Mgr Dupont des Loges, évêque de Metz

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Paul-Georges-Marie DUPONT des LOGES
Évêque de Metz (1843-1886)
Paul-Georges-Marie Dupont des Loges est né à Rennes le 11 novembre 1804. Il est le fils de
Pierre-Louis et d'Angélique-Joséphine-Cécile du Bois le Bon de La Choltais.
Il fit ses études au petit séminaire de Rennes, puis au séminaire de Saint-Sulpice à Paris, où il suivit un bon
enseignement et les conseils de son directeur personnel, le père Hamon, curé de Saint-Sulpice. Après sept
années d’étude au séminaire, le 20 décembre 1828, Paul-Georges-Marie Dupont des Loges fut ordonné
prêtre et nommé vicaire à Saint-Sauveur de Rennes par Mgr. de Lesquen, évêque du diocèse breton. Il
exerça son ministère tout en continuant ses études et en développant ses talents de prédicateur. En octobre
1834 il fut nommé chanoine honoraire mais continua son action auprès des pauvres et des orphelins tout en
acceptant bon nombre de prédications, même hors de son diocèse. C’est ainsi qu’il se fit remarquer par
Mgr. de Poulpiquet, évêque de Quimper, qui le voulut comme coadjuteur en vue de sa succession. Pour
des raisons politiques, de peur que les Bretons ne soutiennent le régime déchu, cette nomination n’eut pas
lieu. En 1835, l’évêque de Blois lui proposa les fonctions de vicaire général, qu’il refusa. En octobre 1840
il accepta de devenir vicaire général de Mgr Morlot, évêque d'Orléans. Deux ans plus tard, Paul-GeorgesMarie Dupont des Loges fut nommé évêque de Metz puis ordonné le 5 mars 1843 dans la chapelle du
séminaire de Saint-Sulpice; il arriva à Metz le 16 mars 1843.
Durant son épiscopat, Mgr. Dupont des Loges eut à coeur de développer l’enseignement pour tous
(exploitant au mieux la loi de 1850 sur la liberté de l’enseignement) et sut obtenir de l’administration du
Génie l’abbaye de Saint Clément, où étaient déposés des lits militaires, pour y installer un collège dès
1858. Il permit aussi à bon nombre de congrégations de fonder des Écoles chrétiennes. Il réussit surtout à
convaincre les fidèles du diocèse d’être généreux pour réaliser la construction du petit séminaire de
Montigny-lès-Metz dont la chapelle fut consacrée le 29 août 1854. En 1861, il entreprit de restaurer
l’ancien petit séminaire pour y établir un séminaire de philosophie, à côté mais distinct de celui de théologie.
Celui-ci fut terminé en 1863. Mgr. Dupont des Loges fit venir à Metz de nombreux prédicateurs et permit
l’installation de congrégations religieuses, notamment les Carmélites et les Petites Sœurs des Pauvres, en
1861.
Durant son épiscopat, Mgr. Dupont des Loges connut des régimes politiques différents: monarchie,
république, empire.
Quel fut donc le rôle politique de cet évêque sous la Monarchie de Juillet, durant la Seconde République
puis l’Empire, et enfin face à l’Allemagne durant l’annexion qu’il connut jusqu’à sa mort en 1886 ?
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La Monarchie de Juillet : 1830-1848
Dès son arrivée à Metz et suite à quelques
oppositions pour la célébration de fêtes religieuses
et processions publiques, Mgr. Dupont des Loges
sut rappeler ses droits à M. Germet, alors préfet de
la Moselle.
