En 2012, nous fêterons les 150 ans de la genèse d’Alice au pays des Merveilles. En effet, le 4 juillet
1862, l’écrivain anglais Lewis Carroll, de son vrai nom Charles Dogson, propose aux trois sœurs Liddell une
promenade en barque sur la rivière. Lewis Carroll est fasciné par la petite Alice alors âgée de sept ans, pour
laquelle il va improviser une histoire au fil de l’eau. Dans la fable imaginée par Lewis Carroll, Alice tombe
dans le sommeil, symbolisé par le terrier du Lapin blanc, qui la conduit jusqu’au centre de la terre. Le
voyage d’Alice est donc un rêve et un parcours initiatique. La fable est composée en épisodes. Lewis Carroll
a raconté son histoire avant de l’écrire, à la demande d’Alice Liddell. Il s’agit donc d’épisodes de rêves qui
se succèdent, et grâce auxquels Alice, entrée dans le rêve en enfant, va en sortir en adolescente. Il ne s’agit
pas de raconter l’histoire, mais de composer un poème visuel sur l’Alice de Lewis Carroll. Ici, le cirque doit
nous parler d’imagination, avec la plus grande liberté qui soit : celle qui nous est accordée par les rêves.
Alice au pays des merveilles suscite souvent chez les metteurs en scène de théâtre le désir d’une
adaptation scénique. Davantage que la fable d’Alice au fond décousue, morcelée, née au fil de l’eau du
récit à voix haute de Lewis Carroll à la petite Alice Liddell, lors de promenades en barque ce sont sans
doute ses personnages, les relations qu’ils entretiennent, et le langage qui fonde ces relations qui
intéressent le théâtre. Ici, chaque personnage est un monde en soi. Ici, la langue est un spectacle, avec ses
mystères, ses labyrinthes où petits et grands ont plaisir à se perdre, emportés par la polysémie des
propositions carrolliennes.
Tout le monde connaît Alice. Tout le monde possède ses propres clichés d’Alice. Tout le monde en a au
moins une représentation, une « idée». Alice existe en nous comme un conte, complexe, impossible à
résumer, impossible à raconter. Chacun a une impression d’Alice. Une empreinte. C’est à partir de ces
impressions, ces empreintes, que nous souhaitons élaborer notre projet. Moins raconter l’histoire d’Alice
que donner à voir l’Alice que nous partageons, au temps présent, presque hors du livre. Alice, aujourd’hui.
Alice, en Chine, aujourd’hui. Alice, dans une ville chinoise, aujourd’hui.
Qui serait-elle, cette petite fille chinoise qu’on nomme Alice ?
Qui serait le Lapin blanc dans une ville chinoise aujourd’hui ?
Que représenterait cet animal mondain, vissé à sa montre,
toujours pressé, qui cherche la prochaine soirée où faire le
beau ?
Qui seraient le Lièvre de Mars, le Loir, le Chapelier fou, ces trois
clochards célestes qui se tiennent chaud dans la boisson ?
Qui serait la Reine de Coeur, qui veut trancher la tête du premier
venu ?
Et comment le cirque peut-il traduire en corps et en
mouvements, dans la grâce, la magie circassienne de leur
rencontre, le langage de Carroll ?
Qu’est-ce que cette Alice muette, qui ne parle qu’en prenant
l’espace, pour y inventer une autre poétique ?
C’est une Alice urbaine, contemporaine, une Alice des grandes villes chinoises, qui nous intéresse.