N° 6729 du jeudi 12 mai 2016 Le Potentiel
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Événement 3
son de ses opinions politiques. Comme
Joseph Kabila [le président congolais
dont le second mandat constitution-
nel arrive à terme en décembre,
NDLR] ne peut plus se représenter,
la manœuvre du pouvoir consiste à
essayer de contraindre M. Katumbi
soit à l’exil, soit au pire, parce que ce
dernier a aujourd’hui toutes les chan-
ces d’être élu président de la Républi-
que. Nous demandons donc que la
procédure qui a été engagée se fasse
sous l’observation du monde entier.
C’EST-À-DIRE ?
Des ONG par exemple. Voire de
tous ceux qui veulent observer le bon
déroulement de cette procédure.
Nous allons harceler, sur le plan mé-
diatique, Monsieur Kabila.
Votre client Moïse Katumbi est
soupçonné d’avoir recruté des « mer-
cenaires étrangers » dans le sud de
la RD Congo. Il va être entendu de
nouveau ce jeudi 11 mai au parquet
général de l’ex-Katanga, à Lubum-
bashi. Que vous inspire cette affaire?
Ce n’est pas du tout sérieux.
Mais il fallait bien trouver un motif pour
persécuter Moïse Katumbi et son en-
tourage. Je peux vous garantir que
nous allons harceler, sur le plan mé-
diatique, Monsieur Kabila.
Justement, dans l’équipe de
défense de Katumbi, votre rôle sera-
t-il plus axé sur cette stratégie de
harcèlement médiatique ?…
Ce sont les jours à venir qui
vont décider d’abord du sort de Moïse
Katumbi et, naturellement, du péri-
mètre d’intervention de ses avocats.
Considérez-vous donc que toute
cette affaire n’est qu’un prétexte pour
nuire à l’opposant Katumbi ?
Bien sûr. Mais ce n’est pas que
moi qui le considère. Plusieurs obser-
vateurs internationaux le disent aussi.
C’est une évidence pour tous les gens
sérieux et raisonnables.
Mais concrètement, quelle sera
votre contribution au sein de l’équipe
de défense de Katumbi, qui se trouve
en RD Congo ?
Si Katumbi est empêché de par-
ticiper à la présidentielle, personne ne
dira que la présidentielle à venir est
démocratique. Nous allons dire des
choses pour ne pas laisser dormir cette
affaire. Nous allons également réveiller
ceux qui ne peuvent pas dormir du
sommeil du juste dans un dossier
pareil. Et s’il faut aller en RD Congo,
nous y irons. Bien entendu sous l’égide
d’une protection internationale. Parce
qu’au fond, si ce procès qui se profile
en est un, le pouvoir de Kinshasa n’a
rien à craindre, mais si c’est un faux
procès, il a à craindre le regard et la
foudre de l’opinion publique. J’ai dé-
fendu Michel-Thierry Atangana [dé-
tenu pendant 17 ans au Cameroun,
NDLR] et nous avons fini par en trou-
ver raison. Dans tous les cas, si Moïse
Katumbi est détenu et empêché de
participer au scrutin, personne ne
pourra dire que la présidentielle à ve-
nir est une élection démocratique. La
justice veut qu’on arrête de harceler
Moïse Katumbi.
PROPOS RECUEILLIS PAR TRÉSOR
KIBANGULA (JEUNE AFRIQUE)
Avocat français de Moïse Katumbi
Me Éric Dupond-Moretti : «
La justice veut
qu’on arrête de harceler Moïse Katumbi
»
(Suite de la page 2)
Prochaine audition de Moïse Katumbi :
Lubumbashi ou Kinshasa ?
L’instruction dans l’enquête sur l’audition de M. Katumbi bute sur le lieu de la
confrontation avec les autres détenus ramenés à Kinshasa. A Lubumbashi, la
mobilisation ne faiblit pas. Les interpellations et les gaz lacrymogènes et autres
manœuvres pour décourager l’adhésion populaire qui s’est créée autour de
Moïse Katumbi. Au deuxième jour d’audition, Moïse Katumbi, tout de blanc vêtu
avec autour du cou un ruban aux couleurs du drapeau national, est retourné
dans sa résidence du quartier Golf après plus de six heures d’interrogatoire.
LE POTENTIEL
Lubumbashi a décidé d’accompa
gner Moïse Katumbi jusqu’au bout
du calvaire lui imposé à travers des
ennuis judiciaires, pour avoir préten-
dument recruté des mercenaires amé-
ricains dans l’ex-province du Katanga.
Après la première audience de lundi,
Katumbi s’est de nouveau présenté,
hier mercredi, devant les magistrats
de la Cour d’appel de Lubumbashi.
Au début de l’audition de mer-
credi, l’ambiance était surchauffée –
le parquet ayant refusé l’accès dans
la salle du collectif d’avocats de Moïse
Katumbi. La police a aussi chargé les
partisans venus par milliers le soute-
nir. C’est après des échanges hou-
leux que les magistrats de la Cour
d’appel de Lubumbashi ont finalement
accédé à la demande de la défense,
laissant entrer dans la salle d’audience
le collectif d’avocats. Dehors, la foule,
bien que tenue à distance par la po-
lice, déployée en grand nombre dans
les parages du Palais de justice de
Lubumbashi, n’a pas lâché celui qui,
depuis le 4 avril 2016, s’est déclaré
candidat à la présidentielle de 2016.
