L`efficience des organisations d`intégration régionale en Afrique

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L’efficience des organisations d’intégration régionale en
Afrique : une approche économique
Bernard Yvars
Maître de Conférences de Sciences Économiques
Chaire Jean Monnet en Intégration régionale comparée
Université Montesquieu-Bordeaux IV
Version provisoire
L’objet de cette communication est de proposer une réflexion sur la pertinence de
l’accès au développement économique par l’action d’organisations d’intégration régionale.
Parmi les organisations régionales conçues dans le cadre africain, celles en charge de la
promotion de l’intégration régionale occupent une place significative (Uemoa, Cemac, Sadc,
etc). La création de telles entités résulte le plus souvent de l’influence exercée par les
anciennes puissances coloniales (Zone franc par exemple structurant monétairement l’Uemoa)
ou par l’Union européenne qui, par exemple en application des accords de Cotonou, tente
aujourd’hui de promouvoir le libre-échange par des Accords de Partenariat Économique,
élaborés en respectant strictement les règles de l’Omc. De tels accords reposent sur des
entités régionales déjà existantes. Ces zones, qui ont une assise juridique définie par des
textes fondateurs fortement
inspirés de l’expérience européenne, manquent souvent de
pertinence économique. De façon générale, les processus d’intégration régionale sont fondés
sur le développement des échanges : le commerce extérieur est la variable économique
motrice de telles expériences. Or le commerce international ne doit être la priorité que des
économies dont l’appareil productif est structuré et performant, ce qui a été -ou est- le cas des
expériences d’intégration régionale Nord-Nord (Alena, Union européenne). A contrario, le
régionalisme dans les pays en développement dont les économies sont plus vulnérables
pourrait traiter prioritairement de questions d’intérêt commun concernant les facteurs de
développement, notamment le capital humain (existence de besoins majeurs dans la plupart de
ces pays) et a priori sur des espaces géographiques plus importants que ceux sur lesquels sont
assises les expériences d’intégration économiques actuelles. Le régionalisme africain, par
exemple, conduit à moins de concurrence inter - zones et davantage de concurrence intrazone, en particulier au niveau des échanges commerciaux.
Notre papier évaluera dans une première partie l’efficacité macroéconomique des
expériences d’intégration régionale africaines qui poursuivent un objectif d’intégration à la
division internationale du travail par le commerce dans un contexte de durcissement des
conditions concurrentielles. Dans une seconde partie, en privilégiant les besoins en capital
humain des pays africains, nous ferons apparaître qu’une redéfinition de l’objet et de l’assise
géographique des processus intégrateurs actuels peut permettre une plus grande
complémentarité des efforts de développement économique et social de ces pays et des zones
qui les regroupent.
I - Un contexte international défavorable aux entités d’intégration
régionale centrées sur l’économie
Il convient tout d’abord de définir ce qu’est un processus d’intégration économique
régionale. De façon traditionnelle, B. Balassa distinguait plusieurs stades de ces processus
qui allaient de la constitution de zones de libre-échange à l’unification économique totale,
conduisant au fédéralisme budgétaire et politique. Cette typologie a perdu une grande partie
de sa pertinence aujourd’hui en raison de la mondialisation des activités et du rôle d’un dollar
étatsunien, aux fluctuations erratiques du cours du change (fréquemment supérieures à 10%),
en tant que monnaie véhiculaire des échanges internationaux. De plus, les accords
commerciaux des membres de l’Omc, organisés ou non en zones d’intégration régionale,
doivent aujourd’hui respecter la clause de la nation la plus favorisée. Un dollar aux
fluctuations erratiques et fortes et l’application de la clause précédente aboutissent au fait que
les zone de libre-échange et même d’union douanière ne correspondent plus à aucune
préférence régionale effective et à aucun degré d’intégration économique véritable. On ne
peut en fait parler d’intégration économique que lorsque des Marchés communs,
effectivement décloisonnés, sont réalisés et qu’une monnaie commune ou unique permet un
fonctionnement efficient de tels marchés. De ce point de vue, il existe alors très peu
d’expériences authentiques d’intégration économique : au XIXème siècle, on peut citer la
constitution de l’État fédéral allemand et dans la période contemporaine, seule l’Union
européenne correspond à un tel scénario et uniquement pour l’espace circonscrit à l’union
monétaire1. Précisons à ce propos que si l’euro protège les membres de l’union monétaire des
chocs externes d’inflation, il ne les protège pas des chocs de sous-emploi. Par conséquent,
l’union monétaire actuelle reste très fragile, d’autant plus qu’elle concerne des pays
1
En vérité, l’intégration économique européenne redémarre au 1er janvier 1999 avec la réalisation de la monnaie
unique, l’étape antérieure d’union douanière et dans une certaine mesure de marché unique (1958 - 1999) étant
dissoute dans la mondialisation, notamment après les accords de l’Uruguay round. De ce fait et malgré les
apparences, le processus d’intégration économique européen s’est amoindri avec un euro qui à ce jour n’est
toujours pas la monnaie d’un État fédéral européen.
