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L’histoire monétaire est passionnante
pour qui sait voir au-delà des aspects
purement techniques et quantitatifs. Car
cette histoire raconte un combat millé-
naire : le combat incessant entre le pou-
voir et la société civile, c’est-à-dire
l’affrontement permanent entre le pou-
voir politique, qui cherche à contrôler
l’économie (et donc les acteurs de l’éco-
nomie) et l’économie, qui finit toujours
par se rebeller en mettant en œuvre un
puissant processus de libération dont la
motivation est puisée au cœur même
des aspirations individuelles.
MISE EN PERSPECTIVE
HISTORIQUE
La monnaie est, comme la roue et l’é-
criture, une des inventions les plus
fondamentales parmi celles qui ont per-
mis à l’homme d’accéder à la prospérité.
Si la roue a facilité le déplacement phy-
sique des hommes et des marchandises,
la monnaie a facilité la comparaison et le
transfert des valeurs, autorisant le dépla-
cement économique des marchandises.
La monnaie est antérieure au pouvoir
politique. Elle existe depuis que les
hommes font du commerce. À ce titre,
elle constitue un progrès radical, dans
le sens où elle permet d’échapper aux
contraintes du troc, notamment aux
contraintes liantes de l’échange bilatéral.
En permettant une multilatéralisation des
échanges, la monnaie augmente considé-
rablement l’espace des échanges, et donc
le gain de l’échange pour ses participants.
Très tôt aussi, comme l’a brillamment
analysé Adam Smith, les États ont cherché
à s’approprier la monnaie, comprenant
son rôle structurant dans l’économie.
24 Sociétal N° 56 2etrimestre 2007
Histoire des relations
tumultueuses
entre monnaie et
finances publiques
JEAN-LOUIS CACCOMO *
L’inflation est toujours monétaire, proclamait Milton
Friedman. Pourtant, dès leurs débuts, les États ont cher-
ché dans la multiplication des signes monétaires le
moyen de couvrir leur déficit budgétaire. L’inflation
ne serait-elle pas finalement, à la lumière de l’histoire,
toujours budgétaire ?
FINANCES PUBLIQUES
LIVRES ET IDÉES
CONJONCTURES
REPÈRES ET TENDANCES DOSSIER
* Maître de conférences, université de Perpignan.
«Chez les Français, depuis Charlemagne, et chez les Anglais, depuis
Guillaume le Conquérant, la proportion entre la livre, le shilling et le denier
ou le penny, paraît avoir été uniformément la même jusqu’à présent.
Quoique la valeur de chacun ait beaucoup varié. Car je crois que, dans tous
les pays du monde, la cupidité et l’injustice des princes et des gouverne-
ments, abusant de la confiance des sujets, ont diminué par degrés la quan-
tité réelle du métal qui avait été d’abord contenue dans les monnaies. »
Extrait de Recherches sur la nature et
les causes de la richesse des nations, Adam Smith.
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Celui qui avait prétention à réguler, sinon
à contrôler l’économie se devait de maî-
triser la monnaie.
Deux tendances n’ont alors cessé de
s’affronter :
– d’une part, la tendance à s’affranchir
des contraintes et des contrôles par l’in-
novation monétaire ;
– d’autre part, la tendance par le pouvoir
en place à imposer les contraintes admi-
nistratives (en réponse aux innovations
monétaires et bancaires) sous la forme
d’un contrôle du système monétaire.
Monnaie et finances publiques
dans le cas de
la monnaie métallique
L’homme a gagné sa liberté en inventant
la monnaie, qui a élargi sans commune
mesure son espace de choix. Les pou-
voirs publics ont alors cherché à domp-
ter l’instrument monétaire pour mieux
réguler l’économie. On oublie souvent
que la monnaie a précédé le pouvoir au
point que l’on enseigne qu’elle est l’un
des attributs du pouvoir politique.
Pendant des siècles, les agents de l’éco-
nomie réalisaient leurs transactions avec
une monnaie métallique. Pour de nom-
breuses raisons,l’or fut le plus souvent la
référence ultime en ce domaine.