Il n’hésita pas non plus à intervenir, avec d’autres
évêques, contre le projet de loi du 2 février 1844
qui suivait celui du ministre Guizot sur
l’enseignement secondaire (1841). Celui-ci
prévoyait de retirer aux évêques le contrôle de
l’enseignement dans les petits séminaires qui avaient
ouvert leurs portes à des élèves non destinés au
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sacerdoce. Ce projet qui remettait en cause l’article
69 de la Charte de 1830 sur la liberté de
l’enseignement avait été retiré. C’est donc en
février 1844 que le ministère de l’Instruction
Publique proposa un nouveau projet pour que
l’ouverture et le fonctionnement d’établissements
scolaires libres soit soumis au contrôle de
l’Université et que les enseignants ne soient
d’aucune congrégation religieuse. La réaction de
l’épiscopat ne se fit pas attendre et Mgr. Dupont
des Loges écrivit une lettre au gouvernement, le 12
mars 1844, pour lui demander de renoncer à son
projet, qui était contraire à la liberté de
l’enseignement et de conscience que la loi assurait à
tous. Ce projet fut également retiré.
La Seconde République : 1848-1851
Dès le 1er mars 1848, le Commissaire du
gouvernement à Metz, Billaudel, fit parvenir à Mgr.
Dupont des Loges un décret stipulant que le
gouvernement provisoire de la République
demandait aux ministres de tous les cultes de
célébrer la mémoire de ceux qui avaient su
reconquérir la liberté. L’évêque demanda donc à
ses prêtres de célébrer (le 14 mars 1848) “un
service solennel pour le repos de l’âme des
Français qui avaient péri les 23 et 24 février”. Il fit
de même, après les émeutes de juin à Paris. Suite à
la demande du ministre de l’Instruction Publique et
des Cultes, Freslon, il accepta de célébrer la
solennité d’actions de grâce (Te Deum) le jour de
la promulgation de la nouvelle Constitution, le 19
novembre 1848.
Enfin, il reçut Louis-Napoléon, lors de son passage
à Metz le 25 août 1850. Il accueillit le Président et
ne manqua pas de lui montrer l’état d’abandon
dans lequel le gouvernement laissait sa cathédrale.
Le Second Empire: 1852-1870
Ce changement de régime transforma les
rapports politiques entre l’Église et l’État. Dès le 9
mars 1852, un décret donnait en effet au chef de
l’État le pouvoir de nommer et de révoquer les
représentants de l’épiscopat au conseil supérieur de
l’Instruction Publique, alors que ceux-ci étaient
jusqu’alors élus par leurs confrères. Le pouvoir de
l’État s’élargissait ainsi au contrôle de l’Église et
très vite limita la liberté d’enseignement qui lui était
reconnue. Le décret du 31 décembre 1853
instituait des inspecteurs nommés par le
gouvernement (sur proposition des évêques) et
chargés de remettre au ministre de l’Instruction
publique des rapports sur les pensionnats des
institutions religieuses. Mgr. Dupont des Loges
écrivit alors au ministre que seul l’évêque était
habilité à entrer dans ces maisons et que s’il se
tenait à sa disposition pour tous renseignements
qu’il jugerait utile d’avoir, il refusait de lui désigner
des ecclésiastiques que l’État nommerait
inspecteurs. Fortoul, alors ministre, ne put refuser
cette proposition et précisa que c’était pour éviter
cette tâche aux évêques que le conseil supérieur et
le gouvernement avaient signé ce décret. Mgr.
Dupont des Loges se félicita de cette réponse. Tout
en développant ses échanges avec le
gouvernement, il eut le souci de sauvegarder son
indépendance face à l’empereur, refusant même de
se rendre, avec tous les évêques, au baptême du
prince impérial célébré en juin 1856 à NotreDame, par le cardinal Patrizi, légat du pape.
En 1859, Mgr. Dupont des Loges
s’opposa à nouveau à l’empereur, à propos de la
guerre d’Italie. Il publia, le 21 novembre, un
mandement à ses fidèles dans lequel il dénonçait
l’attitude de Victor-Emmanuel contre les États
pontificaux. Par ailleurs, il rétablissait aussi la vérité
sur les accords du 20 juillet 1859 à Plombières
entre l’empereur et Cavour, montrant ainsi le
soutien de Napoléon à Victor-Emmanuel, alors
qu’en France l’empereur affirmait vouloir protéger
le pape. D’autres évêques prirent rapidement
position. Le gouvernement interdit alors les lettres
publiques au pape ainsi que toute protestation de
l’épiscopat dans la presse. Victor-Emmanuel et
Garibaldi, soutenus par Napoléon III, pouvaient
continuer d’envahir les États pontificaux, l’Ombrie
et le royaume de Naples.