2
insuffisamment convergents et que le policy mix pratiqué est asymétrique et incomplet. La
question de la gouvernance économique de l’Union monétaire est devenue une question
centrale : se rapprocher d’un fédéralisme budgétaire et politique (regroupant les quelques
pays les plus convergents) ou courir le risque d’un délitement de l’union monétaire, comme
le suggère C. Saint Etienne2.
De plus, l’approche d’endogénéité de l’intégration économique de Frenkel et Rose (la
monnaie unique stimule le commerce intra-branche en synchronisant les cycles) alors que les
tests empiriques montrent qu’il existe une Europe à plusieurs vitesses, conduit à privilégier
plutôt la thèse de la divergence économique de Krugman (la monnaie unique stimule le
commerce interbranche en désynchronisant les cycles). Plus l’intégration économique tente
de s’approfondir, plus le risque de divergence s’accroit et menace la pérennité de la zone
d’intégration régionale en l’absence d’une régulation centralisée suffisante découlant du seul
fédéralisme politique. Plus généralement, dans la période contemporaine, les fondements de
la DIT ont été affinés, notamment par P.A. Samuelson.
A - La refondation théorique de la division internationale du travail
Les enseignements principaux de la théorie du commerce international reposent sur
une hypothèse aujourd’hui démentie par les faits : l’immobilité internationale des facteurs de
production. De ce fait, les États, abrités derrière des barrières tarifaires et/ou non tarifaires, ne
représentent plus le cadre de référence de la production et des échanges des nations. Une des
conséquences en est que le modèle ricardien des coûts comparatifs est largement inadapté à
rendre compte de la spécialisation internationale. Les conditions du commerce entre les
nations ont fortement évolué et contribuent à la polarisation des activités et de l’emploi dans
les zones les moins disantes sur un plan fiscal, social ou environnemental. A ce propos, deux
arguments méritent d’être davantage explicités :
- l’insuffisante pertinence de la référence aux coûts comparatifs ricardiens comme
fondateurs de la spécialisation internationale et de la supériorité du libre-échange sur toute
forme d’échanges organisés ;
- la portée limitée de l’argument de la montée continue en gamme ou de l’accès
ininterrompu à une plus haute valeur ajoutée pour les appareils productifs concurrencés des
pays développés, notamment ceux qui peuvent incorporer intensivement de la recherchedéveloppement.
2
C. Saint Etienne, La fin de l’euro, Bourin éditeur, 2009.
3
Reprenons chacun des deux arguments.
1. Avantages comparatifs versus avantages absolus
Si nous ne sommes pas encore dans une économie mondiale complètement
décloisonnée, la tendance est à une libéralisation commerciale accrue selon deux modalités :
- les progrès de la négociation multilatérale sous l’égide aujourd’hui de l’OMC ;
- les progrès du régionalisme avec la création fréquente de zones de libre-échange et
plus rare, d’unions douanières.
Ce sont deux voies complémentaires d’accès au libre- échange, le libre-échange
généralisé étant la solution optimale dans l’analyse néo-classique qui établit la réalisation de
gains en bien-être les plus élevés pour les nations coéchangistes. La participation
« convenable » à l’échange international repose alors sur une spécialisation selon les
avantages comparatifs dans un cadre institutionnel des échanges complètement ouvert. Cette
approche vient d’être relativisée par l’économiste américain P. Samuelson (Samuelson, 2004)
qui montre que la mobilité internationale des facteurs de production tend à favoriser la
localisation des activités dans les pays qui ont les coûts absolus les plus bas (en premier lieu,
les coûts salariaux et de protection sociale). La tentation de protection peut être alors forte
dans les pays développés, sauf à fournir des productions plus différenciées. Cette adaptation
se traduit par une montée en gamme des produits des pays les plus avancés, pérennisant un
modèle de coopération internationale où les pays leaders (les nations développées) auraient
toujours une étape technologique d’avance sur les pays suiveurs (les pays émergents ou en
développement).
2. L’impasse de la montée en gamme et de la différenciation des produits
J. Bhagwati suggère aux pays développés à main-d’œuvre relativement plus coûteuse
une montée en gamme pour maintenir le gain à l’échange (J. Bhagwati, 2003). Le schéma
mécanique d’une montée en gamme permanente de la production des pays développés
pendant que les productions de gamme inférieure seraient délocalisées dans les pays en retard
de développement, à coût sociaux de production plus bas et dotés d’une main-d’œuvre
relativement moins qualifiée que celle des pays avancés, est un modèle dont la pertinence ne
peut être que de courte période. Cela revient à accepter l’hypothèse discutable qu’il y aura
définitivement une avance technologique des pays actuels les plus avancés sur les autres. Par
ailleurs, le commerce fondé sur la différenciation des produits pourrait progresser moins
4
fortement en raison de la rapidité des transferts de technologie, contribuant à la similitude des
gammes de produits, et des stratégies globales des firmes en position de marché
oligopolistique ou monopolistique. A terme, ces produits différenciés substituables
deviendraient des produits concurrents en raison de l’étroitesse de la différenciation, ce qui
perturbera le développement des productions et des échanges.
