Prévisions Financières - Natixis Research Global Markets

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ALLOCATION MULTI ACTIFS
RECHERCHE ÉCONOMIQUE
Étude, septembre 2014
Stagnation séculaire et allocation d’actifs
Il n’existe pas de cadre simple permettant de décrire la stagnation séculaire et d’estimer
le taux d’intérêt réel naturel. Non seulement le contexte théorique n’est pas toujours
évident, mais les outils empiriques disponibles n’existent pas toujours. De plus, les États-
Unis servent souvent de référence alors que le risque de stagnation séculaire est
probablement beaucoup plus élevé dans la zone euro.
Quelles qu’en soient les causes, ou même la véracité, l’hypothèse de stagnation séculaire
soulève le problème majeur du cadre temporel de la politique économique. En particulier,
de nombreux instruments ont été conçus ou pensés comme étant temporaires, de sorte
que leur mise en œuvre sur une période trop longue a produit des résultats indésirables :
les politiques de relance budgétaire ont abouti à une crise d’insoutenabilité de la dette
publique ; l’excès de liquidités pour soutenir la croissance a entraîné le recours excessif à
l’endettement et la formation de bulles.
Le taux naturel n’est pas un paramètre facile à utiliser et peut s’avérer inutile dans la
conduite de la politique monétaire à court terme. Non pas que le retour à l’approche
wicksellienne de l’économie soit inutile les déviations par rapport à ce taux naturel
sétant toujours accompagnées de variations en matière d’inflation et de chômage mais
l’idée selon laquelle elle pourrait être utile en temps réel est clairement erronée.
En tant que cible pour les rendements à long terme, le débat reste beaucoup plus ouvert.
Le débat sur la stagnation séculaire met en lumière les nombreux déterminants de la
croissance potentielle et offre un cadre permettant d’évaluer le niveau de taux d’intérêt
de long terme/d’équilibre à travers les estimations de la croissance potentielle.
Cependant, l’analyse s’avère imprécise dans la mesure où la crise du crédit a donné
naissance à de nombreux changements réglementaires qui pourraient avoir durablement
affecté la relation des investisseurs au risque (une autre composante du rendement
réel).
Enfin, nous estimons que le plus grand risque pour les investisseurs provient de la
mauvaise identification du prochain régime économique. En dépit de certaines
similarités, les régimes de stagnation séculaire d’un cote et de ralentissement durable
soft patch) de l’autre diffèrent significativement en termes de risque, de volatilité et
de recommandations en termes d’allocation d’actifs. En résumant de façon très
simplifiée, la stagnation séculaire conduit à un faible rendement et une faible volatili
tandis que le ralentissement se caractérise par un rendement et une volatilité plus
élevés. Il n’y a pas de « free lunch ».
Cross-asset Analysis
Evariste Lefeuvre + 1 212 891 6197
ALLOCATION MULTI ACTIFS
Stagnation séculaire et allocation d’actifs
Après plusieurs années de Grande Modération, l’économie mondiale entre-t-elle dans une ère de
stagnation séculaire? Comme l’a affirmé John Cochrane il y a quelques mois, « la stagnation séculaire a
besoin d’un modèle, pas de blogues ». Selon la définition la plus répandue, la stagnation séculaire,
d’après Baldwin & Teulings, se produit lorsque des taux d’intérêt réels négatifs sont nécessaires pour
que l’épargne soit égale à l’investissement. Nous reviendrons sur la définition des taux d’intérêt réels,
mais cette définition devrait réveiller la mémoire de tout investisseur ayant connu la période « d’excès
d’épargne » saving glut ») du milieu des années 2000. Le même débat prévalait lorsqu’il s’agissait
d’essayer de comprendre le manque de réactivité de la partie longue de la courbe au resserrement de la
Fed, un phénomène qualifié de « conundrum » : était-ce dû à un excès d’épargne (notamment de la part
des pays émergents) ou à un manque d’opportunités d’investissement ?
Si la stagnation est séculaire, alors l’investissement ne dépend ni de la demande à court terme mole
de l’accélérateur ni du coût d’utilisation du capital modèle néoclassique mais principalement des
taux d’intérêt réels. Le taux d’intérêt réel est déterminé par les positions relatives des courbes d’épargne
et d’investissement.
