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et l’adaptation de technologies importées soient pour le
moment la seule option possible pour les pays en
développement ?
L’adoption de technologies importées n’est certainement pas la
seule voie possible, même si elle semble souvent la plus appropriée.
Des études empiriques portant sur la croissance économique, dont
certaines ont été réalisées par l’ONUDI, ont montré que le progrès
technologique était dû à un nombre relativement restreint de pays
industrialisés et que les autres pays industrialisés et pratiquement
tous les pays en développement pouvaient réaliser d’importants
gains de productivité en l’adoptant. Cependant, pour apprendre à
se servir des technologies développées à l’étranger et pour en tirer
le meilleur parti, un certain degré de recherche et de développe-
ment demeure nécessaire, même
si le but n’est pas d’aboutir à de
grandes innovations d’envergure
mondiale. S’il est avisé de se
concentrer sur l’adoption, l’adap-
tation et l’utilisation des techno-
logies industrielles mises au point
à l’étranger, c’est notamment
parce que les connaissances de ce
type présentent des traits caracté-
ristiques de ce qui compose le
bien public international. C’est
une base sur laquelle les pays en
développement peuvent appuyer
leur progrès technologique sans
pour autant renoncer à dévelop-
per leur propre capacité d’inno-
ver, fût-elle limitée.
Que peut faire la
communauté internationale
pour supprimer cette
fracture technologique ?
Tout en favorisant l’intégration
de l’industrie des pays en déve-
loppement dans la communauté
internationale, on peut soutenir
plus directement la création des capacités industrielles des pays
moins avancés par la coopération technique. Dans l’industrie,
celle-ci peut prendre diverses formes : promotion des investisse-
ments et des technologies, services aux entreprises, méthodes de
production moins gourmandes en énergie et plus propres, etc.
Dans ce contexte, il est particulièrement important d’appuyer la
mise en place d’institutions adaptées à certains aspects du déve-
loppement industriel et aux conditions spécifiques au pays concer-
né. On peut également dispenser des conseils stratégiques appro-
priés, pour la simple et bonne raison qu’il n’y a pas de bonnes ins-
titutions sans politiques pertinentes qui les sous-tendent.
Toute stratégie industrielle repose sur une vision nationale
du développement industriel. Le rôle des gouvernements
est fondamental lorsqu’ils acceptent des participations
étrangères importantes dans l’industrialisation de leur
pays, par le biais d’investissements étrangers directs (IED).
Quels sont les risques d’une politique industrielle qui
serait trop dépendante de l’extérieur ?
Tout d’abord, je tiens à souligner la prémisse à votre question :
oui, en effet, c’est le rôle des gouvernements de formuler une vision
nationale, de rassembler tous les acteurs en présence autour d’une
position consensuelle et, en fin de compte, de créer des conditions
propices à déclencher suffisamment de dynamisme dans le secteur
privé pour que cette vision devienne une réalité. Nous sommes loin
de l’époque où les gouvernements mettaient au point un modèle
industriel sans consulter personne. Le rôle des investissements étran-
gers directs doit être envisagé dans ce contexte. Par le passé, certains
les ont voués aux gémonies, tandis que d’autres ne juraient que par
eux. Disons-le, il ne faut ni les diaboliser ni en faire une panacée !
Le tout est de les manipuler comme un mécanisme susceptible de
profiter à l’économie dans son ensemble. Entre parenthèses, cela
implique une collaboration avec des multinationales visant autre
chose qu’une stratégie de maximisation des profits à court terme. Ce
qui entre en jeu ici, c’est la responsabilité sociale de l’entreprise, un
thème qui est également à l’ordre du jour de l’Union européenne.
N’oublions pas non plus que les investissements étrangers directs
ne sont pas la seule option possible. Dans les années 1970 et 1980,
l’économie sud-coréenne a essentiellement basé son essor sur
d’autres formes d’acquisitions des technologies, notamment des
accords de licences. Cela étant, il est vrai que la plupart des pays en
développement accordent une attention particulière à l’attrait de
flux d’investissements étrangers directs et au savoir-faire technolo-
gique et managérial qui les accompagne. Si les avantages de cette
méthode peuvent être énormes, elle n’en présente pas moins certains
risques qui exigent la plus grande prudence : un éventuel impact
négatif sur la balance des paiements en cas d’importation d’une
quantité élevée de technologies, de matières premières et de pièces,
l’exode des bénéfices et des dividendes, mais aussi une course effré-
née aux incitants financiers, sans parler du risque de créer une éco-
nomie duale où coexisteraient une enclave moderne réservée aux
investisseurs étrangers et le tissu des entreprises nationales tradition-
nelles. Il est clair qu’il faut trouver le juste milieu. On commencera
par attirer des investissements étrangers directs dans les secteurs les
plus appropriés, en veillant à créer des infrastructures et des institu-
tions qui permettront et qui encourageront les synergies entre entre-
prises étrangères et entreprises nationales. A l’ONUDI, nous soute-
nons les pays en développement qui souhaitent créer de telles
alliances.
On pense souvent que les petites entreprises peuvent
se substituer aux grandes. Il est vrai que le secteur
des PME est fortement créateur d’emplois dans les
pays à bas revenus, surtout en Afrique et en Asie,
mais il semble clair que seul un faible pourcentage de
PME parvient réellement à percer et que les autres
sont condamnées à vivoter ou à disparaître.
Je ne dirais pas que les petites entreprises peuvent se substituer aux
grandes, qu’elles soient nationales ou étrangères. Je pense au contrai-
re qu’elles les complètent. Il est fondamental que le secteur industriel
se compose à la fois de grandes, de moyennes et de petites entreprises.
De nombreux chercheurs pensent en effet que c’est là que réside la
faiblesse des pays pauvres : dans le fait qu’ils comptent une myriade
de microentreprises informelles d’un côté et d’une poignée seulement
de grandes entreprises de l’autre. Il leur manque un réseau dynamique
de petites et moyennes entreprises, si important pour construire une
le Courrier ACP-UE n° 196 janvier-février 2003
4
La libéralisation du commerce
ne peut profiter aux pays en
développement que s’ils ont
suffisamment de capacités de
production pour créer des
biens commercialisables et
que si leurs produits sont
conformes aux normes
internationales
« Par le passé, certains ont voué les
investissements étrangers directs aux gémonies,
tandis que d’autres ne juraient que par eux.
Disons-le, il ne faut ni les diaboliser ni en faire
une panacée ! Le tout est de les manipuler
comme un mécanisme susceptible de profiter à
l’économie dans son ensemble »
UNIDO