Kant et l`absolu - Association ALDERAN

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CONFÉRENCE DU FORUM DES SAVOIRS
“Plus l’être humain sera éclairé, plus il sera libre.”
Voltaire
KANT ET L’ABSOLU
CONFÉRENCE PAR MICKAËL DUBOST
Association ALDÉRAN Toulouse
pour la promotion de la Philosophie
MAISON DE LA PHILOSOPHIE
29 rue de la digue, 31300 Toulouse
Tél : 05.61.42.14.40
Email : [email protected]
Site : www.alderan-philo.org
conférence N°1000-158
KANT ET L’ABSOLU
Newton et Kant : deux pensées pour un seul monde
ou deux mondes pour une seule pensée ?
conférence de Mickaël Dubost donnée le 25/02/2005
à la Maison de la philosophie à Toulouse
Kant est un auteur difficile à lire et à comprendre. Et si Kant ne suffisait pas à comprendre
Kant ? Un auteur et une pensée ne naissent pas du néant. Remontons à la source : lire Kant
c’est, comme lui, avoir lu Newton. Dès lors que l’on rapproche ces deux pensées, les idées et
les concepts kantiens, au premier abord si abrupts, montrent leur origine en dessinant peu à
peu le chemin de la compréhension.
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KANT ET L’ABSOLU
« Pourquoi la science fonctionne-t-elle ? »
« Comment s'assurer que la science fonctionnera de tout temps et en tout lieu ? »
PLAN DE LA CONFÉRENCE PAR MICKAËL DUBOST
Un concept sans intuition est un concept vide, et une intuition
sans concept est une intuition aveugle.
Emmanuel Kant (1724 - 1804)
Critique de la raison pure, 1781
I
INTRODUCTION : LA RÉUSSITE DE LA SCIENCE
1 - L'univers enfin compris
2 - Des lois qui expliquent
3 - La puissance des mathématiques et de l'expérimentation
4 - La réaction des philosophes
Il
LE RENOUVEAU SCIENTIFIQUE
1 - D'Aristote à Copernic
2 - Kepler et compagnie
3 - Un peu de mathématiques
4 - Entre physique et métaphysique, son cœur balance
5 - «La vérité est ma meilleure amie»
6 - Il était une fois, une pomme
III
L'ESPACE ET LE TEMPS - PREMIÈRE PARTIE
1 - Kepler et Galilée
2 - Un génie nommé Newton
3 - De l'intuition initiale à la conception globale
4 - Les 3 lois du mouvement
5 - La mathématisation du réel
6 - Temps absolu, espace absolu et mouvement absolu
7 - Noumène et phénomène
IV
QU'EST-CE QUE LA RÉALITÉ ?
1 - Mauvaise question
2 - Bonne réponse
3 - Entités absolues et entités relatives
4 - Noumènes et phénomènes
5 - La réalité est filtrée
6 - La vérité n'est pas ailleurs
V
L'ESPACE ET LE TEMPS - DEUXIÈME PARTIE
1 - Grosse frayeur
2 - Propriétés transcendantales
3 - Question de cadre
4 - En soi ou pour soi ?
5 - Exister c'est être dans le temps et/ou l'espace
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VI
CONCLUSION : UNE RÉVOLUTION COPERNICIENNE
1 - De la lecture kantienne des Principias aux principes kantiens
2 - A priori et a posteriori
3 - Le temps et l'espace
4 - Les phénomènes
5 - Une révolution copernicienne
6 - Retour à l'anthropocentrisme ?
7 - Trois critiques adressées au criticisme kantien : Nietzsche, Bachelard et Popper
ORA ET LABORA
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Document 1 : Petite biographie de Kant.
1 - Emmanuel Kant naît en 1724 à Königsberg en Prusse orientale, enseigne quarante
ans à son université et meurt en 1804. À l'exception de sa promenade quotidienne, à
15H3O précises, et par tous temps, la vie de Kant n'offre véritablement aucun événement
remarquable.