Une approche simple distinguerait entre deux périodes :
1. Au milieu des années 2000, la courbe d’épargne s’est déplacée vers la droite en réponse à
l’accumulation d’énormes montants de réserves de changes de la part de nombreux pays
émergents. Certes, les balances courantes positives doivent être compensées par des balances
courantes négatives. Aussi, le graphique pourrait-il être considéré comme inadéquat à l’échelle
mondiale, d’autant plus que les données suggèrent que l’épargne mondiale est restée globalement
stable autour de 23/24% du PIB mondial au cours des dernières années. Compte tenu du fait que la
plupart des réserves de changes ont été investies dans des obligations du Trésor américain, dont
l’offre est demeurée limitée, le graphique reste pertinent.
2. Dans de nombreuses zones économiques, en particulier en zone euro, l’investissement productif est
resté faible au cours des dernières années, d’où le déplacement de la courbe d’investissement vers
le sud-ouest qui implique une baisse des taux d’intérêt réels. Le manque de réactivité de
l’investissement peut s’expliquer aussi par l’énorme contrainte de crédit à laquelle font face les
entreprises (notamment les PME), l’incertitude politique et réglementaire ou le manque structurel
d’opportunités d’investissement.
Stagnation séculaire et politiques monétaires non conventionnelles
Ce que les économistes appellent la borne de taux zéro constitue la principale différence entre les deux
épisodes présentés ci-dessus. Les taux repo officiels sont proches de zéro dans presque toutes les
économies développées. Ceci a rendu les instruments traditionnels de politique monétaires pratiquement
inutiles. Comme nous pouvons l’observer ci-dessous, si l’équilibre épargne/investissement requiert un
taux d’intérêt réel négatif, la borne 0% pour le taux nominal pourrait constituer un problème, en
particulier si l’atonie durable de l’économie entraînait la croissance des prix et des salaires à la baisse…
Si, par exemple, le taux réel R* est négatif mais que la banque centrale fait face à la borne zéro et à la
Epargne
Investissement
E, I
Taux dinteret reel
R**
R*
“saving glut
“secular stagnation”
Allocation multi actifs – septembre 2014 -2
ALLOCATION MULTI ACTIFS
déflation, le taux réel effectif (R**) pourraient finir par nettement dépasser le niveau requis par
l’équilibre épargne-investissement. C’est clairement pour cette raison que la BOJ prône un taux
d’inflation beaucoup plus élevé à l’avenir et que certains économistes (Blanchard notamment) plaident
en faveur d’un objectif d’IPC de 4% pour les banques centrales. Quoi qu’il en soit, un tel « déséquilibre »
peut se traduire par une longue période de faible croissance.
Il existe ainsi une tendance à associer la stagnation séculaire aux politiques non conventionnelles.
Cependant, ceci peut être trompeur. Nombreux sont ceux qui attribuent la faiblesse actuelle de la
croissance aux séquelles de la crise de crédit (les plus connus étant Reinhart et Rogoff pour qui « cette
fois ça n’est pas diffèrent »). Le blocage du canal du crédit, le désendettement généralisé et l’incertitude
politique et réglementaire forcent les investisseurs à favoriser les actifs considérés sans risque aux
dépens des actifs privés plus risqué et plus coûteux en capital réglementaire. Autrement dit, l’atonie de
la demande agrégée et la contrainte réglementaire associée expliqueraient pratiquement tout. Aucun
besoin d’une « nouvelle normalité » ou d’une stagnation séculaire pour décrire la situation actuelle.
Même si la dynamique de croissance sous-jacente de l’économie n’était que légèrement affectée par la
crise, le caractère durable de l’atonie daprès-crise et le cadre réglementaire pourraient à eux seuls
plaider en faveur de politiques non conventionnelles.
On peut y ajouter une autre explication. Le graphique ci-dessous montre qu’au cours des trois dernières
décennies, la longue diminution de la moyenne des rendements à long terme du G10 a eu une relation
inverse et significative avec le taux d’endettement privé. En conséquence, les rendements à long terme
ne dépendraient pas uniquement de pures variables réelles (épargne et investissement) mais aussi du
contexte monétaire et financier.
