Le développement industriel durable :

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Le développement industriel durable :
favoriser la croissance de la productivité pour lutter
contre la pauvreté
L’industrialisation est un élément fondamental du développement durable. Elle permet
en effet de créer des emplois productifs, de générer des revenus à valeur ajoutée et, par
conséquent, de contribuer largement à l’éradication de la pauvreté. En tant qu’agence
des Nations unies, l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel
(ONUDI) est chargée de promouvoir l’industrialisation des pays en développement, en
collaboration avec ses 169 Etats membres. Dans cette interview, M. Carlos Magariños,
directeur de l’ONUDI, explique au Courrier comment forger un consensus fort sur le rôle
de l’industrialisation dans le contexte général du développement.
Maurizio Carbone
Au cours de ces deux dernières années, la
communauté internationale a réalisé plusieurs progrès
concrets en vue de la réalisation des objectifs de
développement du Millénaire. Doha, Monterrey,
Johannesburg témoignent de la volonté du monde
développé d’éliminer la pauvreté de la planète. Quel a
été le rôle de l’ONUDI dans ces grandes conférences ?
Les Nations unies ont-elles adopté une stratégie
cohérente et commune à toutes ses agences dans la
promotion du développement industriel ?
On peut résumer brièvement ces trois grandes conférences
et les résultats auxquels elles ont abouti. Doha a admis que la
coopération commerciale internationale devait mieux tenir
compte des besoins des pays en développement, Monterrey a
débouché sur un consensus sur le financement du développement et Johannesburg a conforté la communauté internatio-
nale dans sa volonté d’assurer la viabilité du développement.
Du point de vue de l’ONUDI, il était capital de mettre en
évidence le rôle du secteur de la production dans tous ces processus. Maintenant qu’il existe un consensus général pour
affirmer que le commerce doit compléter l’aide au développement en cherchant à assurer le bien-être de tous les habitants
de la planète, la libéralisation du commerce ne peut profiter
aux pays en développement que s’ils ont suffisamment de
capacités de production pour créer des biens commercialisables et que si leurs produits sont conformes aux normes
internationales. A cet égard, le système des Nations unies peut
faire davantage. Il doit notamment redoubler d’efforts afin
d’encourager la coopération technologique, l’innovation et la
compétitivité. Pour ne prendre qu’un exemple, l’ONUDI
participe activement au groupe de travail sur les technologies
créé dans le cadre du projet du Millénaire de Jeffrey Sachs. J’ai
par ailleurs l’intention d’entamer des consultations avec les directeurs de plusieurs agences
des Nations unies afin de chercher des platesformes propices à une meilleure collaboration
au sein même du système onusien. Il est important de noter à cet égard que l’Assemblée générale a mandaté le Secrétaire général des Nations
unies pour qu’il introduise le thème de l’industrialisation dans son rapport annuel sur la mise
en œuvre du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique. L’ONUDI collaborera
très étroitement avec lui dans ce domaine.
« C’est le rôle des gouvernements de formuler
une vision nationale, de rassembler tous les
acteurs en présence autour d’une position
consensuelle et, en fin de compte, de créer
des conditions propices à déclencher auprès
du secteur privé suffisamment de dynamisme
pour que cette vision devienne une réalité »
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le Courrier ACP-UE n° 196 janvier-février 2003
La façon dont on conçoit l’industrialisation et la
politique industrielle a beaucoup évolué depuis la
Seconde Guerre mondiale. Quelles leçons tirer de ce
qui s’est passé depuis les années soixante ?
En ce qui concerne l’industrialisation, le rôle joué par l’industrie
en développement est à nouveau reconnu pleinement, si tant est
qu’il fut jamais mis en doute. La part du secteur manufacturier
dans la croissance, essentiellement due à un gain de productivité de
par l’utilisation des technologies et à certains facteurs connexes,
comme le recours à de la main-d’œuvre qualifiée et l’existence
d’institutions appropriées, est indéniable. En ce qui concerne la
politique, nous devons désormais nous interroger sur le rôle de la
politique industrielle dans la réussite du Japon et des « tigres » du
continent est-asiatique.
On pense aujourd’hui que l’important, même pour le développement de l’industrie et sa contribution à la croissance, est ailleurs :
dans des marchés performants et des acteurs privés efficaces.
