Tarifs
Au moment où le Ma-
roc réaffirme ses am-
bitions énergétiques,
les interrogations sub-
sistent sur sa capacité
à instaurer pour ce
secteur une véritable
logique de prix, plus collée au
marché. Le gouffre de la com-
pensation est encore là pour
rappeler qu’il y a une grosse et
dangereuse bulle. Entretenue de
manière artificielle et qui risque
de tout faire capoter. On le sait,
les produits pétroliers ont tou-
jours souffert d’un vice congéni-
tal, leur volatilité. Les consom-
mateurs aimeraient bien se ras-
surer en considérant que l’effet
tampon joué par la compensa-
tion est indolore. La réalité éco-
nomique et comptable finit ce-
pendant par les rattraper. Tant
que la logique dans ce secteur
sera fortement influencée par
des décisions politiques, de
considération sociale, et non de
marché, il sera difficile pour ce
marché de changer d’envergure.
Les mécanismes de soutien ne
font que biaiser la santé finan-
cière de certaines composantes
de l’énergie. La hausse ne sera
sans doute pas populaire lors-
qu’on a été habitué au
gâteau pendant de nom-
breuses années. Or l’é-
nergie devrait être fata-
lement payée à son juste
prix, si l’on veut stimu-
ler les réflexes des pro-
ducteurs et des consommateurs.
Que les prix soient calés par
exemple exclusivement sur les
facteurs de production, sur les
investissements nécessaires pour
maintenir et moderniser les cen-
trales. Si le Gouvernement hé-
site, c’est qu’il a le souci du
maintien du pouvoir d’achat.
Mais difficile de ménager le
chou et la chèvre lorsqu’on am-
bitionne aussi d’édifier une vi-
trine en matière d’éolien et so-
laire, d’exporter de l’électricité
qui soit compétitive sur le mar-
ché européen, de déployer un
réseau électrique qui soit sûr.
Car qu’on le veuille ou pas, ces
tarifs subventionnés constituent
le point de départ de beaucoup
d’arbitrages. Il faut donc dépoli-
tiser le prix de l’énergie.
L’Économiste
Revue Nationale: Éditoriaux et Chroniques
P 2
En 2007, lorsque le Gouvernement d’Ab-
bas El Fassi a pris la relève de l’équipe de
Driss Jettou, il avait commencé son man-
dat avec un gros bonus de bienvenue: des
finances publiques assainies, un taux de
croissance tendanciellement à la hausse et,
cerise sur le gâteau, un budget excéden-
taire pour les deux années de suite.
Dans cinq mois, quand la nouvelle équipe
arrivera au pouvoir, quel legs trouvera-t-
elle? Chez le Gouvernement actuel on se
montre optimiste en arguant d’un retour de
croissance et d’une situation budgétaire qui
reste maîtrisée alors que les chiffres, eux,
disent le contraire. Les charges s’envolent
et les recettes fiscales, dont la progression
est redevenue normale, ne compensent pas
le surplus de dépenses. Oublié le déficit de
3,5%, on parle désormais à mots couverts
d’un déficit de 7%. Calculs faits, avec une
surcharge de compensation de 24,5 mil-
liards de DH et un coût du dialogue social
estimé, pour l’année 2011, à 4,5 milliards
de DH, les 10% que l’État entend écono-
miser sur ses charges de fonctionnement
(hors salaires), et qui s’élèvent à quelque 3
milliards de DH, ramèneront tout juste le
surplus de charges à 26 milliards de DH,
soit 3,25% du PIB, qui s’ajouteront au
3,5% déjà programmé, soit 6,75% de défi-
cit. On espère bien se tromper et voir ce
matelas financier de «charges communes»,
inscrit dans la Loi de finances, soulager
quelque peu l’addition, mais le problème
est devenu structurel, c’est ce qui inquiète
le plus. Certes, dira-t-on, la crise est passée
par là et le Gouvernement a dû s’adapter. Il
y a cependant eu des décisions ou des iner-
ties qui ont lourdement contribué à la dé-
gradation des finances publiques et qui
pèseront sur les prochains budgets. Ainsi
en est-il de la baisse substantielle du prix
des carburants, il y a deux ans, alors que
l’on tablait ingénument sur une baisse du-
rable du prix du pétrole, ou encore le main-
tien des subventions à l’industrie qui ab-
sorbe 6 milliards de DH par an. Ainsi en
est-il encore de la non tenue du dialogue
social à l’automne dernier et qui a acculé
le Premier Ministre à faire, six mois plus
tard, des concessions énormes aux syndi-
cats dans un contexte de manifestations..
Au final, que trouvera le prochain Gouver-
nement ? Du déficit, de la dette et des déci-
sions impopulaires à prendre…
La Vie Eco
Cautère
Le secteur de la pêche est-il irréfor-
mable? Les plans de développement
se sont succédé depuis près de 40
ans, les diagnostics, les rapports…
Et au nom de la compétitivité, il lui
a même été découvert un projet de relance, une appellation, Ha-
lieutis. En fin de compte, un résultat… catastrophique. Des usi-
nes à l’arrêt, des armateurs qui n’ont le choix qu’entre travailler
à perte ou abandonner des contrats, et près de 500.000 emplois
menacés avec un risque d’implosion sociale dont on ne semble
pas se préoccuper pour l’heure. En clair, l’État est incapable de
dicter sa stratégie industrielle. L’on ne peut douter du volonta-
risme affiché, à savoir l’amélioration de la position du Maroc
comme producteur et exportateur sur ce qui a été considéré par
Émergence comme l’un des métiers mondiaux. Le Maroc, grand
pays de pêche, sur le papier, à vocation exportatrice, se heurte à
la fois à des difficultés de gouvernance, de disponibilité de la
ressource et de mise à niveau tout court. Le plan d’aménage-
ment des pêcheries des petits pélagiques, maillon important de
la réforme, bloque comme l’est la gestion du fameux stock C
qui continue de faire des… vagues. La partie modernisation de
la flotte fait du surplace. Du coup, remettre par exemple des
caisses normalisées à des sardiniers traditionnels s’apparente à
un cautère sur une jambe de bois. Les opérateurs ne sont pas
blancs comme neige dans cette affaire. Dans ce secteur où la
transparence n’est pas une vertu, les bilans comptables, finan-
ciers, tout comme les tours de table rares, il faut se méfier des
motivations affichées. Pour protéger leurs rentes, beaucoup d’ar-
mateurs tentent de résister, ou mettent la tutelle sous pression,
souvent par le biais de collusions politiques. Ce qui ne fait que
rajouter à la confusion générale et retarder les échéances.
Les Échos (Maroc)
Le malus de bienvenue