prospection en Asie du Sud-Est - UNESDOC

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La Terre :
planète vivante
La tectonique
des plaques
Impact
N ° 145,1987
3 Editorial
5 Présentation
7 La tectonique des plaques, clé de décodag¡e d'une planète vivante
José Achache
25 Flux de chaleur de la Terre et ressources géothermiques
Valiya M.
Hamza
39 Accroissement et collision des continents : prospection
en Asie d u Sud-Est
Charles S. Hutchison
53 Bassins sédimentaires, tectonique des plaques et champs pétrolifères
Bruce Sellwood
63 Des volcans et des h o m m e s
Claude Jaupart
71 La sismicité du Japon : tremblements de terre et tsunamis
Katsuyuki Abe
85 Etude et réalisation des projets de construction parasismique
Anand S. Arya
101 Les sondages à grande profondeur dans la. presqu'île de Kola et la structure
de la croûte terrestre
Oleg L. Kouznetsov
110 Tribune des lecteurs
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Impact : science et société est également publié en anglais, en arabe, en chinois, en
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Russe : Commission de l ' U R S S pour l'Unesco, 9 Prospekt Kalinina, Moskva G - 1 9
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Editorial :
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seule la responsabilité intellectuelle, ainsi que la fabrication et la commercialisation.
A partir du présent numéro, une innovation intervient à propos des deux dernières
fonctions. Désormais, la version française d'Impact paraîtra en coédition avec la
collaboration des Editions Eres, à Toulouse, France.
L'Unesco garde la propriété du titre et la direction d'Impact, tandis que notre
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Sur le plan du contenu nous continuerons l'approche qui confère à Impact son
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maintenus à un niveau très bas, sans aucun rapport avec les coûts. N o u s ne s o m m e s
plus en mesure de continuer à pratiquer ces prix. Nous espérons que nos abonnés
voudront bien faire preuve de compréhension et qu'ils demeureront fidèles à la
revue.
Elle vise, ensuite, à raccourcir les délais de fabrication et à assurer la régularité
des parutions.
Enfin, la coédition devrait permettre d'accroître la circulation de notre périodique, déjà vendu dans plus de cent pays.
Fabriquée plus efficacement, publiée avec régularité et diffusée plus largement,
Impact sera assurée de continuer de servir la communauté mondiale scientifique
grâce à ses éditions française et anglaise, et aussi à ses versions espagnole, russe,
arabe, chinoise et coréenne.
Le thème de ce numéro est l'étude de la tectonique des plaques, et sa conception
doit beaucoup à M . José Achache de l'Institut de physique du Globe de Paris. Qu'il
en soit chaleureusement remercié.
3
Présentation
José Achache
Voilà des siècles que l ' h o m m e observe l'activité sismique et volcanique et qu'il en
subit les effets souvent destructeurs. Les rapports des Anciens sur les catastrophes
naturelles peuvent m ê m e compter parmi les premières observations géophysiques
scientifiques. Pourtant, ce n'est que depuis cinquante ans que l'on c o m m e n c e à
comprendre les mécanismes qui sont à l'origine de cette activité. Jusqu'alors, il
semblait que les catastrophes naturelles pouvaient survenir n'importe quand et
n'importe o ù .
Mais l ' h o m m e exploite également la Terre pour assurer sa subsistance et sa
production. A u xixe siècle, le développement de l'industrie a m ê m e fait ressortir la
nécessité d'une mise en valeur plus systématique des richesses minérales. A cette
époque, les méthodes de prospection étaient encore largement empiriques car l'on ne
possédait guère d'indications sur la répartition des gîtes métallifères et des bassins
houillers.
La formulation des principes fondamentaux de la tectonique des plaques au
cours de la deuxième moitié de ce siècle a modifié la situation. Les sciences de la terre
se sont orientées vers une conception globale de notre planète depuis la cinématique
et la dynamique des phénomènes de surface jusqu'aux couplages thermiques, m é c a niques et chimiques existant entre le noyau, le manteau, la croûte, les océans et
l'atmosphère. Examinée sous ce nouvel angle, la répartition des zones actives et des
ressources naturelles à la surface du globe s'explique par des mécanismes simples.
Il en a résulté que les nombreuses disciplines qui se rattachent à la géophysique
et à la géologie ne pouvaient plus continuer à emprunter des voies parallèles et à
s'ignorer mutuellement. Elles étaient devenues les instruments de tous les spécialistes
des sciences de la terre qui souhaitaient étudier et comprendre les phénomènes
naturels dont notre globe est le théâtre. Ainsi la compréhension de la structure et,
partant, du comportement mécanique de la lithosphère, qui constitue la première
étape de l'évaluation des risques sismiques, passe par l'analyse de multiples paramètres différents tels que la vitesse des ondes élastiques, la gravité, la topographie, la
tectonique à différentes échelles, le flux de chaleur et le magnétisme.
L'article qui suit décrit les principes fondamentaux de la tectonique des plaques
dans le contexte de leur découverte. Il montre qu'à l'échelle mondiale cette théorie
offre le cadre voulu à l'étude des phénomènes naturels.
V . H . H a m z a représente la Terre c o m m e une énorme machine thermique — il
serait plus exact de dire une centrale nucléaire — qui fournit l'énergie nécessaire aux
mouvements des plaques et à tous les phénomènes de surface qui leur sont associés.
Il dresse ensuite un tableau mondial des ressources géothermiques que l ' h o m m e peut
5
Impact : science et société, n° 145,
5-6
José Achoche
domestiquer pour son usage. L'importance fondamentale de la chaleur sur la Terre
est illustrée en outre par le rôle qu'elle joue dans la formation des richesses minérales.
Après leur constitution, les dépôts minéraux sont transportés par les plaques en
mouvement. C . S . Hutchison montre c o m m e n t la tectonique des plaques concentre
ces dépôts le long de ceintures telles que les arcs volcaniques résultant de la subduction et les zones de collision intracontinentale qui sont particulièrement développées
en Asie du Sud-Est.
B. Sellwood décrit les conditions qui doivent être successivement réunies pour
permettre la formation d'hydrocarbures. Bien que ces contraintes soient assez rigoureuses, on peut expliquer, grâce à la tectonique des plaques, que plusieurs environnements fournissent un cadre propice. Cette théorie donne donc des indications sur la
répartition mondiale de nombreuses réserves.
Les éruptions volcaniques sont la manifestation la plus spectaculaire de l'activité interne de la Terre. D a n s le cinquième article, C . Jaupart décrit les principales
caractéristiques des volcans de notre planète et analyse leur impact sur les sociétés
humaines. C h o s e surprenante, il montre que les volcans ne sont pas uniquement u n
facteur de destruction mais favorisent parfois le progrès.
K . A b e explique en détail la sismicité d u Japon et la survenue des tsunamis,
dont certains sont provoqués par des tremblements de terre souterrains. Il montre
comment cette activité se répartit par rapport aux zones de subduction, notion
fondamentale de la tectonique des plaques.
Ce que nous savons aujourd'hui de la tectonique des plaques nous permet de
bien connaître la répartition mondiale et la fréquence des séismes. Cependant, la
prévision précise de phénomènes particuliers, notamment dans les régions continentales, n'est pas encore à notre portée. A . S . A r y a montre que si la prévision n'est
guère en mesure de contribuer à l'atténuation des risques liés aux tremblements de
terre, nous s o m m e s maintenant capables de concevoir et de construire des bâtiments
parasismiques.
Dans le dernier article, O . L . Kouznetzov rend compte d u projet de forage profond entrepris par l'Union soviétique dans la péninsule de Kola. C e travail illustre les
limites fondamentales des études directes de l'intérieur de la Terre. Il montre cependant que, m ê m e à une profondeur relativement faible, les observations in situ peuvent être assez différentes des valeurs obtenues à partir des observations de surface,
alors que la démarche de modélisation reste l'outil fondamental des spécialistes des
sciences de la terre.
6
La tectonique
des plaques,
clé de décodage
d'une planète vivante
José Achache
Depuis 1950, de nouveaux concepts se sont rapidement développés dans le domaine des
sciences de la terre. La façon dont nous nous représentons notre planète s'est trouvée
modifiée à de multiples égards jusqu'à ce qu'on parvienne, enfin de compte, à la théorie
de la tectonique des plaques. Les phénomènes sismiques, volcaniques et tectoniques
observés à la surface du globe sont désormais considérés comme une conséquence d'une
intense activité intérieure et leur étude ne peut plus être dissociée de celle de la structure
interne de la Terre. Cette approche globale aide puissamment à comprendre la genèse
des catastrophes et à mener de manière plus efficace les activités de prospection des
ressources naturelles.
La Terre a été longtemps considérée c o m m e une planète vieillissante donnant des
signes aléatoires d'activité localisés, dont la structure géologique était héritée d u
passé et fixée pour l'éternité. Cette conception statique tenait à l'impossibilité de
prospecter toute la surface du globe et de l'observer à une échelle véritablement
planétaire. A u contraire, l'idée qui c o m m e n c e à s'imposer aujourd'hui est celle d'une
planète en évolution lente mais constante. L e premier témoignage de cette activité
interne permanente nous est donné par la répartition des altitudes à la surface de la
Terre. E n effet, la topographie résulte de l'action combinée de l'activité interne, qui
crée le relief, et de l'érosion. Si la Terre n'était plus active, les montagnes auraient
tendance à s'éroder, pendant que les vallées et les bassins océaniques s'empliraient de
sédiments, de sorte qu'avec le temps, l'altitude m o y e n n e tendrait vers zéro. La réalité
est toute autre, puisqu'une analyse à l'échelle mondiale révèle une répartition bimodale des altitudes moyennes, avec deux m a x i m a à - 4 5 0 0 m (profondeur m o y e n n e des
océans) et à + 100 m (élévation m o y e n n e des continents) (voir figure 1). Une dynamique, attestant que la Terre est une planète vivante, doit donc être à l'origine d u
maintien de cette topographie.
Mais les observateurs n'ont pas accès à l'intérieur de la Terre et toutes les études
des processus et des structures internes doivent s'appuyer sur des observations indirectes. C'est là u n autre facteur qui a beaucoup compliqué notre tâche. Il explique
José Achache est chargé de recherches à l'Institut de physique du globe de Paris. Ses travaux actuels ont
trait à l'analyse des mesures par satellite du champ magnétique terrestre, en privilégiant plus particulièrement le champ d'origine crustale et ses implications pour la détermination de la structure profonde de
la croûte continentale. Son adresse est la suivante : Département de géomagnétisme et de paléomagnétisme, Institut de physique du globe de Paris, 4 place Jussieu, 75252 Paris (France).
7
Impact : science et société, n° 145,
7-23
José Achoche
Figure 1
Graphique montrant
le pourcentage de
la surface terrestre à
diverses altitudes.
La crête A correspond à
l'altitude moyenne des
continents, la crête B à
la profondeur moyenne
des océans. D'après
Allèque (1984).
Pourcentage
de surface
terrestre
20%
Niveau
delà
mer
-
10% -
100m
-4500m
Altitude
que les progrès des sciences de la terre ont souvent été liés à ceux de la technologie.
La découverte de structures de grande dimension - les plaques tectoniques - est une
conséquence directe des activités d'exploration de zones très étendues d u fond des
océans menées après la Deuxième Guerre mondiale par des navires océanographiques modernes et bien équipés. L a répartition des epicentres des tremblements de
terre dans le m o n d e n'a p u être établie q u e grâce à la mise au point d'une nouvelle
génération de sismomètres extrêmement sensibles. Plus récemment, l'apparition des
techniques spatiales a autorisé une observation vraiment globale de notre planète.
Ces techniques nous renseignent de façon remarquable sur les profondeurs de la
Terre, permettent la surveillance continue des mouvements de la croûte et offrent u n
nouveau m o y e n de prospection planétaire des ressources naturelles.
L a masse stable et stratifiée que se représentaient les scientifiques du XIX e siècle
est désormais remplacée par u n système unifié dans lequel les mouvements de surface sont associés à des processus internes à de vastes échelles spatio-temporelles. O n
ne peut comprendre les phénomènes superficiels sans étudier l'intérieur de la planète.
Cette relation intime qui existe entre, d ' u n e part, la géologie de surface et, d'autre
part, la géophysique et la géochimie internes est devenue le principe fondamental des
sciences de la terre modernes.
D e la dérive des continents à la tectonique des plaques
La dérive des continents
A u début de ce siècle, Alfred Wegener, météoroligiste allemand, a lancé l'idée que
tous les continents auraient autrefois constitué u n bloc unique auquel a été d o n n é le
n o m de Pangée ' (voir figure 2). Il y a quelque 300 millions d'années, ce supercontinent a c o m m e n c é à se disloquer. L ' A m é r i q u e , en s'éloignant de l'Afrique, a donné
naissance à l'Atlantique. D e m ê m e , l'océan Indien a résulté de la séparation de
l'Afrique, de l'Inde, de l'Australie et de l'Antarctique. Cette hypothèse de vastes
déplacements horizontaux des continents à la surface de la terre (sur des milliers de
kilomètres) allait très nettement à l'encontre de toutes les théories géologiques de
Tectonique des plaques
20°E
20°E
Figure 2
Reconstitution par Wegener de la masse continentale de la
« Pangée », il y a approximativement 200 millions d'années.
La Panthalassa (mot qui signifie « toutes les mers ») est
devenue l'océan Pacifique, tandis que la Méditerranée est un
vestige de la Téthys. La partie ombrée représente le glacier
polaire, qui aurait recouvert le sud du Gondwana au cours
du Permien, ce qui explique les dépôts glaciaires trouvés en
Amérique du Sud, en Afrique, en Inde et en Australie.
Adapté de Press et Siever (1978).
l'époque. Les processus géologiques c o m m e la formation des montagnes étaient
interprétés, en effet, c o m m e le résultat de déplacements verticaux locaux de la croûte
de faible envergure (quelques kilomètres). Le débat entre les conceptions « fixiste » et
« mobiliste » de l'histoire de la Terre était ouvert.
L'hypothèse de W e g e n e r se fondait, pour c o m m e n c e r , sur les similitudes m o r phologiques frappantes entre le littoral africain et celui de l'Amérique du Sud. Mais
Wegener poursuivit son idée, faisant appel, pour accumuler des preuves de l'existence de la Pangée, à la paléontologie, à la sédimentologie, à la minéralogie et à bien
d'autres disciplines. L a paléontologie montre que des espèces semblables ont vécu à
la m ê m e époque de part et d'autre de l'Atlantique Sud. U n grand n o m b r e de ces
espèces ( c o m m e les mésosauriens) étant strictement continentales, les terres o ù on en
a trouvé des vestiges ont dû être reliées dans le passé. L a flore à glossopteris du
Carbonifère (datant d'environ 300 millions d'années), bien incapable elle aussi de
traverser u n océan, est néanmoins répandue sur tous les continents de l'hémisphère
Sud. Les dépôts glaciaires de la m ê m e période délimitent une calotte polaire continue quand tous les continents de l'hémisphère S u d sont placés dans la position
correspondant à l'hypothèse de Wegener (figure 2).
La théorie de la dérive des continents élaborée par Wegener a permis de c o m prendre beaucoup d'autres observations qui restaient assez déroutantes, mais elle a
surtout eu le mérite de fournir la première explication satisfaisante de la formation
9
José A chache
des montagnes. Toutefois, Wegener n'a pas réussi à identifier les forces qui propulsaient les continents sur des distances aussi grandes et recelaient suffisamment
d'énergie pour faire surgir des montagnes. A la suite de Sir Harold Jeffreys, eminent
géophysicien britannique, la majorité des spécialistes des sciences de la terre réfutèrent la théorie de Wegener qui t o m b a peu à peu dans l'oubli après vingt ans de
controverse.
Les enregistrements du champ
magnétique
C o m m e son déclin, le renouveau de la théorie de la dérive des continents est venu d u
R o y a u m e - U n i , vers la fin des années 50, avec l'étude de l'aimantation naturelle des
roches.
U n c h a m p magnétique fort engendré dans le noyau existe à la surface de la
Terre. D e 2900 à 5000 k m de profondeur, le noyau externe est surtout composé de
fer et se comporte c o m m e un liquide. C'est donc u n b o n conducteur électrique. O n
considère que le c h a m p magnétique est constamment entretenu par des processus
qui mettent en jeu la convection d ' u nfluideconducteur dans le noyau externe qui
joue le rôle d'une d y n a m o . Les roches crustales qui contiennent des minéraux
magnétiques sont aimantées par le c h a m p créé dans le noyau. Cette aimantation
peut parfois être « gelée » pendant des millions d'années, créant dans les roches une
aimantation rémanente parallèle à la direction d u c h a m p ambiant de l'époque à
laquelle elles se sont formées. Cette propriété des roches crustales à conserver le
souvenir du c h a m p magnétique terrestre du passé a été à l'origine du renouveau de la
théorie de la dérive des continents.
Le c h a m p terrestre principal (le c h a m p engendré par le noyau) a deux propriétés
remarquables. Premièrement, il est presque dipolaire ; en d'autres termes, il ressemble au c h a m p qui serait créé par u n barreau aimanté situé au centre de la Terre
(figure 3). C'est pourquoi l'aiguille d'une boussole indique toujours le pôle nord
Pôlev
"N
NordN
géographique \
x\
Pôle
'Nord
/ magnétique^
y"
/
/
N ^ '
\
Figure 3
\
i
Le champ magnétique
de la Terre ressemble
beaucoup à celui qui
serait créé par un
gigantesque barreau
aimanté situé au centre
de la Terre et
légèrement incliné par
rapport à l'axe de
rotation.
10
Tectonique des plaques
magnétique. Deuxièmement, il subit des inversions de polarité au cours desquelles le
Nord magnétique bascule d u côté du Sud géographique et réciproquement. L a
première propriété permet de déterminer la position du pôle nord en mesurant la
direction de l'aimantation dans les roches crustales à n'importe quel point de la
surface de la Terre. E n effectuant ce genre de mesures sur des roches provenant de
divers continents, S . K . Runcorn et E.Irving 2 , géophysiciens britanniques, ont
observé des disparités systématiques dans la direction des pôles magnétiques déduite
de roches d u m ê m e âge mais d'origines différentes. E n outre, des roches d'âges différents recueillies dans un lieu donné ont révélé une migration régulière de la position
des pôles avec le temps. Cette apparente migration des pôles impliquait que, soit ces
derniers, soit les continents avaient véritablement dérivé. Toutes ces observations les
ont amenés à conclure qu'il y avait eu effectivement dérive continuelle des continents. E n outre, ils ont p u montrer que les mouvements des continents ainsi calculés
aboutissaient à une position proche de celle proposée par Wegener dans sa reconstitution de la Pangée.
Expansion des fonds océaniques
Mais le principal obstacle demeurait. Quelle pouvait être la cause de ce m o u v e m e n t
et quelle est la force qui est à l'origine de la dérive des continents? La réponse devait
venir de l'étude des fonds marins.
La carte topographique du fond des océans révèle plusieurs caractéristiques
dont la principale est un réseau de dorsales de 2000 à 4000 m de haut et d'environ
2000 k m de large qui sillonne les océans Atlantique, Indien et Pacifique. Elles c o m portent une vallée axiale analogue à la « rift valley » de l'Afrique orientale. Autre
caractéristique qui ne le cède qu'à la première en importance : des fosses profondes
bordent le nord et l'ouest de l'océan Pacifique au long des îles Aléoutiennes, d u
Japon, des Mariannes et des Philippines.
Des mesures géophysiques de toutes sortes effectuées par des navires de
recherche ont permis de déterminer de nombreuses propriétés fondamentales de la
croûte océanique. Des profils de sismique réflexion ont montré que cette croûte est
beaucoup plus mince que la croûte continentale et qu'elle est essentiellement c o m p o sée de roches basaltiques et non de granites. L a couche de sédiments est aussi
étonnamment mince, eu égard à l'âge des océans et au taux de sédimentation
observé, et son épaisseur augmente à mesure qu'on s'éloigne des dorsales. D e s
mesures de la gravité ont révélé de fortes anomalies au-dessus des fosses et, à u n
moindre degré, des dorsales. Les dorsales médio-océaniques sont également apparues c o m m e des régions où le flux thermique est anormalement élevé, ce qui est u n
signe d'activité volcanique. Toutes ces observations ont conduit à la formulation de
l'hypothèse de l'expansion des fonds océaniques3 dans u n article que son auteur
qualifiait lui-même d'essai en géopoésie. Selon cette hypothèse, les dorsales médioocéaniques sont des zones d'accrétion où le fond de l'océan est constamment renouvelé par la remontée de matériaux du manteau. C e nouveau fond s'éloigne ensuite
des dorsales volcaniques et traverse les bassins océaniques. Parvenu au niveau des
fosses, il plonge et est résorbé dans le manteau, entraînant les sédiments déposés au
cours de son voyage à travers l'océan. O n pense que le fond des océans se déplace
constamment à la surface de la Terre et se recycle par apport du manteau en moins
de 200 millions d'années. C e modèle a été confirmé par la répartition planétaire des
11
José Achoche
tremblements de terre établie au début des années 60 (figure 4). Elle montre que la
grande majorité des séismes se produisent le long des dorsales et des fosses, et que
près de ces dernières, ils sont beaucoup plus violents et situés plus loin à l'intérieur
du manteau (jusqu'à 700 k m ) .
La lacune qui subsistait dans la théorie de Wegener pouvait alors être facilement comblée. Les continents, au lieu de dériver sur le manteau sous-jacent, sont
entraînés par le mouvement d'une couche superficielle relativement épaisse comprenant la croûte, tant des océans que des continents, et la partie supérieure d u m a n teau 4 . Cette couche, appelée lithosphère, se forme à l'endroit des dorsales
médio-océaniques où les matériaux du manteau remontent, puis se refroidissent et se
solidifient, et dérive ensuite à la surface de la Terre pour finir par replonger dans le
manteau le long des fosses. E n fait, dès 1931, H o l m e s 5 avait soutenu que la dérive
des continents était associée à la convection d u manteau et était donc due à des
forces thermiques. D e fait, le manteau terrestre est chauffé par la désintégration
d'isotopes radioactifs (de l'uranium, du thorium et du potassium). Etant donné que
la température augmente avec la profondeur dans le manteau, les roches chaudes
profondes présentent une instabilité gravitationnelle par rapport aux roches plus
froides et plus denses proches de la surface. Il en résulte un m o u v e m e n t de convection où les roches froides descendent dans les profondeurs d u manteau et o ù les
roches chaudes montent vers la surface. C e comportement, qui, sur de longues
périodes, est analogue à celui d'un fluide, est longtemps demeuré une énigme car il
ne fait pas l'ombre d'un doute que le manteau est à l'état solide.
La preuve la plus convaincante de l'expansion des fonds océaniques est fournie
par les anomalies magnétiques observées dans les océans 6 . Les roches basaltiques de
Figure 4
Epicentres d'environ 30000 tremblements de terre enregistrés
au cours des années 1961-1967. Profondeur de foyer de 0 à
700 k m . Epicentres définis par le U.S. Coast and Geodetic
Survey. Etabli sur ordinateur par M . Baranzangi et
J. Dormán, Université Columbia. A comparer avec la figure 5.
12
Tectonique des plaques
75"
90'
105"
Figure 5
120"
135"
150"
165"
180"
1C5"
150"
135"
120"
105"
90"
75"
60"
45"
30"
15"
0"
15"
30"
45"
60'
75"
90*
Répartition des principales plaques lithosphériques. D'après
Turcotte et Schubert (1982).
la croûte océanique sont riches en minéraux ferromagnétiques et peuvent donc
s'aimanter fortement. A u niveau des centres d'expansion, le basalte se refroidit dans
le c h a m p magnétique ambiant et s'aimante dans la direction parallèle à ce c h a m p .
Ainsi, la direction du c h a m p au cours d'une période donnée est « gelée » dans la
portion de la croûte créée durant cette période. Etant donné que la croûte océanique
se renouvelle constamment, son aimantation changera si cette direction change (en
particulier si elle s'inverse), les fonds marins enregistrant, c o m m e une bande magnétique, l'évolution du c h a m p magnétique terrestre, ou autrement dit ses inversions de
polarité successives. E n révélant systématiquement la m ê m e succession d'inversions
du c h a m p magnétique, les profils des anomalies magnétiques recueillis dans les
océans confirment que de telles inversions ont bien eu lieu (ce qui n'était pas évident)
et qu'une expansion symétrique des fonds marins se produit de part et d'autre des
dorsales. E n outre, étant donné que les inversions du c h a m p peuvent être datées en
analysant les colonnes de sédiments, on dispose ainsi d'un m o y e n de mesurer le
rythme de l'expansion océanique.
La tectonique des plaques : un modèle unificateur
Selon la théorie de la tectonique des plaques 789 - la couche externe de la Terre, la
lithosphère, est composée de treize plaques rigides contiguës, minces, mobiles les
unes par rapport aux autres, avec des vitesses de l'ordre de quelques centimètres par
an (figure 5). Le principe fondamental de cette nouvelle théorie est que la lithosphère
est rigide et donc que le mouvement de chaque plaque obéit à des lois géométriques
simples. U n e fois déterminés les paramètres de ce mouvement (ce qui n'implique
qu'un très petit nombre de mesures), on peut prévoir les déplacements relatifs des
plaques en n'importe quel point de leurs frontières. E n outre, cette propriété explique que toute l'activité tectonique observable sur notre planète - la majorité des
tremblements de terre, des éruptions volcaniques et des mouvements orogéniques -
13
José Achoche
se produise aux frontières de plaques. D e s études sismiques ont révélé l'existence
d'une couche de fusion partielle dans le manteau, située immédiatement sous la
lithosphère. Cette couche, appelée asthénosphère, autorise le m o u v e m e n t de la lithosphère sur le manteau inférieur solide.
Une nouvelle conception de la Terre
Formées au niveau des dorsales, les frontières d'accrétion, les plaques convergent au
niveau des fosses où l'une d'elles plonge dans le manteau selon u n processus appelé
subduction. D a n s certains cas, deux plaques peuvent glisser l'une contre l'autre sans
qu'il y ait divergence ni convergence. L a frontière est alors une faille transformante,
c o m m e , par exemple, la faille de San Andreas en Californie, qui sépare la plaque
Pacifique de la plaque nord-américaine. Plus au nord, la frontière entre ces deux
plaques devient une zone de subduction, ce qui illustre le fait que la nature d'une
frontière entre deux plaques données dépend de son orientation par rapport au
m o u v e m e n t relatif des plaques.
La majorité des phénomènes catastrophiques se produisant aux frontières de
plaques, ils doivent être liés aux processus qui y interviennent. A cet égard, les
frontières d'accrétion n'ont pas un grand intérêt car o n n'y observe qu'une activité
légère et continue. E n outre, les dorsales sont situées au milieu des bassins océaniques, à l'exception de l'Islande et de la République de Djibouti. Toutefois, leur étude
est utile pour la prospection des minéraux. Elles sont en effet le siège de minéralisations importantes associées à l'activité volcanique et hydrothermale (voir l'article de
H a m z a ) . Les failles transformantes sont également rares sur les continents. Elles
sont associées à une intense activité sismique (le tremblement de terre de 1906 a
détruit la ville de San Francisco). D e grandes failles à décrochement horizontal
analogues à ces failles transformantes sont observées à l'intérieur de certaines plaques continentales, ce qui laisse prévoir u n comportement plus complexe de ces
plaques (la faille d'Altyn T a g h en Chine, la faille nord-anatolienne en Turquie, etc.)
et, c o m m e les failles transformantes, elles peuvent être à l'origine de séismes destructeurs.
Les zones de subduction ont tendance à être situées plus près des régions
habitées et elles représentent donc une cause majeure d'éruptions volcaniques ou de
tremblements de terre dévastateurs. Les frontières de plaques convergentes sont
également des lieux où interviennent des processus générateurs de grands gisements
minéraux. L'Amérique centrale et l'Amérique du Sud fournissent un exemple typique de zone de subduction, à l'endroit o ù la plaque des Cocos et celle de Nazca
plongent sous celles des Caraïbes et de l'Amérique du Sud (figure 5). L a fosse du
Mexique-Pérou-Chili et les Andes sont les principales caractéristiques topographiques associées à cette subduction. Cette zone est également le siège des plus grands
séismes jamais enregistrés ainsi que d'éruptions volcaniques meurtrières. Rien qu'en
1986, deux violents tremblements de terre ont frappé Mexico et San Salvador et
l'éruption du volcan Nevado del Ruiz a détruit la ville d ' A r m e r o en Colombie. D e s
tremblements de terre se produisent sur la zone de failles qui sépare la plaque
plongeante de la lithosphère qui la chevauche. Des séismes dont le foyer se situe à de
plus grandes profondeurs (jusqu'à 700 k m ) sont enregistrés à l'intérieur de la plaque
descendante (figure 6). Le long des zones de subduction, le volcanisme a une géométrie particulière. Les volcans s'échelonnent régulièrement le long d'une ligne paral-
14
Tectonique des plaques
Figure 6
Schéma indiquant les caractéristiques et les activités associées
à la subduction c o m m e celle de la chaîne de montagnes
des Andes (proportions non respectées). Les tremblements de
terre sont indiqués par des étoiles noires.
lèle à la subduction. L a distance entre cette ligne et la fosse dépend de l'angle de
plongée de la plaque dans le manteau car le processus de fusion qui crée le m a g m a ne
peut se produire qu'à une profondeur donnée. L'inclinaison de la plaque en subduction est également liée à la nature des structures tectoniques qui se forment sur le
bord avant de la plaque chevauchante. Lorsque l'angle de plongée est faible (inférieur à 45°), la zone de subduction est bordée d'une chaîne de montagnes telle que les
Andes en Amérique du Sud. Sinon, u n bassin marginal se forme entre la fosse et le
continent, c o m m e au Japon ou aux Mariannes où l'inclinaison de la plaque dépasse
75° (voir la figure 7 et l'article d ' A b e ) .
Le volcanisme s'observe également à l'intérieur des plaques c o m m e par exemple
à H a w a i , qui est située au milieu de la plaque Pacifique (voir figure 5). M o r g a n 1 0 a
tenté d'expliquer ce volcanisme par l'existence de panaches formés dans le manteau
inférieur qui, en s'élevant, entraîne une fusion partielle près de la surface. Cette
observation bat en brèche le modèle précédemment admis, suivant lequel le manteau
comprendrait de grandes cellules de convection et conduit à envisager qu'elle y
intervient selon au moins deux échelles.
L a tectonique des plaques et l'évaluation des risques
sismiques
L'étude de la répartition des tremblements de terre a joué u n rôle fondamental dans
la découverte de la tectonique des plaques. O n observe qu'ils sont concentrés au
15
José Achoche
Création d ' u n .
fossé
Extension
Sédiments
plissés
Océan
Sédiments
.volcaniques
Sédiments
continentaux
Fosse
¡^¿fi^^^i^m
Subduction de la
croûte ocánique
Manteau
Formation de m a g m a
par fusion partielle
Figure 7
Fusion partielle
du manteau
supérieur
Souvent, un bassin marginal se forme derrière des arcs
insulaires volcaniques où la croûte océanique plonge sous
une marge continentale.
niveau des dorsales médio-océaniques, des failles transformantes et des zones de
subduction. D a n s le cas de la subduction, on considère que les hypocentres (ou
foyers) des séismes sont situés dans le plan de la plaque plongeante, jusqu'à une
profondeur de 700 k m (figure 6).
U n tremblement de terre résulte de la libération soudaine de l'énergie élastique
emmagasinée dans la lithosphère par le m o u v e m e n t continu des plaques. La rupture
se produit généralement le long de failles préexistantes lorsque la quantité d'énergie
accumulée dépasse le seuil de glissement des roches le long de ces failles. C'est
pourquoi la prévision des séismes, en particulier dans les zones continentales, passe,
dans u n premier temps, par l'établissement d'une carte détaillée de toutes les failles
existantes. Il est également important d'essayer de dater le dernier événement qui
s'est produit au niveau de chaque faille. E n fait, l'évaluation des risques sismiques
repose essentiellement sur l'identification d'une possible organisation spatiale ou
temporelle dans la distribution et la fréquence des secousses. Par exemple, on a
observé la migration progressive vers l'ouest des epicentres des grands tremblements
de terre qui se sont produits le long de la faille nord-anatolienne en Turquie depuis le
début de ce siècle. E n outre, ces tremblements de terre sont survenus avec une
quasi-périodicité d'une dizaine d'années. L'étude de la répartition de l'activité sismique le long des zones de subduction révèle quelquefois que cette activité est considérablement réduite dans certaines parties de ces zones, appelées « gaps » sismiques.
O n suppose que l'énergie élastique s'y accumule puisqu'elle ne semble pas être
libérée par microsismicité. Il y a donc une plus grande probabilité que de violents
tremblements de terre s'y produisent.
