CONFÉRENCE DU FORUM DES SAVOIRS “Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.” Voltaire KANT ET L’ABSOLU CONFÉRENCE PAR MICKAËL DUBOST Association ALDÉRAN Toulouse pour la promotion de la Philosophie MAISON DE LA PHILOSOPHIE 29 rue de la digue, 31300 Toulouse Tél : 05.61.42.14.40 Email : [email protected] Site : www.alderan-philo.org conférence N°1000-158 KANT ET L’ABSOLU Newton et Kant : deux pensées pour un seul monde ou deux mondes pour une seule pensée ? conférence de Mickaël Dubost donnée le 25/02/2005 à la Maison de la philosophie à Toulouse Kant est un auteur difficile à lire et à comprendre. Et si Kant ne suffisait pas à comprendre Kant ? Un auteur et une pensée ne naissent pas du néant. Remontons à la source : lire Kant c’est, comme lui, avoir lu Newton. Dès lors que l’on rapproche ces deux pensées, les idées et les concepts kantiens, au premier abord si abrupts, montrent leur origine en dessinant peu à peu le chemin de la compréhension. Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-158 : “Kant et lʼabsolu“ - 22/09/2004 - page 2 KANT ET L’ABSOLU « Pourquoi la science fonctionne-t-elle ? » « Comment s'assurer que la science fonctionnera de tout temps et en tout lieu ? » PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR MICKAËL DUBOST Un concept sans intuition est un concept vide, et une intuition sans concept est une intuition aveugle. Emmanuel Kant (1724 - 1804) Critique de la raison pure, 1781 I INTRODUCTION : LA RÉUSSITE DE LA SCIENCE 1 - L'univers enfin compris 2 - Des lois qui expliquent 3 - La puissance des mathématiques et de l'expérimentation 4 - La réaction des philosophes Il LE RENOUVEAU SCIENTIFIQUE 1 - D'Aristote à Copernic 2 - Kepler et compagnie 3 - Un peu de mathématiques 4 - Entre physique et métaphysique, son cœur balance 5 - «La vérité est ma meilleure amie» 6 - Il était une fois, une pomme III L'ESPACE ET LE TEMPS - PREMIÈRE PARTIE 1 - Kepler et Galilée 2 - Un génie nommé Newton 3 - De l'intuition initiale à la conception globale 4 - Les 3 lois du mouvement 5 - La mathématisation du réel 6 - Temps absolu, espace absolu et mouvement absolu 7 - Noumène et phénomène IV QU'EST-CE QUE LA RÉALITÉ ? 1 - Mauvaise question 2 - Bonne réponse 3 - Entités absolues et entités relatives 4 - Noumènes et phénomènes 5 - La réalité est filtrée 6 - La vérité n'est pas ailleurs V L'ESPACE ET LE TEMPS - DEUXIÈME PARTIE 1 - Grosse frayeur 2 - Propriétés transcendantales 3 - Question de cadre 4 - En soi ou pour soi ? 5 - Exister c'est être dans le temps et/ou l'espace Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-158 : “Kant et lʼabsolu“ - 22/09/2004 - page 3 VI CONCLUSION : UNE RÉVOLUTION COPERNICIENNE 1 - De la lecture kantienne des Principias aux principes kantiens 2 - A priori et a posteriori 3 - Le temps et l'espace 4 - Les phénomènes 5 - Une révolution copernicienne 6 - Retour à l'anthropocentrisme ? 7 - Trois critiques adressées au criticisme kantien : Nietzsche, Bachelard et Popper ORA ET LABORA Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-158 : “Kant et lʼabsolu“ - 22/09/2004 - page 4 Document 1 : Petite biographie de Kant. 1 - Emmanuel Kant naît en 1724 à Königsberg en Prusse orientale, enseigne quarante ans à son université et meurt en 1804. À l'exception de sa promenade quotidienne, à 15H3O précises, et par tous temps, la vie de Kant n'offre véritablement aucun événement remarquable. 2 - De sa mère, luthérienne piétiste, Kant reçoit une éducation morale très rigoureuse. La monotonie et la régularité de son existence n'ont, dit-on, été troublées qu'en deux occasions : la lecture de L'Emile de Rousseau (pour qui il laissa filer l'heure de sa promenade), et la nouvelle de la Révolution française. 