B - Des zones d’intégration régionale africaines centrées sur le
commerce
Dans le contexte de mondialisation actuel, l’étude du régionalisme en Afrique soulève
de nombreuses interrogations, en particulier celle de la priorité donnée à l’économie (et à la
logique fonctionnaliste pratiquée, notamment dans la Cee). Le Traité d’Abuja définit un cadre
pour achever l’intégration régionale du continent en consolidant les économies de l’ensemble
des pays africains en un seul marché en s’appuyant sur un processus progressif connaissant
son terme à l’horizon 2028. Ce Traité instituerait la Communauté économique africaine avec
plusieurs étapes de libéralisation définies autour des communautés économiques régionales
(Cer). La création d’une zone de libre-échange dans chaque Cer doit être complétée par une
union douanière et éventuellement un marché commun (voire une union économique). Cet
objectif doit être atteint par des plans visant à stabiliser et à éliminer graduellement les
barrières tarifaires et non tarifaires, adopter un tarif extérieur commun vis-à-vis des échanges
avec les pays tiers, harmoniser les politiques macroéconomiques et promouvoir la libre
circulation de tous les facteurs de production. Précisons cette démarche compatible avec
l’intégration du continent à la DIT.
1 - Une intégration régionale destinée à faciliter l’insertion dans la DIT
A. D. Ouattara, Directeur Général Adjoint du Fonds Monétaire International,
considérait en avril 19993, l'importance de l'intégration régionale comme étape intermédiaire
vers l'intégration des pays en voie de développement à l'économie mondiale : «après deux
décennies de résultats inégaux, la situation économique de l'Afrique s'est améliorée au cours
des dernières quatre années, et les perspectives sont de plus en plus encourageantes. Ceci est
d'autant plus remarquable que les progrès réalisés sont dus surtout à des efforts d'ajustement
interne plutôt qu'à des phénomènes exogènes. Ces efforts ont été caractérisés par la mise en
œuvre de politiques macroéconomiques et structurelles appropriées, visant à améliorer
3 Ière Conférence des Ministres de l'Économie et des Finances de la Francophonie, Monaco, 14 avril 1999.
5
l'efficience des économies et à créer les conditions d'une plus grande intégration à l'économie
mondiale. De telles politiques peuvent justifier le regard optimiste de ce qu'il est convenu
d'appeler le début d'une renaissance africaine». Une telle opinion
doit, cependant, être
nuancée en soulignant les risques induits par la persistance de plusieurs conflits armés et aussi
les difficultés découlant d’une insuffisance de résultats significatifs en matière de capital
humain au sein d’un ensemble économique contrasté et de peu de poids dans l’économie
mondiale. En effet, avec de faibles taux d'épargne domestique, une situation de pauvreté
permanente, une dépendance forte à l’égard des produits primaires, un manque d’ouverture de
ses marchés internes, l'Afrique court le risque d'une marginalisation par rapport au reste du
monde. Elle existe déjà dans les échanges commerciaux internationaux, notamment entre
l’Union européenne et les pays Acp. Cela n’empêche pas l’Union européenne de mettre en
place, par les accords de Cotonou, un modèle de développement économique basé sur le libreéchange, plus généralement le libéralisme économique, avec toujours la même optique d’une
intégration par le commerce dont on ne sait qu’elle ne donne pas de résultats
positifs
significatifs !
La coopération régionale peut-elle servir de vecteur pour la libéralisation non
discriminatoire du commerce multilatéral et l'intégration dans l'économie mondialisée ? A
priori, l'intégration régionale permet aux pays de surmonter l’étroitesse de leur marché
domestique en favorisant l’exploitation d’économies d'échelle et le bénéfice de la mise en
place d'infrastructures au niveau régional. De plus, la définition de programme ambitieux de
réformes au sein de zones d’intégration régionale peut faciliter la gouvernance
des
responsables nationaux dans la mise en œuvre de mesures politiquement difficiles (réduction
du protectionnisme économique, réformes d’envergure des systèmes réglementaires et
judiciaires). Il peut en résulter un environnement plus stable favorable à l'expansion du
secteur privé. On peut relever des avancées en matière de réalisations plurinationales :
Système de comptabilité ouest-Africain (Syscoa), Conférence interafricaine des marchés
d'assurances (Cima), Conférence Interafricaine de la Prévoyance Sociale (Cipres), Bourse de
valeurs sous-régionales, etc. On peut signaler aussi, dans le cadre de l'intégration régionale en
Afrique francophone, l'initiative de l'Ohada, (Organisation pour l'harmonisation du droit des
affaires en Afrique) à laquelle participent seize pays africains. A travers cette initiative,
l'importance de la sécurité économique est reconnue, protégée par un cadre judiciaire
approprié.