O n parle plus fréquemment d'évaluation du risque que de prévision car aucune
technique ne s'est encore révélée efficace pour prédire les tremblements de terre. Les
géophysiciens chinois ont réussi à en prévoir quelques-uns, en particulier le grand
16
Tectonique des plaques
tremblement de terre de Hai Cheng (1975), pour lequel un avis d'alerte a été diffusé
cinq heures seulement avant la principale secousse. U n e telle prédiction n'a été
rendue possible que par la remarquable organisation de la société rurale chinoise où
les phénomènes naturels ont pu être efficacement observés et signalés. Mais le tremblement de terre de Tangshan, qui a eu lieu environ u n an plus tard dans une zone
urbaine et qui a tué plus de 700000 personnes, n ' a pu être prévu.
Plusieurs propriétés d u sol semblent se modifier avant les tremblements de terre
et peuvent servir de signes précurseurs. Les fissures et les crevasses des roches
s'ouvrent et se dilatent, produisant une déformation locale du terrain sur de grandes
distances. Les propriétés électriques d u sol également semblent être altérées. D e s
scientifiques grecs ont constaté, avant des séismes, de fortes variations du signal
électrique enregistré dans le sol. Toutefois, aucune relation causale n'a été d é m o n trée entre les séismes et ces signes précurseurs. L'eau semble jouer un rôle important
dans ces phénomènes. O n a constaté qu'il y avait une corrélation entre le nombre de
petits tremblements de terre et la quantité d'eau résiduelle injectée dans le sol au
m o y e n d ' u n puits profond à Denver (Etats-Unis). L'eau peut faire office de lubrifiant sur les failles et empêcher ainsi l'emmagasinage d'une grande quantité d'énergie
dans le sol, celle-ci étant alors libérée par microsismicité et non sous forme de grands
tremblements de terre.
La figure 4 montre q u ' u n faible pourcentage des tremblements de terre se
produit à l'intérieur des plaques continentales, en particulier dans les régions
méditerranéo-alpine et tibéto-himalayenne. Ces tremblements de terre qui, dans
certains cas, peuvent être très destructeurs résultent de la collision de deux continents (figure 8). E n raison de sa densité relativement faible, un continent ne peut pas
plonger quand il atteint une zone de subduction. E n conséquence, la convergence des
deux plaques se traduit par la déformation d'une o u des deux masses continentales
jusqu'à ce qu'une position plus favorable (du point de vue énergétique) à la subduction soit atteinte. U n e collision entre deux continents c o m m e l'Inde et l'Eurasie
produit une frontière de plaques plus diffuse qu'elle ne le serait dans les océans. L e
début de cette collision remonte à une cinquantaine de millions d'années. Et aussi
surprenant que cela soit, l'Inde, aujourd'hui, continue d'avancer vers le nord à une
vitesse dépassant 2 c m par an. C e m o u v e m e n t continu a produit un raccourcissement
crustal d'environ 2000 k m de la plaque asiatique. Tapponnier et ses collaborateurs "
ont montré que cette convergence entraîne d'importantes déformations loin vers le
nord (jusqu'à hauteur d u lac Baïkal). D e grandes failles à rejet horizontal qui s'étendent sur plusieurs milliers de kilomètres se sont formées en Chine, et de vastes blocs
crustaux s'échappent latéralement le long de ces failles, permettant à l'Inde de
poursuivre sa dérive vers le nord. Ces failles se sont formées en se propageant à
travers une croûte non faillée précédemment. Il est donc très difficile de prévoir les
tremblements de terre qui sont liés à ce p h é n o m è n e .
L a tectonique des plaques et les ressources minérales
Avec l'accroissement de la population et l'industrialisation d ' u n n o m b r e toujours
plus élevé de pays, la d e m a n d e mondiale en ressources minérales ne peut que grossir.
E n fait, la consommation de ces ressources augmente plus vite que la population
dans tous les pays industrialisés.
La transformation des ressources minérales et la fabrication de produits m a n u -
17
José
Figure 8
Achoche
Chaîne
volcanique
Stades possibles de la
collision des plaques :
a) Convergence frontale
entre u n e plaque de
lithosphère continentale
et une plaque de
lithosphère océanique ;
b) Collision de
continents, entraînant
la formation d'une
chaîne de montagnes
et d'une ceinture
m a g m a t i q u e et
l'épaississement de la
croûte continentale.
Les m o u v e m e n t s des
plaques peuvent
s'arrêter à ce stade ;
c) Il peut également
arriver q u e la plaque
se brise et qu'une
nouvelle zone de
subduction apparaisse
ailleurs. U n e zone de
subduction éteinte peut
demeurer pour former
une chaîne de
montagnes à l'intérieur
d'un continent (par
exemple l'Oural).
Zone d e
subduction
Chaîne de montagnes
facturés nécessitent des quantités d'énergie sans cesse plus considérables. Contrairem e n t a u x ressources minérales qui n e sont q u e recyclées et dispersées à la surface d e
la terre p a r l'activité h u m a i n e , l'énergie est, d ' o ù qu'elle provienne (bois, c h a r b o n ,
pétrole, géothermie, nucléaire), irrémédiablement p e r d u e p o u r l'univers u n e fois
utilisée.
L ' h o m m e extrait les ressources minérales d u sol depuis des siècles et cette
activité a pris u n e a m p l e u r impressionnante avec le t e m p s . D e ce fait, la plus g r a n d e
partie d e la surface des continents a été explorée p a r les géologues et la plupart des
gisements affleurant à la surface ont p r o b a b l e m e n t été découverts. L'exploration
future d e v r a d o n c s'orienter vers les z o n e s plus éloignées et m o i n s accessibles c o m m e
les f o n d s m a r i n s , les continents polaires, la croûte p r o f o n d e et, plus tard, les autres
planètes. Cette t e n d a n c e est confirmée p a r l'accent m i s aujourd'hui sur l'exploration
o c é a n i q u e et polaire et sur l'établissement d e profils sismiques d a n s la croûte p r o f o n d e des continents p a r des c o n s o r t i u m s placés sous le d o u b l e parrainage d ' o r g a nismes scientifiques et industriels ( C O C O R P aux Etats-Unis et E C O R S en France).
Dans ce contexte, les méthodes géologiques se périmeront progressivement et seront
remplacées par des techniques d'exploration et des concepts appartenant à la
géophysique et à la géochimie. Tout d'abord, il sera nécessaire de mieux comprendre
18
Tectonique des plaques
les processus internes qui sont à l'origine de la minéralisation. Afin de mieux localiser les gisements, il sera primordial de connaître avec précision la relation entre la
tectonique des plaques et le dépôt des minéraux.
L'exploitation de ces gisements deviendra également plus coûteuse et l'activité
minière future, en mer c o m m e sur les continents, nécessitera toujours plus d'énergie.
Ce facteur, associé à l'industrialisation rapide des pays en développement, accroîtra
la d e m a n d e d'énergie. L'intérêt stratégique de nouvelles activités de recherche de
pétrole risque donc d'être mis en évidence dans u n proche avenir.
La formation du pétrole
La formation et l'accumulation du pétrole impliquent une succession déterminée
d'événements et supposent que des conditions précises soient réunies. D e grandes
quantités de matière organique doivent d'abord être produites et emmagasinées dans
un milieu dépourvu d'oxygène, puis enfouies sous des sédiments où elles pourront
rester piégées. Il convient donc que le milieu ne soit pas soumis à de fortes déformations tectoniques qui provoqueraient la fuite ou l'altération des huiles en cours de
formation stockées dans des sédiments poreux. Bien que ces conditions soient rigoureuses, elles se trouvent toutes remplies dans l'ordre qui convient pour deux types
classiques de formations qui résultent l'une et l'autre du m o u v e m e n t des plaques 12 :
les bassins marginaux et les marges passives des continents.
Lorsque la subduction se produit le long de la marge d'un continent et que
l'angle de plongée est suffisamment ouvert, une mer marginale se forme derrière l'arc
dessiné par la chaîne de volcans (voir ci-dessus et figure 7). Ces bassins sont particulièrement développés le long de la côte est de l'Asie : m e r de Bering, mer d'Okhotsk,
mer du Japon, mer Jaune, mer de Chine orientale et m e r de Chine méridionale. C e
genre de milieu est favorable à l'accumulation et à la maturation du pétrole, puisque
la matière organique est piégée derrière l'arc insulaire et que la fosse, en détournant
la circulation océanique profonde, empêche l'oxydation. L e taux de sédimentation
étant très élevé dans ces bassins, la matière organique déposée est facilement piégée.
Enfin, les forces tectoniques d'extension ne produisent que des plissements mineurs
qui, associés aux couches de sel, peuvent créer des conditions propices à l'emmagasinage du pétrole au cours des temps géologiques.
Des conditions analogues sont créées lors de la formation des marges passives,
ou autrement dit des premiers stades de la fragmentation d'un continent. U n océan
étroit et peu profond se constitue entre les deux masses continentales qui se séparent
à la suite de la phase initiale de fracturation (voir figure 9). U n e intense sédimentation terrigène se produit et les principales forces tectoniques sont des forces d'extension. L a subsidence progressive des marges favorise la constitution de dépôts de sel
qui fournissent des pièges efficaces pour les formations de pétrole.
Minéraux
Les gisements minéraux hydrothermaux, et en particulier les sulfures, représentent
une proportion importante des minerais métalliques connus. L a répartition de ces
gisements à la surface de la terre est étroitement liée aux frontières de plaques. E n
fait, la plupart des sulfures sont situés le long de frontières de plaques convergentes
actives ou qui l'ont été (voir figures 7 et 9). M ê m e des gisements aurifères sont
19
José Achoche
- » M e r atlantiques-
Plaque américaine
»- -^
Océan Atlantique
c
Figure 9
Plaque africaine
*»
Dorsale médio-Atlantique
Accumulation de gisements minéraux et de pétrole au niveau
des frontières de plaques : exemple de l'Atlantique Sud. a) La
Pangée se divise en deux continents (l'Afrique et l'Amérique
du Sud) au niveau d'une frontière de plaque divergente.
b) Sous l'action de l'expansion des fonds océaniques,
l'Amérique du Sud s'éloigne. Des couches épaisses de sel
g e m m e , de matières organiques et de minéraux métalliques
(qui conduisent à la formation de pétrole) s'accumulent dans
la mer Atlantique, c) L'expansion à partir de la dorsale
médio-atlantique se poursuit, transformant la mer en océan.
Les minéraux métalliques continuent de s'accumuler aux
alentours de la dorsale. Le sel provenant des couches
épaisses de sel g e m m e enfouies sous les sédiments des marges
continentales constitue de vastes dômes qui piègent le pétrole
et le gaz naturel produits par la matière organique.
20
Tectonique des plaques
souvent découverts avec des sulfures dans des zones de convergence éteintes. C o m m e
le montre l'exemple de la mer Rouge, où de riches gisements métalliques sous-marins
ont été découverts, les dorsales médio-océaniques et les bassins océaniques sont
également le siège d'une minéralisation importante (voir figures 7 et 9). Il semble que
la concentration au niveau des dorsales de métaux extraits de matériaux du manteau
est due à des processus hydrothermaux. Les sédiments déposés près des centres
d'expansion actifs sont ensuite enrichis de fer, de manganèse, de cuivre, de nickel, de
plomb, de cobalt, d'uranium, de chrome, de mercure, de vanadium, de c a d m i u m et
de bismuth. Outre les célèbres nodules polymétalliques, o n trouve aussi d u cuivre et
du manganèse purs dans la croûte océanique.
Lorsqu'un océan se ferme, au cours de la collision de deux masses continentales,
c o m m e sur la figure 8, de petits fragments de lithosphère océanique peuvent se
trouver coincés entre les continents selon u n processus appelé obduction. Ces écailles
de lithosphère océanique déposées au-dessus de la croûte continentale le long des
zones de suture sont appelées ophiolites. L a découverte de ces ophiolites a eu une
importance fondamentale pour l'étude de la structure de la lithosphère océanique et
pour la compréhension des processus qui interviennent au niveau des dorsales.
Naturellement, les ophiolites contiennent tous les gisements minéraux caractéristiques de la croûte océanique, mais les opérations d'extraction sont beaucoup plus
faciles car elles sont toujours situées sur des continents.
U n grand n o m b r e de ces zones de suture et des séquences ophiolitiques qui leur
sont associées se trouvent en Asie du Sud-Est (voir l'article de Hutchison). C'est une
conséquence de la structure en mosaïque de ce continent, qui semble être constitué
de plusieurs blocs continentaux juxtaposés d'origine différente qui sont entrés en
collision avec l'Asie et se sont ensuite soudés à elle au cours des 200 derniers millions
d'années. L'étude de la dérive passée des continents, discipline connue sous le n o m
de paléogéographie, nous permet de déterminer quelle a été la position des continents et des zones de convergence éteintes, et donc de localiser les séquences ophiolitiques, ce qui constitue u n autre indice pour la prospection des minéraux dans les
régions continentales. Les meilleurs exemples connus de ces ophiolites sont fournis
par le massif d u Troodos à Chypre et la série d ' O m a n , mais elles semblent être
largement répandues sur l'ensemble des continents.
Conclusion : coup d'œil sur l'avenir
C o m m e le montre la première partie d u présent article, la connaissance que nous
avons de notre planète a progressé à mesure que la technologie se perfectionnait. Des
instruments plus précis ont permis de découvrir de nouveaux phénomènes qui ont
stimulé la recherche scientifique.
Mais la Terre étant le siège de conflits entre les nations, son observation est
devenue une nécessité stratégique. D e nombreux éléments qui ont fait progresser
l'élaboration de la théorie de la tectonique des plaques sont dus à des observations
effectuées à des fins stratégiques. D e vastes opérations de bathymétrie ont été entreprises au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, au cours de laquelle les forces
et les navires alliés avaient été constamment attaqués par des sous-marins ennemis.
Le rôle prépondérant de ces engins dans les conflits modernes avait ainsi été mis en
évidence et les travaux visant à déterminer avec précision la profondeur des fonds
marins s'étaient trouvés stimulés. Puis, au début des années 60, les Etats-Unis et
21
José Achoche
l ' U R S S ont c o m m e n c é à constituer d'énormes arsenaux nucléaires et ont engagé des
négociations sur la limitation des armements. Afin de déceler les expériences
nucléaires et en particulier les essais souterrains, les deux pays ont d û mettre au point
des sismomètres très sensibles. C e s instruments ont permis d'établir la carte de la
répartition mondiale des tremblements de terre, qui a contribué à la découverte des
différents types de frontières de plaques.
L e p r o g r a m m e de forages océaniques profonds ( D S D P ) a également constitué
une source majeure d'information sur la structure de la croûte océanique. L a
construction d ' u n navire remarquable, le Glotnar Challenger, a permis de le mettre
en œuvre. Grâce à lui, o n a pu forer la croûte sur plusieurs kilomètres de profondeur
au milieu des bassins océaniques et obtenir des carottes qui ont été analysées en
laboratoire, opération qui a nécessité u n m o y e n remarquablement précis de maintenir la position d u navire. C e navire avait été originellement financé et construit à
l'initiative du millionnaire H o w a r d H u g h e s pour essayer de retrouver u n sous-marin
soviétique qui avait sombré dans l'océan Atlantique et gisait par 5000 mètres de
fond.
Aujourd'hui, avec le développement des satellites de télédétection, l'observation
de la terre revêt une importance encore plus stratégique, tant d u point de vue
militaire que d u point de vue économique. Les techniques spatiales constituent
également un outil unique d'observation des phénomènes naturels à l'échelle planétaire. Elles ont déjà permis aux sciences de la terre d'accomplir des progrès décisifs.
E n outre, avec la politique internationale de libre accès à toutes les données recueillies depuis l'espace, la télédétection devrait se traduire par d'importants avantages
pour toutes les nations, m ê m e celles qui ne disposent pas de leur propre potentiel
spatial, et devenir prochainement u n e technique puissante de recherche fondamentale, de prospection des ressources minérales et de surveillance des catastrophes
naturelles d'origine météorogolique o u interne.
•
Notes
1. Wegener, A . The Origins of Continents and Oceans. Londres, Methuen, 1924.
2. Runcorn, S . K . Continental Drift. N e w York, Academic Press, 1962.
3. Hess, H . H . History of Ocean Basins. Engel, A.E.J. ; James, H . L . ; Leonard, B . F . (dir.
publ.). Petrologic Studies: a Volume in honor of A.F. Buddington. Boulder, Geological
Society of America, 1962.
4. Dietz, R.S. Continent and Ocean Basin Evolution by Spreading of the Sea-Floor. Nature.
vol. 190, 1961, p. 854-857.
5. Holmes, A . Principles of Physical Geology. Londres, Nelson, 1945.
6. Vine, F.J. ; Matthews, D . M . Magnetic Anomalies over Oceanic Ridges. Nature, vol. 199,
1963, p. 947-949.
7. McKenzie, D . P . ; Parker, R . L . The North-Pacific: an Example of Tectonics on a Sphere.
Nature, vol. 216, 1967, p. 1276-1280.
8. Morgan, W . J . Rises, Trenches, Great Faults, and Crustal Blocks. Journal of Geophysical
Research, vol. 73, 1968, p. 1959-1982.
9. Le Pichón, X . Sea-Floor Spreading and Continental Drift. Journal of Geophysical
Research, vol. 73, 1968, p. 3661-3697.
10. Morgan, W . J . Deep Mantle Convection Plumes and Plate Motions. American Association
of Petroleum Geologists bulletin, vol.56, 1972, p. 203-213.
22
Tectonique des plaques
11. Tapponnier, P . ; Peltzer, F . ; Le Dain, A . Y . ; Armijo, R . ; Cobbold, P. Propagating Extrusion Tectonics in Asia, N e w Insights from Simple Experiments with Plasticine. Geology.
vol. 10, 1982, p. 611-616.
12. Rona, P . A . Plate Tectonics and Mineral Resources. Scientific American. 1943, p. 86-95.
Pour approfondir le sujet
ALLEGRE, C.J. L'écume de la terre. Paris, Fayard, 1982.
PRESS, F . ; SIEVER, R . Earth. San Francisco, W . H . Freeman, 1978.
T U R C O T T E , D . L . et S C H U B E R T , G . Geodynamics. N e w York, John Wiley, 1982.
UYEDA, S. The New View of the Earth. San Francisco, W . H . Freeman, 1978.
23
Flux de chaleur
de la Terre et
ressources géothermiques
Valiya M . Hamza
Les très puissantes sources d'énergie présentes dans ¡es profondeurs de notre planète
donnent naissance dans les couches de surface à d'importants flux de chaleur. Dans
certaines conditions, ces flux peuvent aboutir à la formation de réservoirs d'énergie
thermique à l'intérieur de ¡a Terre et jouer un rôle non négligeable dans les transports de
minéraux de d'hydrocarbures et la formation des gisements. La connaissance du régime
thermique du globe sera sans doute déterminante pour l'avenir de l'exploration et de
l'exploitation des ressources énergétiques et minérales.
Le spectacle d'une fleur fanée inspirait à K u m a r a n Ashan, poète du Kerala, cette
lamentation :
Ton sort d'aujourd'hui
Sera demain le nôtre
Car si l'on y songe
Rien n'est immuable
Même les hautes montagnes
Et les mers profondes
Quelque jour périssent.
Ainsi le poète, plusieurs décennies avant que soient formulées les théories modernes
de l'expansion des fonds marins et de la tectonique des plaques, se consolait-il du
destin tragique d'une fleur en évoquant l'une des caractéristiques originales de notre
planète : le perpétuel rajeunissement de son relief de surface. D e récentes études des
planètes réalisées à l'aide de sondes d'exploration de l'espace lointain ont montré
qu'à la différence d'autres planètes telluriques du système solaire, la Terre est actuellement une planète en activité. Les recherches géologiques mondiales confirment
qu'au cours des 3,5 milliards d'années pour lesquels nous disposons de données
géologiques, cette activité interne a modifié les formations rocheuses superficielles.
Valiya M . H a m z a dirige actuellement le Laboratoire géothermal de l'Institut de recherche technologique
du gouvernement de l'Etat de S â o Paulo, Brésil, dont il est également le coordonnateur de la recherche.
D e 1974 à 1981 il a occupé le poste de professeur associé à l'Université de Sâo Paulo, et, auparavant, a fait
des études en Inde et au Canada. L'auteur s'intéresse à la géothermie, à la maturation thermale des
hydrocarbures, au contrôle de la chaleur dans les mines souterraines et à l'aspect thermique du stockage
souterrain des déchets nucléaires. O n peut le contacter par l'intermédiaire de Institute of Geosciences,
Université de Sâo Paulo, Caixa Postal 20889, 05508 Sâo Paulo, Brésil.
25
Impact : science et société. n° 145,
25-38
Valiya M. Hamza
Si certaines des caractéristiques de la surface de la Terre résultent à l'évidence
d'interactions avec l'hydrosphère et l'atmosphère, il n'est pas douteux que sa m o r phologie à grande échelle est liée aux processus qui se déroulent dans ses profondeurs.
Bien que l'on connaisse très mal la nature des forces à l'œuvre à l'intérieur d u
globe, il est évident que l'énergie qu'elles requièrent suppose l'existence de très
puissantes sources énergétiques, capables d'agir pendant des milliards d'années. O n
en a envisagé plusieurs mais, à l'heure actuelle, la plupart des spécialistes des sciences
de la terre admettent que la chaleur d'origine radioactive produite à l'intérieur de la
Terre depuis sa constitution en corps planétaire solide contribue dans une mesure
importante à son bilan énergétique. Toutes les roches contiennent de faibles concentrations d'éléments radioactifs naturels, qui sont principalement l'uranium, le thorium et le potassium. A u cours de la désintégration radioactive de ces éléments, une
partie de leur masse est convertie en énergie, laquelle, pour l'essentiel, se transforme
finalement en chaleur. Si la quantité d'énergie thermique produite par la désintégration radioactive par unité de masse de roche c o m m u n e est faible, la quantité globale
dégagée sur de longues périodes peut être très importante. Celle que peut libérer en
l'espace d'une année un kilomètre cube de roche de type granitique, par exemple,
représente en m o y e n n e l'équivalent de près de 900 gigajoules (21 milliards de calories). Il est raisonnable de supposer que le dégagement d'aussi importantes quantités
de chaleur au fil de périodes géologiques de l'ordre de milliards d'années peut
produire des températures élevées à l'intérieur de la Terre et entraîner la formation
d'un important flux thermique en direction de la surface. Si le taux de déperdition
thermique superficielle est moindre que le taux de production de chaleur, l'élévation
continue de la température provoquera des phénomènes de fusion et déclenchera
finalement une convection thermique. L a question vient naturellement à l'esprit de
savoir si la Terre a connu pareil processus d'échauffement interne. L a connaissance
que nous avons de l'histoire thermique de la Terre est, certes, rudimentaire mais
l'examen de sa structure interne actuelle, telle que nous pouvons la déduire des
lithosphériques
1000
\
Profondeur
(km)
Température
(°C)
Figure 1
Représentation
schématique de la
structure interne
de la Terre et
températures inférées.
6 370
26
>4 000
Flux de chaleur de la Terre et ressources géothermiques
données géophysiques et géologiques dont nous disposons, livre, dans ce domaine,
bien des renseignements. L'étude sommaire de cette structure, représentée schématiquement dans la figure 1, suffit à se convaincre que la Terre est bien une planète
chaude, dont la température, en son centre, excède 4000° C . L'importance de l'activité volcanique et des écoulements de lave atteste directement l'existence de températures élevées à des profondeurs relativement faibles. Les études sismiques montrent
que certaines couches internes, constituant près de 15 % du volume du globe terrestre, sont faites de matière fondue à l'état liquide. Les recherches géomagnétiques
révèlent que le c h a m p magnétique de la terre naît dans ce noyau liquide, résultant
probablement des mouvements circulatoires defluidesconducteurs qu'engendre une
convection thermique active.
Entre la couche relativement froide de la surface terrestre et le noyau liquide en
fusion se situe le manteau, où les températures varient entre 1000 et 3000°C. Quel
type de mouvements peut-on escompter y trouver? D'après les sismologues, le m a n teau se comporte c o m m e un solide pour ce qui est de la propagation des ondes
sismiques. D ' u n autre côté, les études géophysiques concernant la réponse du m a n teau aux variations de charge superficielles sur de longues périodes montrent qu'il
est incapable de soutenir des variations de contrainte sur des périodes supérieures à
1000 ans. D e récentes recherches en laboratoire ont apporté de précieux éléments
d'explication de ce comportement apparemment étrange. A hautes températures, la
résistance mécanique du manteau se trouve réduite au point qu'il réagit c o m m e u n
solide aux variations de contrainte de courtes périodes, alors que son comportement
à long terme est plutôt, en réalité, celui d'un fluide très visqueux. L a simple logique
amène à conclure que, dans ces conditions, ses mouvements internes ne peuvent être
que relativement lents mais q u ' u n effet d'entraînement considérable dû à la viscosité
s'exerce sur les couches limites qui le confinent. O n peut supposer que cet effet
d'entraînement se fait plus fortement sentir sur la couche supérieure froide, laquelle
pourrait être poussée latéralement ou vers le haut, o u encore attirée vers le bas par
les mouvements de l'intérieur d u manteau. C'est là la base de la théorie de la
tectonique des plaques, selon laquelle l'enveloppe la plus externe de la Terre, o u
lithosphère, peut être considérée c o m m e formée de plusieurs plaques rigides dont les
mouvements sont dans une grande mesure déterminés par les processus dynamiques
qui interviennent à l'intérieur d u manteau sous-jacent. L a chaleur et la température
influençant fortement les caractéristiques de ces mouvements, la mesure d u flux
thermique qui traverse la lithosphère devrait apporter d'importants éléments d'information sur la nature des processus qui se déroulent dans les profondeurs de la
Terre.
Nature du flux géothermique
La quantité globale d'énergie thermique emmagasinée à l'intérieur du globe est
considérable; une estimation approximative la situerait à environ 12 «teraquads » '
(à peu près 3 X 1 0 3 0 calories). Toutefois, les roches crustales, faiblement conductrices, font office de couverture thermique et ne permettent q u ' à une fraction infime
de cette énergie, estimée à 1100 « quads » par an, de s'échapper vers la surface.
L'étude de la nature et des caractéristiques de ce flux thermique ainsi que de ses
variations dans l'espace et dans le temps peut néanmoins jeter quelque lumière sur
les processus thermiques qui se déroulent à l'intérieur de la planète ainsi que sur les
27
Valiya M. Hamza
interactions de cefluxavec l'écorce extérieure passive sur laquelle nous vivons. Cette
étude constitue la géothermie, branche encore jeune mais néanmoins passionnante
des sciences de la terre, qui traite des problèmes du flux thermique terrestre et de
l'état thermique de l'intérieur du globe. L'histoire de la géothermie est relativement
brève : les premières recherches scientifiques dans ce domaine ne remontent qu'au
XVIIe siècle, époque où la révolution industrielle qui s'amorçait dans le m o n d e occidental a accru la demande de ressources naturelles, incitant les sociétés de prospection minière à mettre en exploitation les gisements souterrains. C'est
l'environnement thermique hostile rencontré dans les puits de mine profonds qui a
motivé les premières recherches sur la nature dufluxgéothermique. Ces recherches,
conduites initialement dans les houillères, sont cependant restées infructueuses tant
en raison de la difficulté de concevoir des techniques de mesure satisfaisantes que
faute d'une bonne compréhension de la nature physique de la chaleur. Malgré ces
difficultés, certains des premiers chercheurs sont parvenus à se faire une idée relativement juste des caractéristiques thermiques de la Terre. A cet égard, les lignes
ci-après, écrites en 1671 par Robert Boyle dans son étude des origines de la chaleur
terrestre, sont particulièrement remarquables :
« J'ajouterai, à titre de conjecture, que l'origine effective de la chaleur elle-même
réside peut-être dans les parties profondes de la région souterraine, situées en dessous des lieux jusqu'où l ' h o m m e a déjà eu l'occasion et la capacité de creuser. Car il
m e semble probable que dans ces entrailles encore inviolées de la Terre se trouvent
de grandes réserves soit de feu proprement dit, soit de chaleur extrême, ou (dans
certaines régions) de l'un et de l'autre, et qu'à partir de ces gîtes (si je puis les appeler
ainsi) ou magasins de chaleur souterraine cette qualité se c o m m u n i q u e aux régions
moins profondes de la Terre, en particulier par les cheminées, fissures, fibres ou
autres voies souterraines ou encore par propagation de la chaleur à travers la substance des couches de sol interposées...
Et nous s o m m e s encore bien plus loin de connaître avec certitude la température des régions les plus intimes et (si je puis dire) les plus centrales de la Terre, dont
nous ne savons si leur solidité est continue ou si elles renferment de vastes étendues
de matière fluide... »
Les premières études scientifiques systématiques du flux thermique terrestre ont
été entreprises au début du XIX e siècle, mais il a fallu attendre ces dernières décennies
pour assister à u n effort collectif de recherche au niveau mondial dans ce domaine.
Les récentes compilations des données publiées montrent que des mesures d u flux
thermique ont été effectuées en plus de 5000 points de la surface du globe. M ê m e si
de vastes zones échappent encore à l'étude, les données déjà disponibles, qui sont
récapitulées dans le tableau 1, mettent en évidence certaines caractéristiques importantes du flux géothermique.
Le point le plus remarquable que l'on observe est que la chaleur des profondeurs de la Terre s'échappe à u n rythme plus rapide par le plancher océanique que
par la surface des continents, l'écart par rapport à la m o y e n n e calculée pour les
régions continentales atteignant près de 40 %. N o u s pouvons donc affirmer qu'il se
dissipe davantage de chaleur dans l'hémisphère Sud que dans l'hémisphère Nord.
Autre caractéristique intéressante, le flux de chaleur n'est pas uniforme sur l'ensemble de la surface du globe. D a n s les régions continentales, les zones géologiques
jeunes, qui présentent une activité tectonique, se caractérisent par un flux thermique
plus élevé que celui qu'on observe dans les zones plus anciennes et sans activité
28
Flux de chaleur de la Terre et ressources géothermiques
Tableau 1
Récapituation des mesures du flux thermique et estimations de la
dissipation thermique dans les régions continentales et océaniques
(d'après Sclater et al., 1980)
Flux thermique moyen
Régions
mW/m
2
cal/mVjour
Superficie
(106km2)
Dissipation
thermique
(10'cal/s)
a) Continentales
Afrique et Madagascar
Amérique du Sud
Amérique du Nord
Australasie
Antarctique
Europe et Asie
49
53
54
64
54
60
1028
1089
1123
1313
1123
1244
37,8
22,3
33,9
18,8
17,6
71,1
448
282
442
286
229
1024
Tous continents
57
1184
201,5
2711
b) Océaniques
Pacifique Nord
Pacifique Sud
Océan Indien
Atlantique Nord
Atlantique Sud
Bassins marginaux
95
77
83
67
59
71
1970
1598
1719
1391
1218
1469
62,5
76,7
69,5
36,1
36,9
26,9
1425
1419
1383
581
520
457
Tous océans
78
1616
308,6
5771
c) Monde
70
1443
510,1
8519
tectonique. D e m ê m e , dans les régions océaniques, le flux thermique observé est
élevé dans les zones de dorsales médio-océaniques, et faible dans les bassins anciens
et les zones de fosses océaniques. L'analyse détaillée des données m o n t r e q u ' e n fait le
flux thermique décroît systématiquement avec l'âge géologique q u e ce soit dans les
régions océaniques o u dans les régions continentales ; cette constatation est d'une
grande importance pour la compréhension de la nature des p h é n o m è n e s thermiques
profonds. V o y o n s c o m m e n t elle s'accorde avec le m o d è l e d y n a m i q u e actuel de la
Terre.
Selon la théorie de la tectonique des plaques, les dorsales océaniques sont des
zones de circulation ascendante, les fosses océaniques des zones de circulation descendante et les régions intermédiaires des zones de circulation latérale à l'intérieur
d u m a n t e a u . D a n s les zones dorsales, le m a g m a remontant des profondeurs se
refroidit et se solidifie a u contact de l'eau de m e r , formant u n e couche limite superficielle rigide. A mesure q u e la circulation latérale l'éloigné de la dorsale, cette couche
se refroidit et, en se solidifiant progressivement de haut en bas, s'épaissit. D a n s les
zones de fosses, cette couche superficielle rigide subit u n entraînement vers le bas qui
la r a m è n e à l'intérieur d u m a n t e a u . O n constate q u e la distribution observée des
valeurs élevées, intermédiaires et faibles d u flux thermique concorde de manière
étonnante avec le m o d è l e thermique prédit par la théorie de la tectonique des plaques. E n fait, le modèle de la tectonique des plaques et la répartition observée de ces
valeurs d u flux thermique nous permettent de reconstituer la distribution des tempé-
29
Valiya M.