3 - Kant a cependant été un penseur très engagé dans les débats de son siècle (sur les Lumières. sur les droits de l'homme,... ). Il a laissé une œuvre philosophique considérable qui n'a pas terminé d'occuper les philosophes et tous les esprits aventureux qui en tentent la lecture. Document 2 : C'est à Hume que Kant rend hommage dans le texte suivant, extrait de son ouvrage intitulé Prolégomènes à toute métaphysique future. Car, avant d'avoir une "dette" intellectuelle envers Newton Kant doit à Hume le réveil de son «sommeil dogmatique ». Kant accorde à Hume d'avoir su poser les bonnes questions, mais il refuse se d'accepter les conclusions sceptiques de ce philosophe pour qui la causalité n'est plus qu'un effet de l'habitude. Depuis les essais de Locke et de Leibniz, ou plutôt depuis la naissance de la métaphysique, si loin que remonte son histoire, aucun événement ne s'est produit qui eût pu être plus décisif pour la destinée de cette science que l'attaque dont elle fut l'objet de la part de David Hume. Il n'apporta aucune lumière en cette espèce de connaissance, mais il fit jaillir une étincelle avec laquelle on aurait pu allumer une lumière si elle avait rencontré une mèche inflammable, dont on eût pris soin d'entretenir et d'augmenter l'éclat. [...] J'en conviens franchement: l'avertissement de Hume fût précisément ce qui, voilà bien des années, vint interrompre mon sommeil dogmatique, et donna une tout autre orientation à mes recherches dans le domaine de la philosophie spéculative. J'étais fort éloigné de le suivre dans ses conclusions qui résultaient simplement de ce qu'il ne se représentait pas le problème en entier -, il s'en tenait à une partie qui ne peut apporter éclaircissement si l'on ne fait pas entrer le tout en ligne de compte. Lorsqu'on part d'une conception fondée qu'un autre nous lègue sans l'avoir développé. on est en droit d'espérer qu'en poursuivant la réflexion on ira plus loin que l'homme pénétrant auquel on devait la première étincelle de cette lumière. Emmanuel Kant Prolégomènes à toute métaphysique future, 1783 Document 3 : Définitions et concepts clefs. A priori : Ce qui existe sans lien à l'expérience, de façon immédiate. Ainsi, les lois de la nature énoncées par la science ne sont pas vraies et universelles pour Kant ; elles sont a priori, c'est-à-dire nécessaires, nécessairement universelles. Ce n'est pas par hasard et inexplicablement que la science réussit - il y a une nécessité cachée qui doit être découverte et expliquée. (Remarque : comment ce fait-il que, pour nécessaire, il ait fallu attendre Newton pour acquérir cette connaissance ?) A posteriori : Ce qui existe sans par l'expérience, de façon médiate. Phénomène et Noumène : Les choses qui sont pour nous les objets du monde, les objets réels, sont des phénomènes, c'est-à-dire des choses telles qu'elles nous sont données, telles qu'elles nous apparaissent. À l'opposé, le noumène serait une chose en elle-même, absolument indépendante de se manifestation à nous, et ne peut par définition être connu de nous. Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-158 : “Kant et lʼabsolu“ - 22/09/2004 - page 5 Les catégories : Les catégories sont les concepts originaires de l'esprit, concepts a priori grâce auxquels nous pensons un objet. Espace, temps, causalité, etc. : Les objets qui constituent pour nous la réalité sont peut-être préconditionnés par certaines propriétés universelles (espace, temps, causalité, ... ), qui seraient comme les conditions de possibilité pour que ces objets se manifestent à nous, pour qu'ils soient des phénomènes. Ainsi s'expliqueraient les lois de base de l'univers : la nature est le produit dérivé du cadre imposé par notre entendement Transcendantal : Toutes les propriétés des objets qui ne sont dues qu'à notre appréhension de ces objets, et donc s'imposent à eux a priori, sont des propriétés transcendantales de ces objets. Ce sont toujours des propriétés formelles, comme par exemple être situé dans un espace à trois dimensions pour un objet matériel. La