Réussir l`intégration gingivale et esthétique desprothèses implantaires

LE FIL DENTAIRE
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CLINIC CONFÉRENCE
Réussir lintégration gingivale et
esthétique des prothèses implantaires
Conférence dexception organisée par le COEFI
est surtout son esthétique. Mais obtenir le tant re-
cherché succès esthétique est toujours très compli-
qué car beaucoup de paramètres qu’on ne maîtrise
pas, entrent en jeu.
La chirurgie implantaire dans le secteur antérieur
nécessite une approche moins invasive, plus biolo-
gique, plus esthétique, et faisant appel autant que
possible aux technologies numériques.
Un bon examen et l’analyse des antécédents du pa-
tient peuvent souligner davantage les attentes du
patient ou en révéler de nouvelles ; ces informations
doivent absolument être transmises au technicien
de laboratoire pendant la phase de planification du
traitement.
En plus de l’évaluation esthétique, le RDV initial
doit aussi prévoir des empreintes pour des modèles
de diagnostic, des radiographies et des photogra-
phies numériques. Une simple documentation est
suffisante pour une couronne unitaire mais les cas
complexes nécessitent des données supplémentai-
res (CT scan, IRM, arc facial).
Attention: Il est conseillé de garder toutes ces don-
nées pour des motifs médico-légaux.
Pour réussir le défi de l’intégration esthétique des
implants il est conseillé de travailler avec des lou-
pes avec un grossissement de 2,5 ou 3. Il faut équi-
per le cabinet avec un ordinateur connecté à l’in-
ternet, un appareil photo numérique, un système de
transmission rapide de données avec le laboratoire
de prothèse, un Cone Beam. L’avantage d’avoir un
Cone Beam au cabinet est d’avoir des radiogra-
une des nombreuses manifestations aussi
instructives que conviviales auxquelles le
Cercle Odontologique d’Echanges franco-
israélienne nous a habitué depuis de nombreuses
années. Il faut remercier une fois de plus tous ceux
qui s’engagent régulièrement auprès du COEFI afin
de rendre ces conférences possibles et de stimu-
ler un groupe dynamique de dentistes qui croient
vraiment en leur profession et au développement
scientifique et social de celle-ci. On salue à cette
occasion les initiatives caritatives du COEFI car
tous les bénéfices de cette association vont à des
actions philanthropiques comme par exemple, la
construction d’un centre dentaire dans un hôpital en
Israël, ou l’ouverture d’un centre d’accueil pour les
enfants défavorisés éthiopiens et beaucoup d’autres
projets réalisés ou en cours.
Pendant que l’organisation de cette soirée a été
comme d’habitude sans faille, la particularité de
cette conférence était un invité de marque que se
disputent les organisateurs de manifestations den-
taires aux quatre coins du monde.
« Le Dr Bernard TOUATI est un des meilleurs clini-
ciens au monde à pratiquer une dentisterie interdis-
ciplinaire. Son expérience variée, comme clinicien
et conférencier, le place parmi le groupe exclusif
de professionnels qui combinent talent et accom-
plissements personnels pour partager leur savoir
avec des collègues autour du globe. » Nitzan BI-
CHACHO
Ecrivain prolifique dans le monde dentaire, confé-
rencier globe-trotter, enseignant passionné et pas-
sionnant, il accumule les mérites professionnels.
Mais il est reconnu bien au-delà de la profession
dentaire, étant membre de la plus haute décoration
française en tant que Chevalier de la Légion d’hon-
neur, ainsi qu’un artiste épanoui qui a présenté ses
créations au public lors d’une exposition parisien-
ne il n’y a pas si longtemps.
Les mots clés de cette conférence exceptionnelle
ont été : Esthétique, Biologie, Implant, Prothèse.
Avec les restaurations implanto-portées nous sou-
haitons obtenir les mêmes résultats qu’avec les
dents naturelles, surtout des résultats que les pa-
tients attendent. Si auparavant obtenir l’ostéointé-
gration était notre but, témoin du succès fonctionnel
et biologique, de nos jours l’évolution des systèmes
implantaires rend cette tâche relativement facile.