Cela étant, les processus d’intégration régionale, en Afrique ou dans le reste du monde
à l’exception dans une certaine mesure de l’Union européenne, n’aboutissent pas à des
6
résultats significatifs par rapport aux objectifs poursuivis. Le tableau 1 ci-dessous indique
que les objectifs d’une intégration économique sont le plus fréquemment atteints quand le
degré d’intégration recherché est élémentaire mais à partir du moment où le processus
intégrateur s’approfondit, les objectifs d’intégration ne sont que partiellement obtenus, y
compris pour l’Union européenne. Les processus qui visent une intégration économique par le
commerce se sont tous dilués dans la mondialisation ; de ce fait, l’institution de régulation
pertinente est l’Omc et seulement l’Omc. Quant aux processus censés aboutir à une
intégration monétaire, ils ne sont que très imparfaitement réalisés et ne sont pas les vecteurs
d’une intégration économique plus approfondie. C’est notamment vrai pour l’Uemoa.
Tableau 1 - Le degré d'intégration économique et la consolidation de
l'intégration économique régionale dans les principales expériences en
cours
Zones
d’intégration
régionale
Europe
-Union
européenne
Aele
Cei
Afrique
Uma
Cedeao
Uemoa
SADC
Amérique
Nafta
Mercosur
Caricom
Asie
Asean
Degré d’intégration
économique envisagée
Degré
d’intégration
économique
réalisée
Consolidation de
l’intégration par une
juridiction supranationale
(tribunal ou cours de Justice)1
Dilution de la zone
dans la mondialisation
selon les règles de
l’OMC2
Union économique et monétaire
Zone de libre-échange
Aucun
partiellement
oui
oui
oui
oui
non
non
oui
non
Union douanière
Union douanière
Union économique et monétaire
non
non
non
non
non
non
oui
oui
oui
Zone de libre-échange
oui
non
oui
Zone de libre-échange
Union douanière
Zone de libre-échange
oui
partiellement
oui
non
non
non
oui
oui
oui
Zone de libre-échange
oui
non
oui
Source: Élaboration personnelle
Nous pouvons mettre en évidence de façon plus détaillée les insuffisances de
l’intégration économique par le commerce en étudiant le trafic intra-communautaire des
principales zones d’intégration régionale africaines.
2 - Un bilan très insuffisant en matière d’échanges commerciaux, notamment
intra-communautaires
De manière générale, les pays africains présentent pratiquement la même structure des
échanges qui recouvrent les caractéristiques suivantes:
- une forte présence de produits primaires dans la structure des exportations, qui
représentent plus des trois quarts des exportations. De plus, ces exportations (plus de 80%,
principalement des produits primaires) sont destinées aux marchés d’Europe, d’Asie et
d’Amérique du Nord.
7
- des importations orientées vers les produits manufacturés en provenance
essentiellement d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord.
Le commerce intra-régional en Afrique se caractérise aussi par la noncomplémentarité des productions domestiques des différents pays : une production basée sur
les ressources naturelles conduit les pays à fabriquer les mêmes groupes de produits, qui sont
exportés vers l’extérieur de la région (matières premières de base) ou dont la production
excédentaire est écoulée dans la région, au gré des conditions climatiques (cas des céréalesprincipalement du maïs- du manioc, de la banane plantain, etc.)
Sur la base des données statistiques de la Cnuced 2004, il apparaît que le volume du
commerce intra-zone des zones d’intégration régionales par rapport à leur commerce total est
demeuré faible. En effet, le volume total du commerce intra-communautaire de ces zones a
représenté dans l’ensemble une part relativement modeste de leurs exportations totales, se
situant à un pourcentage de moins de 10% du commerce total, à l’exception de l’Uemoa et de
la Sadc dont les parts relatives des exportations intra-communautaires par rapport aux
exportations totales ont représenté un peu plus de 10% (graphique 1 ci-dessous).
Graphique 1 - Evolution de la part régional du commerce
d'exportations des zones régionales africaines
14
12
Part en %
10
8
6
4
2
0
UEMOA
CEDEAO
MRU
SADC
COMESA
CEMAC
CEEAC
CEPGL
UMA
Ensembles régionaux
Source : d'après les données de la CNUCED
Année 1980
Année 2003
En Afrique de l’Ouest, le commerce intra-régional demeure faible, représentant en
moyenne 10% des exportations totales. Au sein de l’Uemoa, les exportations intracommunautaires ont représenté 9,6% des exportations totales de la zone en 1980 et plus de
12% environ en 2003. Cette performance du commerce intra-zone peut être attribuée à
l’existence d’un gain de compétitivité et d’une relative déviation de commerce des entreprises
8
commerciales consécutive à la mise en place du tarif extérieur commun. Les caractéristiques
du commerce intra-communautaire de la Cedeao sont similaires à celles de l’Uemoa, avec
cependant une part qui se maintient à environ 9,5% des exportations totales de la Cedeao
depuis 1980. Ce niveau est significativement plus élevé que les niveaux enregistrés pour les
autres communautés régionales, excepté la Sadc. En effet, on peut remarquer un bond
spectaculaire de son commerce intra-régional, notamment entre 1995 et 2003. Cette
performance s’explique par la prépondérance de l’économie sud-africaine qui n’atteint
cependant pas son niveau de croissance potentielle (facteurs limitatifs tels l’émigration de
main-d’œuvre qualifiée, l’insécurité, les problèmes sanitaires). Par comparaison, au sein du
Mercosur sud-américain, les échanges intra-communautaires avoisinent les 20% des
exportations totales de la zone. Dans l’Union européenne, le commerce intra-zone est
important : plus de la moitié des échanges. Cela dit, c’est tout autant le niveau de
développement économique des États que le processus d’intégration économique que l’on
peut invoquer pour expliquer une telle situation. Il ne faut pas oublier que le niveau des
échanges intra-européens était élevé avant l’entrée en vigueur du Traité de Rome (les pays
européens, proches géographiquement et économiquement, constituant une zone d’échange
naturelle selon le concept de P. R. Krugman).