révolution copernicienne : Kant propose comme hypothèse que les objets ne préexistent pas à la connaissance qu'on en prend. Le processus de connaissance ne doit pas être en effet pensé comme un faisceau de lumière qui donnerait à voir des objets jusqu'alors plongés dans l'obscurité : la connaissance ne dévoile pas son objet, elle le constitue et l'élabore. C'est là ce qu'on nomme la « révolution copernicienne » opérée par Kant : l'objet à connaître tourne autour du sujet connaissant comme la terre tourne autour du soleil. En somme, le sujet qui veut connaître le monde ne doit plus se faire le miroir de l'objet, car l'objet n'est jamais que le miroir du sujet. Document 4 : Voici quelques textes de Kant extraits du début de la Critique de la Raison Pure, où Kant s'apprête à poser les fondements de sa philosophie. Il annonce clairement la "couleur" dès la deuxième phrase. Surtout, ne nous laissons pas impressionner par le style ; la qualité de la réflexion transcende largement le bourbier de l'expression ! *** S'il n'y a pas de connaissance avant l'expérience, est-ce à dire que toute la connaissance soit de l'expérience dérivée ? Si que nous, nommons connaissance débute à proprement parler avec l'expérience, il y a, nous dit Kant, un avant l’expérience : un quelque chose qui ne nous vient pas de l'expérience et qui pourtant participe à notre acte de connaître. Il s’ensuit que l'expérience ne serait être un pur donné sensitif; elle est au contraire un objet que l'esprit construit à partir de ses propres règles de fonctionnement. Ainsi, les propriétés d'ordre, universelles et nécessaires, de la réalité, que la science cherche à connaître, sont les propriétés de ce cadre a priori par lequel nous recevons les douées sensibles et par lequel nous les mettons en ordre pour constituer un monde digne de ce nom. Et ce complètement inconsciemment bien entendu, puisque tout se passe en deçà de toute conscience possible : Il est hors de doute que toute notre connaissance commence avec l'expérience. Car, par quoi nos facultés pourraient être mises en action, sinon par les objets qui touchent nos sens et qui, d'un côté produisent d'eux-mêmes des impressions et, de l'autre, mettent la compréhension en mouvement, afin qu'elle les compare, les rapproche ou les sépare, et transforme de cette manière les signaux bruts émis par les sens en une connaissance ou reconnaissance des objets, que l'on nomme expérience ? Ainsi donc, nous n'avons pas de connaissance qui précède chronologiquement l'expérience, et c'est avec l'expérience que commence notre connaissance. Mais bien que toute notre connaissance commence avec l'expérience, il ne s'ensuit pas forcément qu'elle soit entièrement dérivée de l'expérience. Il est tout simplement possible que l'expérience soit elle-même un composé de ce qui est dû à l'impression des sens et de ce que nos facultés propres (agissant simplement sur impression) produisent d'ellesmêmes; et dans ce cas il nous faut une longue pratique pour distinguer un élément et apprendre à le séparer de l'autre. Emmanuel Kant Critique de la Raison Pure, Préface *** Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-158 : “Kant et lʼabsolu“ - 22/09/2004 - page 6 Regarder comme vide toute notre représentation. Au contraire, si nous n'avons partout, affaire qu'à des phénomènes, il n'est pas seulement possible, mais il est encore nécessaire que certains concepts a priori précèdent la connaissance empirique des objets. En effet, en tant que phénomènes, ils constituent un objet qui est simplement en nous, parce qu'une simple modification de notre sensibilité ne se rencontre pas hors de nous. Or, cette représentation même exprime que tous ces phénomènes - par conséquent, tous les objets dont nous pouvons nous occuper - sont tous en moi, c'est-àdire qu'ils sont des déterminations de mon moi identique, qu'ils expriment