Sous la monarchie, le pouvoir royal a
déjà manifesté sa volonté de dominer la
monnaie. Certes, le pouvoir politique
n’était pas assez fort pour créer de l’or
ex nihilo, même si la quête de la pierre
philosophale fut une obsession cons-
tante durant cette période. De nomb-
reux rois se sont entourés d’alchimistes
plus ou moins éclairés qui avaient la
prétention de transformer le plomb
en or. Mais la nature fut plus coriace en
ce domaine que le génie humain : la
contrainte métallique était incontourna-
ble. On ne manipule pas aisément la
quantité d’or et c’est ce qui donna sans
doute à l’or son statut d’étalon moné-
taire.
Alors les rois ont marqué leur effigie sur
certaines pièces d’or, comme un pro-
priétaire marque ses chevaux, donnant
naissance à la monnaie officielle (louis
d’or). C’est une première étape dans le
processus lent d’appropriation par le
pouvoir de la monnaie. Car elle était à
ce moment-là un bien
privé utilisé par les agents
de l’économie en raison
des services qu’il était de
nature à rendre. Autre-
ment dit, les agents avaient
confiance dans la monnaie
métallique en raison de sa
valeur intrinsèque directe-
ment observable (poids en
or), et non en raison de
l’effigie royale.
Pour bien suivre le raison-
nement, il faut comprendre
pourquoi les gouverne-
ments se sont tellement
intéressés à la monnaie, ne
pouvant la laisser exister
en tant que bien privé.
Avec la monnaie métallique, on comp-
rend facilement qu’il n’est pas aisé de
décréter une modification de la masse
monétaire. La contrainte métallique
s’impose d’elle-même comme un carcan
inévitable. Ce n’est pas un problème (et
c’est même une qualité précieuse) pour
les agents de l’économie ; c’en est un
pour le pouvoir qui a la prétention de
réguler l’économie en influençant la
masse monétaire. Cette prétention
régulatrice s’est affirmée explicitement
au XXesiècle, cautionnée par les travaux
de Keynes qui proposent une théorisa-
tion de la politique monétaire.
Sous la monarchie, les rois n’avaient sans
doute pas pareil objectif, mais ils étaient
déjà confrontés sans cesse à un pro-
blème épineux d’équilibre des finances
publiques. À certaines époques, en rai-
son des guerres ou de frais d’apparat, les
dépenses de l’État s’envolaient. Le roi se
voyait alors dans l’obligation d’augmen-
ter les impôts. Mais les impôts ne sont
pas populaires. Et ils le sont d’autant
moins qu’ils sont extrêmement visibles
et douloureux en raison précisément de
la nature métallique de la monnaie. La
légende de Robin des bois illustre une
révolte fiscale face à un roi illégitime qui
utilise le trésor royal à des fins person-
nelles. La France a connu de nombreuses
jacqueries, qui furent des insurrections
de paysans écrasés par la pression des
impôts. Louis XVI lui-même en a perdu
la tête, la révolte fiscale déclenchant la
Révolution française.
C’est que, sous la monar-
chie, l’impôt se voit. Et
comme il est douloureux,
le contribuable peut se
révolter en exprimant sa
douleur contre un État
trop dépensier, surtout si
cette dépense royale n’est
pas de nature à accroître
le bien public, c’est-à-dire
le service rendu au pays
(protection, justice). Car le
prélèvement de l’impôt
n’est légitime que si les
agents ont le sentiment
que le produit de l’impôt
leur revient sous la forme
de biens et services
publics qu’ils n’auront donc plus besoin
d’acquérir sur des marchés privés.
Progressivement, le pouvoir royal com-
prend qu’il peut mettre en circulation
plus de pièces avec la même quantité
d’or, en coupant l’or pur avec un autre
métal. Il invente ainsi l’ancêtre de la
planche à billets, et du même coup l’in-
flation. On voit bien que c’est une façon
de prélever l’impôt sans le dire : c’est un
impôt déguisé. Mais c’est aussi une per-
version de l’instrument monétaire, ainsi
détourné de son usage premier. C’est
cette perversion qui est à la base de la
dépréciation.
Mais, contrairement à aujourd’hui, les
ménages ont alors le choix de leur éta-
lon monétaire car la monnaie doit sa
valeur à sa nature métallique propre et
non à sa dimension politique (son effi-
gie). Même si cela prend du temps, les
acteurs de l’économie finissent par com-
prendre que la monnaie officielle est
dépréciée : elle contient moins d’or pur.