Epargne
Investissement
E, I
Taux dinteret reel
“secular stagnation”
R*
0%
R**
1
3
5
7
9
11
60
80
100
120
140
J-85 J-88 J-91 J-94 J-97 J-00 J-03 J-06 J-09 J-12
Credit domestique et taux d'interet (G10)
Encours moyen du credit bancaire au secteur privé - % PIB (G10)
Moyenne des taux 10 ans - D
Sources : Datastream, Natixis
Allocation multi actifs – septembre 2014 -3
ALLOCATION MULTI ACTIFS
A la suite d’une crise de crédit ou de bilan le flux de nouvelle épargne est utilisé pour rembourser le
stock de dette existante. Ce processus peut s’avérer très long. Il force les banques centrales à garder les
taux d’intérêt à de faibles niveaux sur une période inhabituellement longue. Autant l’endettement
excessif peut maintenir la croissance économique au-delà de sa tendance de long terme (et générer une
accumulation excessive de capital), autant l’éclatement d’une crise de crédit peut entraîner l’économie
dans une trappe d’endettement où elle demeure structurellement trop fragile pour que les rendements
augmentent (voir la réaction de l’activité de construction aux États-Unis dans le sillage de
l’augmentation des rendements à long terme au second semestre 2013 résultant de la réduction des
achats d’actifs de la Fed).
La source de l’endettement privé toujours croissant est étroitement liée à la désindustrialisation des
économies avancées. Dans le cas américain, la surévaluation du dollar dans les années 2000, due à la
manipulation des devises de nombreux pays émergents, porte une large responsabilité: le creusement
du déficit courant externe des États-Unis s’est traduit par une combinaison de taux bas trop longtemps
(selon une règle de Taylor, la Fed a été trop accommodante), de mauvaise allocation des ressources et
d’excès d’investissement (principalement non productif, c’est-à-dire immobilier). Une portion
grandissante de la production manufacturière a été remplacée par des importations. La hausse associée
de la part des service dans le total du PIB pourrait expliquer le ralentissement des gains de productivité
(les services sont par nature moins sujets aux gains de productivité). Ceci pourrait expliquer la grande
stagnation, si elle venait à durer.
Cependant, le changement de modèle de croissance de la Chine (davantage tourné vers la demande
domestique et l’appréciation de sa devise), mais par-dessus tout la forte réduction de l’écart en matière
de coût du travail entre les deux pays ainsi que le renforcement de la base manufacturière des États-
Unis, devraient tempérer tout accès de pessimisme : non seulement la part de la valeur ajoutée
industrielle a déjà retrouvé son niveau record d’avant la crise, mais le rebond et partagé par de
nombreux secteurs. De plus, il n’y a pas de réelle décélération des gains de productivité. Enfin,
contrairement à la pensée conventionnelle, l’expansion du secteur manufacturier à l’étranger s’est
accompagnée d’une hausse des emplois aux États-Unis (notamment en R&D et services aux
entreprises). Ceci suggère que le choc brutal du début des années 2000, qui avait déclenché une chute
des capacités manufacturières des États-Unis s’atténue, avec en outre l’aide de l’exploitation des
ressources en pétrole et gaz.
Certes, comme l’a souligné Patrick Artus dans un Flash récent, la réduction du taux de croissance de la
productivité mondiale des facteurs (comment les ressources sont allouées) pourrait être responsable de
la baisse de la croissance potentielle. Mais cet obstacle ne nous semble pas excessivement
« structurel ».
En résumé, le surendettement limite le potentiel de hausse des rendements à court et à long terme et
pourrait même se solder par une relance monétaire excessive en l’absence d’autres instruments de
politique capables de soutenir la demande domestique. Cette explication de la faiblesse structurelle des
rendements, combinée à l’hypothèse d’un lacune réglementaire et au contrecoup de l’adhésion de la
Chine à l’OMC en début 2000, constitue une sérieuse alternative à l’hypothèse de stagnation séculaire.
L’hypothèse d’une stagnation séculaire ne constitue donc pas un préalable à la mise en œuvre de
politiques monétaires non conventionnelles.
Un modèle pour le long terme
Certains pourraient penser que la stagnation séculaire peut durer. Si le terme « séculaire » se réfère à
l’équilibre, il faut se réfère à l’état stationnaire d’un modèle dynamique de croissance du PIB pour décrire
les principales caractéristiques de ce qu’on appelle la stagnation séculaire. Le modèle de Solow est un
bon candidat. A l’état stationnaire, l’investissement (l’accumulation de capital) dépend du taux de
croissance de la productivité du travail et de celui de la population en âge de travailler.
La croissance de la productivité est un motif d’inquiétude: comme l’illustre le graphique ci-dessous, elle
ne s’est pas redressée au R-U (probablement la pire situation avec un manque à gagner de productivité
de 25% entre 2008 et aujourd’hui). Elle montre aussi des signes de ralentissement aux États-Unis.