Aujourd’hui, ce qui fait le succès d’une restauration
Dr Bernard TOUATI
n DSO
n Visiting Professor
Hadassah Faculty
of Dental Medicine,
Jerusalem
n Ancien Président
de lAcadémie
Européenne
de Dentisterie
Esthétique
phies panoramiques et des coupes tomographiques
très précises avec des résultats immédiats afin de
pouvoir établir le diagnostic et d’informer le patient
dans la même séance. C’est un outil qui permet de
visualiser les tissus osseux, les obstacles anatomi-
ques, mais également les tissus mous.
Januario et son équipe brésilienne ont mis au point
une technique qui nous permet de mesurer l’épais-
seur de la gencive marginale avec le Cone Beam :
en utilisant les écarteurs pour tenir les lèvres à dis-
tance des dents, on demande au patient de mettre la
langue sur le plancher de la bouche.
Ceci nous permet de savoir à l’avance, par exemple,
si on peut faire un prélèvement de tissu conjonctif
au niveau du palais ou réaliser une élongation coro-
naire (Januario, 2008).
Quels sont les facteurs déterminants avant de réali-
ser une restauration esthétique dans le secteur an-
térieur dans le cas d’une extraction-implantation
immédiate ?
Il est nécessaire d’effectuer une analyse minutieuse
du cas avant de démarrer :
n Déterminer le biotype :
Biotype fin
15% de la population européenne (80% pour la
population asiatique), peu propice à la stabilité,
os fin, des cas difficiles à rer, complications en
vue et régénération à prévoir dans 100% des cas.
Biotype moyen 70% de la population, évolution variable
Biotype épais 15% de la population, bon pronostic.
n Réaliser les examens radiologiques,
n Sonder tout autour de la dent pour déterminer si
l’os buccal est intact, partiel ou manquant, réali-
ser un examen clinique rigoureux et établir les an-
técédents (traumatisme, bruxisme, orthodontie).
Cas n°1 :
Patiente de 45 ans se présentant avec une fractu-
re de la 21. Elle présente un biotype épais. Après
l’analyse du cas, une extraction et implantation
immédiate sont prévues ainsi que la mise en place
immédiate du faux moignon et de la couronne pro-
visoire.
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CAS 1
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L’extraction atraumatique de la dent réalisée à l’aide
du périotome, laisse une alvéole favorable à l’inser-
tion de l’implant. Le curetage minutieux du tissu de
granulation dans l’alvéole est une étape primordiale
pour l’ostéointégration de l’implant. Dans certains
cas, le rinçage de l’alvéole post-extractionnelle
avec de la tétracycline est indiqué.
L’implant doit être positionné plutôt aux dépens de
la paroi linguale pour préserver la paroi vestibulai-
re. Il ne doit pas avoir un diamètre trop grand pour
ne pas remplir l’alvéole entièrement dans sa par-
tie coronaire. Idéalement, la table vestibulaire doit
avoir minimum 2 mm d’épaisseur (Spray 2000). Le
gap vestibulaire sera rempli avec du BioOss dans
100 % des cas.
Il y a une distance obligatoire à respecter de 2 mm
ou minimum 1, 5 mm entre l’implant et la dent ad-
jacente (Esposito 1993). Laisser cet espace évite de
porter atteinte au pic interdentaire et va permettre
de récupérer des papilles interdentaires, pyrami-
dales. Il n’est pas conseillé d’utiliser des fraises
d’évasement.
L’avantage de connecter le faux moignon en zirco-
ne tout de suite est d’éviter de manipuler plusieurs
fois les tissus mous. De plus, dans le monde scien-
tifique il est bien connu et accepté aujourd’hui que
l’oxyde de zirconium est biocompatible et attire
très peu la plaque bactérienne (Glauser, 2004). La
cicatrisation est plus rapide qu’autour du titane. Le
faux moignon doit présenter une base concave au
contact de la gencive et non pas un grand évase-
ment qui comprime la gencive. Il faut vernir les
dents provisoires (Palaseal® ou Biscover®), sous-
dimensionner au niveau du collet et vérifier que le
profil enfoui n’est pas traumatique. Par ailleurs, il
faut éviter les contacts occlusaux dynamiques.
