Cycles phénologiques des arbres de la forêt dense sèche dans la

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Cycles phénologiques des arbres de la forêt dense sèche dans la région de
Marofandilia/Morondava
Jean-Pierre Sorg et Urs Rohner
Introduction
Le Centre de Formation Professionelle Forestière de Morondava (CFPF) a débuté ses
travaux en 1978. Il dispose d'une concession de 10'000 ha sise à 40 km au nord-est de
Morondava, dans un massif de forêt dense sèche (fig. 1).
Ce périmètre est traversé d'est en ouest par un cours d'eau saisonnier, le Kirindy, alimenté durant quelques semaines par année. La concession est bordée à l'ouest par la
route nationale no 8A Morondava-Belo/Tsiribihina, entre les localités de Marofandilia et de
Beroboka, à 17 km environ du littoral. Une ancienne piste de prospection pétrolière
(CONOCO L 133) traverse la concession selon un azimuth d'environ 135 g; les limites
nord et sud sont parallèles à cette piste, respectivement à 2'400 et 4'600 m (fig. 2).
Un parcours d'observations phénologiques a été installé dans la concession dès le mois
de septembre 1978. Ce thème figurait dès le début dans le programme de recherche du
CFPF.
La forêt dense sèche de la Côte ouest de Madagascar était alors relativement peu connue. C'était tout particulièrement le cas du cycle phénologique des espèces, élément de
base de la compréhension biologique des arbres et des forêts. A l'exception des ouvrages
de botanique, trois travaux de référence seulement pouvaient être mentionnés dans cette
région (GACHET 1969 et 1971, HLADIK 1980).
Une première synthèse des observations phénologiques a été effectuée en 1982
(RAKOTONIRINA et PRELAZ). Quelques années plus tard, les résultats détaillés portant
sur 80 sujets représentant 55 espèces botaniques, 42 genres et 26 familles, ont été publiés en deux volumes (ROHNER et SORG 1986/1987) considérés ci-après comme l'ouvrage de référence. On y trouve, pour chaque espèce ou individu, une description botanique complète, un diagramme phénologique commenté ainsi que de nombreux tableaux
récapitulatifs. Ces informations ont été regroupées ici en une seule série de résultats présentés de façon synop tique et discutés.
2
Ecologie du site d'observation
Le parcours phénologique est situé à une distance variant entre 18 et 21 km du littoral.
Dans la concession, l'altitude s'étend entre 18 et 40 m environ. Une croupe rocailleuse
plus élevée est visible au nord-est; elle n'est pas concernée par les observations.
Climat
Le climat de Morondava (latitude 20° 17' S) se caractérise par deux saisons bien marquées:
- une saison chaude et pluvieuse de 3 à 5 mois, de novembre à mars-avril
- une saison sèche de 7 à 9 mois, entre mars-avril et novembre, avec une période relativement fraîche de mai à août.
Les transitions entre les deux saisons, de mars à avril et d'octobre à novembre, sont
chaudes.
Les relevés météorologiques de la station de Morondava (altitude 7 m) donnent les résultats suivants pour la température (in TACHE 1994, ann. 1.2):
J
27.3
F
27.4
M
27.0
moyenne annuelle
moyenne des maxima
moyenne des minima
A
25.7
M
22.9
J
20.9
J
21.0
A
22.1
S
23.6
O
25.3
N
26.4
D
27.2
24.7° C
30.7°
19.0°
En ce qui concerne les précipitations, la moyenne calculée à la station de Morondava
pour la période 1901-1993 est de 767 mm/an, avec un maximum de 1511 mm en 1917 et
un minimum de 390 mm en 1906 (in TACHE 1994, ann. 1.1).
L'évapotranspiration potentielle est estimée pour la plaine de Morondava à 1400 mm
selon la formule de Thornthwaite et à 2143 mm selon la méthode de Penman (respectivement d'après SALOMON 1987 et Groupement AHT-SATC 1972 in TACHE 1994, pp. 78).
