à ceux qui pensent que certaines catégories de la population ne devraient pas
bénéficier du droit de vote, au motif qu’elles sont moins instruites et moins compétentes
pour comprendre les affaires publiques? Légitimer les inégalités de fait conduit à une
remise en cause de l’égalité des droits!
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