2 - De sa mère, luthérienne piétiste, Kant reçoit une éducation morale très rigoureuse. La
monotonie et la régularité de son existence n'ont, dit-on, été troublées qu'en deux
occasions : la lecture de L'Emile de Rousseau (pour qui il laissa filer l'heure de sa
promenade), et la nouvelle de la Révolution française.
3 - Kant a cependant été un penseur très engagé dans les débats de son siècle (sur les
Lumières. sur les droits de l'homme,... ). Il a laissé une œuvre philosophique
considérable qui n'a pas terminé d'occuper les philosophes et tous les esprits aventureux
qui en tentent la lecture.
Document 2 : C'est à Hume que Kant rend hommage dans le texte suivant, extrait de son ouvrage intitulé
Prolégomènes à toute métaphysique future. Car, avant d'avoir une "dette" intellectuelle envers Newton Kant
doit à Hume le réveil de son «sommeil dogmatique ». Kant accorde à Hume d'avoir su poser les bonnes
questions, mais il refuse se d'accepter les conclusions sceptiques de ce philosophe pour qui la causalité
n'est plus qu'un effet de l'habitude.
Depuis les essais de Locke et de Leibniz, ou plutôt depuis la naissance de la
métaphysique, si loin que remonte son histoire, aucun événement ne s'est produit qui eût
pu être plus décisif pour la destinée de cette science que l'attaque dont elle fut l'objet de
la part de David Hume. Il n'apporta aucune lumière en cette espèce de connaissance,
mais il fit jaillir une étincelle avec laquelle on aurait pu allumer une lumière si elle avait
rencontré une mèche inflammable, dont on eût pris soin d'entretenir et d'augmenter
l'éclat. [...]
J'en conviens franchement: l'avertissement de Hume fût précisément ce qui, voilà bien
des années, vint interrompre mon sommeil dogmatique, et donna une tout autre
orientation à mes recherches dans le domaine de la philosophie spéculative. J'étais fort
éloigné de le suivre dans ses conclusions qui résultaient simplement de ce qu'il ne se
représentait pas le problème en entier -, il s'en tenait à une partie qui ne peut apporter
éclaircissement si l'on ne fait pas entrer le tout en ligne de compte. Lorsqu'on part d'une
conception fondée qu'un autre nous lègue sans l'avoir développé. on est en droit
d'espérer qu'en poursuivant la réflexion on ira plus loin que l'homme pénétrant auquel on
devait la première étincelle de cette lumière.
Emmanuel Kant
Prolégomènes à toute métaphysique future, 1783
Document 3 : Définitions et concepts clefs.
A priori : Ce qui existe sans lien à l'expérience, de façon immédiate. Ainsi, les lois de la
nature énoncées par la science ne sont pas vraies et universelles pour Kant ; elles sont a
priori, c'est-à-dire nécessaires, nécessairement universelles. Ce n'est pas par hasard et
inexplicablement que la science réussit - il y a une nécessité cachée qui doit être
découverte et expliquée. (Remarque : comment ce fait-il que, pour nécessaire, il ait fallu
attendre Newton pour acquérir cette connaissance ?)
A posteriori : Ce qui existe sans par l'expérience, de façon médiate.
Phénomène et Noumène : Les choses qui sont pour nous les objets du monde, les
objets réels, sont des phénomènes, c'est-à-dire des choses telles qu'elles nous sont
données, telles qu'elles nous apparaissent. À l'opposé, le noumène serait une chose en
elle-même, absolument indépendante de se manifestation à nous, et ne peut par
définition être connu de nous.
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Les catégories : Les catégories sont les concepts originaires de l'esprit, concepts a priori
grâce auxquels nous pensons un objet.