Hamza
120 r
Figure 2
Distribution idéalisée des flux thermiques de surface et
des températures lithosphériques résultant d'une cellule de
convection d u manteau.
ratures dans la lithosphère et dans le manteau sous-jacent. O n trouvera à la figure 2
un exemple de distribution idéalisée des températures dans les parties ascendante et
descendante d'une cellule de convection du manteau. C e modèle présente deux
particularités intéressantes : les panaches que forment les isothermes de haute température au-dessous des zones de dorsales et, au-dessous des zones de fosses, la plongée
brutale des isothermes de basse température dans les profondeurs du manteau.
U n e autre observation intéressante qui se dégage des récentes études géothermiques est que les mécanismes de dissipation de la chaleur sont plus diversifiés dans les
zones jeunes présentant une activité tectonique, que dans les zones plus anciennes et
stables, m ê m e si la conduction reste le m o d e prépondérant et le plus fréquent de
transfert thermique. O n constate que, dans les zones o ù l'afflux de chaleur des
profondeurs est important, la conduction ne suffit pas à sa dissipation, et que
d'autres mécanismes entrent enjeu. Les éruptions volcaniques et les coulées de lave
sont des manifestations spectaculaires d u transport de chaleur associé à un écoulement massique tandis que les fumeroles, sources de vapeur, geysers et sources thermales sont des exemples de l'expression superficielle du flux géothermique associé à
des écoulements fluides. D a n s de nombreuses régions, l'écoulement fluide induit par
une convection thermique active transporte d'importantes quantités de chaleur mais
30
Flux de chaleur de la Terre et ressources géothermiques
les manifestations superficielles de ce transport sont limitées par la présence d'une
couverture rocheuse imperméable. D a n s certaines régions telles que les massifs cristallins fissurés et les bassins sédimentaires, les écoulements d'eau souterraine résultant de la topographie peuvent transporter et redistribuer la chaleur sur de vastes
superficies.
Il est clair que pour dresser u n tableau réaliste de la dissipation thermique sur
l'ensemble du globe, il convient de prendre en considération l'incidence relative de
chacun de ces mécanismes de transport de chaleur et l'étendue de leurs zones d'influence respectives. L a tâche n'est pas facile car, dans beaucoup de régions, l'information nécessaire fait défaut et l'on est contraint de recourir à des estimations
subjectives. O n peut néanmoins se faire u n e idée approximative de la perte globale
de chaleur de la Terre, en rapprochant les données relatives au flux thermique par
conduction de celles q u ' o n possède sur les caractéristiques géologiques et géophysiques pertinentes des régions continentales et océaniques. U n e démonstration de cet
exercice est faite dans la figure 3 : la surface terrestre y est divisée en zones de flux
géothermique élevé, m o y e n et faible. D a n s les zones de flux thermique élevé, qui sont
surtout les zones de dorsales des régions océaniques et les zones jeunes des régions
continentales manifestant une activité tectonique, l'énergie thermique se dissipe à la
fois par convection et par conduction. Les zones de flux thermique m o y e n sont
surtout les bassins sédimentaires, o ù l'amincissement de la croûte faiblement
conductrice permet une dissipation de chaleur supérieure à la normale mais où la
redistribution de la chaleur par advection influe sur la répartition du flux thermique
dû à la conduction. Restent enfin les zones tectoniquement stables d u Précambrien,
où le flux thermique est faible et où la conduction est le m o d e dominant de transmission de la chaleur.
Zones de dissipation thermique
Forte
(>80 m w / m 2 )
Figure 3
Configuration
approximative des
principales zones
de dissipation
thermique dans le
monde, sur la base
de la répartition
des flux thermiques
par conduction et
des caractéristiques
géologiques.
31
FI
Moyenne
(60-80 m w / m 2 )
•
Faible
(<60 m w / m 2 )
Valiya M. Hamza
Examinons maintenant quelques-unes des conséquences du cheminement du
flux thermique à travers les couches crustales. L a chaleur et la température influent
fortement sur le comportement mécanique de ces couches. Sous l'effet des
contraintes tectoniques, les zones de basse température de la croûte ont un comportement fragile, tandis que celles de haute température peuvent se déformer de façon
ductile. Il en résulte que, dans des environnements tectoniques comparables, le
risque sismique est relativement plus faible dans les zones de haute température de la
croûte que dans les zones de basse température.
D a n s certaines régions où les conditions sont favorables, la circulation de la
chaleur peut aboutir à la formation de réservoirs d'énergie thermique. Lorsque ces
réservoirs sont situés dans les couches proches de la surface, la chaleur qu'ils
contiennent est exploitable : autrement dit, ils constituent des ressources en énergie
géothermique. Il est logique de supposer que l'on a de fortes chances de rencontrer
de tels réservoirs dans les régions où le flux thermique est élevé. Il ne fait pas de
doute que la connaissance à l'échelle mondiale des caractéristiques de ces gisements
d'énergie géothermique est d'un intérêt primordial pour la planification de la mise en
valeur des ressources énergétiques de nombreux pays. Etant donné l'importance de
ces ressources pour les progrès de la société moderne, il n'est pas inutile d'examiner
d'un peu plus près cet aspect de la géothermie.
Ressources énergétiques géothermiques
L ' h o m m e s'efforce depuis le début des temps historiques de canaliser à son usage les
sources naturelles d'énergie, et la géothermie ne fait pas exception à la règle. Le
principe en est en réalité connu depuis longtemps, mais il a pris une nouvelle importance dans le contexte de l'expansion rapide des besoins énergétiques de la société
moderne. Présente partout de par son association à la chaleur naturelle de la Terre,
l'énergie géothermique se trouve en général dispersée dans l'écorce externe du globe
et son extraction à des fins économiques se heurte à de formidables obstacles technologiques. Pour que son exploitation soit possible o u envisageable il faut que cette
énergie se trouve piégée ou concentrée à proximité de la surface ; c'est dans ce cas
qu'on parlera de ressources géothermiques.
L'existence de ressources géothermiques suppose la réunion de trois éléments
fondamentaux : 1) une source de chaleur, 2) un réservoir confiné mais perméable et
3) u n fluide transportant la chaleur vers la surface. D a n s le cas de certaines ressources, la perméabilité doit être assurée artificiellement et dans le cas de certaines
autres il faut recycler lefluidepour que l'exploitation puisse s'opérer en continu. O n
peut, selon les caractéristiques de ces facteurs, diviser les ressources géothermiques
en plusieurs catégories. L a classification présentée dans le tableau 2 distingue deux
types principaux de ressources : les ressources pétrothermiques et les ressources
hydrothermiques. D a n s les gisements pétrothermiques la majeure partie de la chaleur
se trouve emmagasinée dans la masse rocheuse, tandis que dans les gisements hydrothermiques lesfluidesinterstitiels transportent une fraction substantielle de l'énergie
totale in situ. Ces catégories peuvent faire l'objet d'autres subdivisions, selon les
caractéristiques de l'environnement géothermique et géologique, les mécanismes de
transfert de la chaleur et la température du réservoir.
O n estime que les ressources pétrothermiques offrent un important potentiel
d'exploration future ; cependant, jusqu'à présent ces ressources n'ont été exploitées
32
Flux de chaleur de la Terre et ressources géothermiques
Les catégories de ressources géothermiques et
leurs caractéristiques
Tableau 2
Type
Environnement
Sous-type
Géothermique(*)
Ressources
pétrothermiques
Ressources
hydrothermiques
Géologique
Magma
partiellement
fondu)
Volcanique
Roche sèche
chaude
Corps
intrusif
D'origine
radioactive
M/F
Massifs
cristallins
Convectives
E/M
Zones
tectonisées
Advectives
M/F
Bassins
sédimentaires
Mécanisme
de transport
de la chaleur
Injection
de fluides
extérieurs
..
„
..
..
Recyclage
de fluides
naturels
..
„
Température
du réservoir
(°C)
650
90-650
30-150
90-350
30-150
* E - flux thermique élevé ( 80 m W / m 2 )
M - flux thermique moyen (60-80 m W / m 2 )
F - flux thermique faible ( 60 m W / m 2 )
qu'avec un succès limité en raison des difficultés technologiques que pose la mise au
point des dispositifs nécessaires à l'extraction de la chaleur du réservoir et à son
transport jusqu'à la surface. Seules les ressources hydrothermiques font à ce jour
l'objet d'une mise en valeur commerciale - et encore le succès de leur exploitation
dépend-il davantage de la découverte de zones chaudes perméables que de celle de
zones de hautes températures.
O n peut se faire une idée approximative de la distribution globale des ressources
géothermiques en calculant la quantité d'énergie thermique emmagasinée dans les
trois premiers kilomètres d'épaisseur de la croûte (distance considérée c o m m e la
profondeur maximale de forage dans des conditions économiques). L e problème
principal, en l'occurrence, est le m a n q u e de données géothermiques et géologiques
suffisamment détaillées, qui rend difficile, voire impossible, la réalisation d'estimations valables pour de nombreuses régions, en particulier celles qui sont recouvertes
par les océans. Si l'on possède davantage de données géologiques en ce qui concerne
les régions continentales, les calculs doivent cependant se fonder dans la plupart des
cas sur une estimation approximative subjective de la superficie des zones géothermiques. Les calculs préliminaires que l'on a effectués en subdivisant les zones considérées en zones géothermiques de basse énergie et de haute énergie mettent néanmoins
en évidence certaines caractéristiques importantes de ces ressources. Les estimations
de la base mondiale de ressources géothermiques (dans les limites d'une profondeur
de 3 k m ) qui sont présentées dans le tableau 3 montrent que l'importance quantitative de l'énergie géothermique est loin d'être négligeable par rapport à la production
énergétique mondiale obtenue à partir des combustibles classiques, de l'hydroélectri-
33
Valiya M. Hamza
Tableau 3
Région
Comparaison entre les estimations de base des ressources
géothermiques des différentes régions continentales et les taux
de production énergétique pour 1975.
Données tirées de Rowley (¡982), McRae et Dudas (1977)
Ressources géothermiques
de base
(106 «quads»)*
Taux de production énergétique
pour 1975
(«quads »Van)
Hydroélectricité
et énergie
nucléaire
Basse
énergie
( <150°C)
Haute
énergie
( >150°C)
Total
Combustibies
classiques
Total
Amérique du Nord
8,30
0,34
8,64
63,96
2,45
66,41
Amérique centrale
et Amérique du Sud
5,67
0,27
5,94
11,61
0,48
12,09
Europe occidentale
1,57
0,02
1,59
17,36
1,80
19,16
Europe orientale
6,95
0,06
7,01
52,11
0,58
61,31
Asie
8,29
0,22
8,51
26,39
0,40
26,80
Afrique
5,53
0,08
5,61
13,02
0,13
13,15
3,56
0,18
3,74
3,91
0,51
4,42
39,90
1,20
41,00
188,40
6,40
246,40
Océanie
Monde
* 1 quad (quadrillion Btu) =
1015 Btu. 1Btu (Britishthermal unit)= 1054,2 joules.
cité et de l'énergie nucléaire. Autre point évident qu'il convient de noter, la chaleur
basse énergie - correspondant à des températures inférieures à 150°C - constitue la
majeure partie de ces ressources géothermiques totales : quoique inégalement répartie, c'est la ressource la plus répandue. E n revanche, les ressources haute énergie ne
représentent q u ' u n e faible fraction des ressources totales et leur distribution est
extrêmement irrégulière.
C o m m e n t ces ressources peuvent-elles être mises en valeur au bénéfice de l'humanité? D u bilan des utilisations mondiales d e l'énergie géothermique au cours des
toutes dernières décennies il ressort que son prix de revient est en fait moindre q u e
celui de l'énergie tirée des sources classiques. Toutefois, elle est difficilement transportable sur d e longues distances si elle n'est pas transformée en d'autres formes
appropriées d'énergie. L e rendement des centrales géothermiques diminuant fortem e n t aux basses températures, la conversion en électricité n'est r e c o m m a n d é e q u e
dans le cas des ressources géothermiques haute énergie, de températures supérieures
à 150° C . E n revanche, les applications directes de la géothermie sont d ' u n bien
meilleur rendement dans le cas de températures inférieures à 150° C . L a plupart des
ressources géothermiques étant de la catégorie « basses températures », o n peut
considérer qu'elles trouvent des applications idéales dans l'agriculture, l'industrie et
les services d e caractère général. Les utilisations possibles des fluides géothermaux
de basses températures sont résumées dans la figure 4.
34
Flux de chaleur de la Terre et ressources géothermiques
Figure 4
Production
Traitement
Spectre des applications
possibles du contenu
calorifique des
ressources
géothermiques
basse énergie.
Industrie
Production
d'électricité
i n
11*
S wo
o ¿
II
y
Si
1
lu
Rôle de la géothermie dans la formation des gisements
de minéraux et d'hydrocarbures
Telle q u ' o n les définit c o m m u n é m e n t aujourd'hui, les ressources géothermiques sont
des concentrations d'énergie thermique emmagasinée dans le sous-sol. Cette conception est toutefois relativement étroite et le rôle de la géothermie dans la formation
des gisements de minéraux et d'hydrocarbures dont l'importance est cruciale pour
les progrès de la société moderne a souvent été négligé. Avant l'avènement d u
modèle dynamique de la Terre issu de la théorie de la tectonique des plaques, la
recherche des ressources minérales se faisait sans que l'on ait une connaissance claire
des caractéristiques de la distribution géographique et de la répartition par âge des
dépôts de minéraux. Les résultats des p r o g r a m m e s de forages en m e r profonde, en
montrant q u e les bassins océaniques contiennent d'innombrables gîtes minéraux,
ont modifié notablement la théorie classique de la métallogenèse. Les tentatives
d'explication de l'origine de ces gîtes minéraux océaniques par la théorie de la
tectonique des plaques ont considérablement éclairé les processus de formation des
minerais et la présence de zones minérales autour d u globe.
35
Valiya M. Hamza
Examinons les processus qui conduisent à la formation de gîtes minéraux sur le
plancher océanique. Lorsque le m a g m a remontant des profondeurs de la Terre
approche d u fond de la mer au voisinage des dorsales médio-océaniques, sa température descend au-dessous du point de liquéfaction et il se forme une couche limite
superficielle chaude. A mesure que la température continue de décroître, cette
couche devient fragile et ne peut plus résister aux fortes contraintes résultant de la
contraction thermique. Il se forme alors u n vaste réseau de fractures et l'eau de mer
froide pénètre dans l'environnement chaud du m a g m a subsuperficiel. L a chaleur et
les réactions chimiques qui s'en suivent transforment l'eau de mer alcaline descendante en une solution acide chaude qui dissout par son action corrosive les métaux
présents m ê m e à de faibles concentrations. L'eau de mer se décharge d'éléments et de
composés c o m m e le magnésium et certains sulfates, tout en se chargeant d'autres
éléments tels que le lithium, le potassium, le calcium, le baryum, le cuivre, le fer, le
manganèse et le zinc. La convection thermique ramène par les cheminées perméables
cette saumure chaude riche en métaux vers les fonds marins. A u contact de l'eau de
mer froide, les métaux dissous précipitent, formant des gîtes métallifères. Les
concentrations de dépôts économiquement exploitables ne se présentent toutefois
que dans des conditions géothermiques et géologiques favorables qui sont : l'existance de vastes réseaux de systèmes de fractures perméables, de forts gradients
thermiques déterminant les mouvements circulatoires dans les cellules de convection
et la formation de couches de surface mettant le dépôt à l'abri de modifications
ultérieures. L e processus de minéralisation de la croûte océanique est schématisé
dans la figure 5, tandis que la figure 6 présente la répartition géographique des gîtes
minéraux formés par les sources chaudes des fonds marins.
Figure 5
Représentation schématique du processus de minéralisation
par circulation hydrothermale dans la croûte océanique.
36
Flux de chaleur de la Terre et ressources géothermiques
• Dépôts sur les fonds marins
Figure 6
• Dépôts continentaux
Distribution mondiale des gîtes métallifères hydrothermaux
sur les fonds océaniques et les continents. O n pense que les
gîtes continentaux actuels se sont formés à l'origine sur un
fond marin. (D'après R o n a , 1986.)
La géothermie joue également un rôle important dans la formation des gisements de pétrole et de gaz. D e récentes avancées dans l'étude de la maturation
thermique des roches sédimentaires ont révélé que la transformation des matières
organiques en pétrole et en gaz est u n processus dépendant d u temps et de la
température. Pour qu'il y ait production d'une vaste quantité d'hydrocarbures, il
faut que la matière organique soit « cuite » à des températures dont la fourchette est
relativement bien déterminée. Dans les bassins sédimentaires, ces températures se
trouvent atteintes à la suite de phénomènes de subsidence et d'enfouissement ainsi
que d'une intensification d u flux thermique résultant de la remontée de matières
asthénosphériques chaudes jusqu'à la base de la croûte. L'analyse à l'échelle m o n diale des dépôts d'hydrocarbures montre que la majorité des gîtes géants sont situés
dans les bassins où le flux thermique est puissant. M ê m e à l'intérieur d'un bassin
pétrolifère donné, on constate que les gisements commercialement exploitables sont
souvent associés à des zones qui se trouvent être des « points chauds ».
Et maintenant?
Les travaux de recherche et développement consacrés à la géothermie au cours de ces
dernières décennies ont considérablement amélioré la connaissance des processus
dynamiques qui se déroulent à l'intérieur de la Terre. L'analyse des données géothermiques à la lumière de la théorie de la tectonique des plaques a permis de construire
des modèles rendant compte des principales caractéristiques du régime thermique de
la lithosphère. Les cartes mondiales que l'on a établies de la dissipation géothermique apportent des renseignements d ' u n haut intérêt pour la mise sur pied de pro-
37
Valiya M.
Hamza
g r a m m e s d'exploration des ressources en énergie géothermique et des gîtes
métallifères hydrothermaux.
Ayant élucidé les mécanismes de base de l'activité thermotectonique à l'échelle
mondiale, la c o m m u n a u t é internationale des géothermiciens est prête à déployer de
vastes efforts pour comprendre la nature des processus thermiques régionaux
locaux. U n e meilleure connaissance des processus qui se déroulent à l'intérieur du
manteau ne devrait pas seulement nous permettre de mieux cerner les caractéristiques régionales de l'activité volcanique et sismique ; elle devrait aussi apporter des
renseignements accessoires utiles à l'évaluation des risques qui sont associés à ces
phénomènes naturels.
Le recueil d'informations détaillées sur le régime thermique souterrain est d'une
importance considérable pour la fixation d'objectifs réalistes en matière d'exploration et d'exploitation de l'énergie géothermique et des ressources minérales hydrothermales a u niveau régional c o m m e a u niveau local. U n tel effort présente un
intérêt immédiat pour l'œuvre de développement en cours dans de nombreux pays et
demande à être menée à bien avec le soutien et la coopération de la c o m m u n a u t é
internationale. Il ne faut pas oublier, à cet égard, que les conséquences environnementales de l'exploitation des ressources naturelles et les risques associés aux phénomènes naturels débordent souvent les frontières politiques de notre m o n d e actuel.
Note
1. 1 quad (Quadrillion Btu) = 1015 Btu.
1 Btu (British thermal unit) = 1054,2 joules.
Pour approfondir le sujet
E L D E R , J . W . Geothermal Systems. Londres, Academic Press, 1981.
KLEMME, H . D . Geothermal Gradients, Heat Flow and Hydrocarbon recovery. Petroleum and Global Tectonics (Alfred G . Fischer et Sheldon Judson Dir. Publ.). Princeton
University Press, 1975, p. 251-304.
LEE, W . H . K . Terrestrial Heat Flow. Am. Geophys. Univ. Monograph. n° 8, 1965.
M C R A E , A . et D U D A S , J.L. Energy Source Book. Aspen Systems Corp., 1977, p. 240-242.
R O N A , P . A . Les dépôts de minéraux et les sources chaudes des océans. Pour la science.
mars 1986, p. 56-65.
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Texas, Gulf Publishing Company, 1982, p. 44-176.
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TURCOTTE, D . et SCHUBERT, G . Geodynamics-Applications of Continuum Physics to Geological
Problems. New York, John Wiley & Sons, 1982.
38
Accroissement et
collision des continents :
prospection
en Asie du Sud-Est
Charles S. Hutchison
Les plaques continentales de l'Asie du Sud-Est se sont agrandies du fait de ¡'accretion de
sédiments de faible densité le long des frontières de plaques convergentes actives et de la
collision de microcontinents détachés des grandes masses continentales de jadis et
poussés par l'expansion océanique. La prospection des dépôts minéraux est concentrée
sur deux structures géologiques : 1) les arcs volcaniques qui résultent de la subduction
au niveau des frontières de plaques convergentes actives et qui sont riches en cuivre, or
et argent; 2) les masses granitiques qui résultent de la fonte de la croûte dans des zones
de collision complexes et qui contiennent d'importants gisements d'étain et de tungstène. La fracturation de la croûte continentale a entraîné la formation de dépressions
qui se sont remplies de sédiments apportés par les grandsfleuvesau cours des derniers
cinquante millions d'années. Leur enfouissement a entraîné une élévation de la température et converti les matières végétales et planctoniques accumulées en charbon, pétrole
et gaz naturel.
Introduction
La croûte continentale de l'Asie d u Sud-Est s'est agrandie à certaines périodes de son
histoire. L e processus le plus important à cet égard a été le déplacement de microcontinents qui, arrachés aux grandes masses continentales de jadis sous l'effet de
l'expansion océanique, sont entrés en collision avec l'ancien continent de l'Asie d u
Sud-Est, auquel ils se sont soudés. L'Inde s'est détachée du G o n d w a n a au Jurassique
(-120 M . A . ) et, poussée par l'expansion de l'océan Indien, est finalement entrée en
collision avec le Tibet à l'Eocène (-45 M . A . ) , produisant le colossal plissement de la
croûte terrestre q u e nous connaissons sous le n o m d'Himalaya. D'autres microcontinents sont entrés en collision au Trias supérieur (-210 M . A . ) et l'Australie entame
actuellement sa collision avec les arcs volcaniques de l'Indonésie : à la vitesse
actuelle de 6 c m par an vers le nord, elle achèvera son m o u v e m e n t dans trente
Charles S. Hutchison est professeur de géologie appliquée à l'Université de Malaya, Kuala L u m p u r
(Malaisie). Il est le plus eminent des spécialistes de la géologie de l'Asie du Sud-Est. Outre le fait qu'il a
m e n é des recherches sur le terrain en Malaisie, en Indonésie, en Thaïlande, aux Philippines, en Chine
méridionale et à Taïwan, il a à son actif plus de quatre-vingts articles publiés dans des revues de géologie
et plusieurs ouvrages portant sur la pétrographie et la géologie économique. Le plus récent, intitulé
Geological evolution of Southeast Asia, doit paraître au début de 1987. O n peut joindre le Professeur
Hutchison à l'adresse suivante : Department of Geology, University of Malaya, 59100 Kuala L u m p u r
(Malaisie).
39
Impact : science et société, n° 145,
39-51
Charles S. Hutchison
millions d'années lorsque les arcs de l'Indonésie, des Philippines et de la Mélanésie
occidentale seront écrasés entre l'Australie et la Chine du Sud-Est pour former une
nouvelle chaîne de montagnes spectaculaire. L a Chine du Sud-Est et le Viet N a m
oriental ont perdu une grande partie de leur plateau continental c o m m u n qui, à la
suite de la création de fossés, s'est fractionné en de multiples microcontinents,
processus dont le début date d'une soixantaine de millions d'années. Beaucoup de
ces microcontinents ont dérivé vers le sud sous l'effet de l'expansion des fonds de la
mer de Chine méridionale et sont entrés en collision avec Bornéo à laquelle ils se sont
soudés (vers -20 M . A . ) .
Les continents s'agrandissent aussi par suite de l'extension du prisme d'accrétion le long des frontières de plaques convergentes. C e prisme est formé de sédiments
arrachés à la plaque en subduction qui ne s'enfoncent pas à l'endroit des fosses
océaniques en raison de leur densité relativement faible. Le fond océanique basaltique sous-jacent plonge, mais, au-dessus, les sédiments non consolidés s'accumulent
et forment un prisme très déformé parallèle à la fosse. Les îles situées au large de la
côte ouest de Sumatra le montrent bien. C e processus d'accroissement des continents
est progressif et lent ; il n'est pas aussi spectaculaire et ne se situe pas sur la m ê m e
échelle que la collision. Toutefois, l'accrétion et la collision peuvent se produire
simultanément. Cela a eu lieu au Sarawak, dans la partie occidentale de Bornéo, où
le microcontinent de la province carbonatée de Luconia s'est détaché d u plateau
continental de la zone Chine du Sud-Est - Viet N a m , et est entré en collision avec le
continent plus ancien de l'ouest de Bornéo, de sorte que son large prisme d'accrétion, lentement constitué entre -75 et -40 M . A . , s'est trouvé comprimé dans une zone
tampon entre les deux.
Croissance du prisme d'accretion
Le processus de subduction entraîne l'accroissement vers l'extérieur et vers le haut
d'une accumulation très déformée de roches sédimentaires mal consolidées. Outre
des sédiments arrachés à la plaque en subduction, le prisme d'accrétion contient
généralement des fragments de roches volcaniques de la croûte océanique sousjacente et de roches du manteau fortement hydratées (serpentinisées), remontés sous
l'action des failles qui se produisent dans la région instable des fosses.
A mesure que le prisme d'accrétion s'accroît en hauteur, il devient instable et le
matériel n o n consolidé glisse vers l'extérieur pour établir sa pente d'équilibre en
surface. L e prisme s'accroît donc en permanence vers le haut et vers l'extérieur, ce
qui tend à repousser la fosse vers le large. Etant donné que le prisme d'accrétion
représente u n assemblage de roches très déformées, il est c o m m u n é m e n t appelé en
anglais « mélange wedge » (mélange coincé).
Exemple : l'île de Nias
L'île de Nias, à l'ouest de Sumatra, constitue un excellent exemple de croissance
continue du prisme d'accrétion.
Etant donné la formidable érosion des montagnes de l'Himalaya au nord de
l'Inde et au Tibet, le G a n g e et le Brahmapoutre charrient la plus énorme charge
solide de tous les bassins fluviaux du m o n d e . Parvenus au Bangladesh, ces sédiments
atteignent le golfe du Bengale par le delta c o m m u n aux deux fleuves, puis sont
40
Prospection en Asie du Sud-Est
transportés à travers ce golfe par un canyon sous-marin profond appelé « Swatch of
N o G r o u n d » (figure 1). Ils sont ensuite emportés au loin, dans les profondeurs de
l'océan, par des courants de turbidité sous-marins. A environ 10° N , ces courants
sont déviés par une dorsale volcanique sous-marine N - S très saillante, appelée la
« dorsale 90 » est, qui les scinde en deux : le cône du Bengale vers l'ouest et le cône
des Nicobar vers l'est. L'épaisseur des sédiments de ces cônes dépasse 10 k m au nord
et diminue progressivement vers le sud jusqu'à être ramenée à zéro vers 5° de latitude
sud 1 .
E n raison de l'étroitesse de l'intervalle qui sépare l'extrémité septentrionale de la
dorsale 90 est de Sumatra, les sédiments ne peuvent parvenir au cône des Nicobar
qu'en longeant la fosse de Java. A l'ouest de l'île de Nias, d'abondants sédiments
non consolidés recouvrent donc les fonds marins au-dessus de la croûte volcanique
océanique.
A proximité de l'île de Nias, la croûte océanique de l'océan Indien adjacent est
vieille de 48 M . A . Elle est actuellement poussée vers le nord-nord-est à une vitesse
d'environ 6 c m par an à partir de l'axe en expansion de la dorsale du sud-est indien
qui est actuellement active. S o n m o u v e m e n t n'est pas perpendiculaire à la fosse de
Java (figure 1), mais très oblique et formé de deux composantes, l'une perpendiculaire à la fosse (subduction) et l'autre parallèle (transformation). Cette deuxième
composante, qui est importante, est à l'origine de la grande faille de S e m a n g k o , qui
s'étend le long des monts Barisan à Sumatra. Toutes les régions situées au sud-ouest
de la faille se dirigent vers le nord-ouest par rapport aux régions situées au nord-est
de la faille.
La composante perpendiculaire à la fosse de Java entraîne une lente subduction
de la croûte de l'océan Indien sous la marge continentale de Sumatra (figure 2).
Quoique l'on sache aujourd'hui que certains sédiments qui recouvrent la croûte
océanique sont capables de plonger, leur faible densité les empêche généralement de
s'enfoncer sur le « tapis roulant » de la croûte océanique en subduction. Cela est
particulièrement vrai le long de la fosse de Java, où les abondants sédiments d u cône
des Nicobar ne peuvent pas s'enfoncer. Ils sont donc arrachés à la plaque en subduction pour constituer un prisme d'accrétion constamment déformé, qui, en s'élevant
au-dessus du niveau de la mer, a formé les îles de Nias et de Mentawai (figure 2). Des
études détaillées de l'île de Nias ont montré que le prisme d'accrétion qui a c o m mencé à se constituer vers -21 M . A . s'est accru en hauteur et en largeur jusqu'à nos
jours. Plus ce prisme s'accroît, plus la fosse de Java est repoussée lentement vers
l'océan.
U n e autre caractéristique d'une frontière de plaque convergente est le bassin
avant-arc (figure 2). C'est une dépression en forme de cuvette qui s'étend entre le
prisme d'accrétion en expansion et l'arc volcanique, lequel s'accroît également en
raison de l'activité volcanique, ce qui entraîne aussi, avec le temps, l'accroissement
du bassin quand il est en position très stable ; il se remplit alors de sédiments non
déformés, arrachés à l'arc volcanique. Ces bassins ont vivement intéressé les entreprises qui se livrent à la recherche pétrolière. Malheureusement, les investissements
et les efforts consentis n'ont pas produit les résultats escomptés : les bassins se sont
révélés trop froids pour entraîner la transformation en pétrole et en gaz naturel, à
une échelle commerciale de la matière planctonique et végétale piégée dans les
sédiments.
41
Charles S. Hutchison
Figure 1
Carte montrant le transport des sédiments de l'Himalaya
jusqu'à la mer, par le Gange et le Brahmapoutre, puis
jusque dans les profondeurs de l'océan par des courants de
turbidité. L'expansion océanique vers le nord-nord-est
provoque la subduction de la croûte de l'océan Indien à
hauteur de la fosse de Java et continue de pousser le
continent indien sous le Tibet. Repris avec modifications de
Curray et ai, 1982'.
Prisme d'accrétion coincé par un microcontinent
Il arrive parfois que l'expansion océanique entraîne u n continent o u u n microcontinent traité c o m m e partie intégrante de la croûte essentiellement océanique et d u
42
Prospection en Asie du Sud-Est
manteau sous-jacent. Ainsi, la plaque de l'océan Indien s'éloigne actuellement vers le
nord-nord-est de l'axe en expansion de la dorsale d u sud-est indien à une vitesse
d'environ 6 c m par an et charrie avec elle l'énorme continent australien qui s'est
détaché de l'Antarctique vers - 9 5 M . A . 3 L e continent australien a maintenant atteint
la fosse de Java. E n raison de sa taille et d u fait m ê m e qu'il est un continent, il résiste
à la subduction. Il entre donc en collision avec la fosse et pousse le prisme d'accrétion et l'arc volcanique situé devant lui. L'ensemble des éléments liés à la collision
sont visibles sur l'île de T i m o r . A u nord de celle-ci, l'arc volcanique s'est éteint et se
soulève.
Figure 2
Subduction de la croûte de l'océan Indien sous la masse
continentale de Sumatra et croissance du prisme d'accrétion
avec le temps. Pour l'emplacement de la coupe, voir figure 1.
Repris sous forme simplifiée de Karig étal., 19802.
43
Charles S. Hutchison
Exemple : le nord-ouest de Bornéo
Le nord-ouest de Bornéo et la partie adjacente de la mer de Chine méridionale
offrent un excellent exemple de prisme d'accrétion écrasé entre le continent contre
lequel il s'est formé et un microcontinent qui a été poussé par l'expansion des fonds
de la mer de Chine méridionale4 (figure 6).
A l'Oligocène (-34 M . A . ) , le continent de Bornéo ne s'étendait pas aussi loin au
nord que maintenant. L a frontière de plaque entre l'ancienne croûte océanique de la
m e r de Chine méridionale et le continent de l'ouest de Bornéo était active et la
subduction a entraîné l'accroissement du prisme d'accrétion de Rajang (-75 à
- 3 0 M . A . (figure 3). La subduction active a également entraîné la formation d'un arc
volcanique. L'activité ignée dans cet arc est à l'origine de gisements importants d'or,
d'antimoine et de mercure, spécialement dans la région minière de B a u au sud-ouest
de Kuching, la capitale d u Sarawak.