II – La pertinence d’entités d’intégration régionale privilégiant le
capital humain au commerce dans l’Afrique subsaharienne
En réalité, les processus d’intégration économique efficaces sont ceux qui ont abouti à
la constitution d’États-nations, en l’occurrence d’États-nations fédéraux. L’unification
politique allemande au XIXème siècle est un exemple remarquable d’une intégration
économique réussie débouchant sur un État-nation fédéral. De ce point de vue, depuis la fin
de la Seconde Guerre mondiale, on ne rencontre aucun processus d’intégration économique
régionale achevé. Souvent mise en avant comme expérience d’intégration économique
approfondie, l’Union européenne reste encore de nos jours un processus d’intégration
contradictoire et asymétrique dont la pérennité n’est pas du tout assurée en raison d’une
régulation économique insuffisante, intermédiaire entre celle de l’État nation et celle de l’
État fédéral plurinational.
Les organisations d’intégration régionale à travers le monde ne peuvent pas s’en
inspirer fortement sans risques d’importantes inefficiences. Tout d’abord, il nous semble que
l’intégration économique régionale n’a de sens que si elle s’inscrit dans un processus
9
aboutissant au fédéralisme politique (et donc budgétaire). Tout processus qui n’ambitionne
pas une telle finalité est frappé d’inefficiences économiques et sociales d’autant plus graves
que l’intégration économique tente de s’approfondir. C’est notamment le cas des marchés
communs ou uniques avec ou sans unification monétaire. Dans les faits, ils ne fonctionnent
pas ou quand ils fonctionnent, ils créent d’importantes externalités négatives (en raison de
régulations économiques et sociales nationales contradictoires). Dans les pays en
développement, les marchés décloisonnés sont inefficients parce que les échanges intra-zone
sont réduits et dans les pays développés où ce type de commerce est plus développé, ils
engendrent des distorsions sociales importantes qui résultent des différentes formes de
dumping,
fiscal
ou/et
social.
L’explication
d’une
telle
situation
est
simple :
l’approfondissement de l’intégration économique dépossède progressivement les États
membres des principales prérogatives de la politique économique sans que se mettent en place
au niveau des institutions d’intégration des actions communes suffisantes et efficaces. Il
semble qu’il n’y ait pas d’intégration économique pérenne possible en l’absence de
constitution d’un État fédéral mais il faut aussi considérer qu’un État et un budget fédéraux
ne sont pas la panacée non plus : dans les États fédéraux les plus centralisés (États-Unis par
exemple), le budget fédéral n’amortit les chocs sur le revenu régional que dans une
proportion voisine des 40 % dans le meilleur des cas.
Citons un exemple d’avatar d’une intégration économique mal maîtrisée parce
qu’insuffisamment régulée au niveau centralisé : la politique agricole commune à la suite des
accords de l’Uruguay round. Examinons l’évolution des prix agricoles. Avant les accords de
l'Uruguay round, le marché européen faisait l'objet d'une régulation efficace qui encadrait les
évolutions de prix d'un certain nombre de produits de base régis par des organisations
communes de marché. Les fluctuations des prix agricoles étaient contrôlées. Quand l'Europe,
dans le cadre de la négociation de l'Uruguay round, a concédé aux États-Unis la suppression
des prélèvements agricoles, elle a en fait accepté qu'à terme, les marchés agricoles,
notamment ceux des produits de base qui sont autant de productions alimentaires stratégiques,
soient soumis à la loi de l'offre et de la demande mondiale sans qu'aucun mécanisme
régulateur ne puisse empêcher les prix de descendre trop bas (situation de surproductions
agricoles) ou de s'élever trop haut (situation de pénuries agricoles). Ce sont de situations
préjudiciables aux consommateurs et aux producteurs européens. Il n'est pas souhaitable que
l'approvisionnement en produits de base agricoles de la population européenne dépende de la
situation de marchés mondiaux dérégulés et très spéculatifs.