Dans l’entourage de Katumbi,
on ne faiblit pas. Depuis lundi, ses prin-
cipaux soutiens politiques ne le lâchent
pas. Le G7, première plate-forme à
l’avoir coopté comme son candidat à
la présidentielle 2016, suivie de l’Alter-
nance pour la République, sont res-
tées à ses côtés dans ce combat pour
le triomphe de la démocratie.
Contrairement aux assurances
qu’avait présentées récemment le
ministre Alexis Thambwe Mwamba,
la justice présente déjà des signes
d’essoufflement. Pas facile pour elle
d’établir les preuves de culpabilité de
Moïse Katumbi dans le recrutement
présumé des mercenaires américains
dans l’ex-province du Katanga.
La prochaine audition – soit la
troisième de la série – est program-
mée pour le vendredi 13 avril 2016.
Selon des indiscrétions, le parquet
compte organiser une séance de con-
frontation entre M. Katumbi et les
autres personnes détenues dans le
cadre de cette affaire, mais pour des
raisons non encore connues, ont été
transférées à Kinshasa. Les avocats
du gouverneur honoraire de l’ex-Ka-
tanga se sont catégoriquement op-
posés à tout transfert vers Kinshasa,
arguments légaux en appui. « Le juge
naturel de M. Katumbi est à Lubum-
bashi et non ailleurs », ont-ils soutenu.
En attendant, à Lubumbashi, la
population ne relâche pas la pression,
prête à se sacrifier pour Katumbi, pré-
sident du célèbre club de football de
Lubumbashi, TP Mazembe.
L’audition de Katumbi s’étire
donc en longueur. Ce qui n’est pas à
l’avantage de Kinshasa. La donne
populaire qui, apparemment, n’a pas
été prise en compte dans le schéma
de ceux qui ont planifié le coup con-
tre Moïse Katumbi, a désorienté tous
les calculs. Avec la pression populaire
qui s’accentue autour de cette affaire,
Kinshasa se retrouve sûrement dans
de beaux draps. Il doit aujourd’hui
présenter au grand jour des preuves
irréfutables de mercenaires qui se-
raient recrutés par Katumbi.
L’ÉTAU SE RESSERRE SUR
KINSHASA
A Washington, les déclarations
du ministre de la Justice, Alexis
Thambwe Mwamba sont prises très
au sérieux. L’homme ne s’en dérobera
pas de sitôt. Sans doute, il devra, lui
aussi, exhiber les preuves de son in-
culpation ; celles sur base desquelles il
a donné injonction au Procureur géné-
ral de la République d’ouvrir une action
judiciaire contre Moïse Katumbi. Kins-
hasa a allumé le feu. Parviendra-t-il à
l’éteindre sans s’en sortir avec des
égratignures ? L’opinion s’interroge. Et,
les faits ne tournent pas en faveur
des autorités de Kinshasa.
Car, après le général, comman-
dant d’Africom, David Rodriguez, qui a
été précédé à Kinshasa par l’envoyé
spécial des Etats-Unis dans les Grands
Lacs, Thomas Perriello, la Grande-Bre-
tagne envoie également dans la capi-
tale congolaise son envoyée spéciale,
Danae Dholakia. L’envoyée spéciale du
Royaume-Uni dans la région des Grands
Lacs, est annoncée en RDC du 12 au
13 mai 2016. Elle devra rencontrer le
chef de l’Etat Joseph Kabila, le Premier
ministre Matata, des membres du gou-
vernement, des opposants et des lea-
ders de la Société civile pour discuter
notamment de la situation politique,
sécuritaire et socioéconomique de la RDC.
On se rappelle que dans un com-
muniqué publié le 25 avril 2016, l’en-
voyée spéciale du Royaume-Uni pour
les Grands Lacs avait notamment
demandé au gouvernement congo-
lais de faire respecter les libertés ga-
ranties par la Constitution. A Kinshasa,
Mme Dholakia devrait s’entretenir
avec Evariste Boshab, vice-Premier
ministre de l’Intérieur et de la Sécu-
rité, ainsi qu’Alexis Thambwe
Mwamba, ministre de la Justice. Les
élections figurent également au cœur
de la visite de la diplomate britanni-
que à Kinshasa.
Pour rappel, au cours d’une con-
férence de presse organisée à Kins-
hasa en novembre 2015, Danae
Dholakia déclarait que les scrutins li-
bres et crédibles tenus dans le délai
défini par la Constitution sont un gage
de développement pour la RDC. Elle
profitera de sa visite pour rencontrer
Corneille Nangaa, président de la CENI.
C’est dire que l’étau se resserre
autours du pouvoir en place ? En tout
cas, on n’est pas loin de ce scénario.
En s’attaquant sans preuves proban-
tes à Katumbi, Kinshasa a ouvert un
front qui risque, à terme, de se re-
tourner contre lui. Une sorte de retour
des flammes qui pouvait être évité.
Cette visite interviendra 24 heu-
res après celle de Tom Perriello, l’en-
voyé spécial de Barack Obama dans
la région des Grands Lacs africains.
Moïse Katumbi à sa sortie d’audition le mercredi 11 mai à Lubumbashi.