Espace, temps, causalité, etc. : Les objets qui constituent pour nous la réalité sont
peut-être préconditionnés par certaines propriétés universelles (espace, temps,
causalité, ... ), qui seraient comme les conditions de possibilité pour que ces objets se
manifestent à nous, pour qu'ils soient des phénomènes. Ainsi s'expliqueraient les lois de
base de l'univers : la nature est le produit dérivé du cadre imposé par notre entendement
Transcendantal : Toutes les propriétés des objets qui ne sont dues qu'à notre
appréhension de ces objets, et donc s'imposent à eux a priori, sont des propriétés
transcendantales de ces objets. Ce sont toujours des propriétés formelles, comme par
exemple être situé dans un espace à trois dimensions pour un objet matériel.
La révolution copernicienne : Kant propose comme hypothèse que les objets ne préexistent pas à la connaissance qu'on en prend. Le processus de connaissance ne doit
pas être en effet pensé comme un faisceau de lumière qui donnerait à voir des objets
jusqu'alors plongés dans l'obscurité : la connaissance ne dévoile pas son objet, elle le
constitue et l'élabore. C'est là ce qu'on nomme la « révolution copernicienne » opérée par
Kant : l'objet à connaître tourne autour du sujet connaissant comme la terre tourne autour
du soleil. En somme, le sujet qui veut connaître le monde ne doit plus se faire le miroir de
l'objet, car l'objet n'est jamais que le miroir du sujet.
Document 4 : Voici quelques textes de Kant extraits du début de la Critique de la Raison Pure, où Kant
s'apprête à poser les fondements de sa philosophie. Il annonce clairement la "couleur" dès la deuxième
phrase. Surtout, ne nous laissons pas impressionner par le style ; la qualité de la réflexion transcende
largement le bourbier de l'expression !
***
S'il n'y a pas de connaissance avant l'expérience,
est-ce à dire que toute la connaissance soit de l'expérience dérivée ?
Si que nous, nommons connaissance débute à proprement parler avec l'expérience, il y
a, nous dit Kant, un avant l’expérience : un quelque chose qui ne nous vient pas de
l'expérience et qui pourtant participe à notre acte de connaître. Il s’ensuit que l'expérience
ne serait être un pur donné sensitif; elle est au contraire un objet que l'esprit construit à
partir de ses propres règles de fonctionnement. Ainsi, les propriétés d'ordre, universelles
et nécessaires, de la réalité, que la science cherche à connaître, sont les propriétés de ce
cadre a priori par lequel nous recevons les douées sensibles et par lequel nous les
mettons en ordre pour constituer un monde digne de ce nom. Et ce complètement
inconsciemment bien entendu, puisque tout se passe en deçà de toute conscience
possible :
Il est hors de doute que toute notre connaissance commence avec l'expérience. Car, par
quoi nos facultés pourraient être mises en action, sinon par les objets qui touchent nos
sens et qui, d'un côté produisent d'eux-mêmes des impressions et, de l'autre, mettent la
compréhension en mouvement, afin qu'elle les compare, les rapproche ou les sépare, et
transforme de cette manière les signaux bruts émis par les sens en une connaissance ou
reconnaissance des objets, que l'on nomme expérience ? Ainsi donc, nous n'avons pas
de connaissance qui précède chronologiquement l'expérience, et c'est avec l'expérience
que commence notre connaissance.
Mais bien que toute notre connaissance commence avec l'expérience, il ne s'ensuit pas
forcément qu'elle soit entièrement dérivée de l'expérience. Il est tout simplement possible
que l'expérience soit elle-même un composé de ce qui est dû à l'impression des sens et
de ce que nos facultés propres (agissant simplement sur impression) produisent d'ellesmêmes; et dans ce cas il nous faut une longue pratique pour distinguer un élément et
apprendre à le séparer de l'autre.
Emmanuel Kant
Critique de la Raison Pure, Préface
***
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Regarder comme vide toute notre représentation. Au contraire, si nous n'avons partout,
affaire qu'à des phénomènes, il n'est pas seulement possible, mais il est encore
nécessaire que certains concepts a priori précèdent la connaissance empirique des
objets. En effet, en tant que phénomènes, ils constituent un objet qui est simplement en
nous, parce qu'une simple modification de notre sensibilité ne se rencontre pas hors de
nous. Or, cette représentation même exprime que tous ces phénomènes - par
conséquent, tous les objets dont nous pouvons nous occuper - sont tous en moi, c'est-àdire qu'ils sont des déterminations de mon moi identique, qu'ils expriment comme
nécessaire une unité totale de ces déterminations dans une seule et même aperception.