comme nécessaire une unité totale de ces déterminations dans une seule et même aperception. Mais dans unité de la conscience possible réside aussi la forme de toute la connaissance des objets (par quoi le divers est pensé comme appartenant à un objet). La manière dont le divers de la représentation sensible (l'intuition) appartient à une conscience, précède donc toute connaissance de l'objet, comme en étant la forme intellectuelle, et constitue même une connaissance formelle a priori de tous les objets en général, en tant qu'ils sont pensés (les catégories). La synthèse de ces objets par l'imagination pure, l'unité de toutes les représentations par rapport à l'aperception originaire, précèdent toute connaissance empirique. La raison pour laquelle des concepts pus de l'entendement sont donc possibles a priori et même, par rapport à l'expérience, nécessaires, c'est que notre connaissance n'a affaire qu'à es phénomènes dont la possibilité réside en nous-mêmes, dont la liaison et l'unité (dans la représentation d'un objet) se rencontrent simplement en nous, par conséquent, doivent précéder toute l'expérience et la rendre tout d'abord possible, quant à la forme. Et c'est d'après ce principe, seul possible entre tous, qu'a été conduite toute notre déduction des catégories. Emmanuel Kant Critique de la Raison pure *** La révolution copernicienne opérée par Kant en philosophie La philosophie critique de Kant commence par un constat : l'histoire des sciences mathématiques et physiques est celle de révolutions réussies. Les découvertes de Thalès, de Galilée ont en effet ouvert la voie de la science et ont donné lieu aux plus grandes conquêtes de l'esprit. L'histoire de la métaphysique, au contraire, reste un terrain de bataille sans cesse dévasté : on n'y voit toujours que ruines et contradictions. Il n'y a pas ici progrès du savoir mais perpétuelle remise en cause. Et pourtant, la métaphysique continue d'édicter des vérités, comme si elle demeurait, malgré ce constat, millénaire d'échec, une exigence irréductible de la raison ? Confronté à ce paradoxe, Kant va tenter de lui donner une solution théorique en faisant du sujet le centre de la connaissance. Ce n'est pas, selon lui, le sujet (l'esprit) qui doit se régler sur les objets, mais l'inverse : la connaissance des objets dépend des structures a priori de la sensibilité et de l'entendement. Ce changement de perspective, Kant le compare à celui opéré par Copernic en astronomie, lorsque celui-ci a affirmé que ce n'était pas la Terre, mais le Soleil qui était le centre immobile du mouvement circulaire des planètes. Cette « révolution copernicienne en philosophie » doit permettre à la métaphysique de s'engager enfin dans la vole sûre d'une science. On a admis jusqu'ici que toutes nos connaissances devaient se régler sur les objets mais, dans cette hypothèse, tous nos efforts pour établir à l'égard de ces objets quelque jugement a priori et par concept qui étendît notre connaissance n'ont aboutit à rien. Que l'on cherche donc une fois si nous ne serions pas plus heureux dans les problèmes de la métaphysique, en supposant que les objets se règlent sur notre connaissance, ce qui s'accorde déjà mieux avec ce que nous désirons démontrer, à savoir la possibilité d'une connaissance a priori de ces objets qui établisse quelque chose à leur égard, avant même qu'ils nous soient donnés. Il en est ici comme de la première idée de Copernic : voyant qu'il ne pouvait venir à bout d'expliquer les mouvements du ciel en admettant que toute la multitude des étoiles tournait autour du spectateur, il chercha s'il n'y réussirait pas mieux en supposant que c'est le spectateur qui tourne et que les astres demeurent immobiles. Emmanuel Kant Critique de la Raison pure *** Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-158 : “Kant et lʼabsolu“ - 22/09/2004 - page 7 Document 5 : Contrepoints