Quand la Beauté fait Mal
Par Rafaele Germain
Clind’œil
Septembre 2002
« C’est un médecin russe, un certain Ilizarov, qui a mis au point cette technique, raconte le
docteur Charbonneau. En gros, elle consiste à briser l’os et à allonger les muscles et les
tendons situés autour. En étirant l’enveloppe entourant l’os d’environ un millimètre par
jour, on peut gagner progressivement quelques centimètres. Mais, évidemment, le but du
docteur Ilizarov était d’opérer des gens qui avaient de graves « difformités » ? C’est durant
la guerre, en réparant les visages défigurés de soldats, que l’idée est venue à certains
médecins d’appliquer leurs connaissances au domaine de l’esthétique. Il suffisait d’y
penser. »
En Chine, on mise sur une population traditionnellement très déterminée quand
vient le temps de souffrir pour être belle (on se souvient des pieds minuscules et déformés
de plusieurs générations de Chinoises!). Les femmes, souvent petites, y ont une image de
la femme idéale très occidentalisée, donc plutôt grande. Des médecins ont ainsi ouvert à
Canton un hôpital qui se spécialise dans l’élongation des jambes. Selon un article paru
dans le magazine français Marie Claire, plus de 600 Chinoises auraient déjà subi la pénible
intervention. Pour ces femmes, ces opérations coûtent un prix exorbitant (1 200 $ US,
une fortune pour la majorité d’entre elles) en plus de requérir un séjour de six mois à
l’hôpital, les jambes tuméfiées et enfermées dans un carcan de métal qui ressemble à s’y
méprendre à un instrument de torture. Persuadées que 10 centimètres de plus les aideront
à trouver un emploi et un mari, elles supportent stoïquement une douleur décrite par l’une
d’elles comme « presque intolérable au début ». « Dormir est devenu quasiment
impossible, se lamente cette dernière. Mais les bons jours, j’arrive à gagner un demi-
millimètre! »
L’opération dure trois heures et nécessite le travail de cinq chirurgiens. Le bon côté
de l’histoire : ce sont de vrais médecins qui pratiquent l’opération, et le suivi est sérieux (ce
qui n’est pas le cas de toutes les chirurgies plastiques). Selon des chiffres non officiels,
200 000 Chinois seraient défigurés, chaque année, à la suite d’opérations pratiquées par
des amateurs dans des « salons de beauté ». « C’est comme au Brésil, remarque le docteur
Papillon. Là-bas, les patients n’ont aucun droit. Les médecins sont donc moins réticents à
pratiquer des opérations qui présentent un taux de risque élevé. »
SANS LIMITE?
Une autre intervention présentant un taux de risque très élevé est presque devenue
un mythe : l’ablation des côtes flottantes. « La seule fois que j’ai entendu parler de ça, c’est
à propos de Cher, dit le docteur Charbonneau. Ça me semble exagéré, cette histoire. Les
côtes flottantes sont accrochées à la colonne, alors il faut scier l’os, et il y a de gros risques
de perforation. On est collé sur les organes vitaux. » D’autres médecins croient en fait que
Cher a subi une liposuccion, très réussie d’ailleurs, de la taille. L’ablation des côtes ne
serait selon eux qu’une légende urbaine. Mais techniquement, cette intervention reste
possible.