
Mamie Nova fait de la résistance
La bienveillante grand-mère, qui abataillé pour exister
dans les années 1980, se cantonne aujourd'hui au rayon gourmand.
Mamle Nova apparaît
toujours dans le logo
et sur les packagings
des produits mais
son nom n'est même
plus prononcé àla
télévision, snc nova
Malgré sa
choucroute immuable et son air
impassible, Mamie Nova n'a pas
une vie facile. La grand-mère bien-
veillante, qui incarne la marque de
yaourts depuis les années 1950, a
bien failli disparaître il yavingt ans ,
écrasée par les poids lourds Dano-
ne, Nestlé et Yoplait. Mais Mamie
Nova fait toujours de la résistance .
Discrète àses débuts, ne figurant
que sous la forme d'un rébus dans le
logo de la marque, elle asurtout fait
parler d'elle dans les années 1980.
Face à des concurrents plus gros et
qui avaient surtout davantage de
moyens, Mamie Nova, qui apparte-
nait alors àune coopérative laitière,
n'avait d'autre choix que de frapper
fort pour faire un maximum de
bruit. Le slogan «Merci qui ?» et
une série de pubs télé vont alors lui
permettre de faire encore bonne fi-
gure au rayon frais.
Déclaration de guerre
La publicité vit alors son apogée et
la marque se trouve être entre de
très bonnes mains. Sous la férule du
publicitaire Philippe Michel, fonda-
teur de l'agence CLM et créatif ins-
piré des campagnes Eram ou Koo-
kaï, Mamie Nova déclare sans en
avoir l'air la guerre àtoutes les
grands-mères. Les yeux bandés, le
sourire imperturbable, elle ne pipe
mot mais les mamies, elles, «ne lui
disent pas merci». Un film signé
Edouard Molinaro, puis quatre
autres réalisés par Claude Miller
font rire dans les chaumières. Ils
mettent en scène une bande de
grands-mères oisives, révulsées par
leurs petits-enfants qui leur récla-
ment des Mamie Nova.
Au casting figure notamment Re-
née Faure, une sociétaire de
la Comédie française.
«C'était une campagne
intelligente et populaire,
ce qui ne va pas toujours
de pair, souligne Patrick
Corrigan, cofondateur
de l'agence Du-
fresne Corrigan
Scarlett, en charge
du budget depuis
1994. EBe apermis à
Mamie Nova d'avoir
autant de notoriété que
Danone mais avec vingt
fois moins de budget. »
Mamie Nova est en
effet encore une grande marque
populaire généraliste quand tout se
complique.
En 1989, une série d'affichés
manque de la tuer. Trois photos de
Jean-Baptiste Mondino montrent
des enfants à la mine inquiétante.
L'un d'eux affirme, sarcastique:
«La mamie que je préfère, eue est
dans te Frigidaire.» La chambre
froide n'est pas 10in... Le courant ne
passe plus .La campagne est arrêtée,
l'agence de pub perd le budget et
l'équipe marketing chez Mamie
Nova est débarquée. Le flop est
comparable àcelui qu'a connu la
campagne Poire de Renault pour la
Rl4 en 1976. «Un des rares cas
connus d'effet négatif, alors que la
pub asouvent peu d'effet sans que
cela porte àconséquence», explique
Patrick Corrigan.
C'est la traversée du désert jus-
qu'au milieu des années 1990,
quand la coopérative àlaquelle ap-
partient la marque est rachetée par
le groupe Andros. Frédéric Gervo-
son, patron de cette entreprise fa-
miliale prospère, est un adepte de
ce qu'il appelle la «stratégie de la
violette» :travailler et ne rien dire.
Confronté àl'impossibilité de re-
lancer Mamie Nova face aux gran-
des marques généralistes, Danone
et La Laitière (Nestlé) en tête, le
nouveau propriétaire opte pour une
stratégie de niche. Andros adéve-
ioppé sa connaissance du rayon
frais en étendant sa gamme de
confitures aux compotes fraîches. Il
aaussi déjà amorcé avec succès la
montée en gamme de Bonne Ma-
man, marque créée par le fondateur
du groupe, Jean Gervoson, en 1971,
et qui va largement inspirer la nou-
velle stratégie de Mamie Nova.
Yaourts «premium »
Finie la guerre tous azimuts, la
marque va se concentrer sur la ni-
che des yaourts «premium», plus
riches, plus gras, mais avec des In-
grédients d'une grande qualité.
Mamie Nova apparaît toujours dans
le logo et sur les packagings des
produits mais son nom n'est même
plus prononcé àla télévision. Sa
base de fans s' étant drastiquement
réduite, Ja grand-mère cible ses ac-
tions de communication. Depuis
2010, Mamie Nova s'associe même
régulièrement àla très chic bouti-
que Colette de Paris pour faire dé-
couvrir ses nouvelles «créations».
Elle fait aussi de la «publicité
contextuelle» dans les magazines,
c'est-à-dire qu'elle insère des an-
nonces spécifiques, en fonction des
supports où elle s'exprime. Dans
Psvehoiogies Magazine par exem-
ple, son dessert chocolat est pré-
senté comme «la séance de psy la
moins chère de l'univers».
Mamie Nova est de plus en plus à
l'étroit, d'autant que Bonne
Maman, qui cartonne avec
ses biscuits, arappliqué au
rayon frais il yaquelques
années, avec ses yaourts à
la confiture... Pas sur que
Mamie Nova lui dise
merci. ¦