Le CFPF effectue des relevés pluviométriques simples dans et aux alentours de la concession (fig. 2) depuis respectivement 1979 (1 station) et 1981 (5 stations). Les premiers
résultats de ces observations ont été publiés (RAKOTONIRINA 1985). Une tendance intéressante se dégage sur la base de quelques années de mesure, à savoir que la lame annuelle des précipitations augmente en direction de l'intérieur des terres. Les résultats sont
les suivants pour la station CN 1 (9 années d'observations), en mm:
°C
3
Précipitations
mensuelles
janvier
février
mars
avril
mai
juin
juillet
août
septembre
octobre
novembre
décembre
Total
254
188
108
22
5
1
2
5
23
42
149
___
799
Précipitations par décades
1ère
2e
3e
74
58
61
14
3
8
53
81
78
25
6
11
15
51
99
52
22
2
9
19
45
Précipitations
saisonnières
cumulées
476
664
772
794
799
1
3
8
31
73
222
Maximum et minimum: 1326 mm en 1984 et 575 mm en 1980. Nombre annuel moyen de
jours de pluie: 43.
La côte ouest de Madagascar connaît une saison des pluies concentrée qui commence
vers la mi-octobre avec des précipitations irrégulières. Un régime de pluies abondantes ne
s'installe que dans la première partie du mois de décembre. Les mois de janvier et de février sont les plus arrosés. Dès le mois de mars, les précipitations diminuent et deviennent
de plus en plus espacées. Elles cessent dans le courant du mois d'avril ou début mai. Le
déroulement de la saison des pluies est cependant très variable et est marqué par des
extrêmes. On enregistre d'une part des périodes très pluvieuses (par exemple 246 mm en
une seule décade, du 11 au 20 février 1986), d'autre part de longues périodes sèches en
pleine saison des pluies. Les extrêmes pluvieux sont souvent dus au passage de dépressions tropicales.
L'eau constitue le principal facteur limitatif de la survie de la végétation. En ce qui concerne le recrû et les jeunes plants dont l'espace radiculaire s'étend jusqu'à 30 cm de profondeur, l'eau disponible durant les périodes sans pluies de la saison de végétation représente une réserve de 4 à 7 jours selon le type de sol. Cette indication a été obtenue à
partir de la granulométrie, en considérant une évapotranspiration potentielle estimée à
4,5-5 mm/jour (FELBER 1984).
Sols et végétation
Les types de sols font l'objet de la communication de BOURGEAT, dans le présent ouvrage.
La végétation du parcours phénologique se rattache, d'après KOECHLIN, GUILLAUMET
et MORAT (1974), aux "forêts des sols arénacés". Une étroite bande en bordure du Kirindy, sur vertisols, relève des "forêts des alluvions et des bords de cours d'eau". La végéta
4
tion présente nombre de caractères biologiques particuliers (adaptation au stress hydrique).
Méthodologie d'observation et de description
Les observations phénologiques suivent un parcours ayant totalisé au maximum près
de 150 sujets numérotés. Pour quelques espèces répandues, les observations ont été
différenciées en fonction des stations (même espèce observée en différents endroits).
Cependant, le paramètre stationnel n'est pas systématiquement exploité faute de carte
précise des sols. Chaque espèce ne comprend qu'un petit nombre de sujets observés (12) mais ceci durant une longue période atteignant 9 ans au maximum. Elles se poursuivent aujourd'hui encore pour certaines espèces.
Le rythme d'observation est de 2 à 3 passages/mois; il est particulièrement intensif lors de
la feuillaison, de la floraison et de la fructification. Les observations ont lieu à l'aide de
bonnes jumelles 10 x 40, en général l'après- midi entre 14 h et 18 h (conditions idéales de
lumière) et par temps sec. Elles sont consignées sur des fiches individuelles.