10
L’expérience de l’intégration économique de l’Union européenne peut servir aux pays
qui se sont lancés dans une démarche similaire d’intégration régionale : s’ils n’ont pas
l’intention de constituer à terme mais rapidement un État fédéral pour bénéficier au plus tôt
des régulations fortes et centralisées, il vaut mieux alors s’en tenir à une forme d’organisation
des échanges internationaux en adéquation quasi parfaite avec les règles de l’Omc, c’est -àdire la zone de libre-échange (chaque pays garde en effet la maîtrise de sa politique
commerciale à l’égard des pays tiers).
Il nous semble que les accords régionaux seraient parfois plus efficaces en termes de
lisibilité et de réalisations tangibles s’ils concernaient d’autres domaines que celui de
l’économie. De ce point de vue, les champs de l’action juridique en matière d’institutions en
charge de la démocratie et des droits de l’Homme sont des domaines pertinents d’une
démarche intégratrice pluri - régionale. Une politique d’action et de coopération culturelle
trouve aussi une cohérence dans une définition et une concrétisation plurinationales. Cela est
également vrai des progrès à réaliser en matière de capital humain qui conditionne le
développement économique futur et qui peut faire l’objet d’une action plurinationale,
géographiquement la plus large possible. Les programmes d’intégration régionale concernent
alors la formation et la santé humaine, en particulier dans les pays où l’espérance de vie à la
naissance est relativement faible. Pour de telles actions, une seule zone d’intégration régionale
pourrait être définie au niveau du continent africain, l’Afrique du Nord dont le profil
épidémiologique est spécifique n’étant pas concernée.
A - Le développement humain dans le continent africain
Indice composite du Pnud, l’indicateur de développement humain (IDH) rend compte
de l’état de bien-être dans les pays au regard de variables telles que le revenu, l’éducation et
la santé. La carte 1 ci-dessous montre une situation de bien -être sensiblement dégradée, si
l’on excepte les zones nord et sud africaines. La majeure partie des pays africains est
concernée, notamment toute l’Afrique subsaharienne. Faiblesse relative du revenu,
performances éducatives insuffisantes et espérance de vie à la naissance fréquemment
inférieure à 50 ans définissent des conditions de développement économiques défavorables.
Cela se traduit par une préférence pour le présent, notamment pour la consommation
immédiate, qui tend à perdurer et à supplanter une préférence pour le futur qui accorderait à
l’investissement matériel et immatériel une place privilégiée.
11
Carte 1 - Valeur de l’IDH dans le continent africain en 2005
Source : d’après PopulationData.net
Les conditions d’un développement durable ne sont pas réunies. Dans un tel contexte,
les organisations d’intégration régionale actuelles qui poursuivent principalement des
objectifs commerciaux apparaissent moins concurrentes entre elles qu’inadaptées quand à
leur objet. L’intégration économique par le commerce, comme on l’a vu précédemment, ne
fonctionne pas de façon satisfaisante dans les zones d’intégration régionale africaines, même
si on peut relever quelques résultats positifs, par exemple la progression du commerce intrazone dans la Sadc par exemple4. En réalité, les conditions d’un développement économique
durable ne sont pas réunies parce que des facteurs majeurs de croissance tels le capital
humain évoluent défavorablement. Les théories modernes de la croissance endogène assises
sur le capital humain indiquent que dans les pays où l’espérance de vie est basse,
l’investissement dans l’éducation et la santé est dissuadé parce qu’il se révèle non rentable.
4
Il faut préciser que dans les zones d’intégration régionales censées bien fonctionner sur le plan du commerce
intra-zone (Alena, Mercosur et surtout Union européenne), l’essentiel des échanges concerne un commerce intrabranche vertical, source d’ajustements économiques coûteux pour les pays plutôt spécialisés dans les productions
de moyenne ou faible valeur ajoutée.
12
Insuffisance du niveau d’éducation, mauvaise santé et faiblesse de la Fbcf créent souvent une
trappe de pauvreté. Il faut atteindre un niveau minimum d’espérance de vie (sans que ce seuil
soit précisément défini) pour enclencher un processus de développement5. L’état sanitaire
d’une population, qui va être déterminant, dans l’évolution de l’espérance de vie à la
naissance doit être mieux évalué et une régulation à un niveau géographique pertinent mise
en œuvre de façon prioritaire.
B - L’état sanitaire, facteur essentiel de développement économique
C’est une question d’intérêt commun majeur dans la plupart des pays africains. Elle
conditionne l’augmentation de l’espérance de vie et l’évaluation sanitaire fait apparaître des
situations similaires qui appellent des régulations fortes supranationales. Le capital humain,
facteur essentiel de développement économique aujourd’hui, représente un terrain d’action
remarquable et adapté des entités d’intégration régionale. Les régulations en la matière ne
semblent pertinentes que dans le cadre d’une seule zone d’intégration régionale. En
l’occurrence, elle regrouperait tous les pays d’Afrique subsaharienne. Ci-dessous, nous
présentons quelques graphiques qui rendent compte de la situation sanitaire dans les
principales zones d’intégration régionale africaine. A l’exception de l’Uma, il apparaît une
situation dans laquelle les principales zones d’intégration régionale enregistrent une
espérance de vie inférieure à 60 ans, voire 50 ans (Graphique 2).