Mais dans unité de la conscience possible réside aussi la forme de toute la connaissance
des objets (par quoi le divers est pensé comme appartenant à un objet). La manière dont
le divers de la représentation sensible (l'intuition) appartient à une conscience, précède
donc toute connaissance de l'objet, comme en étant la forme intellectuelle, et constitue
même une connaissance formelle a priori de tous les objets en général, en tant qu'ils sont
pensés (les catégories). La synthèse de ces objets par l'imagination pure, l'unité de
toutes les représentations par rapport à l'aperception originaire, précèdent toute
connaissance empirique. La raison pour laquelle des concepts pus de l'entendement sont
donc possibles a priori et même, par rapport à l'expérience, nécessaires, c'est que notre
connaissance n'a affaire qu'à es phénomènes dont la possibilité réside en nous-mêmes,
dont la liaison et l'unité (dans la représentation d'un objet) se rencontrent simplement en
nous, par conséquent, doivent précéder toute l'expérience et la rendre tout d'abord
possible, quant à la forme. Et c'est d'après ce principe, seul possible entre tous, qu'a été
conduite toute notre déduction des catégories.
Emmanuel Kant
Critique de la Raison pure
***
La révolution copernicienne opérée par Kant en philosophie
La philosophie critique de Kant commence par un constat : l'histoire des sciences
mathématiques et physiques est celle de révolutions réussies. Les découvertes de
Thalès, de Galilée ont en effet ouvert la voie de la science et ont donné lieu aux plus
grandes conquêtes de l'esprit. L'histoire de la métaphysique, au contraire, reste un terrain
de bataille sans cesse dévasté : on n'y voit toujours que ruines et contradictions. Il n'y a
pas ici progrès du savoir mais perpétuelle remise en cause. Et pourtant, la métaphysique
continue d'édicter des vérités, comme si elle demeurait, malgré ce constat, millénaire
d'échec, une exigence irréductible de la raison ?
Confronté à ce paradoxe, Kant va tenter de lui donner une solution théorique en faisant
du sujet le centre de la connaissance. Ce n'est pas, selon lui, le sujet (l'esprit) qui doit se
régler sur les objets, mais l'inverse : la connaissance des objets dépend des structures a
priori de la sensibilité et de l'entendement. Ce changement de perspective, Kant le
compare à celui opéré par Copernic en astronomie, lorsque celui-ci a affirmé que ce
n'était pas la Terre, mais le Soleil qui était le centre immobile du mouvement circulaire
des planètes. Cette « révolution copernicienne en philosophie » doit permettre à la
métaphysique de s'engager enfin dans la vole sûre d'une science.
On a admis jusqu'ici que toutes nos connaissances devaient se régler sur les objets mais, dans cette hypothèse, tous nos efforts pour établir à l'égard de ces objets quelque
jugement a priori et par concept qui étendît notre connaissance n'ont aboutit à rien. Que
l'on cherche donc une fois si nous ne serions pas plus heureux dans les problèmes de la
métaphysique, en supposant que les objets se règlent sur notre connaissance, ce qui
s'accorde déjà mieux avec ce que nous désirons démontrer, à savoir la possibilité d'une
connaissance a priori de ces objets qui établisse quelque chose à leur égard, avant
même qu'ils nous soient donnés. Il en est ici comme de la première idée de Copernic :
voyant qu'il ne pouvait venir à bout d'expliquer les mouvements du ciel en admettant que
toute la multitude des étoiles tournait autour du spectateur, il chercha s'il n'y réussirait
pas mieux en supposant que c'est le spectateur qui tourne et que les astres demeurent
immobiles.
