Pierre-Luc Henry Ambulances Roland
2003
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Procédure de certification
Pour Technicien Ambulancier
Evaluation Module D
Travail Ecrit Personnel
Pierre-Luc Henry Ambulances Roland
2003
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Une situation vécue
L’orsque l’ambulancier est impliqué !
Préambule
Ce lundi 28 mai 2001, je devais dans un premier temps effectuer un
transfert de l’hôpital des Cadolles à Neuchâtel au HUG avec un
patient MRSA.
Suite à quelques changements d’attribution, je ne pars pas pour
Genève et j’effectue à 09h58 un transfert de l’hôpital cantonal
psychiatrique de Perreux pour les Cadolles, d’un patient de 1928 qui
va en consultation.
Arrivé à destination à 10h 37, nous sommes en train de remettre
notre patient au personnel infirmier quand mon téléphone sonne.
Jean-Luc, notre responsable du jour me demande où nous nous
trouvons. Il me dit que mon Papa vient de lui téléphoner et que ma
Maman vient de faire un malaise, elle est inconsciente et il faut que
nous nous rendions en urgence à leur domicile.
A ce moment là, une terrible pensée me traverse l’esprit, je dois
devenir tout blanc, et le Dr Kehtari ( responsable des services
ambulances pour le bas du canton de Neuchâtel et responsable du
SMUR) qui se trouve en face de moi, me demande ce qui ce passe.
Le Dr connaissant ma mère puisqu’elle a déjà été hospitalisée, et
après mes explications, envoie le SMUR à notre suite. Il est 10h46.
Pierre-Luc Henry Ambulances Roland
2003
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L’intervention
10H47 nous quittons l’hôpital des Cadolles, je suis avec Jean-
François (CFM MUA) et Miguel (stagiaire 1ère année de CRS).
Jef me lance : «
Puisqu’il s’agit de ta mère, tu prends le lead. »
Mais je ne suis pas convaincu, j’ai un très mauvais pressentiment, je
lui rétorque que oui, dans un premier temps en tout cas, mais qu’il
faudra voir sur place.
10H49, nous arrivons. En sortant de l’ambulance, j’aperçois mon
père (81 ans) qui est sur le balcon, il nous fait signe, il a l’air livide.
Je sors de l’ambulance avec Miguel, nous prenons notre matériel et
nous montons au cinquième étage.
La porte de l’appartement est grande ouverte et je vois ma maman
au fond du corridor gisant sur le sol avec les bras et les jambes
écartées. Elle est à plus de 7 mètres de moi, mais sa position n’est
pas normale, mes yeux commencent à se remplir de larmes.
Arrivé au près d’elle, elle est grise, cyanosée au tour du cou, les
yeux révulsés, je vais commencer mon ABC et pour une fois, au lieu
de dire : Madame je m’entends bafouiller un mmmmm…maman du
bout des lèvres, jamais il ne m’aura été aussi dur de prononcer ce
nom qui fut pourtant l’un des tout premier que j’ai su dire !
Mon père tourne autour de moi, il m’explique qu’il vient de rentrer
de la forêt et qu’il l’a retrouvée là, comme ça. Dans le fond,
j’entends la sirène du SMUR qui arrive, ainsi que Jef, mon collègue.
Maman est toute froide, j’ai fais mon ABC : ACR.
L’arrivée de mon collègue est pour moi salvatrice, je n’ai pas la
force de continuer. Miguel a équipé ma mère avec le défi, l’ECG, et
il va commencer la réa, je laisse la place à Jean-françois et me
dirige vers mon père qui commence à comprendre ce qui ce passe. Il
tombe dans mes bras et nous laissons la place au SMUR qui vient de
nous rejoindre.
Pierre-Luc Henry Ambulances Roland
2003
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A partir de ce moment, je vis un vrai cauchemar, je suis
l’ambulancier, le fils, le frère, le collègue. J’ai bien compris qu’il n’y
a plus rien à faire pour maman, mais comme toute personne qui se
trouverait à ma place, j’espère.
L’équipe est affairée sur ce corps inerte et sans vie mais qui m’a
donné la mienne. Je suis dans le salon avec papa et mon frère qui
vient d’arriver. Je tente doucement de faire comprendre à mon
père que c’est probablement terminé, je dois le préparer à ce qui
est à mes yeux une évidence. En même temps, je culpabilise, car je
suis là en professionnel du secours à victime et j’ai l’impression de
ne rien faire.
Je regarde ces quatre personnes qui transpirent. Pour eux aussi ce
n’est pas une intervention normale, car c’est tout de même la mère
d’un collègue, d’une personne avec qui ils ont déjà ramené à la vie
d’autres patients, ils se sentent mal à l’aise de penser que cette
fois, la mort sera la plus forte.
A 11h06 le décès de maman est officiel, j’ai demandé au médecin du
SMUR de ne pas insister, elle avait une bonne qualité de vie
auparavant, mais là, même si par miracle elle était revenue à elle….
Non je préfère ne pas y penser.
Mes deux collègues, amènent maman sur son lit et utilise une
couverture en guise de linceul.
Ce moment où il faut remballer son matériel après un échec est
toujours pénible, mais là, la tension est à son comble et c’est dans
un silence presque religieux que le rétablissement s’effectue.
Je reste sur place et laisse mes collègues renter seul à la centrale.
Le SMUR va très gentiment donner un calmant à papa avant de s’en
aller à son tour. Et tout à coup, nous nous retrouvons seul, mon
père, mon frère et moi.
Pierre-Luc Henry Ambulances Roland
2003
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Ce calme soudain est terrible car l’agitation qui régnait dans
l’appartement tout à l’heure était un signe de vie, mais là, la mort
prend le dessus. Soudain on réalise tout ce qui va changer dans
notre vie. Il faut commencer les téléphones pour aviser le reste de
la famille, attendre les pompes funèbres qui ne viendront que vers
15h, car ils sont très occupés !
On tente de faire un dîner, mais il restera sur la table et déjà les
premières visites on lieu.
Je resterai quatre jours chez papa. Il ne peut pas pour le moment
rester seul, et c’est ce qu’il y a de terrible, je n’ai pas cinq minutes
pour m’isoler pour crier ma tristesse pour craquer tout simplement.
Non je dois être là et toujours avoir le dessus pour garder papa la
tête hors de l’eau. Le cinquième jour enfin, mon frère peut quitter
son restaurant et me relayer. Je vais pour la première fois depuis
très longtemps sortir en boite, passer une nuit blanche, faire la
« fête » pour enfin ressortir toute cette tension accumulée depuis
une semaine.
Je vais croiser dans la nuit plusieurs personnes qui me connaissent
et qui savent que je viens de perdre ma mère, mais je suis sûr que
personnes n’a pu comprendre pourquoi, ce soir là, j’était là.
La gentillesse et la fraternité de mes collègues ont été pour moi
d’un très grand secours, qu’ils en soient infiniment remerciés.
Maman avait 77 ans et devait fêter ces cinquante ans de mariage le
10 janvier suivant.
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