Les paramètres phénologiques observés se répartissent en 3 groupes comme suit:
Feuillaison
formation des bourgeons
foliaires
les premiers bourgeons sont observés
débourrement
apparition de la première feuille
progression de la feuillaison
estimation de la part du feuillage déjà établie
plein feuillage
le feuillage est complet
décoloration des feuilles
chez certaines espèces seulement
début de la défeuillaison
les premières feuilles tombent
progression de la défeuillaison
estimation de la part du feuillage déjà tombée
fin de la défeuillaison
toutes les feuilles sont tombées
feuillage absent
Floraison
formation des bourgeons floraux
début de la floraison
les fleurs s'épanouissent
5
fin de la floraison
il n'y a plus de fleurs épanouies (cette observation est parfois incertaine en raison de la
chute d'organes)
Fructification
formation des fruits
més
les premiers fruits commencent à être for-
maturité des fruits
la plupart des fruits sont mûrs
fin de la fructification
les fruits ou les graines tombent
fin de la chute des fruits ou
des graines
tous les fruits ou graines sont
tombés
La présence de ravageurs ou de parasites ainsi que le comportement de la faune sont
également notés, car le déroulement du cycle phénologique peut en être affecté.
Un certain nombre de difficultés se présentent à l'observateur, en forêt. Ainsi, lorsque la
floraison a lieu en présence du feuillage, il est parfois dif ficile de distinguer les organes
floraux ou les fruits dans les houppiers. La recherche d'indices au sol peut alors être utile.
L'apparition simultanée de bourgeons floraux et foliaires entraîne parfois des confusions.
Lorsque la période de formation des bourgeons floraux dure particulièrement longtemps, il
arrive que les inflorescences se dessèchent avant la floraison (dans le cas du KATRAFAY
par exemple). Parfois, la floraison est irrégulière: le cycle s'arrête et peut reprendre après
de longues interruptions. Notons encore que fleurs ou fruits disparaissent parfois subitement, soit par avortement, soit en raison de tempêtes ou encore sous l'action d'animaux.
La régularité escomptée du cycle s'en trouve alors affectée.
Présentation des résultats
Tab. 1 Liste des espèces
Les dénominations vernaculaire et scientifique ainsi que les synonymes ont été révisés
afin de tenir compte de l'amélioration des connaissances botaniques depuis la parution de
l'ouvrage de référence. Il a été tiré parti des publications suivantes: ABRAHAM et
SCHROFF (1991), DELEPORTE et RANDRIANASOLO (1991), FAVRE (1990 a et b),
HLADIK (1980), LEROY, LOBREAU-CALLEN et LESCOT (1990), RANDRIANASOLO
(1989) et d'autres fiches techniques du CFPF. En ce qui concerne les noms scientifiques,
des vérifications ont été effectuées dans l'INDEX KEWENSIS (1895 ff, 1980). Quelques
modifications importantes par rapport à l'ouvrage de référence:
KATRAFAY, MAMPANDRY et MANTORA: ces 3 espèces du genre Cedrelopsis passent
de la famille des Méliacées à celle des Ptaeroxylacées
SOMOTSOY: passe du genre Kigelianthe au genre Fernandoa
6
TALAMENA: passe du genre Bathiaea au genre Apaloxylon
VARO: passe de la famille des Asteracées, genre Brachylaena, à la famille des Ehretiacées, genre Cordia
VAVALOZA I: passe du genre Comoranthus au genre Schrebera.
Tab. 2 Récapitulation des moyennes du cycle phénologique
Ce tableau reproduit, pour chaque sujet, les moyennes calculées des dates et durées des
différents paramètres du cycle. Les observations exploitées s'étalent entre 1978 et 1987.
Les moyennes ont été établies à partir d'un nombre variable de campagnes, au maximum
7 saisons pluvieuses.