Cependant, il ne faut pas les laisser entièrement livrés à eux-mêmes
si l’on veut promouvoir et accélérer l’industrialisation et la croissance. Dans les régions où les marchés échouent d’une manière
prévisible, les pouvoirs publics doivent intervenir. Parmi les secteurs
où une intervention publique est souhaitée pour accroître le bienêtre, il y a ceux qui ont trait à la création et à la diffusion de connaissances et d’information. C’est la nature publique des connaissances
qui est à la base de l’échec commercial et qui impose une correction par les politiques publiques. Il est un autre domaine important
d’intervention publique : la création des institutions nécessaires et
propices au maintien et au développement de l’industrie. Les théories économiques et les études empiriques indiquent elles aussi le
rôle central des institutions dans le maintien de la croissance (des
industries et par les industries) ainsi que le fait que les politiques
publiques favorisent le développement de cadres institutionnels
féconds susceptibles de varier fortement d’un pays à l’autre.
A l’exception de certains pays d’Asie orientale et,
dans une moindre mesure, de la Chine, presque tous
les pays en développement ont connu une période
de régression industrielle ou de désindustrialisation.
L’industrie a-t-elle toujours un rôle à jouer dans la
lutte contre la pauvreté et la marginalisation ?
L’industrie peut contribuer largement à réduire la pauvreté en
s’attaquant à ses causes économiques et sociales. Il est incontestable
qu’elle participe, ne serait-ce qu’indirectement, à la lutte contre la
pauvreté du fait même qu’elle favorise la croissance économique,
qui est, on le sait, nécessaire à l’éradication de la pauvreté. Mais elle
y participe aussi directement, d’une manière définie plus étroitement et donc plus limitée, notamment par la création d’emplois à
l’intention des groupes défavorisés, tels que les chômeurs nonqualifiés. Pour la plupart des pays en développement, la spécialisation industrielle présente le plus grand intérêt, selon le principe de
l’avantage comparé. J’ajouterai à cela qu’une stratégie industrielle
qui répond aux besoins du développement rural est également
susceptible d’avoir des effets positifs sur la lutte contre la pauvreté
dans les zones ciblées.
Par contraste, le thème de la marginalisation englobe la question
plus large de savoir comment les pays en développement peuvent
exploiter pleinement les avantages potentiels de la mondialisation
rapide. A cet égard, l’industrie est bien placée pour préserver les
avantages nés d’une intégration internationale rapide, notamment
en matière de commerce, d’investissement et de transfert technologique. Dans le cas du commerce, par exemple, l’industrie manufacturière produit uniquement des marchandises négociables. Si
elle se conforme aux
normes édictées par la
concurrence internationale, elle crée un
lien de la plus haute
importance avec les
marchés mondiaux. Il
peut en aller de
même avec les investissements et la transmission de connaissances. On peut dès
lors considérer qu’une
stratégie d’industrialisation prudente est
un atout indispensable dans la lutte
contre la marginalisation économique.
UNIDO
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En ce qui concerne
l’industrialisation, le rôle joué par
l’industrie en développement est à
nouveau reconnu pleinement, si tant
est qu’il fut jamais mis en doute
Si on se réfère à ce que vous avez dit, quel est le sort
qui attend l’Afrique à court terme selon vous ?
Si l’on veut faire des prédictions pour l’Afrique dans un avenir pas
trop éloigné, je crois qu’il faut partir de cette nouvelle conception de
l’industrialisation et de ce qu’elle peut apporter en termes de développement au sens large et des politiques « économiquement correctes » qui l’accompagnent. Compte tenu de ce que nous savons
aujourd’hui des multiples facettes des problèmes de développement
que connaissent les pays africains, il me semble raisonnable de penser que le déclin de l’industrie (tel qu’il se manifeste par exemple
dans la baisse de la production manufacturière par habitant dans les
pays les moins avancés d’Afrique) va s’interrompre, tout comme la
stagnation, et qu’il ne faudra pas attendre la reprise bien longtemps.
Si on suit ce scénario, l’industrie pourrait très bien contribuer largement, via la croissance, à une forte réduction de la pauvreté d’ici à
2015, ce qui serait conforme au premier objectif de développement
du Millénaire.
Y a-t-il plusieurs voies qui mènent à l’industrialisation ?
Ou pensez-vous que la seule possibilité soit celle de
l’orientation de la production vers les exportations ?