Et comme ils peuvent la peser et obser-
ver directement cette valeur monétaire,
ils peuvent réagir, ce que vont faire pré-
cisément les banquiers et les marchands.
Si l’impôt est donc déguisé, l’inflation,
elle, se voit.
HISTOIRE DES RELATIONS TUMULTUEUSES ENTRE MONNAIE ET FINANCES PUBLIQUES
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Sociétal N° 56 2etrimestre 2007
Avec la monnaie
métallique, on
comprend
facilement qu’il
n’est pas aisé de
décréter une modi-
fication de la
masse monétaire.
La contrainte
métallique s’impose
d’elle-même comme
un carcan
inévitable.
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En conséquence, deux choix sont possi-
bles : soit ils se détournent de la monnaie
dépréciée parce qu’ils ont la possibilité
d’utiliser d’autres monnaies, soit ils
demandent deux louis quand hier ils n’en
demandaient qu’un, d’où l’inflation.
Autrement dit, soit ils demandent une
autre monnaie non dépréciée (non mani-
pulée), soit ils demandent une quantité
supérieure de la monnaie dépréciée
(inflation). Dans les deux cas, la demande
de monnaie (en quantité et en qualité)
peut s’adapter à l’offre (en quantité et en
qualité) car les quantités et les qualités
monétaires sont directement observa-
bles lorsque la monnaie est métallique.
Dans ce contexte de concurrence
monétaire à base métallique, la bonne
monnaie chasse la mauvaise car les
agents économiques peuvent se rebeller
contre les abus du prince.
BANQUE CENTRALE
ET INFLATION : UN PROGRÈS
DANS QUEL SENS ?
Sous la monarchie, il existait donc une
concurrence monétaire qui offrait un
espace de liberté précieux pour les
agents de l’économie. Ils avaient en effet
la possibilité de réagir face à la déprécia-
tion monétaire. À la fin du XIXesiècle
s’ouvre une nouvelle étape avec l’institu-
tion des banques centrales, le contrôle du
système bancaire et la démonétisation
de l’or. Ainsi commence ce que Jacques
Rueff appela « l’âge de l’inflation ».
L’effet inflationniste
de la disparition de
la concurrence monétaire
Àce moment, les agents économiques
n’ont plus le choix : ils sont obligés d’uti-
liser les billets de la banque centrale qui
ont cours forcé sur le territoire de la
nation. Cette monnaie-papier n’a plus de
valeur intrinsèque mais doit sa valeur à
son caractère légal et donc autoritaire.
La conséquence majeure pour le fonction-
nement de l’économie est que les agents
utilisateurs de la monnaie ne peuvent plus
vérifier la valeur du billet (notamment en
le pesant). Si la monnaie a une masse, elle
n’a plus de poids. Sa valeur est officielle et
indirecte. La définition de ces notions de
«valeur officielle » est déjà un sujet de
débats et de discordes parmi les spécialis-
tes de la monnaie. On comprend que ces
notions soient difficilement observables
pour les acteurs (ménages, entreprises,
marchands, banques) de l’économie eux-
mêmes.
En effet, la valeur de la monnaie sera
inversement proportionnelle au niveau
général des prix. Mais le niveau général
des prix est un agrégat construit selon
des conventions statistiques. Ce n’est
pas une grandeur directement observa-
ble par les utilisateurs de la monnaie, au
contraire du poids en or. Comme ces
notions sont plus abstraites et sujettes à
controverse, cela laisse aussi une plus
grande latitude au pouvoir pour manipu-
ler la masse monétaire,
d’autant que les théories
keynésiennes développées
dans la seconde moitié du
XXesiècle vont légitimer
cette pratique en lui
donnant ses lettres de
noblesse.
C’est le mécanisme de
«l’illusion monétaire »,
remarquablement analysé
par Milton Friedman, qui
permet aux autorités poli-
tiques de « tromper les
agents » en injectant un
supplément de masse
monétaire que ces der-
niers vont assimiler (du
moins provisoirement) à un supplément
de richesse réelle. Les gouvernements
français en ont abusé tout au long du
XXesiècle, du franc germinal jusqu’à
l’avènement de l’euro. La comparaison
avec le franc suisse est à cet égard
édifiante. Le franc suisse a été originel-
lement établi en 1850 à parité avec
le franc français. Au 1er janvier 1999,
lorsque le franc français s’efface pour
laisser la place à l’euro, le franc suisse
vaut 425 francs français, ce que l’on tra-
duit alors pudiquement par 4,25 nou-
veaux francs français.