Par rapport au protocole de terrain, les résultats sont présentés sous une forme simplifiée,
les différentes rubriques étant définies comme suit:
début de la feuillaison (1)
date du débourrement
plein feuillage (2)
date à partir de laquelle l'arbre est muni de son
feuillage complet
durée de la feuillaison (2-1)
laps de temps nécessaire pour constituer le plein
feuillage
début de la défeuillaison (3)
le feuillage change de couleur (dans certains cas) et les
premières feuilles tombent
durée du plein feuillage (3-2)
laps de temps durant lequel l'arbre est muni de son
feuillage complet
fin de la défeuillaison (4)
date à partir de laquelle toutes les feuilles sont tombées
durée sans feuilles (4-1)
laps de temps durant lequel l'arbre ne porte pas de
feuilles (depuis la fin de la défeuillaison de la saison n
jusqu'au débourrement de la saison n + 1)
début de la floraison
date de l'épanouissement des fleurs (ouverture des
fleurs au terme de la formation des bourgeons floraux)
fin de la floraison
date à partir de laquelle il n'y a plus de fleurs épanouies
début de la fructification
date à partir de laquelle les premiers fruits commencent
à être formés
maturité des fruits
date à laquelle la plupart des fruits sont mûrs
7
fin de la chute des fruits ou
des graines
Tab. 3
date à partir de laquelle tous les fruits ou graines sont
tombés
Calendrier moyen du débourrement, du plein feuillage et de la floraison en
fonction de la configuration de la saison des pluies et du temps écoulé
depuis le solstice d'hiver
Les dates de la feuillaison (débourrement et plein feuillage) et de la floraison sont représentées ici en fonction des précipitations saisonnières cumulées à partir du mois de juillet
d'une part, de l'augmentation de la longueur du jour depuis le solstice d'hiver (21 juin)
d'autre part. Ces données permettent de figurer ensuite ce qu'il est possible de qualifier
de vitesse de feuillaison et de floraison pour le massif forestier représenté par ses principales espèces ligneuses (fig. 3).
Les précipitations ainsi que le temps écoulé depuis le solstice d'hiver sont cumulés par
décades entre le 30.9 et le 31.1, par mois entiers de février à septembre. Cet ajustement
sert à regrouper les espèces. Il en découle quelques petites différences par rapport au
tab. 2.
Tab. 4 Durées moyennes de la feuillaison et de la défeuillaison
Tab. 5 Durées moyennes du stade du plein feuillage et de la période sans feuilles
Les paramètres du cycle relatifs au feuillage sont quantifiés dans ces tableaux par catégories de durée respectivement de 10 et de 20 jours. La durée des différentes phases représente une variable plus intéressante que la périodicité pluriannuelle, marquée quant à
elle par une grande constance au niveau spécifique (la feuillaison/défeuillaison se produit
régulièrement chaque année).
Tab. 6 Rythme de floraison et de fructification
En ce qui concerne la floraison et la fructification, la périodicité des phénomènes du cycle,
régulière ou irrégulière, annuelle ou non, est plus intéressante que leur durée. Les observations sont regroupées en 7 catégories moyennant une prudente généralisation basée
sur l'expérience. Quelques observations soulignent le rôle des conditions de station.
Tab. 7 Calendrier et méthodes de récolte des graines
Ce tableau comprend, pour chaque espèce, des indications relatives à la période et à la
méthode de récolte ainsi que des remarques concernant la germina tion, les travaux de
pépinière, l'action de prédateurs, certaines précautions à prendre. Ces informations ont
une valeur indicative. Directement inspirées de la pratique du CFPF, elles sont perfectibles.
Tab. 8 Influence de la station (sol) dans quelques cas spécifiques
8
Les sujets de quelques espèces à répartition relativement large se comportent différemment selon qu'ils croissent sur des types de sols plus ou moins perméables. Les paramètres phénologiques suivants sont concernés: la durée moyen ne de la feuillaison et du
plein feuillage réunis, la durée moyenne de la période sans feuilles, les dates moyennes
du débourrement, de la floraison et de la maturité des fruits. Les sols sont brièvement caractérisés plus loin.