Il se peut que l’orientation de la production vers les exportations
ne soit pas la seule voie possible, mais elle est selon moi la plus riche
de promesses, et de loin, pour la plupart des pays en développement. Et cela pour plusieurs raisons. La première nous ramène à la
théorie d’Adam Smith. Rappelez-vous, il dit que la division du travail est limitée par l’étendue du marché. Or, seuls de très rares pays
en développement ont un marché intérieur suffisamment vaste
pour permettre un schéma de spécialisation menant à une affectation efficace des ressources. Les marchés mondiaux présentent non
seulement la possibilité optimale pour les petites économies de se
spécialiser dans un créneau, mais ils leur donnent aussi la chance
de bénéficier d’effets d’échelle dans leur production. Par ailleurs, en
s’exposant à la concurrence internationale, on augmente en général son efficacité technologique, ce qui entraîne à son tour des gains
de croissance. La productivité peut également croître grâce à l’acquisition de connaissances qui accompagne toutes les activités d’exportation, du fait même qu’« on apprend en exportant ».
L’expérience des grands pays industrialisés montre que
l’innovation et les mutations technologiques sont les
piliers de l’industrialisation. Pensez-vous que l’application
n° 196 janvier-février 2003 le Courrier ACP-UE
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et l’adaptation de technologies importées soient pour le
moment la seule option possible pour les pays en
développement ?
L’adoption de technologies importées n’est certainement pas la
seule voie possible, même si elle semble souvent la plus appropriée.
Des études empiriques portant sur la croissance économique, dont
certaines ont été réalisées par l’ONUDI, ont montré que le progrès
technologique était dû à un nombre relativement restreint de pays
industrialisés et que les autres pays industrialisés et pratiquement
tous les pays en développement pouvaient réaliser d’importants
gains de productivité en l’adoptant. Cependant, pour apprendre à
se servir des technologies développées à l’étranger et pour en tirer
le meilleur parti, un certain degré de recherche et de développement demeure nécessaire, même
si le but n’est pas d’aboutir à de
grandes innovations d’envergure
mondiale. S’il est avisé de se
concentrer sur l’adoption, l’adaptation et l’utilisation des technologies industrielles mises au point
à l’étranger, c’est notamment
parce que les connaissances de ce
type présentent des traits caractéristiques de ce qui compose le
bien public international. C’est
une base sur laquelle les pays en
développement peuvent appuyer
leur progrès technologique sans
pour autant renoncer à développer leur propre capacité d’innoLa libéralisation du commerce
ver, fût-elle limitée.
ne peut profiter aux pays en
développement que s’ils ont
suffisamment de capacités de
production pour créer des
biens commercialisables et
que si leurs produits sont
conformes aux normes
internationales
Que peut faire la
communauté internationale
pour supprimer cette
fracture technologique ?
Tout en favorisant l’intégration
de l’industrie des pays en développement dans la communauté
internationale, on peut soutenir
plus directement la création des capacités industrielles des pays
moins avancés par la coopération technique. Dans l’industrie,
celle-ci peut prendre diverses formes : promotion des investissements et des technologies, services aux entreprises, méthodes de
production moins gourmandes en énergie et plus propres, etc.
Dans ce contexte, il est particulièrement important d’appuyer la
mise en place d’institutions adaptées à certains aspects du développement industriel et aux conditions spécifiques au pays concerné. On peut également dispenser des conseils stratégiques appropriés, pour la simple et bonne raison qu’il n’y a pas de bonnes institutions sans politiques pertinentes qui les sous-tendent.
Toute stratégie industrielle repose sur une vision nationale
du développement industriel. Le rôle des gouvernements
est fondamental lorsqu’ils acceptent des participations
étrangères importantes dans l’industrialisation de leur
pays, par le biais d’investissements étrangers directs (IED).
Quels sont les risques d’une politique industrielle qui
serait trop dépendante de l’extérieur ?
Tout d’abord, je tiens à souligner la prémisse à votre question :
oui, en effet, c’est le rôle des gouvernements de formuler une vision
nationale, de rassembler tous les acteurs en présence autour d’une
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le Courrier ACP-UE n° 196 janvier-février 2003
position consensuelle et, en fin de compte, de créer des conditions
propices à déclencher suffisamment de dynamisme dans le secteur
privé pour que cette vision devienne une réalité. Nous sommes loin
de l’époque où les gouvernements mettaient au point un modèle
industriel sans consulter personne. Le rôle des investissements étrangers directs doit être envisagé dans ce contexte. Par le passé, certains
les ont voués aux gémonies, tandis que d’autres ne juraient que par
eux. Disons-le, il ne faut ni les diaboliser ni en faire une panacée !