sur la démarche critique et la prétendue révolution copernicienne L'esprit humain est-il capable de s'auto-examiner ? On appelle « précritique » toute philosophie qui ignorerait la distinction kantienne entre les phénomènes et l'essence des choses, toute philosophie qui prétendrait naïvement faire l'économie d'une critique de la Raison par elle-même. Mais l'esprit humain est-il capable d'évaluer lui-même en toute objectivité les limites de son pouvoir ? Telle est la question que Nietzsche adresse à l'entreprise kantienne. Ils prétendent encore en savoir beaucoup trop long, s'imaginent en trop savoir, comme si la distinction qu'ils supposent au préalable était réelle, la distinction entre "l'essence des choses" et le monde phénoménal. Pour pouvoir faire une telle distinction, il faudrait se représenter notre intellect comme affecté d'un caractère contradictoire : organisé d'une part pour une vision perspectiviste (ainsi qu'il est nécessaire pour que des êtres de notre espèce puissent se Maintenir dans l'existence), et d'autre part pourvu d'une faculté de concevoir cette vision perspectiviste comme perspectiviste, le phénomène comme phénomène ; c'est-à-dire croyant à la "réalité" comme si elle seule existait, et aussi capable de juger cette croyance comme une limitation perspectiviste quant à la réalité vraie. Mais une croyance ainsi jugée n'est plus une croyance, elle se dissout de ce fait. Bref, nous n'avons pas le droit de nous représenter notre intellect cette façon contradictoire, comme une croyance et simultanément comme la connaissance que cette croyance n'est qu'une croyance. Supprimons la chose en soi et avec elle l'un des concepts les plus obscurs qui soient, "le phénomène". Cette antinomie toute entière, comme naguère celle de "la matière" et de "l'esprit", s'est avérée inutilisable. Friedrich Nietzsche (1844 - 1900) La volonté de puissance *** La prétendue révolution copernicienne de Kant n'a rien changé au fond du problème Ce que l'on nomme, en parlant de Kant, sa révolution copernicienne (expression nonemployée par Kant) n'a, selon Bachelard, en réalité rien changer aux problèmes fondamental de l'épistémologie, à savoir rendre compte de notre connaissance. Il reste, selon Bachelard, que l'expérience et l'esprit demeurent toujours en présence l'un de l'autre sans que l'on sache encore vraiment comment les accorder dans la connaissance. La philosophie n'a toujours pas expliqué la science, et le peu qui avait été fait est à refaire depuis Einstein ! Les philosophes ont fait passer du règne de la réalité au règne de la métaphore le grand drame cosmique de la pensée copernicienne. Kant a décrit sa philosophie critique comme une révolution copernicienne de la métaphysique. En suivant l'explication kantienne, les deux philosophies essentielles : le rationalisme et l'empirisme, échangent leur centre-, le monde tourne autour de l'esprit. Du fait de cette modification radicale, l'esprit connaissant et le monde connu apparaissent comme relatifs l'un par rapport à l'autre. Mais une telle Relativité reste symbolique. Rien n'est changé dans le détail des connaissances non plus que dans les principes de cohérence de la connaissance. L'empirisme et le rationalisme restent face à face sans pouvoir vraiment coopérer philosophiquement, sans pouvoir s'enrichir mutuellement. Les vertus philosophiques de la révolution einsteinienne comparées aux métaphores philosophiques de la révolution copernicienne auraient une tout autre efficacité si seulement les philosophes voulaient rechercher toutes les raisons d'enseignement de la science relativiste. Avec la science einsteinienne commence une systématique révolution des notions de base. C'est dans le détail même des notions que s'établit un relativisme du rationalisme et de l'empirique. La science éprouve alors ce que Nietzsche appelle « un tremblement de concepts », comme si la Terre, le Monde, les choses prenaient une autre structure du fait qu'on pose l'explication sur de nouvelles bases. Toute l'organisation rationnelle « tremble » quand les concepts fondamentaux sont dialectisés. Gaston Bachelard (1884 - 1962) L'engagement rationaliste *** Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-158 : “Kant et lʼabsolu“ - 22/09/2004 - page 8 Du « génétiquement a priori » dans la connaissance, oui, mais pas du « valide a priori » Le philosophe rationaliste Karl Popper est d'accord avec Kant lorsque celui-ci affirme qu'il y a quelque chose d'a priori dans notre connaissances et nos théories. Mais au lieu de postuler que les lois scientifiques que nous formulons sont valides a priori, Popper défend qu'elles sont génétiquement a priori ; autrement dit, que nos hypothèses sont le fruit de l'imagination créatrice du savant et non induites de l'expérience. Comme Kant croyait qu'il nous incombait d'expliquer la singularité et la vérité de la théorie newtonienne, il a été conduit à penser que cette théorie découlait de manière inéluctable et selon une nécessité logique des lois de l'entendement humain. Le correctif que je propose d'apporter à la solution kantienne, en conformité avec la révolution d'Einstein, nous libère de cette contrainte. Ainsi, les théories apparaissent comme de libres créations de notre esprit, comme le produit d'une intuition quasi poétique, d'un effort pour comprendre intuitivement les lois de la nature. Mais nous ne cherchons plus à imposer nos créations à la nature. Au contraire, nous interrogeons la nature, ainsi que Kant nous a appris à le faire ; et nous nous efforçons d'obtenir d'elle des réponses négatives quant à la vérité de nos théories : nous n'essayons pas de les démontrer ni de les vérifier, mais nous les testons en tentant de les infirmer, de les invalider ou de les réfuter. Ainsi, la liberté inventive et la hardiesse de nos créations théoriques peuvent être soumises au contrôle et à la médiation de l'autocritique et des tests les plus rigoureux que nous puissions concevoir. C'est en ce point du processus, par le biais de nos méthodes critiques de mise à l'épreuve, que la rigueur et la logique scientifiques pénètrent dans le champ de la science empirique. Karl Raimund Popper (1902 - 1994) Conjectures et réfutations, 1953 Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-158 : “Kant et lʼabsolu“ - 22/09/2004 - page 9 DÉCOUVREZ NOTRE AUDIOTHÈQUE pour télécharger cette conférence, celles de la bibliographie et des centaines d’autres Tous nos cours et conférences sont enregistrés et disponibles dans notre AUDIOTHÈQUE en CD et DVD. Des milliers d’enregistrements à disposition, notre catalogue est sur notre site : www.alderan-philo.org. Plusieurs formules sont à votre disposition pour les obtenir : 1 - PHILO UPLOAD : un abonnement annuel pour un libre accès à la totalité des enregistrements disponibles. 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Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-158 : “Kant et lʼabsolu“ - 22/09/2004 - page 10 POUR APPROFONDIR CE SUJET, NOUS VOUS CONSEILLONS - Les cours et conférences sans nom d’auteurs sont d’Éric Lowen - Conférences sur l’histoire de la philosophie - Héraclite et le devenir - Démocrite et l’atomisme - Le théâtre de la variété ou la démocratie athénienne selon Platon, par Noémie Villacéque - Aristote et l’éthique à Nicomaque - La philosophie du plaisir d’Épicure - Épicure et le plaisir, par Yves Belaubre - La grande bibliothèque d’Alexandrie - Sénèque et le stoïcisme romain - Avicenne et la raison, par Dominique Urvoy - L'apport de la civilisation arabe au moyen-âge, un héritage remis en cause par l'ouvrage de Sylvain Gouguenheim, par Habib Samrakandi - Montaigne et l’humanisme - Vanini, philosophe méconnu, méprisé, diabolisé, par Matthias Klemm - Descartes et la méthode, par