Discussion des résultats
Intérêt des observations phénologiques
Les observations phénologiques sont souvent considérées par le forestier en raison directe de leur utilité pour les récoltes de graines. Dans le cas présent, cet objectif était
certainement à l'origine de l'implantation du par cours dans la concession du CFPF. Les
données figurant au tab. 7 démontrent suffisamment l'utilité d'une connaissance approfondie du cycle phénologique dès lors que l'aménagement des forêts et la sylviculture,
dans une région donnée, sont basées sur les essences locales. Il peut en aller de même
pour le développement de l'agroforesterie et de la foresterie sociale.
Une autre motivation explique cependant l'intérêt pour la phénologie à Morondava, c'est le
souci de réunir rapidement un maximum de connaissances sur le complexe station/végétation là où ni l'une, ni l'autre n'avaient encore été étudiées de façon approfondie.
On peut considérer que cet objectif également a été atteint, moyennant la représentation
de la végétation par ses principales espèces ligneuses et, en parallèle, par des relevés
pluviométriques à l'échelle locale (RAKOTONIRINA 1985), des études sur les sols
(FELBER 1984, BOURGEAT dans le présent ouvrage). Dans cette optique, on dira que
l'étude de la phéno logie a remplacé des disciplines de recherche comme la botanique et
la phytosociologie, le fonctionnement des écosystèmes et la physiologie végétale.
Suivant en cela KRUESI (1981, p. 107), il se pourrait que la phénologie soit en mesure de
refléter l'évolution d'une végétation donnée de façon plus immédiate et plus fiable que les
méthodes phytosociologiques habituelles. A l'heure où la forêt naturelle malgache est victime d'un processus de destruc tion rapide (GREEN et SUSSMAN 1990), on mesure
mieux, parmi d'autres discipli nes, l'intérêt possible de la phénologie dans l'étude des
phénomènes de suc cession végétale, dans la perception des modifications de l'environnement physique et biotique, dans la prise en compte de l'intervention de l'homme.
Dans une étude récente, VAN SCHAIK, TERBORGH et WRIGHT (1993) discutent les
comportements d'adaptation de consommateurs primaires aux pénuries périodiques de
nourriture, notamment dans des zones à climat -donc à cycles phénologiques- contrasté.
Influence de la station (sol) en général
Dès le début des observations phénologiques, les sols avaient été classés d'une manière
sommaire d'après la couleur des horizons superficiels. Ultérieurement, les types de sols
ont été décrits sur la base de leurs propriétés, notamment physiques (FELBER 1984).
Dans le présent ouvrage, BOURGEAT fournit une classification plus élaborée pour la
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grande zone de glacis située entre le littoral et les reliefs plus accidentés. La correspondance entre ces deux travaux s'établit comme suit, selon un gradient progressif de la teneur en particules fines (les sols roux et jaunes étant les plus sableux, donc les plus perméables, alors que les sols noirs contiennent le plus de particules argileuses):
FELBER
BOURGEAT
sols roux
sols jaunes
sols ferrugineux jaunes et rouges
sur les glacis conservés
sols rouge-brun
sols jaune-brun
type intermédiaire entre les sols
ferrugineux des glacis et les paravertisols
sols noirs (périodiquement
ou jamais inondés)
sols peu évolués sur alluvions et
paravertisols (bordures de thalwegs
et vallées secondaires)
Toutes espèces confondues, le sol exerce une grande influence sur les paramètres phénologiques liés au feuillage, à savoir la durée du plein feuillage et celle de la période sans
feuilles (moyennes établies à partir du tab. 5):
types de sols
durée du stade du
plein feuillage (j)
durée de la période
sans feuilles (j)
roux et jaunes (n=37)
brun-jaune et bruns (n=16)
noirs (n=22)
122 s = 30.8
152 s = 50.5
195 s = 69.6
164 s = 49.0
108 s = 70.4
77 s = 71.4
Ce résultat, qui se passe de longs commentaires, illustre l'effet du stress hydrique sur un
comportement d'adaptation aussi important que la perte du feuillage dans le cas des arbres.