Après 3 mois de cicatrisation, des empreintes pick-
up sont réalisées, pour enregistrer l’anatomie gin-
givale après maturation.
Quels sont les critères de quantification du résultat
esthétique d’une restauration implantoportée ?
Cas n°2:
Jeune femme adressée par son dentiste pour le rem-
placement de la 11. L’examen clinique révèle une
résorption externe importante de la table vestibu-
laire (traumatisme ou iatrogène au traitement
orthodontique).
Pour mesurer la perte osseuse, l’examen le plus
important est le sondage avec la sonde parodon-
tale. Si le pic osseux est à 4,5 mm sous le niveau
gingival, il sera très difficile de garder les papilles
interdentaires.
Dans ces cas, il faut planifier une régénération des
tissus et prévenir le patient à l’établissement du
plan de traitement.
L’extraction doit être réalisée de manière atrauma-
tique, en utilisant le scalpel et le périotome pour
ne pas détériorer l’alvéole. Parfois, l’extraction
nécessite beaucoup plus de temps que la pose de
l’implant et la réalisation de la greffe. Après l’ex-
traction de la dent, l’alvéole est désépithélialisée à
la fraise et curetée. Dans certains cas, il faut égale-
ment l’irriguer avec une solution antibiotique.
Pour la pose de l’implant tout a été préparé : un
guide chirurgical amélioré, le moignon ainsi que
la dent provisoire, qu’il va falloir légèrement re-
baser.
L’implant a été mis en place sans problème parti-
culier et un pilier de cicatrisation a été vissé pour
quelques minutes (le temps de remplir l’alvéole
autour de l’implant avec du BioOss).
Le moignon Curvy® qui favorise l’épaississement
du tissu conjonctif est mis en place et serré avec
un torque de 25N/cm (car ce n’est pas le serrage
définitif).
Trois mois plus tard la couronne définitive est
posée sur un moignon serré à 32N/cm.
Pilier Curvy® en titane et en zircone
Avec les Dr Eric Van Dooren et Eric Rompen, le
Dr Touati a mis au point des moignons avec une
concavité transmuqueuse pour développer une
meilleure esthétique et une meilleure épaisseur au
niveau des tissus mous. Ils vont permettre d’avoir
un espace biologique stable car il va se position-
ner dans ce design concave. L’avantage est l’aug-
mentation de l’interface entre les tissus mous et le
moignon. Le conjonctif va créer un joint torique en
s’épaississant.
Par contre, il faut faire très attention lors du scel-
lement de la couronne à ne pas envoyer du ciment
dans cette espace (par exemple mettre un cordon-
net rétracteur avant de sceller).
PINK ESTHETIC SCORE Fürhauser, 2005
l la papille mésiale, 2 points, (0=pas de papille, 1=papille incom-
plète, 2=papille complète)
l la papille distale, 2 points
l la hauteur du tissu gingival, 2 points
l la couleur, 2 points
l le contour, 2 points
l la texture, 2 points
l le défaut du procès alvéolaire, 2 points
En donnant deux points à tous ces éléments on peut obtenir une quantifi-
cation de 0-14. On compare les incisives et les canines avec la dent contro-
latérale et les prémolaires avec la dent adjacente.
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CLINIC CONFÉRENCE
Dans quels cas peut-on envisager une extraction
implantation immédiate?
D’après la classification du Tarnow, il est conseillé
d’en faire une seulement dans les cas qui se situe en
classe 1:
SOCKET CLASSIFICATION Tarnow
Classe 1 tissu dur et mou
suffisant
situation
favorable
classe 2
excellent tissu mou
mais tissu dur
manquant
situation
favorable
classe 3 tissu mou manquant,
tissu dur manquant
situation
extrêmement
favorable
Cas n°3 :
Patiente qui se présente avec des douleurs dans la
région incisive du maxillaire supérieur. L’examen
relève une mobilité de la 11, ainsi qu’une fistule.