Les roches du prisme d'accrétion de Rajang proviennent des grands fonds. Elles
ont été déposées par des courants de turbidité et il m e semble que l'origine des
sédiments est le M é k o n g , ce grand fleuve qui traverse l'Indochine pour se jeter dans
la mer de Chine méridionale. L e cône de turbidité et le prisme d'accrétion se sont
formés sur la croûte océanique. D e s fragments apparaissent aujourd'hui à la surface
sous la forme d'un dépôt de mélange.
Figure 3
Coupes transversales à travers les provinces géologiques du
littoral nord-ouest de Bornéo et de la zone située au large
correspondant à l'Oligocène (-34 M . A.) et à la période
actuelle et montrant comment le prisme d'accrétion de
Rajang a été écrasé contre le socle de Bornéo Ouest par la
plate-forme de Luconia, microcontinent qui s'est détaché du
plateau continental de l'ensemble Chine du Sud-Est Viet N a m . Repris avec modifications de James, 19845.
44
Prospection en Asie du Sud-Est
Le plateau continental c o m m u n au Viet N a m et à la Chine du sud-est a c o m mencé à se fendre et à se fractionner en multiples microcontinents vers -60 M . A . 4
L'expansion des fonds de la mer de Chine méridionale (-38 à -14 M . A . ) a poussé loin
vers le sud un grand nombre de ces microcontinents. Par suite de ce fractionnement
et de cette expansion, la mer de Chine méridionale est c o m m e jonchée de microcontinents, dont la plupart sont juste au-dessous du niveau de la mer et constituent un
danger pour la navigation. L a plate-forme de Luconia est l'un d'entre eux (figure 3).
C o m m e l'indique la figure 3, une collision s'est produite, vers -20 M . A . , entre le
microcontinent de la plate-forme de Luconia et le prisme qu'elle a écrasé contre le
continent de Bornéo ouest en créant une ceinture plissée. Cette collision a mis un
terme à l'activité de subduction le long de la marge de Bornéo ainsi qu'à l'activité
ignée au Sarawak et a abouti à un accroissement considérable de la masse terrestre
de Bornéo.
La plate-forme de Luconia se situe entièrement au-dessous du niveau de la mer.
Elle contient une épaisse séquence de plate-forme calcaire et de récifs coraliens du
Miocène (-20 à - 7 M . A . ) , typique d'un plateau continental6. Les calcaires ont fourni
à la Malaisie un important c h a m p de gaz naturel en mer. L e gaz est transporté par
pipeline jusqu'au port de Bintulu, où il est liquéfié pour être exporté. L'important
c h a m p de pétrole du delta du Baram au Sarawak et à Brunei est d'une nature
totalement différente. Il correspond à u n grand delta que le Baram, venu du continent de Bornéo, avait constitué au Miocène dans la m e r de Chine méridionale. C e
delta est du m ê m e âge que les calcaires de la plate-forme de Luconia. Toutefois, la
séquence du delta est constituée de boues et de sables, mais ne contient pas de
calcaires. Les végétaux apportés dans les boues du delta par le fleuve il y a déjà
15 M . A . ont été transformés en pétrole en raison de la chaleur due à l'enfouissement
et se sont accumulés dans les sables du delta. Le pétrole est exploité dans les champs
de Miri et de Seria au Sarawak et à Brunei.
Collision entre continents
O n dispose actuellement de renseignements assez précis sur le fractionnement du
supercontinent méridional du G o n d w a n a 7 (figure 4).
L'Inde a c o m m e n c é à se détacher de l'Australie et de l'Antarctique vers
-128 M . A . et l'Australie de l'Antarctique et de la Nouvelle-Zélande vers -95 M . A . 3
La séparation entre l'Australie et l'Antarctique a été lente. Pour l'Inde, le processus
a c o m m e n c é lentement, puis s'est accéléré entre -90 et -45 M . A . , atteignant dans la
direction d u nord la vitesse spectaculaire de 20 c m par an.
La suture de l'Inde et de l'Asie
Le commencement de la collision entre l'Inde et l'Asie se situe vers -45 M . A . L a
position de la partie méridionale de l'Asie par rapport au nord de la zone de suture
(bloc de Lhassa) a été déterminée par des mesures paléomagnétiques effectuées sur
des couches rouges continentales du Crétacé inférieur (-100 M . A . ) près de Lhassa 8 .
Les données révèlent que les zones étudiées (latitude actuelle 30° N ) étaient situées il
y a 100 M . A . à une paléo-latitude d'environ 12° N . L a différence de latitude signifie
que le bloc de Lhassa a été déplacé vers le nord d'environ 2000 k m . Il y a 100 M . A . ,
lorsque le Tibet sud était situé à 12°N, l'Inde se serait trouvée à environ 30°S 3 .
45
Charles S. Hutchison
Figure 4
Evolution du nord-est de l'océan Indien, repris avec
modifications de Curray étal., 1982 ', montrant la séparation
entre l'Inde et le Gondwana vers -126 M . A . et entre
l'Australie et l'Antarctique vers -90 M . A . , et la dérive vers
le nord qui a amené l'Inde à entrer en collision avec l'Asie
vers -45 M . A .
Le bloc de Lhassa a été progressivement poussé vers le nord depuis la collision
de l'Eocène (-45 M . A . ) . Les effets de la collision sont indiqués par la présence de
nombreuses roches volcaniques et intrusives d'époques différentes, les flyshs et la
configuration complexe des failles conjuguées. Le continent indien s'est enfoncé sous
l'Asie et la région himalayenne est caractérisée par une série de plans de chevauchem e n t qui sont tous inclinés vers le nord. Fortement inclinés près de la surface du sol,
ils le sont moins en profondeur. Les sédiments, qui formaient le plateau continental
septentrionnal de l'Inde avant la collision, ont été soulevés vers le sud par-dessus des
roches plus anciennes. L a plongée de l'Inde sous l'Asie a provoqué u n épaississement
de la croûte continentale, qui est passée de l'épaisseur normale de 35 k m à environ
70 k m dans l'Himalaya.
Le m o u v e m e n t de la plaque de l'océan Indien qui s'éloigne à une vitesse de 6 c m
par an de la dorsale du sud-est indien continue de pousser l'Inde vers le Nord et
46
Prospection en Asie du Sud-Est
celle-ci continue de s'enfoncer sous l'Asie. Actuellement, cette convergence vers le
nord entre l'Inde et l'Eurasie se produit surtout le long du M a i n Boundary Thrust, à
raison de 2 c m par an 9 .
L'épaississement de la croûte a produit des structures extrêmement complexes
dans l'Himalaya et sa fonte partielle le long des zones de chevauchement a entraîné
la formation de m a g m a s granitiques qui sont montés très haut à l'intérieur de la
région du M o n t Everest. L a datation par des méthodes fondées sur la désintégration
radioactive a attesté la jeunesse de ces granites, qui remontent seulement au Miocène
(-21 à -13 M . A . ) .
En revanche, la ceinture ignée des monts Gangdise (ou Transhimalaya), au nord
de la zone de suture de Yarlung-Zangbo, est beaucoup plus ancienne. Elle contient
des roches volcaniques et plutoniques dont les plus vieilles remontent à -485 M . A . et
les plus jeunes ne datent que de -45 M . A . 1 0 Cette ceinture a donc une longue histoire.
Elle est constituée en majeure partie par u n arc volcano-plutonique de type andin ou
cordillère formé le long de la marge asiatique méridionale avant l'arrivée de l'Inde.
Seule la phase la plus récente de l'Eocène (-45 M . A . ) est liée à la collision.
Le contexte géologique donne à penser que les granites de l'Himalaya devraient
être riches en dépôts associés d'étain et de tungstène, mais la prospection dans la
région a été décevante.
Granites plus anciens et dépôts d'étain et de tungstène
L'Asie du Sud-Est présente une suture beaucoup plus ancienne, témoin de la collision de deux continents au Trias récent (-220 M . A . ) . L a zone de suture traverse vers
le nord la péninsule malaise, passe sous le golfe de Siam et se dirige ensuite vers le
nord-est, près d'Uttaradit et de Nan dans le nord de la Thaïlande. L a subduction de
la croûte océanique avant la collision a produit des roches volcaniques et des granites à l'est de la suture et la collision finale a entraîné la formation des granites vieux
de 198 à 210 M . A . de la grande chaîne montagneuse de la péninsule malaise (Main
R a n g e ) " (figure 5).
Ces granites sont à l'origine de plus de 7 0 % de tout l'étain produit dans le
m o n d e au cours de ce siècle12. Les gisements d'étain sont situés dans la zone de
contact entre les massifs granitiques et les roches sédimentaires dans lesquelles ils ont
pénétré. Le minerai prend la forme de cassitérite (oxyde d'étain), que des fluides
chauds ont déposée avec du quartz près des zones de contact. A la suite d'une
altération et d'une érosion intenses des bordures au Quaternaire inférieur (-2 à
-1 M . A . ) , le quartz et la cassitérite ont été entraînés par les grands réseauxfluviauxet
se sont déposés dans de vastes cônes alluviaux o ù la cassitérite est exploitée à ciel
ouvert ou par dragage. Les champs stannifères sont répartis très inégalement, plus de
70 % de la production étant concentrés dans six grands centres : Kinta Valley (Ipoh,
Malaisie), Bangka, Kuala L u m p u r , Phuket, Billiton et côte orientale de la péninsule
malaise (Kuantan) (voir figure 5) 12 . Généralement les granites qui sont associés à
l'étain le sont également au tungstène. L a région de la pointe de Tavoy et la zone
située à l'ouest de M a e L a m a , en Birmanie, en produisaient beaucoup.
47
Charles S. Hutchison
Ceinture orientale, série épizonale
-.} - calc-alc gabbro-granodiorite-granite.
- ^ Permien récent - Trias récent
Ceinture centrale. Roches granitiques
et métamorphiques riches en N a .
Permien - Trias récent
Grande chaîne montagneuse. Granites.
i Surtout Trias récent. Roches profondes
et cisaillées à l'est, devenant épizo' nales dans la direction de la flèche
- < — à l'ouest de Penang
Nord de la Thaïlande. Granites dus à
la dérivation de la croûte continentale. Principalement Trias récent
I Ceinture occidentale. Granites
I épizonaux du Crétacé
Autres granitoïdes
Age déterminé d'après la désintégration radioactive. M A
Principales zones d'activité volcanique
de la fin du Paléozoïque jusqu'au
début du Mésozoïque
Ligne d'ophiolites (zone de suture)
Lignes structurelles dans le golfe
* du Siam
4?
i Bassin de cisaillement-effondrement
tertiaire
300
400 km
OCÉAN INDIEN
Figure 5
Granites riches en étain et en tungstène de la péninsule
malaise. Indication de leur âge, déterminé par des mesures
fondées sur la désintégration radioactive. D'après Hutchison,
1983".
48
Prospection en Asie du Sud-Est
Figure 6
Principaux gisements minéraux de l'Asie du Sud-Est et
frontières de plaques. La dimension des symboles est sans
rapport avec l'importance relative des gisements. Le contour
de la plate-forme de la Sonde représente la région de
l'ancienne croûte continentale pré-mésozoïque remontant à
plus de 150 M . A . Les gisements d'étain, de tungstène et
d'antimoine sont limités à cette région. D'après Hutchison,
1978 ".
Gisements minéraux des arcs volcaniques
Les autres grands types de gisements minéraux de l'Asie d u Sud-Est sont liés aux
arcs volcaniques actifs o u récemment éteints12. L e système de fosses qui s'étend de
Sumatra à la m e r de B a n d a et qui traverse a u nord les Philippines est longé par des
arcs de volcans très actifs, caractéristiques des frontières de plaques convergentes.
L'activité volcanique se produit sur la plaque chevauchante, là où la croûte océanique de la plaque en subduction a atteint une profondeur de 100 à 150 k m . Les
Philippines présentent deux systèmes de fosses opposés (figure 6).
Les volcans récemment éteints renferment des gîtes disséminés et de minces
veines contenant des sulfures de cuivre et de fer associés à de l'or et à de l'argent. Il
faut que les cônes volcaniques aient été profondément érodés pour que des minéraux
affleurent, de sorte que les volcans qui sont éteints depuis plus de 10 M . A . sont les
lieux o ù la prospection offre les meilleures perspectives. C'est aux Philippines q u ' o n
trouve la plus forte concentration de gisements de cuivre (minerai de cuivre porphy-
49
Charles S. Hutchison
rique), mais il y a un dépôt plus petit à M a m u t (Bornéo). A v e c la récession économique actuelle, la priorité est accordée à la recherche et à l'exploitation de gisements
d'or et d'argent. Ces métaux sont produits aux Philippines et en Indochine, après
l'avoir été à B a u (Bornéo) et à R a u b (péninsule malaise) (figure 6). D e nouveaux
gisements d'or viennent d'être découverts et sont actuellement mis en exploitation à
Sumatra et à Kalimantan.
L a figure 6 montre qu'il y a, suivant les minéraux, une nette opposition entre les
zones productrices. U n e croûte continentale ancienne est nécessaire à la présence de
dépôts d'étain, de tungstène et d'antimoine 13 , qui sont limités à la région de la
plate-forme de la Sonde, en Asie d u Sud-Est continentale. E n revanche, le cuivre, le
fer, l'or, l'argent, le chrome et le nickel sont suffisamment concentrés pour être
rentables là o ù la croûte continentale est absente. L e mercure ne semble pas sélectif.
E n s o m m e , la localisation des gisements minéraux, de gaz et de pétrole résulte en
grande partie de la collision de microcontinents avec le bord d'importantes masses
continentales à la limite de plaques convergentes. Ces processus induisent une déformation à grande échelle par enfoncement, plissement et formation de failles, ce qui
fait ressortir la nécessité de mieux comprendre, dans le cadre de la tectonique des
plaques, ces zones tectonisées d u m o n d e .
•
Notes
1. Curray, J.R. ; E m m e l , F.J. ; Moore, D . G . et Raitt, R . W . Structure, tectonics, and geological history of the northeastern Indian Ocean. Nairn, A . E . M . et Stehli, F . G . (dir. publ.).
The Ocean basins and margins, vol. 6, The Indian Ocean. Plenum Press, N e w York, 1982,
p. 399-450.
2. Karig, D . E . ; Lawrence, M . B . ; Moore, G . F . et Curray, J.R. Structural framework of the
fore-arc basin, N . W . Sumatra. J. geol. soc. London, vol. 137, 1980, p. 77-91.
3. Veevers, J.J. (dir. publ.), Phanerozoic earth history of Australia. Oxford geological
sciences series 2, Clarendon Press, Oxford, 1984.
4. Taylor, B . et Hayes, D . E . Origin and history of the South China Sea Basin. Hayes, D . E .
(dir. publ.). The tectonic and geologic evolution of Southeast Asian seas and islands ; Part
2. Geophysical monograph 27, A m e r . Geophysical Union, Washington, 1983.
5. James, D . M . D . (dir. publ.). The geology and hydrocarbon resources of Negara Brunei
Darusslam. Brunei Museum and Brunei Shell Petroleum C o . , Bandar Seri Bagawan,
Brunei, 1984.
6. Hutchison, C . S . Tertiary basins of S.E. Asia - their disparate tectonic origins and eustatic
stratigraphical similarities. Geol. soc. Malaysia bull., vol. 19, 1986, p. 109-122.
7. N o m donné par L . L . Fermor d'après les Gonds, tribu montagnarde du centre de l'Inde,
vivant au nord de Nagpur et Van (ou Wan), terme sanscrit signifiant forêt. Le Gondwana
est le supercontinent dont l'Inde faisait partie il y a plus de 130 millions d'années.
8. Achache, J.; Courtillot, V . et Zhou, Y . X . Paleogeographic and Tectonic Evolution of
Southern Tibet since Middle Cretaceous Time : N e w Paleomagnetic Data and Synthesis.
Journal of Geophysical Research, vol.89, 1984, p. 10311-10339.
9. Mercier, J.L.; Li Guangcen (dir. publ.). Mission franco-chinoise au Tibet, 1980. Paris,
Editions du Centre national de la recherche scientifique, 1984.
10. Debon, F . ; Le Fort, P . ; Sheppard, S . M . F . et Sonet, J. The four plutonic belts of the
Transhimalaya-Himalaya : a chemical, mineralogical, isotopic, and chronological synthesis along a Tibet-Nepal section. J. Petrology, vol. 27, 1986, p. 219-250.
11. Hutchison, C . S . Multiple Mesozoic S n - W - S b granitoids of Southeast Asia. CircumPacific plutonism terranes. Geol. soc. America Memoir, vol. 159, 1983, p. 35-60.
50
Prospection en Asie du Sud-Est
12. Hutchison, C . S . et Taylor, D . Metallogenesis in S E Asia. J. geol. soc. London, vol. 135,
1978, p. 407-428.
13. Hutchison, C . S . The distribution and origin of Southeast Asian ore deposits. Malaysian
geographers, vol. 1, 1978, p. 13-36.
Pour approfondir le sujet
H U T C H I S O N . C . S . Geological evolution of Southeast Asia. Oxford, Clarendon Press, Oxford
Geological Sciences Series, 1987 (sous presse).
51
Bassins sédimentaires,
tectonique des plaques
et c h a m p s pétrolifères
Bruce Sellwood
Si la tectonique des plaques n'a pas conduit directement à la découverte de tel ou tel
champ pétrolifère, cette théorie contribue à expliquer pourquoi certains types de bassins
sédimentaires sont plus propices que d'autres à la formation et à l'emmagasinage du
pétrole et du gaz naturel, et fournit un cadre d'exploration pour l'avenir.
Les hydrocarbures se répartissent dans les divers bassins sédimentaires du globe. Ces
bassins sont des dépressions crustales de toutes dimensions dans lesquelles des
couches successives de grès, de pélite, de calcaire et de sel se sont accumulées,
quelquefois sur de larges épaisseurs (bien des kilomètres). Ces bassins doivent leur
origine aux processus à grande échelle qui régissent la dynamique de la croûte
terrestre et le mouvement des plaques. Ils se sont formés sur la croûte continentale
ou sur la croûte océanique. Les plus grands bassins sont tout simplement les océans
e u x - m ê m e s mais, c o m m e nous le verrons, les océans se prêtent mal à la formation et
à l'emmagasinage des hydrocarbures.
Le type de bassin sédimentaire formé et son évolution géologique ultérieure
dépendent de l'interaction d'un ensemble de variables dont les plus importantes sont
probablement: la nature continentale ou océanique de la croûte sous-jacente; la
nature du régime tectonique - divergent (extension) ou convergent (compression)
(certains bassins commencent par un régime de contraintes en extension et subissent
ensuite de fortes compressions, par exemple la région du Golfe) ; la durée des
régimes de contraintes ultérieurs. L e climat détermine le taux d'érosion des hautes
terres adjacentes et ainsi, dans une certaine mesure, la nature et la maturation des
sédiments déposés.
La tectonique des plaques fournit au géologue pétrolier un cadre global d'étude
des gisements de pétrole et de gaz naturel1. Cette théorie nous permet également de
comprendre en termes généraux certains changements qui se sont produits dans la
répartition géographique des terres et des mers au cours des temps géologiques
Bruce Sellwood est chargé de cours en géologie à l'Université de Reading, au Royaume-Uni. Il s'intéresse
tout spécialement à l'évolution des bassins sédimentaires, et il effectue ses travaux de recherche dans le
sud de l'Angleterre, dans le bassin parisien, en mer du Nord et au M o y e n Orient. B . Sellwood a été
professeur invité au Texas (Etats-Unis d'Amérique) et en Malaisie. Il est l'auteur de nombreux articles et il
a apporté sa contribution dans son domaine de spécialisation à un grand nombre de manuels. Son adresse
est la suivante : Department of Geology, University of Reading, Whiteknights, Reading R G 6 2 A B
(Royaume-Uni).
53
Impact : science et société, n° 145,
53-62
Bruce Sellwood
(évolution de la carte paléogéographique) et, ainsi, de déterminer quelles sont les
zones du globe o ù des hydrocarbures ont pu se former, migrer ou être piégés. L a
tectonique des plaques n'a pas conduit à la découverte de tel ou tel c h a m p pétrolifère ;
en revanche, elle contribue à expliquer pourquoi certains types de bassins sont plus
propices que d'autres à la formation et à l'emmagasinage des hydrocarbures.
L'accumulation régionale d'hydrocarbures dans un bassin sédimentaire est
conditionnée par les facteurs suivants :
Roches mères potentielles : généralement des sédiments à grain fin (schistes
argileux, pélites) ayant une teneur élevée en carbone organique total. L a présence de
ces sédiments signifie que les eaux du bassin ont été périodiquement stagnantes. L a
formation d'hydrocarbures s'explique par un phénomène de douce cuisson des sédiments enfouis.
Roches réservoirs potentielles : généralement des grès ou des calcaires très
poreux et très perméables. Ces sédiments s'accumulent d'ordinaire dans des zones
peu profondes et agitées du plateau continental ou dans des chenaux à haute énergie.
Structures potentielles (« bosses enfouies ») dans lesquelles les hydrocarbures
formés peuvent se trouver piégés. Ces structures peuvent être des récifs mais elles
prennent fréquemment la forme de bombements plissés ou failles.
Couvertures potentielles : roches imperméables telles que des sels ou des schistes
argileux qui recouvrent les structures et empêchent o u retardent la migration ascendante des hydrocarbures.
Une évolution géologique appropriée permettant la maturation des roches mères
alors qu'existent déjà des structures étanches contenant des réservoirs mais avant
que les roches réservoirs aient perdu leur porosité par cimentation.
Cette dernière condition est aussi essentielle que dans les affaires humaines, la
présence d'une personne déterminée au bon endroit et au bon m o m e n t . C o m m e nous
le verrons, le type de bassin et la situation géotectonique influent fortement sur les
chances que des roches mères, des roches réservoirs et des structures soient présentes.
La tectonique des plaques et la formation de bassins
La plus grande partie d u pétrole découvert à ce jour a été trouvée dans des bassins
sédimentaires qui se sont formés sur la croûte continentale, de sorte que nous
n'aborderons que succinctement les bassins formés sur la croûte océanique. E n bref,
les bassins océaniques reçoivent rarement les sédiments appropriés en quantité suffisante, présentent pour la plupart des caractéristiques géothermiques qui ne permettent pas la maturation des roches mères potentielles et sont trop inactifs du point de
vue tectonique pour produire des structures viables. Soixante-dix pour cent de la
surface de la Terre se trouvent ainsi éliminés mais les activités futures d'exploration
révéleront peut-être que cette conception des choses est exagérément (et m ê m e dangereusement) pessimiste. Toutefois, après plus de quinze ans de forages profonds
dans les bassins océaniques, il n'y a guère lieu d'être optimiste quant à la probabilité
de gigantesques accumulations de pétrole dans les océans.
La plupart des réserves mondiales prouvées d'hydrocarbures sont situées dans
des bassins initialement formés par des forces d'extension agissant sur la croûte
continentale (figure 1). Les trois types de bassin les plus importants (figure 2) sont les
suivants : dépressions intérieures (affaissements), bassins de fracture intérieurs (fossés
54
Tectonique des plaques et champs pétrolifères
Figure 1
Carte indiquant la répartition des principaux bassins qui
comportent des hydrocarbures par rapport au système de
plaques et de frontières entre celles-ci (d'après North, 1985).
d'effondrement o u rifts) et dépressions marginales. Des bassins initialement formés
par affaissement o u fracture peuvent ensuite être soumis à une compression tandis
que des mouvements latéraux donnent naissance à des bassins de décrochement. E n
fait, le processus de décrochement peut venir modifier des dépressions qui se sont
formées de façon plus simple. Kingston et al.2 ont récemment classé les divers types
de bassins et évalué les perspectives qu'ils offrent pour la prospection d'hydrocarbures. L a suite du présent article s'inspire pour une large part de leurs travaux.
Les bassins d'affaissement intérieurs sont plus o u moins circulaires o u ovales et,
c o m m e leur n o m l'indique, semblent s'être constitués par affaissement de la croûte
continentale, généralement sans formation de failles importantes. Les bassins de ce
type se sont créés dans de nombreuses régions du m o n d e , en particulier au Paléozoïque (par exemple, le bassin d u Michigan) et sont très prometteurs (figure 3).
Les bassins de fracture intérieurs (fossés d'effondrement) o u rifts se caractérisent
par la présence de failles normales (figure 4). L a formation d u bassin est souvent
précédée par une phase de formation de d ô m e s crustaux précédant l'effondrement de
la zone de fracture linéaire. L a subsidence le long du fossé peut être associée à
l'extrusion de basalte alcalin et retirement de la croûte qui en résulte autorise la
formation de nombreux blocs failles pivotes qui constituent les principales structures
susceptibles de piéger les hydrocarbures (par exemple, le golfe de Suez ; la mer d u
N o r d il y a 170 millions d'années).
Les dépressions marginales sont situées sur les bords externes de la croûte continentale (figure 5) dans des zones de divergence (bassins océaniques récemment
ouverts). Elles peuvent représenter une phase ultérieure de l'évolution de la croûte
dans des zones où une rupture s'est déjà produite sous la forme de rifts continentaux
55
Bruce Seilwood
Figure 2
Continent fictif présentant u n grand n o m b r e des types de
bassins offrant des perspectives intéressantes qui sont
mentionnés dans le texte ainsi que certains types de bassins
moins prometteurs. 1. Dépression intracontinentale submergée en l'occurrence sous une mer épicontinentale
(mer peu profonde recouvrant une zone intracontinentale)
au cours d'une période caractérisée par u n niveau global
des mers élevé. 2. Fracture intracontinentale (fossé
d'effondrement). 2-3. Evolution d'une fracture
intracontinentale associée à l'affaissement d'une marge
continentale avec l'ouverture d ' u n nouvel océan.
3. Affaissement de la marge continentale avec, selon les
régions, des récifs isolés du continent, une sédimentation du
plateau continental en mer ouverte et un grand delta fluvial.
4. Bassins de décrochement continentaux. 5. Fosse océanique
et bassins associés. 6. Bassin complexe : fracture
intracontinentale devenue dépression intérieure, qui fait
maintenant l'objet d'une structuration interne par
compression.
56
Tectonique des plaques et champs pétrolifères
Figure 3
Modèle d'un bassin
d'affaissement intérieur
(adapté par
simplification de
Kingston et al., 1983).
Grès
Calcaire
0
A
I— I Schiste
I —I argileux
Sel
N Basalte l^r*
•A océanique^
Figure 4
Modèle de bassin de
fracture intérieur (fossé
d'effondrement o u rift)
(adapté par
simplification de
Kingston et ai, 1983).
57
Bruce Sellwood
Figure 5
Modèle de bassin
d'affaissement
marginal. C e bassin a
d'abord été un rift
continental (fracture
intracontinentale)
c o m m e dans la
figure 4. Certains rifts
ne se transforment pas
en nouveaux bassins
océaniques mais m ê m e
alors, ils deviennent
ultérieurement des
bassins d'affaissement
effondrés (adapté par
simplification de
Kingston et ai, 1983).
(par exemple, le littoral Atlantique de l'Amérique d u N o r d et d u Sud, de l'Europe et
de l'Afrique; le plateau continental de la m e r R o u g e ) .
Les bassins de décrochement ou de cisaillement (figure 6) qui offrent des perspectives intéressantes pour la prospection des hydrocarbures sont pour la plupart des
structures jeunes (tertiaires o u plus récentes : < 65 millions d'années). Leur formation c o m m e n c e par u n système de fractures qui devient plus sinueux et trace une
ligne m o i n s continue à mesure qu'il se propage dans une région continentale. A v e c la
formation de failles, des portions de la zone se trouvent verrouillées et déverrouillées. Les zones verrouillées sont soulevées, les zones déverrouillées deviennent des
bassins. Toutefois, ces systèmes sont très mobiles et en raison de leur activité m ê m e ,
la période pendant laquelle ils sont prometteurs pour la prospection est courte. Pour
Figure 6
Modèle illustrant à la fois la forme et, en simplifiant, le
m o d e de constitution d'un système de bassin de
décrochement ou de cisaillement. Les endroits où du pétrole
s'est peut-être accumulé sont signalés par le dessin qui
représente les appareils de forage (d'après Kingston étal.,
1983).
58
Tectonique des plaques et champs pétrolifères
simplifier, o n peut dire que des structures porteuses peuvent se former et se rompre
très rapidement. C e n'est que si le processus de décrochement cesse qu'il est possible
de « geler » les processus et de préserver des pièges à hydrocarbures.
Les marges océaniques actives présentent des jeux (plays) d'hydrocarbures c o m plexes associés à des systèmes de fosses convergentes o u à des systèmes fosse-arc
(figure 2).
E n réalité, la plupart des bassins qui sont actuellement riches en hydrocarbures
ont connu une évolution complexe ; après avoir été des fossés d'effondrement o u des
dépressions, ils ont subi ensuite u n décrochement et/ou une compression (par exemple la région du Golfe) (figure 7).
Type de bassin et perspectives pour la prospection
des hydrocarbures
Les perspectives de la recherche d'hydrocarbures ne peuvent être déterminées, pour
s'en tenir à la façon la plus simple de présenter les choses, que si o n comprend
c o m m e n t l'évolution d ' u n type déterminé de bassin fait naître les conditions propices
à l'accumulation d'hydrocarbures qui ont été évoquées plus haut.
L a circulation était souvent limitée dans les dépressions intracontinentales de
sorte que, c o m m e la m e r Noire m o d e r n e , elles deviennent stagnantes en profondeur
et que de grandes quantités de matière organique n o n oxydée s'accumulent dans les
sédiments qui se déposent à ce niveau. Il se forme ainsi de vastes régions de roches
mères. Les bassins marins qui reçoivent surtout des débris organiques marins se
(15 - 0 Ma) Du Miocene à nos jours
(250 - 200 Ma) Permien-Jurassique
Figure 7
Evolution de la région du Golfe, du Cambrien à nos jours.
La structuration a également impliqué la migration
ascendante du sel, de tels mouvements étant eux-mêmes
souvent déclenchés par des décrochements ou des
compressions (adapté par simplification de Kingston étal.,
1983).
59
Bruce Seilwood
prêtent à la formation de roches mères qui tendront à donner d u pétrole alors que les
bassins lacustres limités contenant d'abondants débris terrigènes sont souvent des
sources de gaz naturel. D e s sables alluvionnaires et/ou des ceintures de récifs périphériques qui constituent des réservoirs idéals peuvent s'accumuler dans les bassins
d'affaissement intérieurs. U n e evaporation périodique peut également produire des
couvertures étanches. Toutefois, la formation de structures n'est pas intense, de sorte
que les pièges les plus courants sont les pièges stratigraphiques, produits soit par le
passage latéral de sables poreux et perméables dans d'autres moins perméables, soit
par la construction biologique de structures (par exemple, récifs à pinacle à l'intérieur des bassins) (figure 8).
Les blocs failles des fractures intérieures (fossés d'effondrement o u rifts) reçoivent des sables n o n marins et ces sédiments constituent des réservoirs potentiels. Les
blocs failles formés au cours des phases initiales de la création d u fossé constituent
e u x - m ê m e s d'excellentes structures potentielles (figure 9) qui peuvent être délimitées
par la présence de failles de décrochement 3 . L'évolution ultérieure d u fossé peut se
traduire par la poursuite de l'effondrement d û à une action thermique (affaissement
et couverture sédimentaire des blocs failles) o u par la mise en place d'une nouvelle
croûte océanique le long de l'axe d u fossé. D a n s ce dernier cas, le bassin de fracture
intérieur se transforme en une dépression marginale.
Les sédiments marins qui recouvrent les blocs failles peuvent, d a n s l'un et
l'autre cas, constituer à la fois des roches mères et des roches couvertures potentielles. Alternativement, dans les régions de climat aride, l'évaporation peut entraîner d'abondantes précipitations de sels. Lorsqu'il se forme de nouvelles marges
continentales, d'épaisses successions de sables, de boues o u m ê m e de récifs d u plateau continental peuvent migrer par-dessus le socle faille sous-jacent. C e s séquences
sédimentaires peuvent englober des deltas fluviaux localisés ( c o m m e celui d u Niger)
o u , lorsque le climat s'y prête, des récifs, des bancs de carbonates et des sables
calcaires couvrant de vastes zones (par exemple, les Récifs de la G r a n d e Barrière o u
Figure 8
Modèle destiné à
illustrer « les récifs à
pinacle » qui
constituent
une forme typique de
pièges stratigraphiques
dans les bassins
d'affaissement
intérieurs. Ici, la
croissance des récifs a
produit la « bosse » et
les sels qui l'ont
enveloppée
ultérieurement ont
fourni la couverture.
Les calcaires ou les
schistes argileux sousjacents, riches en
matière organique, ont
été la source des
hydrocarbures.