Emmanuel Kant
Critique de la Raison pure
***
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Document 5 : Contrepoints sur la démarche critique et la prétendue révolution copernicienne
L'esprit humain est-il capable de s'auto-examiner ?
On appelle « précritique » toute philosophie qui ignorerait la distinction kantienne entre
les phénomènes et l'essence des choses, toute philosophie qui prétendrait naïvement
faire l'économie d'une critique de la Raison par elle-même. Mais l'esprit humain est-il
capable d'évaluer lui-même en toute objectivité les limites de son pouvoir ? Telle est la
question que Nietzsche adresse à l'entreprise kantienne.
Ils prétendent encore en savoir beaucoup trop long, s'imaginent en trop savoir, comme si
la distinction qu'ils supposent au préalable était réelle, la distinction entre "l'essence des
choses" et le monde phénoménal. Pour pouvoir faire une telle distinction, il faudrait se
représenter notre intellect comme affecté d'un caractère contradictoire : organisé d'une
part pour une vision perspectiviste (ainsi qu'il est nécessaire pour que des êtres de notre
espèce puissent se Maintenir dans l'existence), et d'autre part pourvu d'une faculté de
concevoir cette vision perspectiviste comme perspectiviste, le phénomène comme
phénomène ; c'est-à-dire croyant à la "réalité" comme si elle seule existait, et aussi
capable de juger cette croyance comme une limitation perspectiviste quant à la réalité
vraie. Mais une croyance ainsi jugée n'est plus une croyance, elle se dissout de ce fait.
Bref, nous n'avons pas le droit de nous représenter notre intellect cette façon
contradictoire, comme une croyance et simultanément comme la connaissance que cette
croyance n'est qu'une croyance. Supprimons la chose en soi et avec elle l'un des
concepts les plus obscurs qui soient, "le phénomène". Cette antinomie toute entière,
comme naguère celle de "la matière" et de "l'esprit", s'est avérée inutilisable.
Friedrich Nietzsche (1844 - 1900)
La volonté de puissance
***
La prétendue révolution copernicienne de Kant n'a rien changé au fond du problème
Ce que l'on nomme, en parlant de Kant, sa révolution copernicienne (expression nonemployée par Kant) n'a, selon Bachelard, en réalité rien changer aux problèmes
fondamental de l'épistémologie, à savoir rendre compte de notre connaissance. Il reste,
selon Bachelard, que l'expérience et l'esprit demeurent toujours en présence l'un de
l'autre sans que l'on sache encore vraiment comment les accorder dans la connaissance.
La philosophie n'a toujours pas expliqué la science, et le peu qui avait été fait est à
refaire depuis Einstein !
Les philosophes ont fait passer du règne de la réalité au règne de la métaphore le grand
drame cosmique de la pensée copernicienne. Kant a décrit sa philosophie critique
comme une révolution copernicienne de la métaphysique. En suivant l'explication
kantienne, les deux philosophies essentielles : le rationalisme et l'empirisme, échangent
leur centre-, le monde tourne autour de l'esprit. Du fait de cette modification radicale,
l'esprit connaissant et le monde connu apparaissent comme relatifs l'un par rapport à
l'autre. Mais une telle Relativité reste symbolique. Rien n'est changé dans le détail des
connaissances non plus que dans les principes de cohérence de la connaissance.
L'empirisme et le rationalisme restent face à face sans pouvoir vraiment coopérer
philosophiquement, sans pouvoir s'enrichir mutuellement.
Les vertus philosophiques de la révolution einsteinienne comparées aux métaphores
philosophiques de la révolution copernicienne auraient une tout autre efficacité si
seulement les philosophes voulaient rechercher toutes les raisons d'enseignement de la
science relativiste. Avec la science einsteinienne commence une systématique révolution
des notions de base. C'est dans le détail même des notions que s'établit un relativisme
du rationalisme et de l'empirique. La science éprouve alors ce que Nietzsche appelle «
un tremblement de concepts », comme si la Terre, le Monde, les choses prenaient une
autre structure du fait qu'on pose l'explication sur de nouvelles bases. Toute l'organisation
rationnelle « tremble » quand les concepts fondamentaux sont dialectisés.