Il faut envisager l’extraction de cette dent ainsi
que la régénération des tissus, observer un délai
de cicatrisation suffisant et la mise en place d’un
implant.
L’extraction est réalisée, la racine présente une ex-
trême résorption et comme prévu l’alvéole est très
atrophiée. En réalité, la paroi vestibulaire est quasi
inexistante.
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CAS 3
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Dans ce cas, la technique du cône de glace du Tar-
now est envisageable pour régénérer l’alvéole :
Tapisser l’alvéole avec une membrane et la remplir
avec du BioOss Collagen® ou tout autre xénogref-
fe. Suturer au niveau palatin et attendre 4 mois. La
dent provisoire va venir au contact du BioOss qui
a rempli l’alvéole.
Pour éviter l’affaissement des tissus mous, la cou-
ronne provisoire doit arriver au niveau de la gen-
cive et donner un support aux tissus mous et aux
papilles, mais le rapport est très subtil :
Il ne faut pas la comprimer car il va y avoir une
récession mais il ne faut pas non plus rester à dis-
tance car elle va s’invaginer.
La dent est vernie et légèrement raccourcie au bord
incisif. Une tranchée est réalisée à la fraise dans
la dent provisoire sur sa face buccale pour coller
un ruban en polyethyléne embibé dans du bonding.
Le ruban va être fixé à la dent à l’aide de la résine.
Ensuite il faut mordancer les dents adjacentes et
coller la dent ; bien entendu la dent n’est pas en
occlusion.
Quatre mois après, la cicatrisation s’est faite sans
complications et l’os est suffisant pour poser l’im-
plant.
Une dent monobloc a été réalisée au laboratoire,
avec une concavité au niveau cervical et un sous
dimensionnement cervical. Ce profil particulier,
en zircone en transmuqueux, évite la compression
des tissus mous et favorise l’épaississement du
conjonctif. La maquette en cire a été transformée
par le procédé Procera® en une coque monobloc en
oxyde de zircone. Là-dessus, le technicien réalise
la stratification en céramique. C’est une dent trans-
vissée avec certains avantages : insertion passive,
pas de ciment, peut être dévissée facilement. Le
puits d’accès est fermé avec une petite éponge au
Téflon et un composite Charisma®.
Une alternative à la réalisation d’une dent provi-
soire est de garder la dent extraite. Il faut la couper
en dôme, la vernir avec du Biscover®, Palaseal®
au niveau du collet, la mordancer et la coller aux
dents adjacentes à l’aide d’un fil d’orthodontie et
un composite.
Cas clinique conforme au mail du secrétariat du
Dr Touati
Dr Adriana AGACHI
D.U. de journalisme médical
PROPOS RECUEILLIS PAR
Conclusion
Le Dr Bernard TOUATI est un chirurgien hors pair,
spécialiste de l’implantologie et de la prothèse dont
le travail est reconnu au niveau international. L’im-
plantologie est une des parties les plus difficiles mais
aussi des plus dynamiques de la médecine dentaire,
un des rares domaines la recherche avance tou-
jours à grand pas, et où le chirurgien-dentiste est
encore un artiste qui invente et découvre et dont le
savoir et l’imagination sont sollicités au quotidien. u
Remerciements au Docteur Bernard TOUATI pour
sa précieuse collaboration et le temps accoret au
Dr Gilles CATTAN le Président du COEFI.
Bibliographie
Touati B, Etienne J-M, Van Dooren E. Esthetic intégration of digital-ceramic
restorations. Montage Media publishing, 2008
Januario A. et al. Soft tissue cone beam computed tomography : a novel
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En savoir plus
Blog : http://bernardtouati.wordpress.com/
Mail : contact@34montaigne.com
Site : www.coefi.fr
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