60
Tectonique des plaques et champs pétrolifères
W
Figure 9
E
Bloc faille basculé constituant le type de piège caractéristique
des bassins de fracture intérieurs ainsi que de nombreux
bassins d'affaissement marginaux. L'exemple retenu ici est le
« July Oilfield » du golfe de Suez. Le schiste argileux de
Rudeis est la roche mère, le grès nubien est le principal
réservoir et les évaporites du Miocène constituent la
couverture (d'après Sellwood et Netherwood, 1984).
le Banc des B a h a m a s ) . Les dépressions marginales peuvent ainsi recevoir de vastes
nappes sableuses carbonatées idéales pour constituer des réservoirs potentiels et les
remontées régionales d'eau océanique riche en substances nutritives peuvent être à
l'origine de dépôts constituant des roches mères potentielles. Toutefois, la formation
de structures et la maturation des roches mères nécessitent souvent un coup de pouce
extérieur. C'est ce qui s'est passé dans la région du Golfe au Tertiaire alors que cette
région constituait depuis le Cambrien (il y a 600 millions d'années) u n système
associant une dépression intérieure et une dépression marginale. Sur cette ceinture
de croûte continentale, des sables, des calcaires et des évaporites se sont accumulés
sur de grandes épaisseurs, la collision de cette région avec le continent asiatique
produisant des plissements et accroissant le flux thermique, ce qui a rendu possible la
maturation des roches mères (figure 6).
Les systèmes compressifs de marges océaniques m a n q u e n t souvent de roches
mères prolifiques mais contiennent des sables riches en composants minéraux instables provenant de terrains volcaniques adjacents. Ainsi, des réservoirs potentiels
perdent souvent leur porosité avant la maturation des roches mères. L a tectonique
de compression (liée à la subduction) produit des m o d e s structurels complexes qu'il
est difficile de prévoir géométriquement. Quoique le pétrole et le gaz naturel soient
associés aux marges océaniques activement compressives ( c o m m e dans le golfe
61
Bruce Seilwood
d'Alaska), la complexité géologique de ces marges rend leur exploration difficile.
Toutefois, il ne fait aucun doute que ces zones continueront d'être explorées à
l'avenir.
Conclusions
Si la tectonique des plaques ne conduit pas directement à la découverte de c h a m p s
pétrolifères, elle a le mérite d'offrir u n cadre permettant d'orienter les activités d'exploration. C'est principalement dans les bassins qui se sont constitués sur la croûte
continentale que se sont formés o u ont été piégés des hydrocarbures. Les autres
facteurs qui influent sur le potentiel en hydrocarbures de bassins déterminés sont le
régime paléoclimatique et l'existence, à certaines périodes de l'histoire de la Terre, de
groupes particuliers d'organismes capables de produire des réservoirs potentiels
(récifs par exemple) o u des roches mères potentielles (accumulation de plancton par
exemple). Les zones frontières qui seront probablement explorées à l'avenir sont des
systèmes associant fossé d'effondrement et dépression tels que le plateau continental
de la mer de Barents au nord de la Norvège o u les marges océaniques d'une grande
complexité tectonique, moins prometteuses. Toutefois, à condition que les problèmes politiques soient résolus, o n devrait encore découvrir de grandes quantités de
pétrole et de gaz naturel dans le système dépression-collision du Golfe.
•
Notes
1. Stonely, R . Petroleum : the sedimentary basin, chap. 3. Dans Economic Geology and Geotectonics, Tarling, D . H . (dir. publ.). Blackwell Sei. Publications, 1981, p. 51-72.
2. Kingston, D . R . ; Dishroon, C.P. et Williams, P . A . Global basin classification system. Bull.
Amer. Assoc. Petrol. Geoi, vol. 67, 1983, p. 2175-2193.
3. Seilwood, B . W . et Netherwood, R . E . Facies evolution in the Gulf of Suez area : sedimentation history as an indicator of rift initiation and development. Mod. Geology, vol. 9, 1984,
p. 43-69.
Pour approfondir le sujet
N O R T H , F . K . Petroleum Geology, Londres, Allen & Unwin, 1985.
62
Des volcans
et des hommes
Claude Jaupart
Les volcans produisent souvent des cataclysmes imprévisibles. Nous avons une très
bonne connaissance des phénomènes volcaniques mais celle-ci ne nous permet pas
encore d'établir des prédictions détaillées. Les prévisions volcanologiques en sont
encore au stade des balbutiements. Les hommes ont tiré avantage des volcans et ont
appris à vivre dans leur voisinage. Ils doivent maintenant leur rendre l'hommage qu'ils
méritent sur le plan scientifique, en les observant pendant une durée appréciable de leur
activité. Des données doivent être recueillies pendant des périodes où ont lieu de nombreuses éruptions, afin d'être en mesure de mettre au point des modèles physiques et
chimiques. Des observatoires volcanologiques sont créés dans ce but dans un grand
nombre de régions du monde.
Magnifiques et meurtrières à la fois, les éruptions volcaniques ont toujours fasciné
l ' h o m m e . Elles sont probablement le premier p h é n o m è n e géologique qui ait été
décrit en détail - en 79 avant J . C . par Pline le jeune - lors de l'éruption du Vésuve en
Italie. O n les considère depuis l'Antiquité c o m m e la manifestation de la colère et de
l'affliction des dieux, l'exemple le plus célèbre à cet égard étant celui du Fuji-Yama
au Japon et le plus curieux, peut-être, celui de Pelé, la déesse hawaïenne qui verse des
pleurs et s'arrache les cheveux, en réalité des fragments de lave projetés dans l'air qui
tourbillonnent au cours de leur chute.
Variées dans leurs modalités, toutes les éruptions traduisent l'action de forces
puissantes et redoutables sur lesquelles l ' h o m m e n'a pas de prise. D e longues années
d'observation et d'étude ont cependant permis aux scientifiques d'en établir une
classification1. Parmi les formes d'éruption les plus spectaculaires, on peut citer le
type hawaïen avec ses « fontaines de feu », sortes de murs ou de rideaux de lave qui se
dressent à des hauteurs souvent supérieures à 100 m . U n e autre catégorie est celle des
éruptions stromboliennes, illustrées par le Stromboli et l'Etna, deux volcans ayant
manifesté une incessante activité tout au long de l'histoire. Elle se caractérise par une
série d'explosions puissantes qui projettent dans l'air des fragments de lave à des
Claude Jaupart est professeur de géophysique à l'Université de Paris VII et à l'Institut de Physique du
Globe. Il concentre ses travaux de recherche sur les modèles physiques de processus magmatiques, y
compris la structure et la dynamique des réservoirs de m a g m a , ainsi que sur la nature des différents
régimes des éruptions volcaniques. O n peut contacter le professeur Jaupart à l'Université de Paris VII, 4,
place Jussieu, 75252 Paris Cedex 05 (France).
63
Impact : science et société, n° 145,
63-70
Claude Jaupart
vitesses de plusieurs centaines de mètres par seconde. La variété plinienne est également célèbre : elle se traduit par u n énorme jet de lave et de gaz qui monte en flèche à
plusieurs kilomètres de hauteur, perturbant toute l'atmosphère. Les éruptions les
plus effrayantes sont peut-être les « peléennes », qui doivent leur n o m à la montagne
Pelée, à la Martinique. Elles sont à l'origine de « nuées ardentes » que l'on peut
définir c o m m e des déferlements meurtriers de gaz et de ponce brûlants qui dévalent
les flancs des volcans à des vitesses de plusieurs centaines de kilomètres à l'heure et à
des températures supérieures à 600° C .
U n e liste complète de tous les types d'éruption en comprendrait beaucoup
d'autres et serait ici quelque peu hors de propos. Mais les exemples donnés expliquent peut-être la fascination exercée par les volcans. Lucarnes de l'enfer, selon
d'anciennes croyances, ils donnent à l ' h o m m e la pleine mesure de sa faiblesse et de sa
vulnérabilité. Pour le physicien, ils sont une véritable merveille et, toutes proportions
gardées, ils offrent des exemples naturels de ce qui se produit lorsque le m a g m a et le
gaz, en s'élevant vers la surface, se trouvent soumis à une décompression. L a volcanologie comporte, certes, de n o m b r e u x aspects intéressants et il serait impossible de
les traiter tous dans un article aussi bref. C'est pourquoi, après avoir fait brièvement
le point de ses progrès récents et des connaissances actuelles, nous nous bornerons à
tenter de répondre aux deux questions suivantes : pourquoi l ' h o m m e a-t-il continué
de vivre au voisinage de volcans susceptibles de l'anéantir? Et pourquoi notre
connaissance des conditions des éruptions est-elle si limitée et notre capacité de
prévision si peu assurée?
Ces questions paraissent opportunes à u n m o m e n t où les systèmes volcaniques
profonds de la Californie et de l'Italie, autrefois réputés éteints, donnent des signes
de perturbations majeures. Pour illustrer le sort qui attend les habitants de ces
régions en cas d'éruption, il suffit de regarder la carte géologique de la zone entourant la ville de Bishop, au pied de la Sierra N e v a d a , non loin de la côte ouest de
l'Amérique du N o r d . O n y remarque une couche de ce que les géologues n o m m e n t
« ignimbrites », appellation scientifique des dépôts de cendres chaudes. Cette couche
couvre une superficie d'un millier de kilomètres carrés environ sur une épaisseur de
plus de cent mètres. Elle s'est déposée à la suite d'une éruption unique, survenue il y
a 700000 ans - autant dire hier à l'échelle des temps géologiques - dont il est
concevable qu'elle se répète. Cette zone donne actuellement des signes manifestes
d'activité sous la forme de sismicité et d'une déformation superficielle. L a dernière
apparition de m a g m a par l'extrusion du d ô m e d u lac M o n o n'y date d'ailleurs que de
700 ans. Il semble inutile de justifier davantage la priorité qu'il convient d'accorder à
l'élucidation de mécanismes de ce type d'activité volcanique.
Les volcans peuvent frapper partout et toujours
D a n s le contexte de la tectonique des plaques, les volcans peuvent se diviser en deux
catégories (voir l'article de José Achache dans le présent n u m é r o ) . Ceux de la
première catégorie se manifestent le long de ceintures parallèles aux frontières de
plaques (figure 1). Les plus spectaculaires sont ceux de la ceinture dite «cercle de
feu » qui entoure l'océan Pacifique, englobant le Japon. Ces volcans sont liés aux
effets de la subduction, autrement dit à l'interaction entre une plaque litosphérique
froide en train de s'enfoncer et celle qui la chevauche. D'autres ceintures volcaniques
se confondent avec les dorsales océaniques, l'expansion des fonds océaniques s'effec-
64
Des volcans et des hommes
Figure 1
Volcans en activité dans le monde. O n notera que les
volcans forment en général des ceintures qui épousent les
frontières tectoniques. Ils sont dus aux interactions qui
se produisent à la limite des plaques se déplaçant à la surface
de la Terre. Certains volcans ne se situent pas à la frontière
de plaques tectoniques. Appelés « intracontinentaux » (ou
« intraplaque »), ils sont la conséquence de remontées
localisées, à l'intérieur du manteau.
tuant par le biais d'injections répétées de m a g m a . D e s traces d'activité volcanique
sont d'ailleurs décelables sur le plancher des océans ; elles vont de la forme caractéristique des coulées de lave mises en place sous l'eau (« laves en coussin ») à l'existence de véritables édifices volcaniques. O n trouve u n troisième type de volcan sur la
ligne de collision entre deux continents ; le plateau tibétain qui résulte de la collision
entre l'Inde et l'Asie est, par exemple, couvert de dépôts volcaniques. E n l'occurrence, la genèse du m a g m a (fusion) s'explique par l'évolution thermique des continents après leur épaississement. Ces trois types de volcans forment de longues
ceintures parce qu'ils résultent des interactions des plaques à leurs frontières. Ils ont
chacun des caractéristiques physiques et chimiques propres ; à chacun correspondent
une composition et un m o d e d'éruption particuliers. Etant liés à la tectonique des
plaques, ils sont déterminés par de vastes m o u v e m e n t s que l'on connaît avec u n e
certaine précision. Leur origine et leur comportement à long terme sont de ce fait
relativement bien connus.
O n pourrait croire, sur la foi de ces brèves indications, qu'il suffit de vivre hors
des régions d'activité tectonique (ceintures montagneuses, zones de subduction)
65
Claude Jaupart
pour échapper aux risques volcaniques. C e n'est malheureusement pas le cas. Il
existe en effet une deuxième catégorie de volcans, dits intracontinentaux (ou intraplaque), qui sont indépendants des interactions des plaques et peuvent « frapper »
n'importe o ù . Ainsi, la France métropolitaine est en apparence aujourd'hui l'un des
pays les plus calmes sur le plan géologique puisque la paix n'y est troublée que par de
rares séismes mineurs. Pourtant, le Massif central, qui se dresse au cœur m ê m e du
pays, est une région d'activité volcanique récente, où des éruptions explosives et de
vastes coulées de lave ont été enregistrées il y a tout juste quelques milliers d'années soit quelques heures à l'échelle des temps géologiques. E n Allemagne, les régions
d'Eifel et d u Kaiserstuhle ont également été ravagées voilà seulement dix mille ans
par des éruptions volcaniques. Ces manifestations sont récentes et dues, par conséquent, à des processus profonds encore actifs qui pourraient causer de nouvelles
catastrophes. Des études géophysiques détaillées ont d'ailleurs révélé la présence de
m a g m a dans les profondeurs de ces régions. A u milieu de l'océan Pacifique, loin de
toute frontière entre deux plaques, H a w a i offre u n autre exemple de cette catégorie.
La première catégorie de volcans est liée aux interactions et aux mouvements
des plaques. Si l'on regarde plus loin à l'intérieur de la planète, elle apparaît c o m m e
le résultat final de la convection thermique qui se produit dans le manteau. Ces
mouvements convectifs mantéliques prennent la forme de vastes « cellules » bien
connues des physiciens, qui sont mues par l'énergie interne de la Terre. Ils font
savoir que le m a g m a n'est pas présent partout sous la surface du globe, contrairement à ce que l'on croit c o m m u n é m e n t . Il ne se trouve que là o ù il y a m o u v e m e n t , et
ce par deux mécanismes : l'allégement des pressions dans les parties montantes du
manteau et la chaleur frictionnelle dans la partie plongeante de la lithosphère, au
niveau des zones de subduction.
L a deuxième catégorie de volcans ne présente aucun lien avec la première et est
attribuée à une deuxième forme de convection qui s'accompagne de remontées
abruptes et localisées appelées « panaches » o u « points chauds ». Son origine est
encore controversée : beaucoup de scientifiques la rattachent à des mouvements qui
se produiraient dans un réservoir mantélique isolé et profond.
Ce que nous savons aujourd'hui de la physique des mouvements et de la convection dans le manteau suffit à expliquer l'existence de deux types de volcans différents
mais ne permet pas de comprendre leurs caractéristiques détaillées. E n dépit des
vastes efforts déployés depuis quelques siècles, les scientifiques demeurent incapables de prédire et de prévoir les éruptions. Heureusement, les volcans nous avertissent. Lorsque la lave entame son voyage vers la surface, elle ouvre dans l'écorce
terrestre des fractures que les sismologues peuvent enregistrer. A u M o n t SaintHelens, aux Etats-Unis d'Amérique, des fractures avaient été décelées deux mois
avant l'éruption du 18 mai 1980 (figure 2a). A l'île de la Réunion, dans l'océan
Indien, le Piton de la Fournaise avait lancé des avertissements analogues pendant
environ deux semaines (figure 2b). Cependant, ces avertissements ne sont que le
signal de l'imminence d'un cataclysme et ne permettent pas de déterminer avec
précision le m o m e n t et le lieu o ù interviendra la coulée de lave. O r , l'intervalle entre
le premier m o u v e m e n t de lave dans les profondeurs et l'éruption à la surface peut
être très bref.
Pourquoi notre ignorance est-elle si grande? U n e première réponse est qu'il est
dangereux d'étudier les éruptions et impossible de le faire de près. L'éruption du
M o n t Saint-Helens a tué presque instantanément le vulcanologue D a v e Johnston
66
Des volcans et des hommes
Première explosion de vapeur
S 40
Cataclysme
1 30
Figure 2a
Activité sismique au Mont Saint-Helens (Etats-Unis
d'Amérique) avant l'éruption catastrophique du 18 mai 1980.
qui l'observait, pourtant, d'une distance de 10 k m . U n e deuxième raison est qu'une
seule éruption n'apprend pas grand chose sur l'ensemble d'un système volcanique
dont l'activité dure peut-être depuis plusieurs dizaines de milliers d'années. C h a q u e
éruption a des particularités propres et ne se répète jamais, ne serait-ce que parce
qu'elle modifie la structure et la géométrie d u volcan. U n e dernière raison est que la
Début de l'éruption
I îoo
Figure 2b
Début de
l'activité sismique
Activité sismique au Piton de la Fournaise, à l'île de la
Réunion, avant l'éruption du 3 février 1981. Dans ces deux
cas, l'activité sismique est mesurée d'après le nombre de
tremblements de terre d'une intensité donnée (leur magnitude
selon la terminologie géologique). O n notera que cette
activité débute longtemps avant l'éruption, soit environ deux
mois auparavant au Mont Saint-Helens et deux semaines au
Piton de la Fournaise.
67
Claude Jaupart
physique et la chimie de ces systèmes sont extrêmement complexes d u fait qu'elles
font intervenir du gaz et d u m a g m a , des interactions avec les eaux souterraines et une
cristallisation. Il résulte de tout cela qu'il n'existe pas actuellement de modèle permettant de reproduire les phénomènes volcaniques.
La situation est pourtant loin d'être désespérée et de nombreux progrès ont été
accomplis depuis quelques années. Il est clair que les éruptions volcaniques de tous
types sont dues à des différences de viscosité de la lave qui ont fait l'objet d'analyses
théoriques3-4 E n outre, les données recueillies sur de longues périodes montrent que
les volcans sont remarquablement disciplinés et ont un comportement relativement
constant. L e Kilauea (Hawaï) et le Piton de la Fournaise (la Réunion), par exemple,
produisent de la lave au rythme de 1 k m 3 par siècle depuis plus de 2000 ans, soit
toute la période couverte par des archives. Ces deux volcans entrent en éruption à
des intervalles de quelques années, de sorte qu'il y en a eu u n grand n o m b r e pendant
cette période. Leur taux de production est si constant et régulier que la connaissance
de l'intervalle entre deux éruptions permet de calculer la quantité de lave à prévoir à
chaque fois5. C e comportement montre que les systèmes volcaniques obéissent à des
lois simples et se prêtent à la modélisation physique.
Pour aller plus loin et comprendre dans le détail l'évolution des volcans, il
n'existe qu'une méthode : accumuler des données sur des périodes prolongées. V u la
longue durée de vie des volcans, il importe de se faire une idée de leur comportement
m o y e n . C'est pourquoi des observatoires volcanologiques ont été créés. L'année
1987 marque le 75e anniversaire de l'observatoire volcanologique de H a w a ï , o ù des
scientifiques collectent en continu des données sur la déformation du sol, la distribution profonde des fractures en profondeur et l'histoire des éruptions. L a France
assure depuis une dizaine d'années le fonctionnement d'observatoires sur les îles de
la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion. Quant à l'Italie, elle surveille
depuis longtemps, avec u n équipement moderne, l'activité de l'Etna et du Stromboli.
Les scientifiques espèrent pouvoir élucider le fonctionnement des volcans à long
terme c o m m e ils commencent à comprendre, au bout de quatre siècles de mesures
continues, celui du c h a m p magnétique terrestre. L a mise en œuvre de toute la
puissance de la technologie moderne leur permettra peut-être d'atteindre leur objectif plus rapidement...
Les volcans et la civilisation
Si les volcans sont aussi dangereux et imprévisibles, pourquoi choisit-on encore de
vivre dans leur voisinage? Q u e les villages de l'Etna soient constamment détruits par
les coulées de lave n'empêche pas leurs habitants d'y retourner fidèlement. L a raison
n'en est pas la force de l'habitude, mais un choix économique simple. Les volcans
fournissent des sols très fertiles et de l'énergie en quantité. Il suffit de contempler les
riches vergers qui couvrent les pentes des volcans d ' H a w a ï pour mesurer pleinement
la prospérité agricole des régions volcaniques. Cette fertilité s'explique par la forte
porosité des sols volcaniques, qui sont constitués de cendres consolidées ou de
coulées de lave vacuolaire et retiennent en conséquence d'importantes quantités
d'eau. E n Islande, le chauffage et la production d'électricité sont assurés par des
centrales géothermiques et o n peut donc dire que l'énergie volcanique contribue à la
vie de tous les jours.
Plus généralement, l'impact des volcans sur la naissance des civilisations est
68
Des volcans et des hommes
assez bien attesté. E n Italie, par exemple, au VIe siècle avant J.C., les Etrusques
formaient la société la plus riche et la plus avancée; les œuvres d'art qu'ils ont
produites atteignent à une beauté éternelle. Cette richesse, ils la devaient à leur
agriculture et au tuf volcanique fertile sur lequel ils la pratiquaient. Plus frappant
encore est l'essor architectural et urbanistique qui se produisit chez les Amérindiens
de l'Arizona vers le XIe siècle de notre ère. Les merveilleuses demeures troglodytiques
et les forteresses de six étages qui ont subsisté jusqu'à nos jours ont toutes été édifiées
au cours d'une brève période durant laquelle les tribus indiennes Anasazi jouissaient
apparemment d'une prospérité qui leur a permis de passer moins de temps à arracher
leur nourriture au désert. Cette brève période se situe immédiatement après l'éruption du Sunset Crater qui, en recouvrant leur territoire de cendre, a fertilisé le sol et
l'a rendu propre à toutes sortes de cultures. Hélas, cette activité volcanique n'a pas
duré et le tuf a subi un tassement qui en a réduit la porosité et lui a fait perdre sa
capacité à retenir l'eau. L a terre est redevenue aride et les Indiens ont repris leur vie
nomade.
Si les volcans peuvent donner naissance à la civilisation, ils peuvent aussi,
malheureusement, la détruire. O n connaît l'exemple, célèbre entre tous, des Minoens
de Crète qui, vers 1400 avant J.C., furent rayés de la surface de la terre du fait de
l'explosion de l'île de Santorin. A une échelle plus réduite, le Vésuve fut à l'origine de
la disparition d'Herculanum et de P o m p é ï
Vulcanologie et préoccupations humaines
U n e dernière question s'impose : pourquoi ne surveille-t-on pas les volcans de plus
près et pourquoi ont-ils causé la mort de tant de personnes qui étaient pourtant
averties du danger? U n e première réponse est que l'activité eruptive des volcans
prend la forme soit d ' u n lent épanchement continu de lave c o m m e à l'île de la
Réunion, soit de puissantes mais peu fréquentes explosions destructrices. L ' h o m m e
tend donc à s'en a c c o m m o d e r ou à l'oublier. U n certain Harry T r u m a n , qui vivait à
proximité du M o n t Saint-Helens, refusa de quitter sa maison lorsqu'on l'avertit de
l'imminence de la catastrophe de 1980. Il déclara aux journalistes que la montagne
qu'il connaissait depuis sa naissance « n'allait pas lui faire ça». Il périt enseveli sous
des tonnes de cendre.
U n e deuxième réponse est que les administrations, qui semblent impuissantes à
prendre toute la mesure d u risque, se conduisent de manière irresponsable. Plus de
30000 habitants de la ville de Saint-Pierre, à la Martinique, ont été tués le 8 mai
1902. L a montagne Pelée manifestait une activité volcanique depuis la fin d'avril,
mais les élections se préparaient et l'on craignait q u ' u n déplacement de la population
ne nuise au processus démocratique. C e fut, hélas, l'éruption qui lui nuisit. Plus
récemment, l'installation d'un observatoire volcanologique sur l'île de la Réunion se
heurta aux réticences des autorités locales... jusqu'à ce qu'une coulée de lave détruise
le commissariat de police. D a n s la région du M o n t Saint-Helens, il fallut que se
produise l'explosion destructrice de mai 1980 pour q u ' o n se décide à construire u n
observatoire afin de surveiller les nombreux volcans des Etats de l'Oregon et de
Washington.
Il semble que les craintes de l ' h o m m e soient éphémères et sa mémoire des
catastrophes bien courte. Des chiffres précis peuvent m ê m e être donnés à cet égard.
L a figure 3 représente l'indice mondial de « notification » autrement dit le nombre de
69
Claude Jaupart
1980
Années
Notification du volcanisme au cours des cent vingts dernières
années (d'après Simkin et ai, 1981)2. La courbe correspond
au nombre de volcans actifs par an. O n notera sa pente
généralement croissante qui traduit le développement des
études scientifiques. Elle se caractérise par des pics marquant
la recrudescence de l'intérêt porté aux volcans, à la suite
d'éruptions catastrophiques.
rapports établis chaque année sur des éruptions volcaniques, n o m b r e qui traduit
l'intérêt que l'humanité porte à ces p h é n o m è n e s (Simkin et al., 1981). L e graphique
présente deux caractéristiques : premièrement, une courbe dans l'ensemble ascendante qui rend compte de l'accroissement général du n o m b r e des études scientifiques
et, deuxièmement, une série de pics qui, presque toujours, font suite à des éruptions
catastrophiques, c o m m e celle de 1883, à Krakatoa (Indonésie) qui tua plus de 36000
personnes et celle de la montagne Pelée en 1902. U n e caractéristique frappante de ces
pics est qu'ils ont tous la m ê m e durée : 5 à 6 ans. A u bout de cette période relativement brève, il semble q u e l'intérêt de l ' h o m m e décroisse et qu'il faille une nouvelle
éruption pour rappeler au m o n d e les dangers inhérents aux volcans.
•
Notes
WILLIAMS, H . et M e BIRNEY, A.R. Volcanology. San Francisco, Freeman, Cooper & Co.,
1979.
SIMKIN,T.; SIEBERT, L. ; M C C L E L L A N D , L.; BRIDGE, D . ; N E W H A L L , C. et LATTER, J.H.
Volcanoes of the world. Pennsylvania, Hutchison Ross Pub. Co., 1981.
WILSON, L. et H E A D , J.W. Ill, Ascent and eruption of basaltic magma on the earth and
moon. Journal of Geophysical Research. n°86, 1981, p. 2971-3001.
V E R G N I O L L E , S. et J A U P A R T , C . Separated two-phases and basaltic eruptions. Journal of
Geophysical Research. n°91, 1986, pp. 12842-12860.
W A D G E , G . Steady-state volcanism : evidence from eruption histories of polygenetic volcanoes. Journal of Geophysical Research. n° 87, 1982, pp. 4035-4049.
70
La sismicité du Japon :
tremblements de terre
et tsunamis
Katsuyuki Abe
Le Japon et sa région présentent la configuration typique des arcs insulaires, que l'on
observe là où les plaques océaniques s'enfoncent par subduction à l'intérieur du manteau. Ils sont le siège de séismes à foyer normal et profond qui, assez souvent, provoquent des tsunamis. Le Japon est l'un des pays du monde dont les archives permettent de
remonter le plus loin dans la connaissance de l'activité sismique. Un examen plus
attentif des caractéristiques de cette sismicité permet de dégager certains traits intéressants.
Le Japon a, depuis des siècles, vécu dans la crainte des tremblements de terre. Les
Japonais eux-mêmes disent en plaisantant que leurs quatre sources d'appréhension
quotidiennes sont, dans l'ordre, «jishin (les tremblements de terre), kaminari (le
tonnerre), kaji (le feu), oyaji (mon père) ». A T o k y o , une personne sensible peut
percevoir une trentaine de secousses en u n an. A u cours des quinze derniers siècles, il
y a eu, au Japon, plus de 600 tremblements de terre, qui ont causé, pour certains
d'entre eux, des dégâts très importants. Le grand séisme d u 1er septembre 1923, par
exemple, a fait 142807 victimes et détruit plus de 500000 maisons dans la région du
K a n t o 1 . Les ondes océaniques engendrées par les séismes, auxquelles o n donne à
juste titre le n o m de tsunamis, menacent de temps à autre les habitants des côtes. Le
15 juin 1896, u n grand tsunami a atteint une hauteur de plus de 20 mètres sur le
littoral de Sanriku, tuant 21959 personnes.
Le Japon est situé dans la partie nord-ouest d u cercle circum-pacifique, où
l'activité sismique et volcanique est très intense. Les grands tremblements de terre y
sont fréquents et il s'y produit des séismes profonds, dont le foyer peut être enfoui
jusqu'à 600 kilomètres sous terre. O n discerne dans la région les formes d'arcs
insulaires, et les plaques océaniques y pénètrent par subduction dans les profondeurs
du globe. Les interactions entre ces plaques provoquent, aux endroits o ù elles ont
lieu, d'importants processus géologiques.
L a tectonique des plaques a récemment permis à la sismologie de faire de grands
progrès et nous disposons à présent d ' u n volume exceptionnel de données, à la fois
Katsuyuki A b e est professeur associé de sismologie à l'Institut de recherches sismiques de l'Université de
Tokyo (Japon). Il travaille sur les problèmes de sismicité, les mécanismes au foyer et la prévision des
tremblements de terre. Son adresse est la suivante : Earthquake Research Institute, University of Tokyo,
Yayoi 1-1-1, Bunkyo-ku, Tokyo 113 (Japon).
71
Impact : science et société, n° 145,
71-83
Katsuyuki Abe
macrosismiques et microsismiques, pour nous aider à élucider le mécanisme des
tremblements de terre au Japon et dans le reste du m o n d e .
L'examen de l'activité sismique au Japon fait incontestablement apparaître
certaines caractéristiques intéressantes.
Grands tremblements de terre
L'importance d'un tremblement de terre est généralement exprimée par sa magnitude M 1 . Elle peut être liée empiriquement à la quantité d'énergie libérée sous forme
d'ondes sismiques. U n accroissement d'une unité de magnitude correspond à une
multiplication par environ 30 de la quantité d'énergie sismique. L'énergie d'un
temblement de terre de magnitude 8 est de l'ordre de 10 24 ergs, soit en gros l'équivalent de 1250 bombes atomiques du type de celle qui a frappé Hiroshima. Cela
correspondrait, pour les sismologues, à la formation d'une faille de 10000 k m 2 de
superficie, avec un décalage de 4 mètres entre ses compartiments.
O n trouvera au tableau 1 la liste des 17 séismes normaux enregistrés, de 1886 à
1985, dans la zone où se trouve le Japon et dont la magnitude 7,9 ou plus a pu être
déterminée à l'aide d'instruments. Toutes ces secousses ont provoqué des destructions. Depuis cent ans, il s'est produit en moyenne, sur l'ensemble du territoire
japonais, un ou deux grands tremblements de terre tous les dix ans. L'énergie totale
libérée par ces séismes n'est guère supérieure à 3 X 10 25 ergs, ce qui équivaut à peu
près à l'énergie libérée par un seul tremblement de terre de magnitude 9,1, c'est-àdire, pour citer un exemple, par un séisme du type de celui qui s'est produit en
Alaska en 1964 (Af=9,2) 4 . Le chiffre annuel m o y e n pour les cent dernières années
est de 3 X 10 23 ergs, ce qui représente 7 % de la moyenne annuelle pour les séismes
Tableau 1
Année
1891
1894
1896
1923
1933
1944
1946
1952
1953
1958
1963
1964
1968
1969
1973
1975
1983
Séismes normaux de magnitude égale ou supérieure à 7,9
enregistrés entre 1886 et 1985'13-9
Mois
Jour
Latitude
(°N)
Longitude
CE)
Ms
Mw
M,
10
3
6
9
3
12
12
3
11
11
10
6
5
8
6
6
5
28
22
15
1
3
7
21
4
26
7
13
16
16
12
17
10
26
35,6
42,5
39,5
35,1
39,2
33,8
33,0
41,8
34,0
44,4
44,9
38,4
40,7
43,4
43,0
43,2
40,4
136,6
146,0
144,0
139,5
144,5
136,6
135,6
144,1
141,7
148,6
149,6
139,2
143,6
147,8
146,0
147,4
139,1
8,0
7,9
6,8
8,2
8,5
8,0
8,2
8,3
7,9
8,1
8,1
7,5
8,1
7,8
7,7
6,8
7,7
—
—
7,9
8,4
8,1
8,1
8,1
7,9
8,3
8,5
7,6
8,2
8,2
7,8
—
7,9
8,2
8,2
8,0
8,3
8,1
8,1
8,2
7,8
8,2
8,4
7,9
8,2
8,2
8,1
7,9
8,1
72
Sismicité du Japon
Figure 1
Tremblements de terre
les plus importants
enregistrés de 1886 à
1985. Cercles noirs:
séismes à foyer
normal ; triangles
blancs: séismes à foyer
intermédiaire ; triangles
noirs : séismes à foyer
profond5. Les chiffres
sont présentés dans les
tableaux 1 et 2.
n o r m a u x affectant la planète et correspond à l'énergie libérée au cours d ' u n seul
tremblement de terre de magnitude 7,8.
