2
Introduction
Le dilemme entre l’optimisation des ressources existantes et la création de ressources
nouvelles, intéresse depuis longtemps les chercheurs. Abernathy (1978) soulève la nécessité
pour les organisations de gérer à la fois l’amélioration de leur efficience et leur capacité
d’innovation. Ce dilemme de la productivité, comme il le nomme, suggère que les entreprises
ne doivent pas seulement exploiter leurs acquis mais doivent également explorer de nouvelles
voies. De nombreux auteurs se sont interrogés sur cette double nécessité entre exploration et
exploitation (Benner et Tushman, 2003 ; Chanal et Mothe, 2004 ; He et Wong, 2004 ;
Holmqvist, 2004 ; March, 1991 ; Winter et Szulanski, 2001), entre efficience statique et
efficience dynamique (Ghemawat et Ricart I Costa, 1993), entre initiation de l’innovation et
implémentation (Duncan, 1976), entre alignement et adaptabilité (Gibson et Birkinshaw,
2004), entre flexibilité et efficience (Abernathy, 1978 ; Adler et Al., 1999), entre évolution et
révolution (Tushman et O’Reilly, 1996), entre innovation incrémentale et innovation
architecturale ou discontinue (Ettlie, Bridges et O’Keefe, 1984 ; Tushman et Al., 2004), entre
processus stratégique induit et processus stratégique autonome ( Burgelman et Sayles, 1987 ;
Burgelman, 2002) ou encore entre créativité et mise en œuvre collective (Sheramata, 2000).
Quel que soit le prisme par lequel les auteurs approchent le dilemme, qu’il s’agisse
d’apprentissage organisationnel (Bierly et Chakrabarty, 1996 ; Holmqvist, 2004 ; Levinthal et
March, 1993 ; March, 1991), de structure organisationnelle (Adler et Al., 1999 ; Benner et
Tushman, 2002, 2003 ; Chanal et Mothe, 2004 ; Gibson et Birkinshaw, 2004 ; O’Reilly et
Tushman, 2004 ; Sheramata, 2000), de processus d’élaboration et de mise en œuvre de la
stratégie (Bradach, 1997 ; Burgelman, 2002 ; Duncan, 1976) ou de stratégie d’innovation elle-
même (Ghemawat et Ricart I Costa, 1993 ; He et Wong, 2004 ; Tushman et O’Reilly, 1996),
il semble toutefois qu’un consensus existe autour des notions d’exploration et d’exploitation.
« L’essence de l’exploitation est le perfectionnement et l’extension des compétences,
technologies et paradigmes existants. Ces effets sont positifs, rapides et prévisibles.
L’essence de l’exploration est l’expérimentation de nouvelles alternatives. Ces effets sont
incertains, à long terme et souvent négatifs. » (March, 1991, p. 85)
Ce double enjeu qualifié de « demandes paradoxales » (Benner et Tushman, 2003, p. 252) ou
de « paradoxe du succès » (Tushman et O’Reilly, 1996, p. 24) est à l’origine du concept
d’ambidextérité (Duncan, 1976). Ainsi, être ambidextre consiste à savoir concilier
l’exploitation des ressources existantes et l’exploration de nouvelles opportunités sans
sacrifier l’une ou l’autre des stratégies. Si l’hypothèse que l’ambidextérité conduit à une
meilleure performance de l’organisation est souvent implicite (March, 1991), certains travaux