Lors des élections législatives de 1863, Mgr.
Dupont des Loges contre-signa une lettre publiée
dans la presse par l’épiscopat français qui
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demandait aux catholiques de voter pour la défense
de la liberté religieuse en France et pour le respect
des intérêts du pape. Le 31 mai, le ministre des
Cultes Rouland écrivit à chaque évêque signataire,
leur reprochant d’avoir outre-passé leurs droits et
leur rappelant que leurs pouvoirs étaient strictement
limités à leur diocèse. Le gouvernement interdit
alors toute délibération d’évêques assemblés sans
autorisation. En janvier 1865, un décret impérial
interdit aux évêques de publier dans leur diocèse
l’encyclique de Pie IX “Syllabus” (sur les erreurs
de notre temps). Mgr. Dupont des Loges écrivit
aussitôt au ministre, lui reprochant de vouloir
soumettre l’Église à l’État et l’accusant de ne pas
respecter le concordat de 1801 qui prévoyait le
libre exercice de la religion catholique et l’indépendance de l’Église dans le domaine spirituel. Puis, il
envoya un exem-plaire de l’encyclique à chacun
des prêtres de son diocèse!…
L’Annexion
Le département de la Moselle, devenu avec
l’Alsace Terre d’Empire (Reichsland) n’ayant pas
tout à fait les mêmes frontières que les délimitations
du diocèse de Metz, Mgr. Dupont des Loges se
retrouva à la tête d’un diocèse dépendant de deux
juridictions différentes. Pie IX, par les décrets de
juillet 1874, fit correspondre les diocèses de Metz
et de Strasbourg aux frontières politiques, les
détachant de la province archiépiscopale de
Besançon pour les faire relever directement du
Saint-Siège. L’arrondissement de Briey fut alors
rattaché au diocèse de Meurthe-et-Moselle et ceux
de Sarrebourg et de Château-Salins au diocèse de
Moselle.
Dès 1871, l’Empire mit en place un régime
anticlérical. Tout d’abord, par la loi du 10
décembre 1871 (Kanzelparagraph - paragraphe
de la chaire) qui condamnait à deux ans de prison
tout ecclésiastique qui tiendrait des propos contre
l’État, troublant ainsi l’ordre public. Suivit la loi du
4 juillet 1872 qui interdisait la Compagnie de Jésus
dans l’Empire. A Metz, le collège Saint-Clément
dut alors fermer ses portes. Le 20 mai 1873, une
ordonnance du chancelier étendait aux
Rédemptoristes, aux Lazaristes, aux Prêtres du
Saint-Esprit et aux Dames du Sacré-Cœur cette
interdiction de résider sur le territoire allemand ainsi
que dans tous les pays d’Empire. Dans le diocèse
de Metz furent donc expulsés les Rédemptoristes
de Teterchen et de Boulay et fermés les
pensionnats des Dames du Sacré-Cœur de
Montigny et de la rue Châtillon à Metz. Les Frères
des Ecoles chrétiennes, les Frères de la doctrine
chrétienne furent à leur tour expulsés et leurs écoles
fermées dans tout le diocèse. En ce qui concerne
les séminaires, c’est la loi du 12 février 1873 qui fut
appliquée: le programme des études était établi par
le gouvernement, les professeurs devaient être
formés dans une université allemande puis nommés
avec l’agrément de l’État.
Bref, de 1871 à 1879, sous la direction de
von Mœller, président supérieur d’Alsace-Lorraine,
Mgr. Dupont des Loges vit son pouvoir religieux
très amoindri et dut essuyer de nombreux refus,
surtout quand il voulut faire intervenir des
prédicateurs étrangers à son diocèse. En outre,
certaines de ses lettres pastorales, soumises, tout
comme les encycliques du pape, à l’autorisation
préalable du pouvoir civil, furent interdites de
publication.