L a figure 1 indique la répartition géographique des grands séismes à foyer
normal enregistrés entre 1886 et 1985. Il est intéressant de noter que la plupart de ces
secousses avaient leur epicentre au large des côtes d u Pacifique, le long de la fosse et
de la dépression océaniques. Il s'est produit deux grands séismes dans la mer du
Japon : l'un à Niigata en 1964 et l'autre dans le centre de cette mer en 1983. Le
séisme de Nobi (1891) est, à notre connaissance, le plus important qui ait jamais eu
lieu dans le centre de H o n s h u . Les grands tremblements de terre sont souvent suivis
de nombreuses secousses, appelées répliques, qui se produisent juste après la
secousse principale. Lors du tremblement de terre survenu en 1983 dans le centre de
la m e r d u Japon, par exemple, plus de 8000 répliques ont été enregistrées en deux
mois.
Séismes profonds de magnitude 7,5 et plus enregistrés
entre 1904 et 1980116
Tableau 2
Année
1906
1909
1909
1911
1950
Mois
Jour
1
3
11
6
2
21
13
10
15
28
73
Latitude
(°N)
34,0
31,5
32,0
29,0
46,0
Longitude
CE)
138,0
142,5
131,0
129,0
144,0
Profondeur
(km)
m¿,
340
80
190
160
340
7,5
7,6
7,5
8,1
7,5
Katsuyuki Abe
L a région est parfois le siège de séismes profonds, dont le foyer est à plus de
60 kilomètres sous terre5; mais ils sont beaucoup moins fréquents que les séismes
normaux. O n trouvera la liste des grands séismes profonds de la période 1904-1980
au tableau 2. D e plus, ils sont représentés sur la figure 1 par des triangles. Le séisme
du 15 juin 1911, qui s'est produit à 160 kilomètres au-dessous des îles R y u k y u , est la
plus forte secousse profonde jamais enregistrée dans le m o n d e . Quatre des cinq
secousses répertoriées au tableau 2 (l'exception étant celle de 1950) ont été suffisamment violentes pour provoquer de légers dégâts en dépit de leur grande profondeur.
Petits tremblements de terre
Les petits tremblements de terre sont beaucoup plus nombreux qu'on ne le croit
généralement parce que les séismes sont d'autant plus fréquents que leur magnitude
est plus faible (le nombre des secousses se multiplie approximativement par dix
quand la magnitude diminue d'une unité). La figure 2 indique la répartition géographique des séismes normaux de magnitude 5 ou plus qui se sont produits entre 1926
et 1985. O n compte en moyenne dans la région 55 secousses de cette catégorie par an.
E n extrapolant, le n o m b r e total des tremblements de terre de magnitude 3 o u plus est
estimé à 4000 par an, ce qui correspond à peu près à une secousse toutes les deux
heures.
Figure 2
Répartition des séismes
normaux de magnitude
5 et plus, enregistrés de
1926 à 1985 (d'après
l'Office météorologique
du Japon).
Certaines zones de l'archipel japonais sont le siège d'essaims o u , autrement dit,
de longues séries de secousses relativement faibles sans secousse principale. Le plus
célèbre s'est produit à Matsushiro, dans le centre du Japon. C o m m e n c é août 1965, il
est allé en s'amplifiant et s'est prolongé jusqu'après 1967. A la fin de cette année-là,
74
Sismicité du Japon
les secousses ressenties s'élevaient à 61000, mais le nombre de celles enregistrées à
l'aide de sismographes sensibles atteignait 670000. L a secousse la plus forte de la
série était de magnitude 5,4.
Les essaims ont tendance à se produire dans les zones volcaniques, souvent
avant et après les éruptions. L a grande éruption du Sakurajima en 1914, par exemple, avait été précédée d'un grand n o m b r e de secousses dont la magnitude ne dépassait pas 5,2 ; la secousse la plus forte, qui était de magnitude 7, s'est produite le
12 janvier, une dizaine d'heures après le début de l'éruption. E n 1977, après l'éruption de l'Usu, 16000 secousses ont été ressenties à proximité en l'espace d'un an.
La ville de W a k a y a m a , à 30 kilomètres au sud-ouest d'Osaka, est le siège d'une
activité sismique en essaim qui n'a pas d'équivalent ailleurs. Depuis cent ans et sans
doute davantage, de nombreuses secousses de faible magnitude s'y produisent continuellement. L e nombre total des secousses ressenties entre 1880 et 1984 s'élève à
7 194. Depuis quelques années, un réseau de sismographes sensibles permet d'enregistrer chaque mois 400 microséismes de magnitude inférieure à 3. L a plus forte
secousse enregistrée au cours des quarante dernières années était de magnitude 5,0.
L'épicentre ne se situait pas dans une zone volcanique7.
Tsunamis
Le terme « tsunami », qui est désormais d'usage international, désigne littéralement
une « grande vague déferlant dans un port ». Il vient des deux mots japonais tsu et
nami, qui signifient respectivement « port » et « vague ». Les tsunamis sont le plus
souvent provoqués par le déplacement vertical des fonds marins le long d'une faille
au cours d ' u n tremblement de terre. Les vagues ainsi formées sont très basses et
presque imperceptibles pour les navires qui se trouvent en pleine mer. Mais, lorsqu'elles parviennent en eau peu profonde, leur hauteur peut être accrue dans des
proportions considérables du fait de caractéristiques topographiques. Cela se produit en particulier dans les baies o u les criques en forme de V ouvert en direction d u
large. Les tsunamis ont des périodes extrêmement longues (de 5 à 70 minutes). T o u s
ne sont pas suffisamment importants pour causer des dégâts, mais il arrive de temps
à autre que l'un d'eux fasse de nombreuses victimes et ravage des centaines de
kilomètres le long des côtes les plus peuplées.
Les premiers documents japonais où il est question de tsunamis remontent à
l'an 684, mais les archives de la période la plus ancienne sont forcément incomplètes,
notamment en ce qui concerne les petits tsunamis. A u Japon, les effets globaux des
tsunamis sont classés selon l'échelle d'Imamura-Iida (m), qui fait l'objet du
tableau 3. L a figure 3 indique la répartition de 171 séismes tsunamigènes enregistrés
entre 684 et 1985 dans la zone o ù se trouve le Japon. U n coup d'œil suffit pour se
rendre compte que la côte de Sanriku (le littoral pacifique du nord-est du Japon) et
la côte de Tokai-Nankaido (le littoral pacifique du sud-ouest d u Japon) ont subi plus
de grands tsunamis que toute autre région. Cela tient essentiellement à deux facteurs
dont les effets se conjuguent : la plus grande fréquence des séismes importants qui
ont leur foyer au large et le caractère très découpé du littoral.
A u cours des treize derniers siècles, le Japon a été frappé par seize grands
tsunamis de m = 3 et par cinq très grands tsunamis de m = 4. Ces derniers ont dévasté
la côte de Sanriku par deux fois, le 13 juillet 869 et le 15 juin 1896, et la région de
Tokai-Nankaido, par deux fois également, le 28 octobre 1707 et le 24 décembre 1854.
75
Katsuyuki Abe
Tableau 3
Echelle d'Imamura-Iida
Hauteur du tsunami
(en mètres)
1
0
1
2
3
4
Dégâts
Moins de 0,5
Aucun
Environ 1
Très peu
Environ 2
Maisons et bateaux endommagés
4-6
10
Maisons détruites et pertes en vies humaines
Plus de 30
Littoral dévasté sur une longueur de plus de 500 k m
Littoral dévasté sur une longueur de plus de 400 k m
Le cinquième grand tsunami {m = 4), qui remonte au 24 avril 1771, a ravagé la petite
île d'Ishigakijima (située au sud-ouest de la zone représentée dans la figure 3), faisant
9313 victimes. Depuis cent ans, 120 tsunamis de m = — 1 ou plus, soit en m o y e n n e
un par an, ont été enregistrés sur l'ensemble du territoire japonais.
O n observe parfois, parmi les fréquents séismes tsunamigènes, certains cas
inhabituels dans lesquels les tsunamis ont une dimension anormale par rapport à la
magnitude de la secousse. L'exemple le plus célèbre de ce p h é n o m è n e est le séisme de
Sanriku, qui s'est produit le 15 juin 1896 et a provoqué u n tsunami très destructeur.
Bien que le m o u v e m e n t d u sol ait été très faible sur le littoral de Sanriku, celui-ci a
été submergé par un grand tsunami, qui a atteint et m ê m e dépassé 30 mètres de haut
à Ryori et 24 mètres à Y o s h i h a m a ; il a fait 21953 victimes. Calculée d'après les
ondes de tsunami, la magnitude s'élèverait à 8 , 2 ; calculée d'après les ondes sismi-
Figure 3
Séismes tsunamigènes
enregistrés de 684 à
19858. La dimension
des cercles correspond
au degré de l'échelle de
magnitude des tsunamis
figurant au tableau 3.
76
Sismicilé du Japon
Figure 4
a) Parties de brise-lame
en béton disséminées
parmi les dunes de
sable par un tsunami
en 1983. C h a q u e
morceau pesait 4 tonnes
et la dune mesurait
11 mètres au-dessus du
niveau de la mer.
(Photo aimablement
prêtée par International
Tsunami Information
Centre, Honolulu).
b) Grande digue
protégeant la ville de
Taro, Préfecture de
Iwate. C e m u r mesure
2433 mètres de
longueur et 10 mètres
de hauteur au-dessus
du niveau de la mer.
Les grands tsunamis de
1896 et de 1933 ont
causé la mort
respectivement de 1 859
et 911 habitants rien
que dans cette zone.
(Photo aimablement
prêtée par la ville de
Taro).
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.S"
77
Katsuyuki Abe
ques, elle ne dépasserait pas 6 , 8 9 . L e séisme qui s'est produit au large de l'île de
Shikotan le lOjuin 1975 (voir tableau 1) en offre une illustration plus récente. L a
question de la cause de ce type particulier de séisme est très controversée.
Les tsunamis ignorent les frontières. Certains de ceux qui ont frappé le Japon
viennent de très loin. L e 5 novembre 1952, le tsunami provoqué par le tremblement
de terre du Kamtchatka, dont la magnitude avait atteint 9,0, a inondé 1200 maisons
le long de la côte Pacifique. Plus remarquable est le tsunami causé par le grand
tremblement de terre de magnitude 9,5 qui a frappé le Chili le 23 m a i 1960. C e
tsunami a traversé le Pacifique en vingt-deux heures environ. Les vagues ont atteint
6 mètres de hauteur, ont fait 122 morts et 873 blessés, et ont détruit 5 107 maisons et
1137 embarcations sur le littoral. D'autres grands tsunamis venus d'Amérique d u
S u d avaient frappé le Japon en 1837 ( M = 9 , 2 5 ) , en 1868 ( M = 9 , 0 ) , en 1877
( M = 9 , 0 ) , en 1906 ( M = 8 , 7 ) et en 1922 ( M = 8 , 7 ) . Ils ont également touché les îles
Hawaii. Afin d'atténuer les risques, des systèmes régionaux et internationaux
d'alerte aux tsunamis ont été mis en place tandis que de grands ouvrages (murs et
brise-lame) ont été construits dans les zones particulièrement exposées (voir
figure 4 a, b).
Séismes destructeurs
Les premiers documents japonais relatifs à des séismes destructeurs remontent à 416
après J . - C . ; mais les archives du début de cette période sont forcément incomplètes.
U n recensement poussé a permis de dénombrer 600 tremblements de terre de ce type
au cours des mille cinq cents dernières années 10 . L a figure 5 indique la localisation
des secousses destructrices enregistrées de 416 à 1985.
Figure 5
Répartition, des
tremblements de terre
destructeurs enregistrés
de 416 à 1985 ,0.
78
Sismicité du Japon
Tableau 4
Année
1828
1847
1854
1854
1854
1855
1872
1891
1894
1896
1923
1927
1933
1943
1944
1945
1946
1948
Liste des séismes qui ont fait 500 morts ou plus,
1800-1985 i.w
Mois
12
5
7
12
12
11
3
10
10
6
9
3
3
9
12
1
12
6
Jour
18
8
9
23
24
11
14
28
22
15
1
7
3
10
7
13
21
28
Latitude
(°N)
Longitude
(°E)
M
m
37,6
36,7
34,8
34,0
33,0
35,7
34,9
35,6
38,9
39,5
35,1
35,5
39,2
35,5
33,8
34,7
33,0
36,2
138,9
138,2
136,0
137,8
135,0
139,8
132,0
136,6
139,9
144,0
139,5
135,2
144,5
134,1
136,6
137,1
135,6
136,2
6,9
7,4
7,6
8,4
8,4
6,9
7,1
8,0
7,0
6,8
8,2
7,6
8,5
7,4
8,0
6,8
8,2
7,3
—
—
3
4
—
0
—
—
4
2
-1
3
—
3
0
3
—
Région
Niigata
Nagano
Kii
Tonankai
Nankai
Tokyo
Shimane
Gifu
Yamagata
Sanriku
Kanto
Kyoto
Sanriku
Tottori
Tonankai
Aichi
Nankai
Fukui
Nombre de
morts
1443
>6000
1800
> 1000
3000
10000
> 800
7273
726
21959
142807
2925
3064
1083
> 871
1961
1330
3769
Nombre de
maisons
détruites
9 808
14000
4300
10000
30000
17000
5700
142177
> 6000
> 11000
576262
21690
6067
7 736
> 13586
5 539
15710
40035
>
>
>
>
>
>
Le tableau 4 donne, pour la période 1800-1985, la liste des tremblements de
terre au cours desquels plus de 500 personnes ont trouvé la mort. Il y a lieu de noter
que la magnitude des séismes ne doit pas nécessairement être élevée pour qu'ils
provoquent de graves dégâts, car l'ampleur de ces dégâts n'est pas uniquement
conditionnée par celle du séisme mais aussi par d'autres facteurs, tels que l'endroit et
le m o m e n t où il se produit, la densité de la population de la zone touchée et certains
effets secondaires c o m m e les incendies. Le tremblement de terre du Kanto, qui a eu
lieu le 1er septembre 1923, à midi, est l'un des plus catastrophiques que le Japon ait
jamais connu. Bien que les immeubles et les autres structures aient été gravement
e n d o m m a g é s par la secousse, c'est au grand incendie qui a éclaté aussitôt après que
sont imputables la majeure partie des ravages subis par T o k y o , Y o k o h a m a et les
environs. A Niigata, le tremblement de terre d u 16 juin 1964 s'est accompagné d'une
liquéfaction des alluvions gorgées d'eau sur lesquelles la ville est construite. A u cours
du séisme de magnitude 6,8 qui s'est produit à N a g a n o le 14 septembre 1984, d'importants dégâts ont été provoqués par une avalanche de débris. La ville de T o k y o a
beaucoup souffert du séisme qui l'a frappée de plein fouet le 11 novembre 1855. Les
tremblements de terre de Tottori (10 septembre 1943) et de Fukui (28 juin 1946) et
d'autres secousses qui ont frappé l'intérieur d u pays témoignent des ravages que les
séismes peuvent causer lorsqu'ils se produisent à proximité de zones urbaines
congestionnées. Ces catastrophes sont riches d'enseignements directement utiles
pour réduire les aléas sismiques.
Par bonheur, aucune ville fortement peuplée n'a été le théâtre d'un grand séisme
depuis plusieurs dizaines d'années ; le tribut en vies humaines prélevé par les tremblements de terre est resté faible depuis celui de Fukui, en 1948. Les plus fortes pertes
79
Katsuyuki Abe
en vies humaines subies ces dernières années ont été provoquées par le tsunami venu
du Chili en 1960 (139 morts), le séisme qui s'est produit en 1983 dans la mer du
Japon (103 morts) et celui qui a eu lieu le 16 mai 1968 à Tokachi-Oki (52 morts).
Sismicité et plaques tectoniques
Dans le système de plaques constituant la surface de la Terre, on a constaté que la
région où se trouve le Japon comprend une zone de subduction où une plaque
océanique s'enfonce sous une plaque continentale. Cette zone est m ê m e le siège
d'une jonction triple puisque trois plaques (voir figure 6), dont les mouvements sont
assez complexes, s'y affrontent. L'archipel japonais est situé à la bordure maritime
de la plaque Eurasie. L a plaque Pacifique s'enfonce sous les îles du nord-est, le long
de la fosse des Kouriles et de la fosse du Japon, et sous la mer des Philippines, le long
de la fosse d'Izu-Bonin. L a plaque Philippines, quant à elle, s'enfonce sous les îles du
sud-ouest de l'archipel, le long du fossé de Nankai et de la fosse des Ryukyu.
Figure 6
Arcs insulaires et
plaques tectoniques
dans la région où se
trouve le Japon.
La figure 7 indique la répartition des séismes à foyer normal et profond enregistrés entre 1964 et 1975. Les séismes profonds sont regroupés à l'intérieur d'une
bande étroite, qui correspond approximativement aux limites de la plaque en subduction.
A u XIXe siècle, on disait que les tremblements de terre étaient provoqués par le
Namazu, poisson-chat gigantesque et noir vivant dans la vase au-dessous de la terre.
Aujourd'hui, il est largement admis que la plupart des séismes sont causés par une
brusque libération d'énergie tectonique associée à la formation de failles. Les chevauchements de plaques provoquent une accumulation progressive des contraintes,
donc d'énergie, à l'interface de la plaque océanique et de la plaque continentale sous
laquelle elle plonge. Lorsque l'énergie vient à bout de la résistance, il se produit un
brusque glissement le long de l'interface. C'est ce mécanisme qui est le plus souvent à
l'origine des grands séismes à foyer normal le long du littoral pacifique. Le tremble-
80
Sismicité du Japon
Figure 7
Tremblements de terre
enregistrés pendant la
période 1964-1975 dans
la région où se trouve
le Japon. Les lignes en
pointillé relient les
foyers d'égale
profondeur, en
kilomètres. (D'après le
Centre séismologique
international.)
0 < H < 100
° 100 < H < 200
* 200 <. H < 300
û
300:£H<400
° 400£H<500
o 500£H
ment de terre de Sanriku (3 mars 1933), qui a été provoqué par la formation de
grandes failles dans la plaque Pacifique est une exception notable.
L a zone où est situé le Japon peut être subdivisée en cinq arcs insulaires : l'arc
des Kouriles, le long de la fosse du m ê m e n o m (région K de la figure 6), l'arc du
nord-est de H o n s h u le long de la fosse d u Japon (région J), l'arc d'Izu-Bonin le long
de la fosse d'Izu-Bonin (région I), l'arc d u sud-ouest de H o n s h u le long du fossé de
Nankai (région N ) , et l'arc des R y u k y u , le long de la fosse des R y u k y u (région R ) .
C h a c u n de ces arcs présente des caractéristiques sismiques qui lui sont propres.
Les arcs des Kouriles et de la partie nord-est
de Honshu (régions K et J)
Les zones proches des fosses d u Pacifique sont le siège d'une intense activité sismique
à foyer normal, ainsi que le montre la figure 1. L e 16 mai 1968, c'est-à-dire à une
époque relativement récente, a eu lieu le tremblement de terre de magnitude 8,2 de
Tokachi-Oki, au nord de la fosse du Japon. O r , on a p u établir, d'après les documents historiques dont on dispose sur les tsunamis, que cette m ê m e zone avait été le
siège de séismes de magnitude comparable en 1677, en 1763 et en 1856, ce qui donne
un intervalle m o y e n de récurrence d'environ 97 ans. L'intervalle de récurrence des
grands séismes le long de la fosse des Kouriles est estimé à une centaine d'années. Il
paraît en revanche irrégulier dans la région située au large de la côte de Sanriku, où
de grands séismes se sont produits en 869, 1611, 1896 et 1933.
Il n'y a pas eu de grands tremblements de terre à proximité de la partie méridionale de la fosse du Japon, mais on y a enregistré une fois, en novembre 1938, un
81
- Katsuyuki Abe
essaim de grands séismes, avec 27 secousses de magnitude 6, ou plus, et de petits
tsunamis ont été fréquemment déclenchés. Si l'activité sismique à foyer normal est
faible dans la zone de la mer du Japon, les grandes secousses dévastatrices, c o m m e le
tremblement de terre survenu en 1983 dans le centre de cette mer, sont fréquentes au
large des côtes occidentales de l'archipel japonais et les îles elles-mêmes sont de
temps à autre le siège de séismes destructeurs (voir figure 5).
Les séismes à foyer profond enregistrés dans cette région se situent sur une ligne
plus ou moins continue à l'intérieur d'une bande étroite qui va en s'enfonçant de la
zone océanique vers le continent à u n angle de 30°. Le séisme le plus profond — 600
kilomètres — s'est produit dans le voisinage de la République populaire démocratique de Corée. Cette bande inclinée, qui est le siège de séismes à foyer profond, est
connue sous le n o m de zone de Wadati. O n a découvert récemment qu'elle se
composait de deux couches qui se situent entre 60 et 180 kilomètres de profondeur et
sont distantes d'environ 35 kilomètres". Cette région est probablement la seule au
m o n d e où l'activité sismique atteigne une profondeur de 600 kilomètres avec un plan
d'inclinaison caractérisé par un angle relativement réduit.
Arc d'Izu-Bonin (région I)
D a n s cette région, la plaque Pacifique se déplace vers l'ouest pour venir s'enfoncer
sous la plaque Philippines. O n y observe une forte activité profonde jusqu'à 600
kilomètres. L'angle de plongée de la zone de Wadati y est voisin de 45° dans la partie
septentrionale et va en augmentant vers le sud. Bien qu'on ait affaire à un arc
insulaire typique, les grands séismes à foyer normal sont très rares ; au sud de 3 e N , la
plus forte secousse de ce type qui ait été enregistrée pendant la période 1898-1980
n'avait qu'une magnitude de 7,0.
Arc du sud-ouest de Honshu
(régions N et R)
et arc des Ryukyu
D a n s l'arc du sud-ouest de H o n s h u , l'activité sismique est faible en profondeur et
très intense en surface. D a n s l'arc des R y u k y u , elle cesse tout à fait au-dessous de 280
kilomètres environ. Les secousses normales de magnitude supérieure à 7 sont fréquentes dans la partie septentrionale de cet arc, ainsi que le montre la figure 2.
Le long du fossé de Nankai, les grands séismes à foyer normal se reproduisent
avec une remarquable régularité. Depuis treize siècles, on a enregistré dans cette
zone de fortes secousses en 684, 887, 1099, 1361, 1605, 1707, 1854 et 1946, soit un
intervalle moyen de quelque 110 ans pour les quatre derniers siècles.
L a région de Tokai, y compris la baie de Suruga, près de l'extrémité nord du
fossé de Nankai, n'a pas connu de séisme important depuis 1854. Plusieurs indices
donnent à penser q u ' u n grand tremblement de terre y serait imminent. U n e loi sur les
mesures de défense contre les grands séismes a été adoptée en 1978 pour parer à cette
éventualité ; un dispositif destiné à assurer une surveillance scientifique rigoureuse a
été mis en place dans cette zone afin de déceler les phénomènes précurseurs du
séisme, qui résulterait, pense-t-on, d ' u n glissement le long de l'interface de la plaque
Eurasie et de la plaque Philippines en train de s'enfoncer en-dessous.
•
82
Sismicité du Japon
Notes
1. Les dates indiquées dans le texte sont données en fonction de l'heure locale. Pour les
aligner sur le temps universel, on soustraira neuf heures de l'heure japonaise officielle.
2. Il existe plusieurs échelles de magnitude, qui ont été définies en fonction de différents
types d'ondes sismiques ou de divers aspects du processus complexe inhérent aux tremblements de terre : Ms est la magnitude basée sur l'amplitude des ondes de surface enregistrées par les sismographes. L'échelle couramment utilisée au Japon s'y rattache. Mw est la
magnitude fondée sur le moment sismique, qui est fonction de la grandeur de la faille
formée. M¡ est la magnitude des tsunamis, mesurée d'après l'amplitude des vagues. m ¿ est
la magnitude calculée en fonction de l'amplitude des ondes de volume. Pour de plus
amples détails, voir Kanamori, H . Magnitude scale and quantification of earthquakes.
Tectonophysics, vol.93, 1983, p. 185-199.
3. Abe, K . Physical size of tsunamigenic earthquakes of the northwestern Pacific. Phys.
Earth Planet. Inter., vol. 27, 1981, p. 194-205. Quantification of major earthquake tsunamis of the Japan Sea. Phys. Earth Planet. Inter., vol.38, 1985, p. 214-223.
4. Kanamori, H . The energy release in great earthquakes. J. Geophys. Res., vol. 82, 1977,
p. 2981-2987.
5. Plus précisément, l'expression générale séisme à foyer profond (ou séisme profond) désigne à la fois les séismes à foyer intermédiaire (60-300 k m de profondeur) et profond
(300 k m ou plus).
6. Abe, K . Magnitudes of large shallow earthquakes from 1904 to 1980. Phys. Earth Planet.
Inter., vol.27, 1981, p. 72-92.
7. Une corrélation entre la sismicité locale et les grands tremblements de terre a été proposée. Voir Kanamori, H . Relation between tectonic stress, great earthquakes and earthquake swarms. Tectonophysics, vol. 14, 1972, p. 1-12.
8. Watanabe, H . Table révisée des tsunamis enregistrés au Japon et à proximité. J. Seismol.
Soc. Japan, vol. 36, 1983, p. 83-107 (en japonais).
9. Utsu, T . Catalog of large earthquakes in the region of Japan from 1885 through 1980.
Bull. Earthquake Res. Inst. Univ. Tokyo, vol.57, 1982, p. 401-463.
10. Usami, T . Study of historical earthquakes in Japan. Bull. Earthquake Res. Inst. Univ.
Tokyo, vol. 54, 1979, p. 399-439.
11. Hasegawa, A . Umino, N . et Takagi, A . Double-planned structure of the deep seismic zone
in the northeastern Japan arc. Tectonophysics, vol. 47, 1978, p. 43-58.
Pour approfondir le sujet
K A N A M O R I , H . Mode of strain release associated with major earthquakes in Japan. Annual
Rev. Earth Planet. Sei., vol. 1, 1973, p. 213-239.
M O G I , K . Earthquake prediction. Tokyo, Academic Press, 1985.
R I C H T E R , C . F. Elementary seismology, chap. 30, San Francisco, W . H . Freeman and C o . ,
1958.
RlKITAKE, T . Earthquake forecasting and warning. Tokyo, Center for Academic Publ. Japan,
1982.
S U G I M U R A , A . ; U Y E D A , S. Island arcs — Japan and its environs. Amsterdam, Elsevier, 1973.
U T S U , T . Séismologie [en japonais], 2e éd. Tokyo, Kyoritsu Shuppan Publ. C o . , 1984.
U Y E D A , S. The new view of the Earth. San Francisco, W . H . Freeman and C o . , 1978.
Remerciements
L'auteur tient à exprimer sa gratitude à M . T . Yoshii, qui a eu l'amabilité d'établir
les figures 2, 3, 5 et 7.
83
Etude et réalisation des
projets de construction
parasismique
Anand S. Arya
Les tremblements de terre ont fait au cours des siècles des millions de victimes, dont la
plupart ont, sans aucun doute, péri sous les décombres de leur maison, de leur école ou
du bâtiment où ils travaillaient. Si la prévision à court terme des séismes ne peut
apporter qu'une contribution limitée à l'atténuation de leurs effets, la protection des
habitants des zones sismiques du globe peut être considérablement renforcée par l'adoption de règles de construction parasismique — pour les demeures campagnardes comme
pour les immeubles des villes.
Les séismes constituent l'un des risques naturels les plus menaçants pour notre vie et
notre patrimoine. L'histoire de presque tous les continents est jalonnée de cataclysmes au cours desquels des villages et des villes, grandes et petites, furent entièrement détruits. Leur soudaineté explique qu'ils soient particulièrement mal compris
et très redoutés. Le caractère instantané et total des ravages causés par u n grand
séisme c o m m e celui qui a dévasté Tangshan (Chine) en 1976 — et aurait fait 655000
victimes — marque profondément l ' h o m m e et l'incite à mobiliser tous les moyens
scientifiques et technologiques dont il dispose pour tenter de résoudre le problème de
sa propre protection.
Les ravages provoqués par les tremblements de terre sont principalement liés à
la destruction d'ouvrages — immeubles, ponts, barrages, centrales électriques, etc.
Le plus significatif de leurs effets directs est l'effondrement d'habitations, d'écoles,
d'hôpitaux et de magasins. C'est ce qui cause le plus de morts. Mais il peut arriver
que les séismes aient des effets en chaîne, qui multiplient victimes et dégâts. Ainsi, les
importants phénomènes de tassement de terrain et de liquéfaction qui se sont produits lors du séisme de Niigata (Japon) en 1964, les incendies qui se sont déclarés lors
des séismes de San Francisco (Etats-Unis) en 1906, et du Kanto (Japon) en 1923, le
raz de marée et la liquéfaction d u sol qui ont accompagné le séisme d u Bengale
(Inde) de 1737 ont fait u n très grand n o m b r e de victimes.
A n a n d Arya est professeur et directeur du Département de génie parasismique de l'Université de
Roorkee. Auteur ou directeur de publication de cinq ouvrages et de quelque deux cents articles, il poursuit
actuellement des travaux de recherche-développement sur la résistance des édifices traditionnels aux
séismes. Fellow de l'Académie nationale indienne des sciences, M . Arya a travaillé à maintes reprises à
l'étranger en qualité d'expert de l'Unesco et a d o n n é de nombreuses conférences sur sa spécialité. Son
adresse : Department of Earthquake Engineering, University of Roorkee, Roorkee, 247667 (Inde).
85
Impact : science et société, n° 145,
85-99
Anand S. Arya
Les pertes en vies humaines causées depuis le début des temps historiques par
les effets tant secondaires que directs des séismes sont immenses. O n trouvera au
tableau 1 le n o m b r e des victimes de quelques-uns des plus grands tremblements de
terre survenus dans le m o n d e .
La prévision des séismes et la construction parasismique
O n a parfois tendance à privilégier la prévision, dans laquelle o n voit un des moyens
les plus efficaces d'atténuer les conséquences désastreuses des tremblements de terre.
Il est certain que lors du séisme de Haicheng (Chine, février 1975), des milliers de
vies ont pu être sauvées parce que l'alerte a été donnée quelques heures avant la
catastrophe, mais il n'en reste pas moins que des édifices ont été détruits. E n
revanche, le séisme de Tangshan (Chine, 1976) n ' a pas été prévu et l'effrondrement
quasi instantané des habitations a provoqué une véritable hécatombe. Il semblerait
donc qu'on arrive à sauver des vies lorsqu'on peut donner l'alerte à temps parce que
cela permet d'évacuer les bâtiments, mais que cela n'aide en rien à protéger les
maisons et les autres ouvrages. L e génie parasismique offre le seul m o y e n de lutter
contre cet aspect des tremblements de terre. Alors donc qu'aucun programme de
prévision, si efficace soit-il, ne saurait supprimer ni m ê m e atténuer la nécessité
d'adopter des méthodes de construction plus sûres, l'application judicieuse des techniques parasismiques permet de concevoir et de bâtir des structures qui ne s'effondrent pas, de sauver des vies et des biens, et de continuer d'assurer le fonctionnement
d'infrastructures essentielles — distribution d'eau et d'électricité, assainissement,
routes, voies ferrées, télécommunications, etc. D a n s cette perspective, les prog r a m m e s de prévision à court terme deviennent beaucoup moins indispensables et
l'on comptera surtout sur les programmes de construction parasismique pour atténuer les effets des séismes. Les travaux relatifs à la prévision des tremblements de
terre resteront bien entendu très utiles pour déterminer les causes immédiates des
séismes qui surviennent dans une région et les phénomènes précurseurs, assurer les
prévisions à long et à m o y e n terme permettant de prendre les mesures voulues pour
se préparer à l'éventualité de telles catastrophes, et définir les priorités de l'action à
entreprendre pour diminuer les dégâts qu'elles causent.
Les aléas sismiques posent à l'ingénieur un problème tout à fait particulier, que
les autres forces naturelles et les surcharges de service normales ne soulèvent pas. Les
séismes peuvent soumettre les ouvrages à des sollicitations d'une intensité sans égale,
mais il y a statistiquement très peu de chances pour que cela se produise effectivement. Si l'on n'était pas obligé de faire intervenir des considérations de coûts, on
serait évidemment tenté de ne bâtir que des structures capables de résister aux
secousses telluriques les plus violentes qui aient une chance de se produire. Mais le
fait est que, dans la plupart des pays du m o n d e , il faut prendre en compte d'autres
besoins plus essentiels de la population, de sorte que la sécurité absolue se trouvant
exclue, il convient d'étudier la possibilité de mettre en place u n dispositif à sûreté
intégrée.