L’analyse des causes potentielles de la réduction structurelle des gains de productivité va au-dedu
cadre de cette étude. Cependant, en ajoutant à cela l’évolution de la population active des économies
développées, la probabilité d’une croissance soutenue de l’investissement est faible.
Allocation multi actifs – septembre 2014 -4
ALLOCATION MULTI ACTIFS
Si les perspectives d’une hausse de l’accumulation de capital sont faibles, l’épargne peut-elle s’ajuster à
la baisse pour générer une augmentation des rendements réels ? Une forte progression de l’endettement
privé pourrait aider, mais elle demeure relativement improbable compte tenu du niveau d’endettement
déjà élevé. En outre, compte tenu de l’état actuel des finances publiques, un creusement supplémentaire
des déficits publics est difficilement concevable. En conséquence, une hausse de l’épargne publique à
moyen terme constitue l’issue la plus probable. Et même si les déficits venaient à se creuser encore, le
risque d’un accroissement insoutenable de la dette publique pourrait encourager l’épargne privée - par
peur d’augmentations futures des impôts (hypothèse d’équivalence ricardienne) - avec un impact net nul
sur l’épargne totale.
A l’inverse, les pays émergents semblent vouloir fonder le développement de leurs économies sur la
demande domestique et réduire leur épargne de précaution à travers des réformes. Ceci est un vecteur
de baisse de l’épargne mondiale. Le vieillissement de la population de la planète pourrait également
réduire l’épargne (hypothèse du cycle de vie). Dans un tel scénario, le rendement réel augmenterait,
reflétant la réduction de l’épargne plutôt que l’accumulation de capital.
Il est assez intéressant de noter que même avec ce cadre de travail, beaucoup de questions restent sans
réponse. L’économie connaît peut-être une phase de stagnation séculaire mais les chances de se
tromper restent très élevées en raison de la faiblesse traditionnelle de la croissance après une crise de
crédit. Il existe tant d’explications possibles de la stagnation séculaire (réduction des gains de
productivité, baisse de l’innovation, obstacles liés à l’endettement, manque d’éducation et
d’infrastructures, éviction de l’investissement par la réglementation, inégalités, cibles de politique
monétaire, démographie …) que le résultat final est clairement impossible à prévoir.
Les théories du taux naturel
Avec la stagnation séculaire se pose le problème de l'évaluation du taux d'intérêt réel naturel et de son
rôle dans la conduite de la politique monétaire. Défini par l'économiste suédois Knut Wicksell, le taux
d'intérêt naturel correspond « au taux d'intérêt sur les prêts qui est/reste neutre par rapport aux prix
des matières premières, ne tendant ni à les augmenter ni à les baisser ». Comme nous l'avons montré
précédemment, il n'est jamais aisé d’estimer empiriquement le niveau du taux naturel. Différents
facteurs entrent en ligne de compte dans son évaluation.
i. Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, il peut se définir comme le taux égalisant l'épargne et
l'investissement : en utilisant le modèle de Solow pour estimer la future accumulation de
capital ; en déterminant le niveau futur de l’épargne globale à partir de la pyramide des âges de
la population mondiale, à partir des orientations futures des politiques budgétaires et de
l’accumulation des réserves de change par les pays émergents.
ii. Le traditionnel modèle d'évaluation des actifs est également utile :
a. Le taux d'intérêt réel traduit le degré d'impatience (« préférence pour le présent ») des
ménages : plus cette dernière sera marquée, et plus la préférence pour une consommation
immédiate sera forte par rapport à son report dans le temps, et plus le rendement réel sera
élevé (l’enchaînement se produit dans cet ordre). L’actuelle faiblesse des rendements réels
pourrait donc n’être que le reflet du faible taux d'impatience des agents économiques (ou
de l’épargne forcée résultant du désendettement, puisque lorsque les agents sont
impatients, ils exigent généralement un taux d’intérêt réel plus elevé pour compenser la
perte de consommation courante).
b. Les taux d'intérêt réels sont également élevés lorsqu’une croissance soutenue de la
consommation est attendue. Dans un tel cas de figure, les agents se montrent disposés à
lisser le profil de leurs dépenses et à emprunter sur leur consommation future. Si
l’ensemble des ménages décident d’augmenter leur consommation courante aux dépens de
celle du futur, le taux d'intérêt réel augmentera. La faiblesse actuelle des attentes en
-4
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0
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Porductivité horaire (GA, %, Moyenne sur 8 trimestres)
RU US
Sources : Bloomberg
Sources : Datastream, Natixis
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