Le 1er février 1874, Mgr Dupont des
Loges fut élu député de Metz au Reichstag où il ne
siégea qu’une fois durant les trois années de son
mandat, le 11 février, pour demander que les
populations de l’Alsace-Lorraine incorporées sans
leur consentement à l’empire allemand par le traité
de Francfort, puissent se prononcer sur cette
incorporation. Cette demande fut rejetée suite à
l’intervention de Mgr. Raess, évêque de
Strasbourg, qui prétendait que les Alsaciens et les
Mosellans de sa confession n’avaient aucune
intention de remettre en cause le traité de Francfort
conclu entre la France et l’Allemagne.
Le 5 mai 1877, Guillaume 1er fit sa
première visite à Metz. Mgr Dupont des Loges
rencontra donc l’empereur et ses ministres. Il
profita de cette réception pour dire au ministre de
la guerre, le général von Kameke, son regret
concernant l’obligation faite aux séminaristes
d’accomplir leur service militaire. Le lendemain de
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cette réception, des processions et des feux
d’artifice furent organisés dans toute la ville dont un
provoqua un incendie sur la toiture de la cathédrale.
Celle-ci fut refaite par des architectes allemands
avec une armature de fer et couverture en cuivre.
Le portail latéral fut également reconstruit et les
édifices qui entouraient la cathédrale furent détruits.
L’évêque rencontra une seconde fois l’empereur
lors de sa visite du 23 septembre 1879 durant
laquelle ils visitèrent ensemble les travaux de la
cathédrale.
Afin de permettre une administration plus
autonome de l’Alsace-Lorraine, Guillaume 1er
nomma, le 1er octobre 1879, un gouverneur
général ne relevant que de lui. Les rapports de
l’évêque avec le gouvernement, notamment en ce
qui concerne les nominations aux cures, passaient
alors par Manteuffel, le premier à occuper cette
nouvelle fonction. Ce dernier favorisa les intérêts
religieux du diocèse, surtout en ce qui concerne les
petits séminaires, le service militaire obligatoire des
séminaristes pour qui il permit certaines
exemptions, et l’enseignement de la religion dans
les écoles primaires.
Dès 1879, Mgr. Dupont des Loges
commença à penser à sa succession. Il entreprit
des négociations avec le Saint-Siège et avec le
gouvernement de Berlin, proposant l’abbé Fleck
comme successeur. Celui-ci fut effectivement
nommé coadjuteur par le pape, le 19 janvier 1881,
après que l’empereur eût approuvé la procédure
proposée par l’évêque de Metz. Le 25 juillet 1881,
l’abbé Fleck fut ordonné à l’église Saint-Vincent (la
cathédrale étant en restauration).
Le 12 décembre 1882, le maréchal von
Manteuffel envoyait à Mgr. Dupont des Loges les
insignes de l’ordre royal de la Couronne (seconde
classe, avec étoile) que l’empereur lui accordait en
raison du travail de l’évêque en faveur des
catholiques allemands de son diocèse. L’évêque,
arguant qu’il n’avait jamais accepté aucune
décoration, même de l’État français, refusa les
honneurs de l’empereur. Mais, le 17 décembre, la
Gazette de Lorraine publia l’information, obligeant
ainsi l’évêque à annoncer publiquement son refus.
Très vite, toute la presse française présenta ce refus
comme une opposition à l’Allemagne et félicita le
patriotisme de l’évêque. Cet incident ne semble pas
avoir causé trop de tort au diocèse ni même aux
relations entre l’évêque et le Statthalter.
Mgr. Dupont des Loges mourut à Metz le 18 août 1886 et fut inhumé à la cathédrale, chapelle Saint-Livier,
le 25 août.
Jean-Baptiste LAURENT
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