La solution technique la plus appropriée en l'occurrence consiste à construire de
manière à éviter l'effondrement total ou partiel des structures, m ê m e si le séisme
maximal vraisemblable venait à se produire, tout en se résignant à certaines déformations ou détériorations qui peuvent ultérieurement faire l'objet de réparations. L ' h y pothèse sur laquelle on se fonde ici est qu'il coûte beaucoup plus cher de faire en
86
Construction parasismique
Tableau 1
Année
Nombre de morts imputables à divers séismes survenus
au cours de l'histoire
Lieu
Nombre
de morts
342
565
856
Antakya, Turquie
Antakya, Turquie
Corinthe, Grèce
40000
30000
45000
1201
1268
1290
M e r Egée, Grèce
Seyhan, Turquie
Jehol, Chine
100000
60000
100000
1456
1556
1622
Naples, Italie
Shanxi, Chine
G a n s u , Chine
30000
830000
12000
1641
1653
1667
Tabriz, Iran
Izmir, Turquie
S h e m a k h a , Iran
1688
1715
1737
Izmir, Turquie
Alger, Algérie
Bengale, Inde
1755
1755
1759
Lisbonne, Portugal
Kashan, Iran
Sfat, Jordanie
60000
40000
20000
1783
Calabre, Italie
50000
30000
15000
80000
15000
20000
300000
Année
Lieu
Nombre
de morts
1847
1853
Zenjosi, Japon
Chiraz, Iran
12000
12000
1853
1861
1869
Ispahan, Iran
M e n d o z a , Argentine
R i k u - U g o , Japon
10000
18000
27000
1905
1908
1915
Kangra, Inde
Messine, Italie
Avezzano, Italie
19000
83000
30000
1920
1923
1934
G a n s u , Chine
K w a n t o , Japon
Bihar, Inde
180000
140000
11000
1935
1939
1960
Quetta, Pakistan
Chillan, Chili
Agadir, M a r o c
30000
30000
15000
1968
1970
1972
Khorasan, Inde
Ancash, Pérou
Ghir, Afrique
13000
40000
17000
1972
1976
M a n a g u a , Nicaragua
Tangshan, Chine
23000
655000
Source : Tatsch J.H., Earthquakes, Tatsch Associates, Sudbury, Massachusetts, Etats-Unis d'Amérique,
1977, p. 1-3.
sorte que toutes les structures soient absolument invulnérables que de réparer ou de
remplacer celles, peu nombreuses, qui seront effectivement soumises aux sollicitations les plus fortes. Il suffit donc d'étudier des structures qui ne résisteront qu'aux
séismes les plus fréquents, dont l'intensité est faible.
C o m m e les sollicitations sismiques engendrées dans u n ouvrage dépendent des
propriétés m ê m e s de l'ouvrage considéré — et pas seulement de l'intensité d u tremblement de terre — le projeteur a le choix entre deux solutions : a) accroître la
résistance de l'ouvrage ou b) réduire les sollicitations qu'il aura à subir en jouant sur
la rigidité de sa structure. E n d'autres termes, en choisissant des types différents
d'organisation des structures, on peut modifier considérablement l'intensité des
forces sismiques qui s'exercent sur elles. Ainsi, il est possible de réduire autant qu'on
le désire les sollicitations sismiques en utilisant des techniques d'isolation sismique.
Les coûts respectifs de ces deux démarches et l'état des techniques dans le pays
considéré détermineront la solution qui sera en définitive adoptée.
O n voit que les édifices jouent un rôle absolument primordial dans u n prog r a m m e général de protection sismique et la suite du présent article sera donc
consacrée à leur conception et à leur construction.
87
Anand S. Arya
Edifices modernes et traditionnels
Les édifices peuvent être classés de différentes manières, en fonction de critères tels
que le m o d e d'occupation, la hauteur, les matériaux de construction utilisés, la
situation en zone urbaine ou rurale, etc. N o u s distinguerons quant à nous, pour les
besoins d u présent exposé, les édifices a) modernes et b) traditionnels.
Les édifices modernes sont projetés et construits par des architectes et des ingénieurs professionnellement qualifiés. Les matériaux utilisés sont notamment le
béton, l'acier o u d'autres matériaux de haute technologie, et ces bâtiments sont
généralement situés dans des agglomérations et régis par la réglementation et les
autres textes officiels en vigueur dans le pays considéré. Il s'agit souvent de grands
immeubles.
Les édifices traditionnels sont construits spontanément et hors du cadre officiel,
au m o y e n de techniques traditionnelles, sans intervention de professionnels qualifiés
pour leur conception ou leur construction. Ils peuvent néanmoins se conformer à des
recommandations qui découlent de l'observation d u comportement des édifices d u
m ê m e type lors de séismes ayant antérieurement frappé la région. O n peut regrouper
dans cette catégorie les édifices à murs porteurs en maçonnerie, les constructions en
bois, en pisé (briques ou blocs d'argile crue) et en terre — autrement dit les bâtiments
construits en utilisant des matériaux et des savoir-faire locaux et traditionnels. O n
trouve des édifices de ce type dans toutes les zones rurales et semi-urbaines d u
m o n d e , voire dans les zones urbaines des pays en développement. C e sont ceux qui
souffrent le plus et s'écroulent le plus souvent (voir figure 1) en cas de séisme, m ê m e
de magnitude m o y e n n e (6 à 7,5), et u n grand n o m b r e des morts comptabilisés au
Figure 1
Maison traditionnelle en pisé après une secousse de faible
intensité.
88
Construction parasismique
tableau 1 leur sont imputables. Malheureusement, ils abritent une proportion importante d'êtres humains, m ê m e dans les régions d u m o n d e à m o y e n n e ou forte sismicité. L a situation se trouve aggravée par le fait que la littérature spécialisée n ' a
accordé jusqu'ici qu'une place très réduite aux édifices traditionnels, la plupart des
travaux publiés portant sur les immeubles modernes destinés à des populations
urbaines relativement peu nombreuses.
N o u s nous bornerons ici à l'exposé des grands principes gouvernant la conception et la construction parasismiques des deux types d'édifices que nous venons de
définir, mais nous y ajouterons, afin d'illustrer notre propos, quelques détails sur les
bâtiments traditionnels.
Conception architecturale des grands immeubles
L'analyse des dégâts causés par des tremblements de terre survenus au Chili, aux
Etats-Unis d'Amérique, au Mexique, en Nouvelle-Zélande, au Venezuela et en
Yougoslavie montre que la configuration d ' u n édifice, c'est-à-dire ses dimensions et
la disposition de ses éléments en plan et en élévation, est l'un des facteurs qui influe
le plus sur son comportement en cas de séisme. Cette constatation vaut pour tous les
bâtiments, modernes et traditionnels, de sorte que la configuration doit faire d ' e m blée l'objet de la plus grande attention. Les sections ci-après énoncent les grands
principes à observer au stade de l'étude des projets de grands immeubles.
Simplicité et symétrie
Pour éviter les concentrations inattendues de contraintes, il convient de dessiner des
structures aussi simples que possible. Il est souhaitable d'observer la symétrie sur les
deux axes de l'édifice, en plan c o m m e en élévation, afin d'éviter les effets de torsion.
Il importe également de placer les éléments intérieurs tels qu'escaliers, ascenseurs,
couloirs, etc., en suivant aussi rigoureusement que possible les régies de la symétrie.
Pour l'illustration de ces points, on se reportera au schéma de la figure 2 .
Figure 2
Edifices à configuration irrégulière.
89
Anand S. Arya
§Ï
Figure 3
i©
C o m m e n t améliorer la configuration d'un immeuble au
moyen de joints de rupture ou de dilatation.
S'agissant d'immeubles de grande surface o u à plan complexe, on peut obtenir
simplicité et symétrie en les découpant en blocs plus petits séparés, ainsi que le
montre la figure 3, par des joints de rupture o u de dilatation ne présentant qu'une
faible résistance à l'écrasement.
Espacement
des immeubles ou des blocs
Pour prévenir les d o m m a g e s que risquent de s'infliger mutuellement deux immeubles
o u blocs voisins en se heurtant de manière répétée sous l'effet des vibrations qui leur
sont communiquées par la secousse tellurique, il convient de prévoir entre eux un
vide suffisant, de la base jusqu'au s o m m e t . L a largeur de cet espace dépendra
essentiellement de l'intensité des séismes ainsi que de la hauteur et de la flexibilité des
immeubles e u x - m ê m e s 1 .
Eléments résistant aux sollicitations longitudinales et
transversales
Il y a une grande différence entre les effets du vent et ceux d'une secousse tellurique
sur u n immeuble : l'action du premier s'exerce extérieurement sur les parties exposées de l'édifice, tandis que la seconde agit intérieurement sur sa masse. Il s'ensuit
que si, c'est d'ordinaire la conception de l'axe transversal qui est déterminante pour
les sollicitations dues au vent, les deux axes comptent autant l'un que l'autre pour les
sollicitations sismiques. L a disposition des poteaux représentée à la figure 4 permet
d'obtenir une b o n n e résistance aux séismes. Par ailleurs, il faut prévoir des murs de
contreventement le long des deux axes de l'édifice.
90
Construction parasismique
Figure 4
Disposition des
poteaux permettant
d'obtenir une résistance
sismique égale sur les
deux axes X X ' et Y Y ' .
I—I" I—I—I—I—I
M - H - H
X-—
H-»-I - M -
H - M — M - H
Edifices à noyau
U n e trop grande concentration de murs de contreventement constituant des n o y a u x
rigides associés à des poteaux très souples d o n n e des structures qui résistent m a l aux
secousses et peuvent aller jusqu'à s'écrouler, dans la mesure o ù la transmission
horizontale des efforts tranchants des sols vers les noyaux s'y opère dans d e m a u vaises conditions. Il est bon de disperser les m u r s de contreventement sur l'ensemble
et le long des deux axes principaux de l'édifice, de manière à obtenir une répartition
symétrique des rigidités (voir figure 5). Si la destination de l'immeuble oblige à
adopter u n plan asymétrique, il est nécessaire de moduler la rigidité des m u r s de
contreventement de telle sorte qu'à chaque étage, le centre de gravité de l'édifice
coïncide avec son centre de rigidité.
Panneaux
de remplissage en maçonnerie
Les panneaux de remplissage en maçonnerie pris dans une ossature de béton a r m é
ou d'acier rigide ont u n double effet sur les structures. Ils leur confèrent une rigidité
M.C.
Noyau
I
1
•
•
'
•
•
'
•
I
•
•
•
•
•
•
Noyau
i
1
•
•
lu
I
•
•
'
•
•
•
'
M.C.
Figure 5
Répartition des murs de contreventement : a) noyau seulement
— faible résistance sismique ; b) noyau et murs de
contreventement répartis sur l'ensemble de l'édifice — bonne
résistance sismique.
91
Anand S. Arya
latérale plusieurs fois supérieure à celle de la seule ossature et ils en multiplient la
résistance. Cependant, dès que les charges c o m m e n c e n t à augmenter, la structure
perd sa ductilité pour devenir cassante. S a rigidité augmentant, il s'y concentre
davantage de forces sismiques, qui risquent d ' e n d o m m a g e r le remplissage friable.
Par ailleurs, si le panneau est indépendant de l'ossature, il risque de verser en raison
des forces d'inertie induites dans sa propre masse. Il faut donc trouver le m o y e n de
relier l'ossature au panneau, de manière à ce que la première puisse fléchir fortement
tout en retenant le second à l'aide de sa poutre supérieure. L'espace entre le remplissage et l'ossature sera comblé à l'aide d'un matériau insonorisant souple.
Rigidité continue
Les variantes brusques de la rigidité et de la résistance sont une source de sollicitations parasites et peuvent entraîner des d o m m a g e s . Ces variations peuvent tenir à
différents facteurs, tels que la disposition arbitraire des panneaux de remplissage,
l'omission d'éléments d'entretoisement dans des ossatures par ailleurs rigides o u
m ê m e l'adoption d'une élévation avec décrochement (voir figure 6).
Construire u n rez-de-chaussée « ouvert » afin d'y aménager une aire de parking,
tout en dotant les étages supérieurs de murs pleins, conduit à une forte variation de
la rigidité. D e s études ont montré que, les étages supérieurs étant plusrigideset plus
résistants, le rez-de-chaussée se trouve exposé à de très fortes demandes de ductilité
et risque par conséquent de s'effondrer. E n pareil cas, il faut doter le rez-de-chaussée
d'éléments secondaires faisant office d'amortisseurs, afin de réduire le m o u v e m e n t
sismique total de l'édifice.
Eléments annexes
Il arrive que les réservoirs d'eau o u les locaux techniques des ascenseurs soient
construits sur le toit des immeubles. Or, la masse et la rigidité de ces éléments sont
généralement très différentes de celles de l'édifice m ê m e . Il s'ensuit qu'avec l'amplification du m o u v e m e n t sismique qui se produit au s o m m e t du bâtiment, les éléments
en question subissent une accélération plusieurs fois supérieure à celle d u corps de
Brusque changement
d'épaisseur des
poteaux
Figure 6
Manque de
poutres
Décrochement en
élévation;
interruption des murs
de contreventement
Bâtiments à rigidité discontinue.
92
Rez-de-chaussée
« ouvert »; répartition
aléatoire des
remplissages
Construction parasismique
l'immeuble. Ils risquent donc d'être fortement e n d o m m a g é s et devraient être conçus
en fonction de coefficients sismiques plus élevés. Il en va de m ê m e pour les grosses
pièces d'équipement o u les machines fixées a u sol.
Principes de calcul des structures des grands immeubles
Pour construire u n immeuble qui ne risque pas de s'effondrer, il faut avant tout :
a) assurer la stabilité générale de l'ossature ; b) assurer la stabilité des poteaux, et
c) veiller à ce q u e la m e m b r u r e de l'édifice et ses n œ u d s aient la ductibilité nécessaire
pour supporter les déformations sans rupture ni perte de stabilité, m ê m e si les
séismes les plus forts auxquels o n puisse s'attendre venaient à se produire. N o u s n e
pouvons aborder ici les n o m b r e u x points de détail auxquels il convient de veiller
pour parvenir à ce degré de sécurité et nous renvoyons donc le lecteur aux ouvrages
cités en référence2 M . N o u s nous contenterons d'attirer l'attention sur l'exemple
illustré par la figure 7, o ù est présenté u n type de disposition des armatures permettant de conférer la ductilité voulue aux ossatures de béton a r m é , en insistant sur la
Poutre
de plancher
i
Poteau V
extérieur—J
Poutre
Figure 7
Détail d'une armature
ductile. A u voisinage
des nœuds poutrepoteau, l'intervalle
entre les étriers et les
épingles est réduit.
Semelle isolée
93
Anand S. Arya
nécessité d ' u n assemblage rigide ou monolithique des poutres et des poteaux, qu'ils
soient en acier ou en béton préfabriqué o u coulé en place.
Conception architecturale des petits bâtiments
Simplicité et symétrie
Les impératifs de simplicité et de symétrie s'appliquent autant aux petits bâtiments
qu'aux grands immeubles. Il est d'ailleurs préférable de loger les services qui ont des
fonctions différentes dans des édifices distincts, de manière à doser la résistance à
leur conférer en fonction de l'importance de ces différents services pour la c o m m u nauté après u n séisme.
Aménagement
des espaces intérieurs
A l'intérieur des bâtiments, les petites pièces dont les quatre murs forment u n tout
fortement solidaire résistent mieux aux séismes que les pièces entourées de longs
murs et ininterrompus. Cette considération est très importante pour les immeubles à
murs porteurs en maçonnerie. L'espacement des murs transversaux dépendra du
type de mortier utilisé. A v e c les mortiers de ciment résistants, le rapport hauteur/épaisseur du m u r peut aller jusqu'à 40 ; pour les m u r s en pisé, il ne devrait pas
dépasser 10.
Ouvertures
Les ouvertures — fenêtres, portes et orifices de ventilation — réduisent la résistance
des murs au cisaillement et à la flexion, de sorte que leurs dimensions et leur
emplacement ne sont pas indifférents. Elles doivent être aussi petites et aussi voisines
du centre que la destination de l'édifice le permet.
Hauteur
Il est nécessaire, pour améliorer la résistance sismique, de limiter la hauteur des
bâtiments à murs porteurs. Des indications à ce sujet sont données au tableau 2 ,
étant entendu que l'on utilisera dans la construction les méthodes de renforcement
qui conviennent pour les intensités sismiques probables dans la région.
Toitures
L a toiture joue un rôle important dans le comportement d'une maison en cas de
séisme. Les toits légers sont préférables aux toits lourds, les couvertures en tôle aux
couvertures en tuiles. Toutes les parties d'une toiture doivent être solidaires de
manière à former un tout rigide capable de maintenir les murs. A cet égard, les toits à
quatre pentes valent mieux que les toits à deux pentes, les toits à ferme que les toits à
une pente et les fermes complètes sont préférables aux fermes partielles.
94
Construction parasismique
Tableau 2
Suggestions concernant les limites de hauteur à observer
dans les zones à moyenne et forte sismicité
Type d'édifice
Hauteur suggérée
Maison en pisé
Rez-de-chaussée ou rez-de-chaussée +
combles
Tout-venant (moellon) et mortier
d'argile/boue
Id.
Pierre taillée et mortier de ciment
U n étage ou un étage + combles
Briques et boue avec sections critiques
en mortier de ciment
Id.
Briques ou blocs de ciment et mortier
de ciment de bonne qualité
Deux étages ou deux étages + combles
Maçonnerie renforcée
Suivant projet établi par un ingénieur
qualifié
Ossature de bois
U n étage ou un étage + combles
Planchers
C o m m e pour les toitures, o n préférera les planchers rigides horizontalement, c o m m e
les dalles de béton, qui sont très supérieurs aux planchers sur solives de bois o u sur
hourdis. Pour maintenir les m u r s , les planchers doivent prendre appui sur toute leur
épaisseur, ce qui aura d'ailleurs pour effet d ' e m p ê c h e r leur propre chute au cas o ù les
m u r s seraient violemment secoués.
Pignons
Les pignons, extérieurs o u intérieurs, constituent la partie la plus instable des m u r s ,
de sorte q u e l'on doit les supprimer complètement o u utiliser des matériaux légers —
tôle, planches, etc. O n peut éviter les pignons extérieurs en dotant l'édifice d ' u n toit à
quatre pentes ; quant aux pignons intérieurs, il est possible de les laisser ouverts, si le
bâtiment comporte u n faux plafond.
Renforcement des petits bâtiments
L'application des principes décrits ci-dessus permettra à elle seule d'améliorer le
comportement sismique des édifices et, en particulier, de prévenir les effondrements
dans les zones sismiques o ù la magnitude des tremblements de terre n'est pas censée
dépasser 6. M a i s elle ne suffit pas pour empêcher de graves d o m m a g e s dans les zones
de plus forte sismicité, o ù il faudra envisager des mesures spéciales de renforcement.
Pour des raisons d'ordre économique, les éléments d e renforcement peuvent, ainsi
q u ' o n le verra plus loin, n'être mis en place que dans les parties les plus vulnérables
d u bâtiment, la consolidation de la totalité des m u r s risquant d'être assez coûteuse.
95
Anand S. Arya
450 mm
ULLI
CD
a
R
Crochet
I I
b IS
[L«~ Barre de
II I °
QQ
c
C
3
QQ
Oca
Mur en moellons
assises
Parpaing
t
600 mm
1
*• Niveau du plancher
Plan du m u r
Figure 8
1600 m m
Coupe transversale
Utilisation de parpaings. A défaut de pierres, on peut utiliser
des barres en bois ou des barres d'acier à extrémité
recourbée en crochet.
Mortier
Il convient, lorsque cela est financièrement possible, d'utiliser un mortier plus résistant, c o m p o s é par exemple d'une part de ciment et de six parts de sable ou plus riche
encore, afin d'accroître la solidité et la qualité de la construction. Pour les m u r s de
pierre, il est indispensable d'utiliser des « parpaings », c'est-à-dire des blocs de pierre
qui les traversent sur toute leur épaisseur, pour les empêcher de se désagréger et
prévenir la déformation des assises de pierres (voir figure 8).
Bandes de chaînage parasismique
Le m o y e n le plus efficace de renforcer les édifices en maçonnerie consiste à les doter
de bandes de chaînage parasismique : a) à la base, b) a u niveau du linteau des ouvertures, c) a u niveau des planchers, d) au niveau du toit ou des avant-toits pour les toits
à deux pentes, et e) autour des extrémités en pignon. U n e bande de chaînage parasismique est une ceinture de béton a r m é o u de bois qui parcourt tous les m u r s extérieurs et intérieurs et s'articule fortement aux angles et aux intersections en T (voir
figure 9). Il est possible, ainsi q u ' o n le verra plus loin, de se dispenser de mettre en
place de telles bandes à certains niveaux.
Étrier
Figure 9
Détail d'une bande de
chaînage parasismique
(angle et intersection
en T).
96
Barres
longitudinales
Construction parasismique
Il convient de prévoir un chaînage à la base d'un édifice, lorsque le sol est
meuble ou hétérogène, c o m m e c'est le cas généralement à flanc de coteau. Cette
bande assurera aussi l'étanchéité de la construction en jouant le rôle d'une couche
isolante. Elle n'est pas absolument indispensable.
Le chaînage des linteaux — qui est le plus nécessaire et qu'il importe de pratiquer à chaque étage — doit s'appliquer à toutes les portes et à toutes les fenêtres et se
surajouter à l'acier des linteaux.
Il faudra prévoir un chaînage de toiture au niveau de l'avant-toit pour les
édifices dont le toit est à deux pentes ou consiste en u n dispositif souple sur solives de
bois ou en éléments préfabriqués.
U n chaînage est nécessaire au-dessous des planchers sur solives ou à leur niveau.
O n peut se dispenser de ces chaînages lorsqu'une dalle de béton prenant pleinement
appui sur les quatre murs est utilisée pour la toiture ou le plancher.
Le chaînage des pignons sert à encadrer la partie triangulaire des murs de
maçonnerie, celui de la partie horizontale prolongeant directement le chaînage de
l'avant-toit sur les murs longitudinaux.
Il est parfois r e c o m m a n d é , pour liaisonner les m u r s perpendiculaires de manière
à ce qu'ils fassent bloc, de consolider les angles et les intersections en T à l'aide d'un
treillis à mailles d'acier ou de chevilles de bois. Il ne s'agit là, à vrai dire, que d'un
piètre succédané des bandes de chaînage parasismique, mais cela n'en renforce pas
moins la résistance de la construction.
Renforcement vertical
Il est important, par ailleurs, de doter les édifices d'éléments de renforcement vertical, barres d'acier, b a m b o u s , tiges de canne à sucre, etc. L'incorporation de ces
éléments aux m u r s est une opération complexe, mais des procédures détaillées qui
facilitent la tâche ont été mises au point 15 . Les endroits où ce renforcement est
crucial sont les angles des murs et les montants des portes et des fenêtres.
Les figures 10 et 11 présentent l'ensemble du dispositif de renforcement qu'il y a
lieu de prévoir dans les zones dont la sismicité est la plus forte, afin d'éviter l'effondrement des édifices et de réduire l'étendue des d o m m a g e s .
Chaînage du
pignon
Chaînage des
linteaux
Figure 10
M o d e de renforcement
des édifices à toit en
pente.
Chaînage
du toit
97
Anand
S. Arya
Chaînage de toiture (nécessaire
pour les toits en pente et sous
les toits et sols souples)
Figure 11
M o d e de renforcement
des édifices à toit plat
et souple.
Chaînage
du toit
Chaînage
des linteaux
Montants
d'acier
Maisons en bois
Pour les édifices en bois, le premier impératif est d'en assurer la longévité en renforçant leur résistance aux intempéries et aux insectes à l'aide de traitements appropriés
— séchage et application de produits de protection. Il convient par ailleurs d'en
accroître la cohésion au m o y e n d'éléments de charpente, de clous, de boulons ou de
chevilles et de maintenir l'ensemble bien fixé au m o y e n d'étriers d'acier.
D a n s les édifices en pans de bois o u en pans de bois hourdés de briques, le plus
important est de consolider à l'aide de traverses disposées en diagonale, ou echarpes,
les plans verticaux et horizontaux, afin de les protéger des déformations de torsion
en plan et des déformations de cisaillement en élévation.
Il convient aussi de ne pas perdre de vue la question de la résistance au feu des
édifices en bois, afin d'éviter les dangers inhérents aux ruptures de canalisations de
gaz et de gaines de câbles électriques provoquées par les séismes et aux chutes
d'objets dans les flammes.
Conclusion
Les principales conclusions que l'on peut tirer de ce bref tour d'horizon sont les
suivantes :
— Pour se protéger des tremblements de terre, il faudrait privilégier davantage
les programmes de construction parasismique.
— S'il n'est peut-être pas impossible, techniquement, de construire des bâtiments qui sont totalement à l'abri des séismes, cela ne serait ni rentable, ni réalisable
avec les moyens financiers disponibles. C'est pourquoi il est plus logique et plus
indiqué de s'orienter vers un dispositif à sûreté intégrée. L'architecte devrait ainsi
réussir à améliorer beaucoup le comportement sismique des bâtiments qu'il construit
sans en augmenter sensiblement le coût.
•
98
Construction parasismique
Notes
1. IS : 4326-1976, Code of Practice for Earthquake-Resistant Design and Construction of
Buildings. N e w Delhi, Indian Standards Institution, mars 1977.
2. Arya, A . S . Lessons from Behaviour of Multistoreyed Buildings during Past Earthquakes.
Proc. S y m p . on Modern Trends in Civil Engineering, Roorkee, novembre 1972.
3. Earthquake Resistant Regulations, a World List. Association internationale de génie séismique, Japon, 1980.
4. Dowrick, D . J . Earthquake Resistant Design - A Manual for Engineers and Architects. N e w
York, John Wiley and Sons, 1977.
5. Basic Concepts of Seismic Codes Vol. I, Part (ii) Non-Engineered Construction, Association
internationale en génie séismique, Japon (également disponible sous le titre Manual of
Earthquake-Resistant Non-Engineered Construction. Indian Society of Earthquake Technology, Roorkee, 1981).
99
Les sondages à grande
profondeur dans
la presqu'île de Kola
et la structure de
la croûte terrestre
Oleg L. Kouznetsov
En Union soviétique, l'étude des processus complexes qui ont lieu dans la croûte terrestre et les couches supérieures du manteau est réalisée dans le cadre d'un vaste programme
intégré comprenant
des méthodes géographiques,
géophysiques et
géochimiques ainsi que le développement de nouvelles techniques dans le domaine du
sondage en profondeur. Le premier sondage effectué dans la presqu'île de Kola à la
lisière du bouclier baltique a éclairé d'un jour nouveau l'évolution et la structure de la
croûte terrestre continentale primaire dans son ensemble.
La terre nous en apprend plus long sur nous que les
livres. Parce qu'elle nous résiste, l'homme se découvre
quand il se mesure avec l'obstacle. Mais, pour
l'atteindre, il lui faut un outil.
Antoine de Saint-Exupéry
Terre des hommes
Aujourd'hui encore, les spécialistes des sciences de la terre se heurtent aux m ê m e s
problèmes que ceux que l'écrivain français Saint-Exupéry a évoqués avec une simplicité si poétique. Le principal instrument, « l'outil » nécessaire pour connaître le
sous-sol, est désormais le sondage ultra-profond utilisant les méthodes de la géophysique et de la géochimie des grandes profondeurs. Les découvertes qu'a permis de
faire une expérience technologique de grande ampleur réalisée en Union soviétique
(un forage à très grande profondeur dans la presqu'île de Kola) montrent que, m ê m e
dans ses socles les plus anciens (les boucliers cristallins), la planète Terre est
« vivante ». Elle possède, en effet, de nombreuses caractéristiques inhérentes à la
matière vivante.
E n premier lieu, les corps géologiques (y compris les roches cristallines) conser-
Oleg Leonidovitch Kouznetsov est professeur et directeur de l'Institut central de recherches sur la géophysique et la géochimie nucléaires du Ministère de la géologie de l ' U R S S . Ses recherches portent sur les
différentes branches de la géophysique de prospection, de l'exploitation des gisements pétrolifères, de
l'exploration et du développement. Il s'oriente actuellement vers le développement d'une nouvelle
branche - la géophysique n o n linéaire. Le professeur Kouznetsov est l'auteur de n o m b r e u x articles
scientifiques et le coauteur de plusieurs monographies spécialisées dans les sciences de la terre. Son
adresse est la suivante : c/o Commission de l ' U R S S pour l'Unesco, Ministère des affaires étrangères de
l ' U R S S , 9, Prospekt Kalinina, M o s c o u G - 1 9 ( U R S S ) .
101
Impact
: science et société, n° 145,
101-109
Oleg L, Kouznetsov
vent la « mémoire » des influences physiques et chimiques passées. Cette mémoire se
manifeste dans la répartition spatiale des caractéristiques magnétiques, gravitationnelles, électriques et plastiques de la croûte terrestre sous la forme de traces laissées
dans les minéraux par le passage des rayonnements ionisants.
Deuxièmement, les boucliers cristallins sont le lieu de processus thermodynamiques et hydrodynamiques actifs qui se manifestent par une irradiation thermique
intensive et une nouvelle répartition spatio-temporelle des composantes du tenseur
des contraintes. D e m ê m e , des composantes volatiles se déplacent à travers les
massifs rocheux par des processus de microfiltration, de macrofiltration et de diffusion.
Troisièmement, il existe des interactions entre les processus qui se déroulent
dans les massifs cristallins et dans les couches inférieures et supérieures de la planète.
L a vie thermodynamique des roches cristallines est en grande partie déterminée par
les processus physiques et chimiques des couches situées sous la croûte terrestre, et
par ceux de l'atmosphère.
Enfin, le rôle important de la biosphère dans la formation des boucliers cristallins confirme que nous avons affaire à une substance vivante et dynamique.
D e plus en plus, dans le m o n d e entier, l'étude de l'évolution de la matière
géologique et des lois qui régissent l'organisation de l'espace géologique, géophysique et géochimique devient un objet de mesures plutôt que de descriptions visuelles.
Par ailleurs, la plupart des informations sur la configuration de l'environnement des
processus des grandes profondeurs et sur l'état thermodynamique des massifs
rocheux sont obtenues à l'aide de méthodes géophysiques et géochimiques pratiquées à distance (télédétection). Ces méthodes permettent de dresser un tableau
extrêmement utile - qui ne pourrait pas être obtenu par d'autres m o y e n s - de la
structure et des caractéristiques du milieu géologique mais ce tableau comporte en
général de multiples variantes et pose bien des problèmes d'interprétation géologique. C'est précisément pour cette raison que les spécialistes continuent de porter un
grand intérêt aux méthodes de prospection directe des couches très profondes (en
particulier, à l'aide de forages). A u cours des dernières décennies, cette aspiration a
donné naissance aux idées les plus inattendues (parfois fantastiques) pour pénétrer
l'écorce terrestre, notamment à l'aide de réacteurs nucléaires spéciaux qui s'enfonceraient d'eux-mêmes dans les roches en les faisant fondre. E n m ê m e temps, des
nécessités pratiques ont conduit à l'élaboration de projets techniques qui ont été
réalisés dès les années 70 et 80. A cet égard, les méthodes combinant la destruction
mécanique des roches et une action hydrodynamique sur la zone entourant le forage
se sont avérées incomparablement utiles.
Dès les années 60 la recherche de gisements d'hydrocarbures a a m e n é les prospecteurs à forer dans de nombreuses régions du m o n d e des puits de 3 k m de profondeur, et, dans certains cas, de plus de 5 k m . L a nécessité de pénétrer aussi
profondément que possible dans l'enveloppe sédimentaire de la croûte terrestre a
a m e n é les prospecteurs pétroliers d ' U R S S et des Etats-Unis à forer quelques puits
d'une profondeur de 7 à 9 k m . Mais l'étude de l'ensemble relativement limité de
roches sédimentaires ainsi mises à nu n'a pas donné de résultats scientifiques importants. Cependant, ces forages ont montré que des hydrocarbures gazeux pouvaient se
trouver à ces profondeurs.
C'est à cette époque qu'un groupe de géophysiciens, géochimistes, géologues et
techniciens soviétiques a formulé les principes scientifiques des forages à très grande
102
Sondages à grande profondeur dans la presqu'île de Kola
profondeur (jusqu'à 15 k m ) accompagnés d'études géophysiques des couches très
profondes. L'organisation et la conduite d'une expérience d'une si grande ampleur a
nécessité la création d'un conseil scientifique intersectoriel chargé d'étudier les
couches souterraines profondes de la Terre et les sondages à grande profondeur.