Age en années
Graphique 2 - Espérance de vie à la naissance en 2005 dans les
principales zones d'intégration régionale africaine
80
UMA
SADC
UEMOA
CEMAC
70
CEDEAO
60
50
40
30
20
Tunisie
Mauritanie
Libye
Maroc
Algérie
.Libéria
Sierra Leone
Burkina Fasso
Guinée Bissau
Mali
Niger
Bénin
Côte d'Ivoire
Nigéria
Sénégal
Togo
Gambie
Ghana
Cap Vert
Burkina Faso
Mali
Guinée Bissau
Pays
Niger
Bénin
Côte d'Ivoire
Togo
Sénégal
Tchad
Guinée
Congo
Cameroun
Rép.centrafricaine
Source : d'après les données du PNUD
Gabon
Zambie
Zimbabwe
Tanzanie
Swaziland
Namibie
R.DCongo
Mozambique
Malawi
Maurice
Lesotho
Madagascar
Angola
Bostwana
0
Afrique du sud
10
Le profil épidémiologique des pays africains subsahariens fait apparaître la
prépondérance des maladies infectieuses dans les situations de morbidité et de décès. Par
5
P. Y Geoffard et T. Verdier, Health and Development with Imperfect Capital Markets, Séminaire Erudite,
Université Paris XII, 2000.
13
exemple, les prévalences du Vih et de la tuberculose sont élevées de façon similaire dans toutes
les zones d’intégration régionale, sauf dans la Sadc où le Vih s’est développé de façon
importante et dramatique (Graphiques 3 et 4).
En % des 15 - 49 ans
Graphique 3 - Prévalence du VIH en 2005 dans les principales
zones d'intégration régionale africaines
40
SADC
35
30
25
20
CEMAC
15
UEMOA
CEDEAO
UMA
10
Tunisie
Mauritanie
Libye
Maroc
Algérie
.Libéria
Sierra Leone
Burkina Fasso
Guinée Bissau
Mali
Niger
Bénin
Nigéria
Côte d'Ivoire
Sénégal
Togo
Gambie
Ghana
Cap Vert
Burkina Faso
Mali
Niger
Guinée Bissau
Pays
Côte d'Ivoire
Togo
Bénin
Sénégal
Tchad
Rép.centrafricaine
Source : d'après les données du PNUD
Guinée
Congo
Gabon
Cameroun
Zambie
Zimbabwe
Tanzanie
Namibie
Swaziland
R.D Congo
Mozambique
Malawi
Maurice
Lesotho
Madagascar
Angola
Bostwana
0
Afrique du sud
5
Ce contexte infectieux affecte la productivité au travail et la croissance
économique, ce qui se traduit par une performance moins forte de l’appareil productif. De plus,
une partie de cette croissance est confisquée par la prise en charge financière de ces pathologies.
1400
1200
1000
CEDEAO
UEMOA
800
CEMAC
SADC
UMA
600
400
200
Source : d'après les données du PNUD
14
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0
A
Nb de cas pour 100 000 hab
Graphique 4 - Prévalence de la tuberculose en 2005
dans les principales zones d'intégration régionale africaines
La réponse des systèmes de santé à une telle situation épidémiologique est insuffisante.
Le niveau des dépenses de santé par habitant est faible, y compris au sein de la Sadc où l’Afrique
du Sud consacre en moyenne relativement plus de ressources à la santé de sa population
(graphique 5).
En dollars PPA
Graphique 5 - Dépenses de santé par habitant en 2004
dans les principales zones d'intégration régionale africaines
800
700
UMA
SADC
600
500
400
CEMAC
300
UEMOA
CEDEAO
200
100
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0
Pays
Source : d'après les données du PNUD
De la même façon, la couverture des besoins sanitaires est assurée par un nombre de
praticiens (en l’occurrence, les médecins) relativement faible dans les zones d’intégration
régionale subsaharienne (Graphique 6). Les pays de l’Uma sont majoritairement dans une
situation différente, à l’exception de la Mauritanie et à un degré moindre du Maroc.
160
UMA
140
120
SADC
100
80
60
CEMAC
CEDEAO
40
UEMOA
Source : d'après les données du PNUD
15
Tunisie
Maroc
Mauritanie
Libye
Algérie
.Libéria
Sierra Leone
Burkina Fasso
Mali
Niger
Guinée Bissau
Bénin
Côte d'Ivoire
Nigéria
Togo
Gambie
Sénégal
Ghana
Cap Vert
Burkina Faso
Niger
Guinée Bissau
Mali
Bénin
Sénégal
Pays
Côte d'Ivoire
Togo
Tchad
Rép.centrafricaine
Guinée
Congo
Cameroun
Gabon
Zambie
Tanzanie
Zimbabwe
Swaziland
Namibie
R.D Congo
Malawi
Maurice
Mozambique
Lesotho
Madagascar
Angola
0
Bostwana
20
Afrique du sud
NN de médecins pour 100 000 hab
Graphique 6 - Nombre de médecins pour 100 000 hab sur la période 2000-2004
dans les principales zones d'intégration régionale africaines
Les quelques exemples de variable sanitaires illustrées par les graphiques ci-dessus
montrent des situations comparables qui appellent une régulation commune.