Influence de la station (sol) dans le cas de quelques espèces
Les sols sont très sableux et parfois graveleux au Km 1 (blocs CN 1 et CS 1). Ailleurs, la
perméabilité s'atténue à mesure que la distance à la rivière Kirindy est faible. Afin d'en
tenir compte, les observations phénologiques ont porté, pour quelques espèces à répartition relativement large, sur des individus établis dans différentes stations.
Les observations, suffisamment consolidées pour 16 espèces, ont été exploitées et figurent au tab. 8. Toutes les données, exprimées sous forme de moyennes de durée ou de
date, sont tirées des tab. 2 à 5.
Il apparaît que l'hypothèse selon laquelle plus le sol est perméable,
- plus la date du débourrement est tardive
- plus la durée de la feuillaison et du plein feuillage réunis est courte
- plus la durée de la période sans feuilles est longue
10
- plus la date de la floraison est tardive
- plus la date de la maturité des fruits est tardive
et vérifiées dans les 7 cas suivants, qui forment le 1er groupe:
ANAKARAKA (sauf maturité des fruits)
KATRAFAY
MANARIFOTSY (sauf débourrement)
MANDAKOLAHY
MONONGO gb (faibles différences)
SAMBALAHY
TALINALA (sauf débourrement et maturité des fruits; différences faibles).
Cette hypothèse n'est pas vérifié dans le second groupe, de 7 cas également:
AROFY gf f (sauf feuillage avec une différence minime)
AROFY gf m
AROFY MAFAIBOHA m (sauf période sans feuilles; toutes différences minimes)
AROFY MENA m (sauf floraison)
BEHOLITSE (différences parfois minimes)
VAVALOZA I (sauf feuillage)
VONTAKY (sauf floraison avec une différence modeste).
Enfin, les indications sont contradictoires pour les 2 espèces du troisième groupe:
SOMOTSOY (l'hypothèse tend à ne pas être vérifiée)
VONOA (les différences sont faibles).
Il est difficile de trouver une raison dans ces regroupements. On constate que l'hypothèse
formulée, qui peut paraître logique, n'est vérifiée que dans 7 cas sur 16. Il n'est guère
possible d'incriminer l'ampleur des différences entre les types de sols puisque l'on relève
les mêmes couples dans les 3 groupes formés.
Il est intéressant de relever que les AROFY (3 espèces) figurent dans le second groupe,
où l'hypothèse n'est pas confirmée. D'une façon générale, ces espèces occupent les stations à sols roux et jaunes des glacis. BOURGEAT (cet ouvrage) relève qu'en dépit de
diverses hypothèses, "... la répartition entre ces 2 types de sols apparaît assez aléatoire..." mais qu'il est possible "... que sous forêt, les sols jaunes soient un peu moins susceptibles au manque d'eau". Les travaux de FELBER (1984) tendent à confirmer cette
dernière supposition.
Les espèces du premier groupe ont en général une écorce épaisse et rugueuse,
écailleuse ou crevassée, grise ou noirâtre. L'écorce des espèces du second groupe est,
en revanche, généralement moins épaisse, lisse ou peu rugueuse, de teinte plus claire
(gris clair, verdâtre, jaunâtre, rougeâtre). Le VAVALOZA I et dans une certaine mesure le
BEHOLITSE font exception. En outre, l'écorce des AROFY se détache en minces feuilles
ou en fines plaques laissant des cicatrices de couleur verte où les lenticelles sont bien
visibles.
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Cette observation laisse supposer que dans le second groupe, où l'hypothèse n'est pas
vérifiée, le régime de l'eau dans le sol joue un rôle moins important dans la configuration
du cycle phénologique que la possibilité dont bénéficient ces espèces d'assimiler au niveau de l'écorce du fût et des rameaux. Il s'agit-là également d'une forme d'adaptation au
stress hydrique.
Influence des précipitations et de la longueur du jour
La fig. 3 reproduit l'évolution du débourrement, du stade du plein feuillage et de la floraison (pourcentage cumulé du nombre d'individus observés) en fonction des précipitations
saisonnières cumulées et du temps écoulé depuis le solstice d'hiver (21 juin). On y trouve
également une courbe du pourcentage cumulé des précipitations saisonnières, à la même
échelle. Le temps écoulé depuis le solstice d'hiver figure l'augmentation de la longueur du
jour.