Sous la direction de ce conseil, qui comprenait d'éminents savants soviétiques, u n
p r o g r a m m e d'une ampleur sans précédent a été établi dans les années 80, afin
d'étudier la structure profonde de la Terre sur la base d'un ensemble d'informations
géologiques, géophysiques et géochimiques obtenues grâce à des sondages ultraprofonds et des géotraverses étendues, permettant de déceler la propagation des
ondes sismiques à grande profondeur. A u cours des années suivantes, l'étude des
couches souterraines profondes a été complétée par des informations obtenues au
m o y e n d'avions et de satellites.
L a première réalisation de ce p r o g r a m m e a été le forage effectué dans la presqu'île de Kola en 1970, qui a permis d'atteindre la profondeur record de 12500 m .
C'est ainsi que les géologues soviétiques se sont pour la première fois énergiquement lancés à l'assaut des profondeurs de la Terre. A la m ê m e époque, l'humanité
remportait ses premiers succès dans la conquête de l'espace extra-atmosphérique.
Dès ce m o m e n t , il était clair que ces deux problèmes étaient comparables, tant par
leur complexité scientifique et technique que par leur utilité pratique finale.
Certes, la pénétration de l'espace extra-atmosphérique a été beaucoup plus loin
que celle des entrailles de la Terre. Cela est dû en partie à la nécessité de mettre au
point une technique de sondage entièrement nouvelle permettant de creuser des
roches dans des conditions extrêmes.
La réalisation d'un seul sondage à grande profondeur constitue déjà, en soi, une
expérience extrêmement complexe, qui suppose l'invention et la mise au point d'appareils de forage spéciaux et d'un système d'automatisation, ainsi que l'élaboration
de techniques d'établissement et de renforcement du corps d u puits. Les techniques
de forage diffèrent sensiblement selon qu'il s'agit de roches cristallines ou de roches
sédimentaires. Aussi l'expérience acquise en matière de sondages à grande profondeur dans des bassins sédimentaires n'a-t-elle pas pu être directement appliquée aux
nouvelles conditions.
Dès les premiers kilomètres de forage, les principales difficultés posées par
l'installation d'un puits dans des roches cristallines se sont manifestées avec évidence. L a trajectoire n o n conventionnelle du puits, la forte abrasivité de ses parois et
leur structure caverneuse, ainsi que la section ellipsoïdale d u puits formé sous l'action de contraintes mécaniques à axes différents ont entraîné de n o m b r e u x problèmes techniques. E n outre, dans les roches cristallines, à la différence des roches
sédimentaires très poreuses, les parois du puits ne sont pas recouvertes d'une couche
d'argile, ce qui, en fin de compte, provoque une augmentation de la résistance à la
rotation de la foreuse.
Ces difficultés, ainsi que beaucoup d'autres, ont été surmontées avec succès par
l'équipe extrêmement qualifiée chargée de la prospection géologique de la presqu'île
de Kola, en collaboration avec des savants de l'Institut central de recherches sur les
techniques de forage.
E n plus du prélèvement d'échantillons destinés à être analysés en laboratoire, il
était tout aussi important, du point de vue scientifique et pratique, d'effectuer des
recherches géophysiques, géochimiques et hydrologiques in situ. L a nécessité d'une
analyse in situ découle de plusieurs causes principales :
103
Oleg L. Kouznetsov
1. L'impossibilité de prélever un échantillon représentatif à cent pour cent et de
le conserver dans son intégralité, surtout dans les intervalles de roches présentant un
degré de fracturation élevé et des contraintes anormales.
2. Les caractéristiques des roches sont difficiles à définir dans un milieu c o m plexe.
3. Lorsqu'on ramène u n échantillon à la surface, les contraintes thermodynamiques qui s'exercent sur sa surface se modifient sensiblement et certaines données
pétrophysiques extrêmement importantes ( c o m m e par exemple, la vitesse des ondes
élastiques, la résistance électrique, etc.) déduites à partir de l'échantillon, peuvent
différer sensiblement des m ê m e s caractéristiques mesurées in situ.
4. Les recherches géophysiques effectuées dans des puits profonds ou ultraprofonds constituent un maillon méthodologique extrêmement important de la
chaîne des mesures (échantillon, puits, surface de la terre) et posent les fondements
pétrophysiques de l'interprétation des résultats obtenus par les méthodes de la
géophysique et de la géochimie terrestres, aériennes et cosmiques.
5. Enfin, les recherches géophysiques effectuées dans des puits sont le seul
moyen d'évaluer directement l'état thermodynamique de la masse rocheuse entourant le puits à ces profondeurs.
Il est évident que certains types de carottage ont servi à affiner le processus
m ê m e du sondage (détermination de la position actuelle du puits, diamétrage, et
prévisions concernant la résistance du puits).
Les géophysiciens soviétiques ont donc eu à élaborer des m o y e n s techniques
nouveaux permettant de mesurer de façon très précise les champs sismo-acoustiques,
électriques, nucléaires, magnétiques, thermiques et autres dans des conditions
extrêmes de profondeur (plus de 10 k m ) , de température (plus de 250°) et de pression
(plus de 1 500 k g / c m 2 ) . Ces appareils de mesure ont été mis au point par les scientifiques et les techniciens du Ministère de la géologie de l'URSS et ont à bon droit reçu
le n o m de « satellites souterrains ».
Plus de quarante types de recherches géophysiques permettant de recueillir des
informations extrêmement précieuses ont été effectuées dans le puits à très grande
profondeur de la presqu'île de Kola. Pour établir la base pétrophysique de l'interprétation des données de la prospection géophysique, on a procédé à tout un ensemble
de recherches pétrophysiques, pétrographiques et minéralogiques. L a direction des
travaux et l'interprétation générale des données géophysiques et géochimiques ont
été confiées à l'Institut central de recherches sur la géophysique et la géochimie
nucléaires, et l'interprétation géologique à l'Institut géologique central et à une série
d'autres instituts du Ministère de la géologie de l ' U R S S et de l'Académie des sciences
de l'URSS.
Quels étaient les problèmes que devait résoudre cette prospection géophysique
et géochimique des profondeurs?
Le premier concernait l'analyse lithologique et pétrographique détaillée de la
coupe, la détermination des couches géologiques suivant leurs caractéristiques
géophysiques et géochimiques, y compris pour les intervalles non représentés par des
échantillons.
Le deuxième problème concernait la représentation géométrique des éléments
géologiques hétérogènes, y compris l'évaluation de la répartition spatiale de leur
puissance et de leur pente.
104
Sondages à grande profondeur dans la presqu'île de Kola
Le troisième problème était celui du classement des corps géologiques en fonction de leur porosité, de leur fissilité et de l'épaisseur des couches.
Le quatrième concernait le repérage direct in situ des caractéristiques fondamentales des roches : vitesse de propagation des ondes sismiques longitudinales et
transversales (dans une large g a m m e de fréquences), amortissement de l'énergie
sismo-acoustique, résistance électrique, réceptivité magnétique, etc.
Enfin, les données recueillies grâce à la prospection géochimique et géophysique
devaient contribuer à répondre à u n e série de questions géologiques fondamentales.
Quelle est la nature physique des discontinuités sismiques à faible pente décelées par
la sismique terrestre dans le bouclier cristallin? Rencontre-t-on la discontinuité de
Conrad à une profondeur supérieure à 7 k m ? Quelles sont les valeurs des gradients,
des températures et des vitesses de propagation des ondes et c o m m e n t varient-elles
avec la profondeur? Peut-il exister, à une profondeur supérieure à 9 k m , des fissures
ouvertes, et par conséquent des canaux de filtration des éléments liquides et gazeux?
Aujourd'hui, la plupart de ces questions ont reçu des réponses correctes.
Mais peut-être qu'avant d'aborder l'analyse des lois du « comportement »
géophysique du sous-sol, il convient de dire au moins quelques mots de la structure
géologique et géochimique de la croûte terrestre aux environs du sondage pratiqué
dans la presqu'île de Kola.
D a n s l'ensemble, le bouclier baltique comporte deux types principaux de roche,
à savoir les ensembles de roches métasédimentaires et méta-effusives. D a n s l'histoire
géologique du bouclier (ensemble archéen), on distingue deux grandes étapes : a) la
sédimentation et le volcanisme ; b) le métamorphisme et l'ultramétamorphisme.
L'histoire géologique du développement du bouclier cristallin percé par le
forage de la presqu'île de Kola s'étend sur une durée comprise entre 3,5 milliards
d'années (évaluation minimale) et 4 milliards d'années (évaluation maximale). Il
s'agit, dans l'ensemble, de roches cristallines précambriennes, très répandues sur les
territoires de la Norvège, de la Finlande et de la Suède.
L'histoire du bouclier comprend deux régimes tectoniques foncièrement différents et deux grandes étapes évolutives. A u cours de la première étape (prégéosynclinale et protogéosynclinale), les couches supérieures plastiques de la lithosphère,
déformées sous l'action de forces géodynamiques, ont formé des plis fantastiques qui
se sont incrustés dans l'écorce terrestre durcie. Cette étape a été suivie par la formation de la plate-forme.
L a question de la minéralisation des séries de couches volcanosédimentaires
présentait un intérêt particulier. Grâce aux données de recherches géologiques et
géochimiques intégrées, il a été possible de distinguer u n certain nombre de types
fondamentaux de minéralisation. Il s'agit de minerais très divers. C e sont, tout
d'abord, des gîtes de sulfures (nickel et cuivre) formés par des intrusions basiques et
ultrabasiques. Deuxièmement, des gîtes de fer et de titane, dans les méta-basaltes de
la série de Kola. Troisièmement, des quartzites ferrugineux se trouvant dans les
gneiss granitoïdes de la série de Kola. Quatrièmement, il y a eu aussi minéralisation
hydrothermique avec accumulation de sulfures dans les zones de métamorphisme
dynamique.
Grâce à un ensemble de données pétrophysiques, géophysiques et pétrologiques, les géologues soviétiques ont pu, pour la première fois au m o n d e , étudier la
répartition des fissures minéralisées dans la coupe pratiquée par le sondage. Il s'est
avéré que les zones minéralisées de concassage, de fissuration et de cataclase, ainsi
105
Oleg L. Kouznetsov
que de transformation hydrothermique à basse température ayant entraîné la
concentration de sulfures, atteignent une profondeur sensiblement (trois à quatre
fois) plus importante qu'on ne le supposait auparavant.
E n m ê m e temps que le comportement des minerais, on a soigneusement étudié
la répartition spatiale des gaz produits par une substance organique dispersée. Par
substance organique, on entendait les carbures dispersés dans les roches ainsi que les
substances carbonées et le graphite. Par gaz, on entendait tant les gaz libres des
zones fissurées et non cimentées que les gaz associés aux surfaces des grains des
roches cristallines, et en particulier les infiltrations de fluides dans les minéraux.
Le comportement des composantes volatiles a donc été étudié en quelque sorte
parallèlement, au niveau de la macromécanique et de la micromécanique des gaz. Le
comportement de l'hélium est extrêmement intéressant. Ses concentrations maximales coïncident avec les intervalles de zones non cimentées et infiltrées par les gaz
qui sont très bien repérées par les méthodes géophysiques appliquées aux sondages.
D a n s l'ensemble de la coupe, les dépôts de gaz importants résultent de l'action
de facteurs divers, y compris les particularités lithologiques des roches, la microstructure et la macrostructure de leurs interstices, leur stratification et leur perméabilité. Le fait bien établi que la teneur relative en hydrocarbures lourds augmente,
surtout en-dessous de 8 800 m , mérite de retenir l'attention. Les recherches sur les
isotopes du carbone dans les couches atteintes par les forages ont montré le rôle
considérable de la biosphère dans l'évolution de la croûte terrestre. L'apparition de
la vie a eu une importance révolutionnaire dans la formation et l'évolution de
l'atmosphère, de l'hydrosphère et de la lithosphère. Pour comprendre le rôle vivifiant de la biosphère il est absolument capital d'étudier des sondages à très grande
profondeur, permettant d'obtenir un relevé complet des dépôts les plus anciens et de
suivre l'influence de la biosphère sur la formation. Le carbone des carbonates en
filons et des carbonates dispersés est un indicateur original du rythme de développement de la biosphère.
Dans les roches archéennes, situées de 7 à 10 k m de profondeur, la composition
isotopique du carbone des carbonates est constante et proche de celle du carbone
profond endogène, ce qui permet d'affirmer que la biosphère n'a eu qu'une influence
négligeable sur la formation de la litosphère de cette période, c'est-à-dire que le
développement de la biosphère à l'époque archéenne a été très faible.
Dans les roches de l'époque protérozoïque, à des profondeurs de moins de
7 k m , apparaissent des carbonates à isotope léger et la g a m m e des variations de la
composition isotopique du carbone augmente, ce qui est apparemment lié à la
« capture » de carbone de la biosphère. E n outre, les produits de l'activité de la
biosphère sont largement répandus dans les roches du protérozoïque. Le carbone des
phyllites carburées des roches protérozoïques (entre 0 et 5000 m ) correspond, par ses
caractéristiques isotopiques, à une substance organique de dépôts sédimentaires plus
récents, ce qui permet de supposer que ces phyllites carburées se sont formées lors du
métamorphisme de roches sédimentaires primitives, sous l'action des produits de la
biosphère.
Par leur composition en hydrocarbures et par leurs caractéristiques isotopiques,
les gisements de gaz de la zone des bouleversements tectoniques située à des profondeurs de 900 à 1400 m sont proches des gaz des dépôts sédimentaires des bassins
pétrolifères et gazifères, ce qui semble indiquer qu'ils sont issus de la transformation
de la substance organique de la biosphère.
106
Sondages à grande profondeur dans la presqu'île de Kola
Les résultats des recherches sur les isotopes qui confirment la faible intensité de
développement de la biosphère à l'époque archéenne et l'absence, pour cette raison
m ê m e , d'une influence sensible sur la formation de la lithosphère, ont aussi confirmé
que la biosphère développée de l'époque protérozoïque avait p u exercer une
influence fondamentale sur la formation et l'évolution de la croûte terrestre. Les
données réunies permettent de supposer q u e l'évolution ultérieure de toutes les
« sphères » de la terre a été sensiblement influencée par la biosphère.
L'étude géophysique du sondage de la presqu'île de Kola a permis de recueillir
des informations radicalement nouvelles sur la constitution d u bouclier cristallin.
Ces résultats importants ouvrent une page nouvelle dans l'étude des couches profondes de l'écorce terrestre. Les éléments les plus importants semblent être les suivants :
L'étude des c h a m p s sismo-acoustiques et des caractéristiques en matière d'élasticité et de déformation des roches.
L'absence d'un gradient vertical positif des vitesses des ondes longitudinales
(Vp) et transversales (Vs) dans tout l'intervalle compris entre 0 et 12500 m a été
établie. C e comportement de Vp et de Vs en fonction de la profondeur démontre que,
dans le bouclier cristallin, la répartition de la composante verticale du tenseur des
contraintes diffère sensiblement du rapport (hydrostatique) 6z = pgh (dans lequel 6z
représente la valeur de la composante verticale des contraintes, p la densité m o y e n n e
des roches situées au-dessus, g, l'accélération de la gravité et h, la profondeur qui est
traditionnel pour les bassins sédimentaires.
Par ailleurs, on a découvert une zone de moindre vitesse des ondes longitudinales et transversales (ainsi que de moindre valeur des modules de déformation et
d'élasticité) à une profondeur de 4500 m dans l'ensemble protérozoïque de Petchenga.
Le calcul des valeurs des composantes d u tenseur des contraintes dans le massif
entourant le puits a permis de faire apparaître des zones qui échappent en partie aux
contraintes verticales. C e fait laisse supposer l'existence, à de grandes profondeurs,
de roches présentant des fissures ouvertes.
E n interprétant de façon coordonnée les résultats des études géophysiques des
sondages, le profil sismique vertical et la sismicité de surface, il a été possible :
a) d'établir la nature thermodynamique et n o n lithologique d'une série de discontinuités sismiques à faible pente dans l'écorce terrestre ;
b) de démontrer qu'à une profondeur dépassant 6800 m on ne rencontre pas
l'hypothétique discontinuité de Conrad, mais une discontinuité lithologique coïncidant avec la transformation des roches d e l'ensemble de Petchenga en roches de
l'ensemble de Kola représentée par des granito-gneiss ;
c) d'établir des caractéristiques importantes des c h a m p s d'ondes dans le puits et
dans le massif rocheux qui l'entourent, telles que l'intensité élevée des ondes transversales, la faible g a m m e fréquentielle des ondes transversales et longitudinales et les
valeurs extrêmement faibles du coefficient d'amortissement des ondes sismiques.
Lors de l'étude de la radioactivité des roches, il a été établi que le contenu des
éléments radioactifs dépendait dans une mesure importante de leur degré de granitisation. E n évaluant l'apport de la désintégration radioactive dans le bilan thermique
général des massifs rocheux, o n a constaté que les plus thermogènes étaient des
roches sédimentaires tuffitiques (1-2,5 ¿ u W . / m 3 ) et les gabbrodiabases (0,71,7 / j W . / m 3 ) qui se trouvent à une profondeur allant jusqu'à 25 k m . Les autres
107
Oleg L. Kouzneisov
roches sont relativement peu thermogènes, mais on rencontre des zones étroites o ù
se sont concentrés des flux anormalement élevés, dus apparemment à un transfert
masse-chaleur très intense et à un apport probable d'éléments radioactifs. L'apport
estimé des radioéléments représentait près de 45 % du flux thermique général à la
surface de la Terre.
Dans l'ensemble, la coupe observée dans la presqu'île de Kola se caractérise par
de brusques variations du gradient géothermique vertical. L a température varie, en
effet, de 1 à 2° centigrades sur 100 m , sous l'influence de divers facteurs dont les plus
importants semblent être les particularités lithologiques, microstructurelles et filtrantes des roches, ainsi que la présence d'éléments radioactifs. Ces facteurs agissent
de manière déterminante sur la conductibilité thermique des roches et sur la quantité
de chaleur qu'elles émettent.
Il semble que l'apport des différentes composantes du transfert masse-chaleur se
modifie lui aussi selon les particularités lithophysiques des roches.
Les résultats des mesures magnétométriques de précision effectuées dans le
corps du puits et sur les spécimens rocheux présentent un intérêt considérable.
Ces mesures ont porté sur la réceptivité magnétique H , l'aimantation rémanente
naturelle et le facteur dit de Königsberg Q (le rapport entre l'aimantation rémanente
naturelle et l'aimantation induite). Les caractéristiques magnétiques ainsi recensées
des roches permettent d'obtenir une information sur les variations spatiales et temporelles du c h a m p magnétique.
Les valeurs maximales de la réceptivité magnétique (0,2 à 0,3 SI) sont dues à la
présence de magnetite, d'hématite et de pyrrhotite. La très forte hétérogénéité des
valeurs H et In, m ê m e pour de petits fragments de roche, est liée au caractère de la
minéralisation. D'après les caractéristiques magnétiques, on a pu distinguer nettement trois grandes zones dans la coupe. La zone supérieure (minéralisation sulfurée) est représentée par des roches d'une susceptibilité magnétique peu élevée :
H 4 4 . 1 0 - 3 SI. L a zone moyenne (minéralisation oxydée) présente une susceptibilité
magnétique plus élevée: H #0,2-0,3 SI. La zone inférieure est peu magnétique:
moins de H # 2 . 1 0 " 3 S I .
Le massif cristallin a conservé nettement des traces de modifications fréquentes
de l'orientation d u champ magnétique. Par exemple, dans la coupe étudiée, on a
recensé une vingtaine de zones de polarités géomagnétiques différentes.
Enfin, il faut mentionner les éléments nouveaux qu'a fournis l'analyse des
champs des contraintes mécaniques qui a été effectuée à l'aide d'un ensemble de
modèles mathématiques et de recherches tectonophysiques spéciales. La méthode de
l'analyse tectonophysique a permis de reconstituer, dans le temps et l'espace géologiques, le c h a m p des contraintes tectoniques dans la région du sondage de la presqu'île
de Kola et d'en prévoir la profondeur.
L'analyse d u modèle tectonophysique ainsi établi du terrain géologique révèle,
en particulier, la présence d'une stratification horizontale très accusée de l'écorce
terrestre, due non pas à de vastes déplacements horizontaux, mais à la modification
des conditions locales de déformation de diverses parties du terrain géologique, ce
qui soulève une série de questions nouvelles pour la théorie de la tectonique des
plaques.
Pour conclure ce bref exposé des résultats des recherches géologiques et géophysiques d'un type nouveau menées dans la presqu'île de Kola, il faut souligner que la
108
Sondages à grande profondeur dans la presqu'île de Kola
géologie et la géophysique ont ainsi pu atteindre des profondeurs jusqu'alors inaccessibles.
Grâce à ces recherches, la géologie, qui est l'une des sciences les plus anciennes,
a pu entrer directement en contact avec les secrets de la première phase de l'évolution
géologique de la Terre.
Il faut se féliciter aussi de la participation active des géologues de nombreux
pays (notamment des Etats-Unis d'Amérique, de la République fédérale d'Allemagne, de la France et du Canada) à la réalisation du p r o g r a m m e international sur
la lithosphère et de sa partie relative au forage dans la croûte continentale. L'étude
intégrée de la Terre en tant que planète, Terre des h o m m e s , nécessite de façon de
plus en plus pressante les efforts conjugués de la c o m m u n a u t é internationale des
savants qui se consacrent à l'exploration de la nature.
•
109
Tribune des lecteurs
Appel aux lecteurs
N o u s serons heureux de publier des lettres contenant
des avis motivés — favorables ou non — sur tout
article publié dans Impact ou présentant les vues
des signataires sur les sujets traités dans notre revue.
Prière d'adresser toute correspondance à :
Rédacteur, Impact : science et société,
Unesco, 7, place de Fontenoy, 75700 Paris (France).
Cette lettre, qui nous a été envoyée par M. Jean-Bernard Condat, étudiant en musicologie (option scientifique) à l'Université Lumière de Lyon, France, concerne le double
numéro de 1985 sur le thème "Le son et le bruit : phénomènes acoustiques et dangers
pour l'ouïe". On peut lui écrire à l'adresse suivante : B.P. 8005, 69351 Lyon Cedex 08.
Grand merci pour votre numéro 138/139 queje viens de découvrir. Il m ' a vraiment
enthousiasmé autant par le thème abordé (le son et le bruit en tant que phénomènes
acoustiques) que par les domaines traités (musicologie, architecture, enseignement,
physique).
Musicien d'esprit tout à fait scientifique, m o n rêve de bachelier C était de faire
des études afin de devenir « acousticien » ou du moins chercheur en acoustique
musicale c o m m e H . V . M o d a k (auteur de l'article « Curiosités musicales des temples
de l'Inde du Sud »). Mais l'acoustique musicale ne s'enseignait qu'en option du
D E U G musique de l'Université Lyon-2. Je n'ai donc pas hésité, à tort d'ailleurs. Si
M . G . L . Fuchs n'a pas cité cette formation dans son article (« L'enseignement de
l'acoustique») bien qu'elle existe toujours, c'est peut-être parce qu'elle est donnée
dans le Département de physique nucléaire de l'Université Lyon-1 et est dirigée par
un non-musicien !
Mais pourquoi M . Fuchs ne parle-t-il pas du Laboratoire d'acoustique musicale
de la Faculté des sciences de Paris? Son fondateur-directeur, M . Emile Leipp, est
décédé le 5 janvier 1986. C e génial chercheur — dont on vient de rééditer L'acoustique et la musique (Paris, Masson, avril 1984) — s'intéressait notamment à l'ensemble
orgue/salle. Il aurait sûrement été heureux de lire c o m m e moi l'article de M . T a m a s
Tarnóczy sur l'acoustique des salles polyvalentes. Je profite de cette lettre pour
rendre h o m m a g e à cette grande figure de l'acoustique musicale française.
Encore bravo pour ce double numéro, qui a une place de choix dans m a bibliothèque.
Jean-Bernard Condat
Lager Heuberg, Stetten a.k. Markt
110
Première cérémonie de remise
de prix de VAcadémie des sciences
du Tiers Monde
Le dimanche 26 octobre 1986, l'Académie des sciences
du Tiers Monde a, pour la première fois, récompensé
quatre scientifiques de pays en développement qui se sont
distingués par leur eminente contribution aux sciences
fondamentales.
Les prix de l'Académie ont été décernés au
professeur L. De Meis (Brésil) pour ses études
fondamentales sur la fonction de la Ca"-ATPase
du
reticulum sarcoplasmique, s'agissant en particulier des
mécanismes de transfert de l'énergie dans les membranes
biologiques ; au professeur S. Siddiqui (Pakistan) pour
son rapport fondamental à la chimie des alcaloïdes du
rauwolfia; au professeur Lia Shan Tao (Chine) pour sa
contribution fondamentale aux mathématiques dans deux
domaines distincts : les solutions périodiques d'équations
différentielles sur la sphère et la dynamique qualitative;
et au professeur E.C.G.
Sudarshan (Inde) pour sa
contribution fondamentale à la compréhension de la force
nucléaire faible et en particulier pour sa participation à la
formulation de la théorie universelle V-A de Sudarshan
et Marshak. Les deux premières récompenses sont des
prix de chimie, la troisième un prix de mathématiques et
la quatrième un prix de physique.
La cérémonie de remise des prix a eu lieu dans le
grand amphithéâtre du Centre international de physique
théorique de Trieste, en présence du président, le
professeur Abdus Salam, des vice-présidents, les
professeurs T.R. Odhiambo (Kenya) et M.G.K.
Menon
(Inde) et des membres du Conseil, les professeurs
Lu Jiaxi (Chine), A.R. Ratsimamanga (Madagascar) et
E. Rosenblueth (Mexique).
Le professeur M.H.A.
Hassan (Soudan), secrétaire
exécutif, a donné lecture du palmarès, et les prix,
consistant en une médaille et un chèque de
10000 dollars, ont été remis par M.F. Salleo, directeur
du Département pour la coopération au développement
du Ministère italien des affaires étrangères, principal
soutienfinancierde l'Académie des sciences du Tiers
Monde.
Remise des médailles
Dirac de physique
Le 15 novembre 1986, deux médailles Dirac du Centre international de physique
théorique (CIPT, dont le siège est à Trieste), décernées l'une au titre de 1985 et
l'autre au titre de 1986, ont été remises officiellement au professeur Yakov
Zeldovich de l'Institut de recherche spatiale de Moscou (URSS) et au professeur
Alexander Polyakov de l'Institut Landau de physique théorique, Moscou
(URSS),
par, respectivement, le professeur Abdus Salam, directeur du CIPT, et le
professeur Stig Lindqvist, président du Conseil scientifique du CIPT. La seconde
médaille pour 1985 avait été remise le 7février 1986 au professeur Edward
Witten de l'Université de Princeton (Etats-Unis), le professeur Yoichiro Nambu de
l'Institut Enrico Fermi d'études nucléaires de l'Université de Chicago (Etats-Unis)
devant recevoir l'autre récompense pour 1986 au printemps de 1987. Plus de 300
scientifiques et personnalités officielles ont assisté à la cérémonie de remise qui
s'est déroulée dans la grande salle de conférence du CIPT.
Après la remise des médailles, le professeur Zeldovich et le professeur Polyakov
ont fait des conférences portant respectivement, sur l'évolution récente de la cosmologie
et sur les orientations de la théorie des cordes.
Prix Eklund
Le 19 novembre 1986, lors d'une conférence organisée spécialement au Centre
international de physique théorique, M. Chike Obi, professeur émérite de
l'Université de Lagos (Nigeria) a reçu le prix Eklund du CIPT pour 1985
récompensant en l'occurrence d'eminentes contributions dans le domaine des
mathématiques. Ce prix porte le nom de M. Sigvard Eklund, ami dévoué du
CIPT et directeur général de 1961 à 1981, de l'Agence internationale de l'énergie
atomique (AIEA), Vienne.
M. Eklund a personnellement remis le prix (un chèque de 1000 dollars des
Etats-Unis et un certificat) au lauréat tandis que le professeur Abdus Salam,
lauréat du prix Nobel de physique de 1979 et directeur du CIPT, donnait lecture
de la citation correspondante à un auditoire de quelque 300 scientifiques du
monde entier.
Le professeur Obi a fait notablement progresser l'étude des équations
différentielles ordinaires non linéaires à plusieurs paramètres, par l'obtention de
nombreux résultats concernant l'existence, le nombre et certaines expressions
analytiques des solutions harmoniques, sous-harmoniques ou uniformément presque
périodiques, de ces équations. Il a également œuvré au développement des
mathématiques en Afrique.
Saviez-vous que
les éducateurs, les chercheurs et les étudiants
peuvent utiliser les bons Unesco pour acheter
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Avenir...
Le prochain numéro d'Impact : science et société (n° 146)
aura pour thème :
N ° 146
La troisième révolution
industrielle
Parmi les auteurs : R . N . K h a n (Economiste, Paris)
décrit quelques grandes tendances de la nouvelle
révolution industrielle; David Blackburn (Open
University, Royaume-Uni) nous parle de
l'emmagasinage, du recueil et de l'utilisation des
données industrielles et du génie ; Sergio Sartori
(Istituto di Metrología Colonnetti, Turin, Italie)
entretient les lecteurs de l'intégration de la mécanique,
de l'électronique et des ordinateurs dans l'entreprise;
l'académicien B . Sendov (Sofia, Bulgarie) nous dit
comment l'enseignement peut préparer nos enfants à
affronter le nouveau m o n d e ; Roger B . Smith
(Président, General Motors, Detroit, Etats-Unis
d'Amérique) nous parle de l'entreprise au xxie siècle.
N ° 147
Conséquences des inventions pour la société
N°148
Energie : un problème non encore résolu
T*
Razvoj/DevelopmentInternational
Publié par : Institute for Developing Countries
Zagreb (Yougoslavie)
Rédacteur en chef : Zoran Roca
Razvoj/DevelopmentInternational
est une nouvelle revue semestrielle consacrée à l'étude scientifique
multidisciplinaire du développement socio-économique, s'agissant notamment (mais
pas exclusivement) des aspects sociaux, économiques, politiques, culturels,
techniques, environnementaux et autres de l'expérience du développement, ainsi
que des objectifs des pays en développement aux niveaux national et international.
Razvoj/DevelopmentInternational
a pour objet de rassembler et de diffuser les contributions d'érudits, d'experts
et de personnalités eminentes de pays en développement, ainsi que de membres
de la communauté universitaire et politique internationale travaillant dans des
spécialités différentes, mais liés par un respect commun pour l'émancipation
développementale totale des peuples et des pays, ainsi que pour des relations
internationales équitables et la coopération en vue du développement.
Prière d'envoyer les manuscrits et la correspondance
à l'adresse suivante:
Institute for Developing Countries
8 maja 82, 41000 Zagreb, P . O . Box 303
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diffusion du livre camerounais, B.P. 338, D O U A L A ; Librairie « Aux frères
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Unesco Publications Centre, 1 Talaat Harb Street, C A I R O .
Dinacur Cia. Ltda., Santa Prisca N.° 296 y Pasaje San Luis, Ofic. 101-102,
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Son. 75, H e r m o u Street, P . O . Box 73, T H E S S A L O N I Q U E .
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3.a avenida 13-30, zona 1, apartado postal 244, G U A T E M A L A .
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Librairie « A la Caravelle», 26, rue Roux, B.P. Ill, P O R T - A U - P R I N C E .
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Saint-Saëns, B . P . 683, C A S A B L A N C A
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Gralicoma, 1, rue du Souk-X, av. Kennedy, N O U A K C H O T T .
Librería « El Correo de la Unesco », Actipán 66 (Insurgentes/Manacar),
Colonia del Valle, M E X I C O 12 D . F . ; Apartado postal 61-164,
06600 M E X I C O D . F . ; Dilitsa (Distribuidora Literaria S.A.), P o m o n a 30,
apartado postal 24-448, M E X I C O D . F . 06700.
Instituto Nacional do Disco e do Livro (INDL), avenuida
24 de Julho 1921, r/andar, M A P U T O .
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apartado 807, M A N A G U A ; Librería de la Universidad Centroamericana,
apartado 69, M A N A G U A .
Niger :
Panama :
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Pays-Bas:
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Dias & Andrade Ltda., Livraria Portugal, rua do Carmo 70-74,
1117
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SANTO DOMINGO.
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Librairie évangélique, B.P. 378, L O M É ; Librairie du Bon-Pasteur,
B.P.
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Nouvelles Editions africaines, 239 boulevard Circulaire, B . P . 4862,
LOMÉ.
Tunisie :
Turquie :
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Beyoglu, I S T A N B U L .
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Galipán, apartado 60337, C A R A C A S 1060-A; D I L A E C A . , Alfadil
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Zimbabwe :
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Achevé d'imprimer en mai 1987
Atelier Graphique Saint-Jean, 10 rue Flottes, 81000 A L B 1
Numéro d'imprimeur : 118
Dépôt légal : T trimestre 1987
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