On retrouve dans ce mécanisme un rap-
port étroit entre les finances publiques
et la création monétaire, à la différence
près que le pouvoir politique contrôle
totalement cette création monétaire
alors qu’il peine à maîtriser l’équilibre de
ses finances publiques. Dans ce contexte
où les gouvernements ne parviennent
pas à réduire les dépenses publiques ou
à accroître la pression fiscale déjà dou-
loureusement ressentie, l’instrument
monétaire est utilisé comme un outil de
financement du déficit. C’est encore une
déviation (une perversion) du rôle de la
monnaie, qui n’a jamais été créée par les
agents de l’économie dans ce but. Cette
opération de monétisation de la dette
constitue à nouveau un véritable impôt
déguisé.
Ànouveau, l’inflation finit par se voir, car
les agents vont tout de même être en
capacité de réagir. En effet, l’illusion
monétaire n’a qu’un
temps. Les agents com-
prennent au bout d’un
certain temps que la
masse monétaire supplé-
mentaire n’est pas un
revenu supplémentaire, de
sorte que l’inflation s’ex-
prime sous l’effet de la
prise de conscience des
acteurs : la demande de
monnaie augmente. Si la
demande de monnaie aug-
mente, c’est parce que les
agents n’ont plus le choix
de la qualité de la mon-
naie. Nous ne sommes
plus dans un contexte de
concurrence monétaire,
mais dans un contexte de monopole
administré par une banque centrale.
Alors les agents sont contraints de
demander une plus grande quantité de la
monnaie dépréciée.
Lorsque le louis d’or était déprécié, cela
signifiait qu’il contenait moins d’or. Aussi
les agents demandaient plus de pièces
pour avoir le même poids en or qui per-
mettait d’acquérir une quantité donnée
de biens et services (la vraie richesse).
Lorsque le billet de la banque centrale
est déprécié, c’est parce que le même
billet permet d’acquérir un volume
réduit de biens et de richesses du fait de
la montée du niveau des prix déclenchée
par l’augmentation de la masse moné-
26 Sociétal N° 56 2etrimestre 2007
FINANCES PUBLIQUES
LIVRES ET IDÉES
CONJONCTURES
REPÈRES ET TENDANCES DOSSIER
Le franc suisse
a été originellement
établi en 1850
à parité avec
le franc français.
Au 1er janvier 1999,
lorsque le franc
français s’efface
pour laisser la place
à l’euro, le franc
suisse vaut
425 francs français.
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taire. Les agents sont alors obligés de
demander plus de billets pour acquérir
un volume de biens et services donné,
absorbant cette offre de monnaie addi-
tionnelle.
L’euro : un progrès
dans la lutte contre l’inflation ?
Avec l’illusion monétaire, les agents ne
voient pas tout de suite l’inflation, mais
ils finissent par la voir (surtout si l’on
admet qu’ils forment des anticipations
rationnelles). Mais lorsqu’ils voient enfin
l’inflation, ils ne voient toujours pas que
c’est un impôt.
On définit généralement l’inflation par
son effet le plus visible (l’augmentation
du niveau général des prix) en oubliant la
cause première (la dérive des finances
publiques). On n’éradique pas un phéno-
mène en s’en prenant uniquement à l’ef-
fet.Tout le monde s’en prend à l’inflation
sans comprendre d’où elle vient, ce qui
est une forme plus subtile de l’illusion
monétaire. De ce point de vue, si l’avè-
nement de la monnaie unique a fait
disparaître la hausse des prix (ou du
moins l’a ralentie), a-t-il pour autant
anéanti la cause première de l’inflation ?
Avec l’euro, c’est l’inflation elle-même
qui est déguisée. Elle est déguisée car
son effet a disparu mais non sa cause : les
finances publiques ne sont pas maîtri-
sées, notamment en France, où le pou-
voir politique peine à stopper la dérive
de la dette publique constatée depuis
bientôt trois décennies.