Le tout est de les manipuler comme un mécanisme susceptible de
profiter à l’économie dans son ensemble. Entre parenthèses, cela
implique une collaboration avec des multinationales visant autre
chose qu’une stratégie de maximisation des profits à court terme. Ce
qui entre en jeu ici, c’est la responsabilité sociale de l’entreprise, un
thème qui est également à l’ordre du jour de l’Union européenne.
N’oublions pas non plus que les investissements étrangers directs
ne sont pas la seule option possible. Dans les années 1970 et 1980,
l’économie sud-coréenne a essentiellement basé son essor sur
d’autres formes d’acquisitions des technologies, notamment des
accords de licences. Cela étant, il est vrai que la plupart des pays en
développement accordent une attention particulière à l’attrait de
flux d’investissements étrangers directs et au savoir-faire technologique et managérial qui les accompagne. Si les avantages de cette
méthode peuvent être énormes, elle n’en présente pas moins certains
risques qui exigent la plus grande prudence : un éventuel impact
négatif sur la balance des paiements en cas d’importation d’une
quantité élevée de technologies, de matières premières et de pièces,
l’exode des bénéfices et des dividendes, mais aussi une course effrénée aux incitants financiers, sans parler du risque de créer une économie duale où coexisteraient une enclave moderne réservée aux
investisseurs étrangers et le tissu des entreprises nationales traditionnelles. Il est clair qu’il faut trouver le juste milieu. On commencera
par attirer des investissements étrangers directs dans les secteurs les
plus appropriés, en veillant à créer des infrastructures et des institutions qui permettront et qui encourageront les synergies entre entreprises étrangères et entreprises nationales. A l’ONUDI, nous soutenons les pays en développement qui souhaitent créer de telles
alliances.
On pense souvent que les petites entreprises peuvent
se substituer aux grandes. Il est vrai que le secteur
des PME est fortement créateur d’emplois dans les
pays à bas revenus, surtout en Afrique et en Asie,
mais il semble clair que seul un faible pourcentage de
PME parvient réellement à percer et que les autres
sont condamnées à vivoter ou à disparaître.
Je ne dirais pas que les petites entreprises peuvent se substituer aux
grandes, qu’elles soient nationales ou étrangères. Je pense au contraire qu’elles les complètent. Il est fondamental que le secteur industriel
se compose à la fois de grandes, de moyennes et de petites entreprises.
De nombreux chercheurs pensent en effet que c’est là que réside la
faiblesse des pays pauvres : dans le fait qu’ils comptent une myriade
de microentreprises informelles d’un côté et d’une poignée seulement
de grandes entreprises de l’autre. Il leur manque un réseau dynamique
de petites et moyennes entreprises, si important pour construire une
« Par le passé, certains ont voué les
investissements étrangers directs aux gémonies,
tandis que d’autres ne juraient que par eux.
Disons-le, il ne faut ni les diaboliser ni en faire
une panacée ! Le tout est de les manipuler
comme un mécanisme susceptible de profiter à
l’économie dans son ensemble »
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UNIDO
Pour la plupart des pays en développement, la
spécialisation industrielle présente le plus grand
intérêt, selon le principe de l’avantage comparé.
Si elle se conforme aux normes édictées par la
concurrence internationale, elle crée un lien de
la plus haute importance avec les marchés
mondiaux
structure économique flexible et résiliente. Par ailleurs, une économie
ne peut se composer uniquement de petites entreprises à faible
productivité : ce ne serait pas une stratégie viable dans le contexte
actuel de la mondialisation, où seules les entreprises les plus compétitives parviennent à survivre. A long terme, la protection artificielle des
entreprises non-performantes aurait vraisemblablement un coût
social important et ne ferait qu’accroître la pression à l’adaptation. Il
convient dès lors de rendre les micro et les petites entreprises plus productives, de leur donner les moyens d’exploiter plus efficacement
leurs ressources et de s’orienter vers des schémas de production plus
cohérents et vers des produits d’une plus grande qualité. On peut
faire beaucoup de choses dans ce domaine : appuyer le progrès technologique et managérial, encourager la coopération, notamment
dans les clusters sectoriels et, plus important, faciliter leur participation
au commerce régional et international en les aidant à respecter les
normes techniques et environnementales, de plus en plus contraignantes. L’objectif ne doit pas être de reléguer les pays pauvres dans
des activités présentant une faible productivité, mais bien de promouvoir un processus graduel d’amélioration de la productivité et
d’innovation. Les micro et les petites entreprises constituent un point
de départ dans cette direction, et pas une fin en soi. C’est une terre
fertile où la libre entreprise peut éclore.