La fig. 3 a été construite à partir d'une compilation des données du tab. 3, ramenées aux
totaux de fin de mois.
Il apparaît que des pluies sont nécessaires pour induire le processus de feuillaison,
quoique en quantités relativement peu importantes. C'est ainsi que le 30.11, avec en
moyenne 9 % du total saisonnier cumulé des pluies (73 mm), 76 % des sujets observés
avaient débourré. Avant la fin du mois de jan vier, lorsque 50 % des pluies sont tombées,
la quasi-totalité des sujets avaient débourré et atteint le stade du plein feuillage. On notera
le bond considérable du débourrement au mois de novembre, alors que le total cumulé
des pluies passe de 4 à 9 % seulement (de 31 à 73 mm). De même en décembre, le bond
encore plus conséquent des espèces ayant atteint le stade du plein feuillage, le total des
pluies passant alors de 9 à 28 % (de 73 à 222 mm).
La vision est plus nuancée en ce qui concerne la floraison. Plusieurs espèces fleurissent
en pleine saison sèche avant même les premières pluies, 17 % des individus observés
avec 1 % des précipitations (8 mm), 42 % des individus avec 4 % seulement des pluies
(31 mm). Pour d'autres espèces, la floraison s'étire durant toute la saison des pluies jusqu'au début de la saison sèche. De fait, on observe des floraisons durant toute l'année.
Les espèces qui fleurissent en saison sèche doivent être capables de mobiliser les faibles
réserves d'eau du sol dans la première partie de la saison. Celle qui fleurissent durant la
seconde partie de la saison sèche profitent probablement de l'augmentation de la température, des rosées matinales assez abondantes (augmentation de l'humidité de l'air) ainsi
que des faibles précipitations qui se produisent sporadiquement en juillet et en août.
Toutes les espèces qui fleurissent avant le 31.10 le font avant que les feuilles n'apparaissent, ce qui confirme une observation de KOECHLIN, GUILLAUMET et MORAT (1974, p.
206).
En ce qui concerne la longueur du jour, il est possible que la floraison soit plus sensible
que la feuillaison à l'allongement des journées au début de la saison. Par la suite, la
courbe de la floraison s'infléchit. Au solstice d'été (21 décembre), c'est-à-dire au "milieu"
de l'année, avec 22 % des pluies saisonnières (177 mm), 96 % des individus ont débourré, 66 % ont atteint le stade du plein feuillage et 71 % ont débuté leur floraison.
12
En faisant abstraction du rythme endogène des espèces ainsi que de l'effet de la station
et en admettant que les précipitations et la longueur du jour contribuent d'une manière
importante à déterminer le cycle phénologique, on pourrait avancer que:
- le débourrement, quasiment terminé au solstice d'été, est plus fortement influencé par
l'allongement des journées et/ou l'augmentation de la température
- la floraison, qui se déroule toutes espèces confondues durant l'année entière, répond
plus fortement aux variations du régime de l'eau.
Fructification, récolte des graines, pépinière
Les indications qui figurent dans les tab. 6 et 7 sont basées sur l'expérience et ont une
signification pratique avant tout. Les recherches et les observa tions continuent dans ce
domaine, comme en témoigne cet extrait du rapport annuel 1992 du CFPF de Morondava
(CFPF 1993, p. 22):
"L'année 1992 est toutefois l'année de la 1ère réussite de la germination de Monongo en
pépinière par le CFPF après 14 ans de recherche. Il a suffi de semer des graines récoltées sous un semencier préalablement dégagé, donc des semences tombées naturellement! Il semble que l'immaturité des graines ait été un des principaux facteurs qui ait entravé la germination du Monongo jus qu'ici. Le taux de germination enregistré est encore
très faible (3,5 %) mais cet essai a donné une riche information pour la suite".