Or, en l’absence d’effets visibles, les
agents ne peuvent même plus réagir, ils
ne peuvent plus se rebiffer contre les
dérèglements qui s’accumulent mais que
l’on ne voit plus. En effet, l’inflation offi-
cielle est faible ; la plupart des prélève-
ments obligatoires basculent soit sur des
prélèvements indirects (TVA), soit sur
des prélèvements à la source (CSG,
RDS, charges). Ce sont des prélève-
ments dits « indolores », car le contri-
buable ne s’aperçoit même plus qu’il les
acquitte. C’est l’aboutissement du pro-
cessus séculier de contrôle politique : les
agents économiques ont perdu la faculté
de se révolter contre les manipulations
du pouvoir. Tout le monde est alors
victime d’une illusion monétaire (on
croit que l’euro est fort) et les gouver-
nants sont pris à leur propre piège :
en l’absence de réaction des acteurs de
l’économie, rien ne peut enrayer les
dérapages endogènes. Les mécanismes
d’autorégulation sont asphyxiés.
Si l’inflation apparente est effectivement
faible dans la zone euro, c’est parce que
la Banque centrale européenne, indé-
pendante du pouvoir politique, fait son
travail en surveillant scrupuleusement la
masse monétaire en circulation. La
masse monétaire étant stable, le niveau
général des prix ne dérape plus.
Pourtant, le pouvoir d’achat des ménages
continue d’être rongé par la montée
de prélèvements qui ne se voient plus,
mais dont la dérive exerce le même
effet d’usure monétaire que l’inflation.
L’inflation des prélèvements (cause de
l’inflation) n’entraîne plus la montée des
prix (effet) parce que la gestion de la
Banque centrale a été séparée de la ges-
tion des budgets publics en fonction du
principe vertueux de séparation des pou-
voirs. Mais son effet ultime sur le pouvoir
d’achat reste là tant que l’on n’aura pas
supprimé la cause de l’inflation et non
simplement ses différentes manifesta-
tions.
CONCLUSION
La gestion de l’euro a été calée sur
celle de la monnaie du pays le plus
vertueux en matière monétaire à l’é-
poque de sa conception, à savoir celle du
deutsche mark. Mais que se passera-t-il si
le pays vertueux dérape ?
N’oublions jamais que le projet de mon-
naie unique est né du rapport Delors,
qui exprime explicitement la volonté de
contrôler le système monétaire euro-
péen dans le cadre d’une régulation
administrative qui s’est essoufflée au
niveau international depuis la fin des
accords de Bretton Woods. C’est la
poursuite logique du SME alors que le
SMI, établi en 1944 à Bretton Woods,
explosait sous l’effet de l’impossibilité de
maintenir artificiellement des changes
fixes et des taux d’intérêt régulés de
manière autoritaire.
Avec l’euro, on s’est attaqué à l’effet le
plus visible de l’inflation (le dérapage de
la masse monétaire qui entraîne un
accroissement des prix), mais non à sa
cause cachée (le dérapage des finances
publiques). Pire, puisque les signaux sont
neutralisés, les acteurs de l’économie ne
peuvent même plus réagir.
Ni les acteurs politiques, d’ailleurs. En
1981, François Mitterrand nomme le
gouvernement Mauroy pour mettre en
œuvre la politique de relance pour
laquelle il fut élu. La mise en œuvre de
cette politique entraîne des dévaluations
en chaîne tellement marquées et visibles
que Pierre Mauroy est démissionné au
profit d’un autre gouvernement chargé
de lutter contre l’inflation (Fabius,
Bérégovoy).Ainsi, les signaux du marché
obligent les gouvernants à réagir, de la
même manière qu’ils contraignent les
acteurs de l’économie à s’adapter.
Aujourd’hui, ces signaux sont neutralisés
et les gouvernants comme les acteurs
croient que l’euro est fort et que l’infla-
tion a disparu. Tout va bien, en somme,
mais pourquoi le pouvoir d’achat fond-il
inexorablement ?
HISTOIRE DES RELATIONS TUMULTUEUSES ENTRE MONNAIE ET FINANCES PUBLIQUES
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Références
M. Friedman, Inflation et systèmes monétaires internationaux,Calmann-Lévy, Paris, 1965.
J. Rueff, L’Âge de l’inflation,Payot, Paris, 1967.
P. Salin, La Vérité sur la monnaie,Odile Jacob, Paris, 1990.
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