Vous avez parlé de certaines contraintes auxquelles
les petites entreprises étaient confrontées. Mais vous
n’avez rien dit de l’accès au crédit…
Selon moi, le problème fondamental ne se situe pas au niveau
du crédit. Le financement est évidemment important, que celuici passe par le microcrédit, les prêts traditionnels ou le capitalrisque. Mais il y a une chose qui revêt à mon sens tout autant d’importance, si pas plus : ce sont les services d’orientation aux entreprises, je veux parler des services qui aident les nouveaux chefs
d’entreprise à identifier des marchés potentiels, à optimiser la qualité de leurs produits, à acquérir de nouvelles technologies, à appliquer efficacement des méthodes de production propres, à procéder à des échanges d’expériences et à collaborer, notamment au
sein de groupes d’entreprises. Autrement dit, l’injection de fonds
ne suffit pas : il faut aussi et surtout assurer l’optimisation technologique et managériale des entreprises.
Vous faites référence au cluster industriel. Ce nouveau
modèle peut-il donner à l’Afrique la flexibilité dont elle
a besoin pour devenir compétitive sur les marchés
internationaux ?
Alors qu’il y a une quinzaine d’années, le développement de
clusters de PME semblait être une prérogative des économies de
l’OCDE, des expériences similaires fructueuses ont vu le jour ces
dix dernières années en Amérique latine (notamment au Chili, au
Brésil et au Mexique) et en Asie du Sud (surtout en Inde). En
Afrique, les clusters de PME n’ont pas encore fait l’objet de nombreuses études. De par les observations limitées dont nous disposons, on imagine qu’il y a sur le continent noir un grand nombre
de clusters sous-performants, composés de centaines, voire de milliers de microentreprises, souvent dans le secteur de la métallurgie
et de la réparation. Le degré de spécialisation et de collaboration
de ces entreprises est faible. De plus, ces groupes d’entreprises se
heurtent à de très graves problèmes d’infrastructure, aussi bien en
termes de services publics (réseau routier, alimentation en électricité, informatique) que d’institutions (respect des contrats, de la
législation et même de l’ordre public). Ces lacunes entravent la
capacité des entreprises à toucher les marchés mondiaux, à améliorer la qualité de leurs produits et à affiner leurs technologies. Il
n’en reste pas moins que ces clusters constituent un environnement
propice à l’épanouissement de l’esprit d’entreprise et au développement des compétences. Une amélioration des infrastructures
mises à leur disposition permettrait probablement de faire émerger une réelle « efficacité collective ».
Venons-en pour conclure à la relation entre l’activité
industrielle et la pollution. Le dernier rapport de l’ONUDI
montre que ce ne sont pas forcément les pays les plus
avancés qui polluent le plus. Il est généralement admis
que le développement industriel s’effectue au détriment
de l’environnement. Ce ne serait donc pas vrai ?
Si, bien sûr, l’industrialisation s’effectue au détriment de l’environnement si l’on n’y fait rien. Le danger vient du volume de la
pollution et de la diminution des ressources qu’entraîne l’augmentation de la production industrielle, et les pays avancés sont
toujours les premiers à cet égard. Malgré cela, il est tout aussi clair
que plus un pays est avancé, moins il pollue en termes relatifs, et
même en termes absolus en ce qui concerne certains polluants.
Cela montre bien l’importance des efforts réalisés pour rendre
l’industrie plus propre, étant donné la montée inexorable des
taux de production dans le monde dans un contexte de développement généralisé. Les principaux instruments que nous avons à
notre disposition sont de nature technologique. C’est pourquoi
je pense que notre premier objectif doit être le transfert des technologies écologiquement saines dans les pays en développement,
et que ce transfert doit être massif et le plus rapide possible.
L’exploitation des complémentarités des efforts réalisés dans le
domaine du développement et de l’environnement nous permettra de maximiser la contribution du secteur de l’industrie à
un développement plus durable, plus juste et écologiquement
plus responsable.
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n° 196 janvier-février 2003 le Courrier ACP-UE
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