Phénologie et exploitation de la forêt
Comme souligné par BAWA, ASHTON et NOR (in BAWA et HADLEY 1990, p. 7), l'effet
de l'exploitation du bois sur les cycles phénologiques est peu connu. L'ex ploitation exerce
certainement une influence par la modification de la structure des peuplements et de l'environnement immédiat des sujets non exploités. On peut s'attendre à des changements
concernant l'intensité de la floraison et la quantité de fruits et graines produits ainsi qu'en
ce qui concerne le déroulement de la feuillaison. Les interrelations entre la faune et la végétation peuvent en être affectées.
Des observations menées dans le site même qui abrite le parcours phénologique
(ROHNER, 1988) ont ainsi montré que des organes (bourgeons, fleurs, feuilles, fruits) de
plus de 20 espèces ligneuses font partie de l'alimentation de 2 espèces de lémuriens, le
GIDRO (Lemur fulvus rufus Audebert) et le SIFAKA (Propithecus verreauxi A. Grand.).
Cette question est abordée plus en détail dans la contribution de KAPPELER et
GANZHORN, dans le présent ouvrage.
Débat
L'étude de HLADIK (1980) a été effectuée non loin de la concession du CFPF. Elle concerne un éventail plus large d'espèces d'arbres, d'arbustes et de lianes et un plus grand
nombre de sujets. Les observations portent pour l'essentiel sur une année, d'août 1973 à
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juillet 1974. Une trentaine d'espèces figurent également dans notre étude. Globalement,
les observations sont largement concordantes. En raison de différences méthodologiques,
la comparaison est plus difficile au niveau des espèces considérées individuellement. En
effet, HLADIK privilégie un grand nombre d'individus pour chaque espèce, observés durant un court laps de temps. Dans le présent travail en revanche, les observations portent
sur 1-2 individus mais s'étendent sur plusieurs années. En outre, des imprécisions botaniques subsistent de part et d'autre.
L'ouvrage de DIETERLEN (1978) concerne une forêt pluviale équatoriale du Kivu (Zaïre).
Aucune comparaison spécifique n'est possible. L'influence du photopériodisme est réduite
à sa plus simple expression et celle des précipitations est d'une toute autre nature (pas de
saison sèche). Cet auteur se livre à d'intéressantes considérations générales sur la périodicité de la floraison et de la fructification, qui se trouvent largement confirmées dans nos
travaux. Dans le cas du Kivu, plus de la moitié des espèces fleurissent durant la saison la
moins pluvieuse et lorsque l'intensité des pluies reprend. Se référant à d'autres travaux,
notamment à ceux de RICHARDS (1966), DIETERLEN relève (pp. 93-94) que dans les
zones tropicales à climat alterné, la combinaison sé heresse + chaleur pourrait représenter le facteur exogène déterminant dans l'induction de la floraison, prenant le pas sur le
rythme endogène des espèces. Dans la région de Morondava, les températures s'élevant
à partir du mois de juillet, cette conclusion pourrait également expliquer le fort pourcentage de floraison en fin de saison sèche et au début de la saison des pluies, ainsi que la
concentration d'arbres produisant des fruits de juin à décembre (fig. 4).
Sur la base d'une bibliographie étendue, VAN SCHAIK, TERBORGH et WRIGHT (1993)
discutent les différentes hypothèses avancées jusqu'ici pour expliquer la périodicité, les
irrégularités des cycles phénologiques dans différentes zones climatiques.
On peut constater que par-delà les études d'intérêt local, la phénologie a encore suscité
peu d'ouvrages de synthèse, d'ampleur étendue. Constat déprimant, que BAWA,
ASHTON et NOR, (in BAWA et HADLEY 1990, p. 6), expliquent en invoquant les énormes
variations des phénomènes phénologiques dans l'espace et dans le temps aussi bien au
niveau des communautés qu'à celui des espèces. Ces auteurs concluent en affirmant: "It
is thus not surprising that despite 2 decades of research in tropical plant phenology, for
the most part we are far from developing predictive models of phenological events".
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