En conclusion, lorsque des pays veulent constituer une zone d’intégration économique
régionale, seul le fédéralisme politique et budgétaire permet d’éviter les graves inefficiences
induites par une insuffisance de régulation centralisée que l’on peut observer dans les processus
d’intégration qui s’approfondissent. L’Union européenne illustre parfaitement une telle
situation : c’est un espace désintégré sur le plan des échanges (situation compatible avec les
règles de l’Omc) et mal intégré sur le plan monétaire (policy mix asymétrique, États membres
divergents économiquement, intégration bancaire dominée par la finance de marché, insuffisance
de régulations économiques centralisées)6. Il n’est pas inutile à cet égard de réfléchir à ce que
Keynes écrivait dans son article de 1933, National Self-Sufficiency7 dans lequel il définissait les
activités devant entrer dans le champ de l’économie internationale et celles qui devaient relever
de la régulation homogène de l’Etat-nation, notamment l’activité bancaire et financière au
service de l’activité productive8 :
“I sympathize, therefore, with those who would minimize, rather than with those who would
maximize, economic entanglement among nations. Ideas, knowledge, science, hospitality,
travel--these are the things which should of their nature be international. But let goods
be homespun whenever it is reasonably and conveniently possible, and, above all, let
finance be primarily national. Yet, at the same time, those who seek to disembarrass a
country of its entanglements should be very slow and wary. It should not be a matter of
tearing up roots but of slowly training a plant to grow in a different direction ».
Pour les pays africains, les processus d’intégration régionale sont eux aussi centrés sur
l’économie mais dans les faits, ils sont peu approfondis malgré la référence dans les traités à des
formes d’intégration économique telles que l’union douanière, l’union monétaire, etc. Très
souvent, les processus productifs sont peu développés, basés sur des biens peu élaborés et très
concurrentiels, il n’est donc pas surprenant de constater un niveau faible d’échanges intra-zone.
En réalité, plus que l’économie et le commerce, ce sont les facteurs de développement
économique qui pourraient faire l’objet de politiques plurinationales parce que les besoins de
6
La zone euro n’est sans doute viable à long terme qu’avec un nombre réduit d’États membres (les plus
développés économiquement) regroupés dans un ensemble fédéral. L’Union européenne actuelle peut
poursuivre son intégration dans les domaines de la démocratie et des droits de l’Homme, de la culture, etc mais,
à notre sens, il semble risquer de continuer à y traiter les questions économiques, en l’absence des régulations
centralisées indispensables qui sont celles d’un État fédéral.
7
J. M. Keynes, National Self-Sufficiency, The Yale Review, Vol. 22, N 4, June 1933, pp. 755-769.
8
Dans un ensemble en cours d’intégration, la finance ne peut être laissée aux seuls mécanismes de marché et
doit faire l’objet d’une régulation homogène centralisée.
16
l’Afrique subsaharienne en la matière sont très importants, en particulier en ce qui concerne le
capital humain. De ce point de vue, une entité régionale continentale (ou limitée à l’Afrique
subsaharienne) en charge de questions d’éducation et de santé, soutenue par les organisations
internationales en particulier la Banque mondiale, permettrait à terme de faire évoluer la
problématique du développement économique de façon plus efficace que les entités régionales
existantes à vocation principalement économique qui se caractérisent par des performances
jusqu’à aujourd’hui insuffisantes.
Références bibliographiques
B. Balassa, The Theory of Economic Integration, R. D Irwin Inc, Homewood, 1961.
J. Bhagwati et al., Lectures on International Trade, New Delhi, OUP, New Delhi, 2003.
M. Diouf, Le traité d’Union africaine et le processus d’intégration sous-régionale, IFAN, Université de
Dakar, Sénégal, août 2001.
J. A. Frankel et A. K. Rose, The Endogeneity of the Optimum Currency Area Criteria, Economic
Journal, N° 108, 1998.
P. Y Geoffard et T. Verdier, Health and Development with Imperfect Capital Markets,
Séminaire Erudite, Université Paris XII, 2000.
J. M. Keynes, National Self-Sufficiency, The Yale Review, Vol. 22, N 4, June 1933, pp. 755-769.
P. R. Krugman, Lessons from Massachusetts for EMU in Torres F. et Giavazzi F. Ed., Adjustment and
Growth in the European Economic Union, Cambridge University Press, 1993.
C. Saint Etienne, La fin de l’euro, Bourin éditeur, Paris, 2009.
P. A Samuelson, Where Ricardo and Mill Rebut and Confirm Arguments of Mainstream Economists
Supporting Globalization, Journal of Economic Perspectives, été 2004
B. Yvars, EU Integration and other Integration Models in Assessing EU’s role in the world, The
Brookings Institution, Washington, 2009.
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