Allocation multi actifs – septembre 2014 -3
ALLOCATION MULTI ACTIFS
A la suite d’une crise de crédit – ou de bilan – le flux de nouvelle épargne est utilisé pour rembourser le
stock de dette existante. Ce processus peut s’avérer très long. Il force les banques centrales à garder les
taux d’intérêt à de faibles niveaux sur une période inhabituellement longue. Autant l’endettement
excessif peut maintenir la croissance économique au-delà de sa tendance de long terme (et générer une
accumulation excessive de capital), autant l’éclatement d’une crise de crédit peut entraîner l’économie
dans une trappe d’endettement où elle demeure structurellement trop fragile pour que les rendements
augmentent (voir la réaction de l’activité de construction aux États-Unis dans le sillage de
l’augmentation des rendements à long terme au second semestre 2013 résultant de la réduction des
achats d’actifs de la Fed).
La source de l’endettement privé toujours croissant est étroitement liée à la désindustrialisation des
économies avancées. Dans le cas américain, la surévaluation du dollar dans les années 2000, due à la
manipulation des devises de nombreux pays émergents, porte une large responsabilité: le creusement
du déficit courant externe des États-Unis s’est traduit par une combinaison de taux bas trop longtemps
(selon une règle de Taylor, la Fed a été trop accommodante), de mauvaise allocation des ressources et
d’excès d’investissement (principalement non productif, c’est-à-dire immobilier). Une portion
grandissante de la production manufacturière a été remplacée par des importations. La hausse associée
de la part des service dans le total du PIB pourrait expliquer le ralentissement des gains de productivité
(les services sont par nature moins sujets aux gains de productivité). Ceci pourrait expliquer la grande
stagnation, si elle venait à durer.
Cependant, le changement de modèle de croissance de la Chine (davantage tourné vers la demande
domestique et l’appréciation de sa devise), mais par-dessus tout la forte réduction de l’écart en matière
de coût du travail entre les deux pays ainsi que le renforcement de la base manufacturière des États-
Unis, devraient tempérer tout accès de pessimisme : non seulement la part de la valeur ajoutée
industrielle a déjà retrouvé son niveau record d’avant la crise, mais le rebond et partagé par de
nombreux secteurs. De plus, il n’y a pas de réelle décélération des gains de productivité. Enfin,
contrairement à la pensée conventionnelle, l’expansion du secteur manufacturier à l’étranger s’est
accompagnée d’une hausse des emplois aux États-Unis (notamment en R&D et services aux
entreprises). Ceci suggère que le choc brutal du début des années 2000, qui avait déclenché une chute
des capacités manufacturières des États-Unis s’atténue, avec en outre l’aide de l’exploitation des
ressources en pétrole et gaz.
Certes, comme l’a souligné Patrick Artus dans un Flash récent, la réduction du taux de croissance de la
productivité mondiale des facteurs (comment les ressources sont allouées) pourrait être responsable de
la baisse de la croissance potentielle. Mais cet obstacle ne nous semble pas excessivement
« structurel ».
En résumé, le surendettement limite le potentiel de hausse des rendements à court et à long terme et
pourrait même se solder par une relance monétaire excessive en l’absence d’autres instruments de
politique capables de soutenir la demande domestique. Cette explication de la faiblesse structurelle des
rendements, combinée à l’hypothèse d’un lacune réglementaire et au contrecoup de l’adhésion de la
Chine à l’OMC en début 2000, constitue une sérieuse alternative à l’hypothèse de stagnation séculaire.
L’hypothèse d’une stagnation séculaire ne constitue donc pas un préalable à la mise en œuvre de
politiques monétaires non conventionnelles.
Un modèle pour le long terme
Certains pourraient penser que la stagnation séculaire peut durer. Si le terme « séculaire » se réfère à
l’équilibre, il faut se réfère à l’état stationnaire d’un modèle dynamique de croissance du PIB pour décrire
les principales caractéristiques de ce qu’on appelle la stagnation séculaire. Le modèle de Solow est un
bon candidat. A l’état stationnaire, l’investissement (l’accumulation de capital) dépend du taux de
croissance de la productivité du travail et de celui de la population en âge de travailler.
La croissance de la productivité est un motif d’inquiétude: comme l’illustre le graphique ci-dessous, elle
ne s’est pas redressée au R-U (probablement la pire situation avec un manque à gagner de productivité
de 25% entre 2008 et aujourd’hui). Elle montre aussi des signes de ralentissement aux États-Unis.
L’analyse des causes potentielles de la réduction structurelle des gains de productivité va au-delà du
cadre de cette étude. Cependant, en ajoutant à cela l’évolution de la population active des économies
développées, la probabilité d’une croissance soutenue de l’investissement est faible.