Gaston Bachelard (1884 - 1962)
L'engagement rationaliste
***
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Du « génétiquement a priori » dans la connaissance,
oui, mais pas du « valide a priori »
Le philosophe rationaliste Karl Popper est d'accord avec Kant lorsque celui-ci affirme qu'il
y a quelque chose d'a priori dans notre connaissances et nos théories. Mais au lieu de
postuler que les lois scientifiques que nous formulons sont valides a priori, Popper défend
qu'elles sont génétiquement a priori ; autrement dit, que nos hypothèses sont le fruit de
l'imagination créatrice du savant et non induites de l'expérience.
Comme Kant croyait qu'il nous incombait d'expliquer la singularité et la vérité de la
théorie newtonienne, il a été conduit à penser que cette théorie découlait de manière
inéluctable et selon une nécessité logique des lois de l'entendement humain. Le correctif
que je propose d'apporter à la solution kantienne, en conformité avec la révolution
d'Einstein, nous libère de cette contrainte. Ainsi, les théories apparaissent comme de
libres créations de notre esprit, comme le produit d'une intuition quasi poétique, d'un
effort pour comprendre intuitivement les lois de la nature. Mais nous ne cherchons plus à
imposer nos créations à la nature. Au contraire, nous interrogeons la nature, ainsi que
Kant nous a appris à le faire ; et nous nous efforçons d'obtenir d'elle des réponses
négatives quant à la vérité de nos théories : nous n'essayons pas de les démontrer ni de
les vérifier, mais nous les testons en tentant de les infirmer, de les invalider ou de les
réfuter.
Ainsi, la liberté inventive et la hardiesse de nos créations théoriques peuvent être
soumises au contrôle et à la médiation de l'autocritique et des tests les plus rigoureux
que nous puissions concevoir. C'est en ce point du processus, par le biais de nos
méthodes critiques de mise à l'épreuve, que la rigueur et la logique scientifiques
pénètrent dans le champ de la science empirique.
Karl Raimund Popper (1902 - 1994)
Conjectures et réfutations, 1953
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- La révolution newtonienne
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Livres de Newton et de vulgarisation
- Newton et la gravitation, P. Strathern, je connais, 1998
- Principes mathématiques de la philosophie naturelle, Newton, 1686-1687
Livres de Kant
- Projet de paix perpétuelle, 1795
- La Religion dans les limites de la simple raison, 1793
- Critique de la faculté de juger, 1790
- Critique de la Raison Pratique, 1788
- Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785
- Prolégomènes à toute métaphysique future, 1783
- Critique de la Raison Pure, 1781
- De la forme et des principes du monde sensible et du monde intelligible, 1770
Études critiques sur Kant
- L’Europe de Kant, Monique Castillo ; Gérard Leroy, Privat, 2001
- Kant intime, L.E. Borowski, R.B. Jachmann, E.A. Wasianski, Grasset, 1985
- L'œuvre de Kant, 2 volumes, A. Philonenko, Paris. Vrin, 1972
- La Philosophie pratique de Kant, V. Delbos, PUF, 1969
- La critique kantienne de la métaphysique, Ferdinand Alquié, Paris, PUF, 1968
- La Morale de Kant, Paris, Ferdinand Alquié, CDUE, 1957
- Pour connaître la pensée de Kant, G. Pascal, Paris, Bordas, 1957
- L’Héritage kantien et la révolution copernicienne, J. Vuillemin, P.U.F., 1954
- La philosophie de Kant. Paris, Emile Boutroux, Vrin, 1926
Livres de vulgarisation sur Kant
- Kant, je connais, P. Stratlhern, 1997
- Petit traité sur Kant à l'usage de mon fils, Massimo Piatelli Palmarini, Odile Jacob, 1996
Association ALDÉRAN © - Conférence 1000-158 : “Kant et lʼabsolu“ - 22/09/2004 - page 12
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