Mickaël Dubost - Spinoza et le bonheur, par Mickaël Dubost - Leibniz et la question du mal, par Mickaël Dubost - Hume et l’habitude, par Mickaël Dubost - Condillac et la sensation, par Mickaël Dubost - L’Encyclopédie et la philosophie des Lumières - Voltaire et la religion - Voltaire et l’affaire Calas - La singularité philosophique de Jean-Jacques Rousseau, par Éliane Martin-Haag - Adam Smith et l’économie, par Jacques Passerat - Olympe de Gouges, héritière des lumières, par Betty Daël - Kant et l’absolu, par Mickaël Dubost - Victor Schœlcher, l’homme de l’abolition française de l’esclavage - Victor Hugo, mystique de la liberté et du progrès - Nietzsche ou le combat contre l'utopie et la réalité chrétiennes, par Yannick Souladié - Dostoïevski face à l'athéisme, par Yannick Souladié - Bernard Bolzano corrige Kant, par Ghislain Vergnes - William Morris : socialisme et design, par John William - Jaurès, un philosophe majeur, par Jordi Blanc - Jaurès et la loi 1905 sur la laïcité - Wittgenstein, entre Vienne et Cambridge, par Yoann Morvan - Teilhard de Chardin et l’évolution - Saint-Exupéry, vie et oeuvre philosophique - Vercors, à la quête de la dignité humaine - George Orwell et la dénonciation des totalitarismes - Camus ou la voie de la sagesse, par Christiane Prioult - Logique et épistémologie dans l’oeuvre de Carnap, par Xavier Verley - Marguerite Yourcenar, l’itinéraire d’une sage, par Valéria Rousseau - Marguerite Yourcenar, l’écriture du “moi” dans le labyrinthe du monde, par Valéria Rousseau - Sartre et l’existentialisme - Guy Debord : la philosophie subversive réalisée, par Ghislain Vergnes - Popper et la connaissance, par Mickaël Dubost - Jean-Pierre Vernant et l’hellénisme 1000-141 1000-130 1000-212 1000-176 1000-203 1000-165 1000-013 1000-007 1000-131 1000-241 1000-040 1000-234 1000-137 1000-138 1000-139 1000-147 1000-155 1000-074 1000-156 1000-129 1000-224 1000-166 1000-087 1000-158 1000-133 1000-112 1000-220 1000-240 1000-088 1000-222 1000-228 1000-218 1000-153 1000-067 1000-019 1000-113 1000-123 1000-144 1000-239 1000-124 1000-207 1000-149 1000-211 1000-135 1000-235 Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-158 : “Kant et lʼabsolu“ - 22/09/2004 - page 11 Conférences sur les révolutions scientifiques en relation avec ce sujet - La révolution copernicienne - La révolution galiléenne - La révolution newtonienne 1000-052 1000-038 1000-148 Livres de Newton et de vulgarisation - Newton et la gravitation, P. Strathern, je connais, 1998 - Principes mathématiques de la philosophie naturelle, Newton, 1686-1687 Livres de Kant - Projet de paix perpétuelle, 1795 - La Religion dans les limites de la simple raison, 1793 - Critique de la faculté de juger, 1790 - Critique de la Raison Pratique, 1788 - Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785 - Prolégomènes à toute métaphysique future, 1783 - Critique de la Raison Pure, 1781 - De la forme et des principes du monde sensible et du monde intelligible, 1770 Études critiques sur Kant - L’Europe de Kant, Monique Castillo ; Gérard Leroy, Privat, 2001 - Kant intime, L.E. Borowski, R.B. Jachmann, E.A. Wasianski, Grasset, 1985 - L'œuvre de Kant, 2 volumes, A. Philonenko, Paris. Vrin, 1972 - La Philosophie pratique de Kant, V. Delbos, PUF, 1969 - La critique kantienne de la métaphysique, Ferdinand Alquié, Paris, PUF, 1968 - La Morale de Kant, Paris, Ferdinand Alquié, CDUE, 1957 - Pour connaître la pensée de Kant, G. Pascal, Paris, Bordas, 1957 - L’Héritage kantien et la révolution copernicienne, J. Vuillemin, P.U.F., 1954 - La philosophie de Kant. Paris, Emile Boutroux, Vrin, 1926 Livres de vulgarisation sur Kant - Kant, je connais, P. Stratlhern, 1997 - Petit traité sur Kant à l'usage de mon fils, Massimo Piatelli Palmarini, Odile Jacob, 1996 Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-158 : “Kant et lʼabsolu“ - 22/09/2004 - page 12