Projets d`arrêtés de protection du biotope des écrevisses à pieds

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Contexte réglementaire et intérêt scientifique
Projets d’arrêtés de protection du biotope des écrevisse à pieds blancs
DRIEE – mars 2016
Projets d’arrêtés de protection du
biotope des écrevisses à pieds
blancs dans le Val d’Oise
© DDT 95 - 2011
CONTEXTE REGLEMENTAIRE ET
INTERET SCIENTIFIQUE
DRIEE Ile-de-France
Service nature, paysage et ressources
29 mars 2016
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Contexte réglementaire et intérêt scientifique
Projets d’arrêtés de protection du biotope des écrevisse à pieds blancs
DRIEE – mars 2016
Depuis les années 50, les populations d’écrevisses à pieds blancs (Austropotamobius pallipes) voient leur aire
de répartition se réduire de manière drastique et généralisée. Comme plusieurs pays européens, la France ne
fait pas exception à ce constat.
Plus que n’importe quel autre animal aquatique, l’écrevisse est marquée par une forte valeur patrimoniale. On
lui prête par ailleurs le statut d’indicateur des eaux de bonne qualité même si ce point est parfois discuté par
certains auteurs. Sensible, elle est en effet exigeante quant aux caractéristiques de son milieu de vie.
Du fait des menaces (anthropisation, agriculture, exploitation forestière, pollution généralisée, aménagements
et entretien des milieux aquatiques) qui pèsent à l’heure actuelle sur l'ensemble des réseaux hydrographiques,
ces populations sont morcelées et cantonnées dans les petits cours d’eau des têtes de bassin versant peu
perturbés. Or, le danger de disparition d’une espèce survient lorsqu’elle n’existe plus que par de petites
populations isolées les unes des autres, augmentant le risque d’endémisme.
Si les activités humaines sont principalement à l’origine de la dégradation des milieux et donc de la disparition
plus ou moins progressive de l’écrevisse, c’est aussi l’homme qui détient les clés de la préservation des
populations menacées et de leurs habitats.
Pour cela, une connaissance fine de l’écologie de l’espèce et de ses habitats préférentiels, ainsi que la
recherche des causes de sa disparition sont un préalable indispensable à des actions de conservation.
Les populations d'écrevisses à pieds blancs présentes dans le val d'Oise constituent, avec celle du rû de
Montabé dans l’Essonne et les Yvelines, les dernières populations d'Ile-de-France. Si leur présence au niveau
local témoigne a priori d'une bonne gestion, et de la qualité écologique des têtes de bassin, il est cependant
nécessaire de mener une action de préservation car l'espèce est en déclin et ne se maintient que dans des
zones refuges.
La stratégie de création d’aires protégées vise à préserver 2 % du territoire métropolitain d’ici 2019, par
des outils réglementaires, et se décline en Ile-de-France par un programme de création d’aires
protégées. A ce titre, les arrêtés préfectoraux de protection de biotope (APPB) sont des outils adaptés
pour de préserver les populations d'écrevisses à pieds blancs, dans la mesure où ils permettent de
réglementer les activités néfastes à la conservation de l’espèce.
L’objet de ce rapport est de rappeler le contexte réglementaire dans lequel s’inscrit la préservation des
écrevisses à pieds blancs par APPB en Île-de-France, et de présenter le cycle de vie de cette espèce, et
notamment ses exigences vis-à-vis du milieu, qui impliquent des mesures de conservation spécifiques
à prévoir dans les arrêtés préfectoraux de protection de biotope.
Ce rapport a été élaboré par la DRIEE Île-de-France - Service nature, paysage et ressources, sur la base d’un document de
travail de Francis LOUVETON – DDT 95.
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Table des matières
Première partie - Les enjeux de protection nationaux et régionaux......................................4
1. La stratégie de création d’aires protégées (SCAP).......................................................4
2. L’écrevisse à pieds blancs, une espèce SCAP.............................................................4
3. Présentation de l’outil Arrêté de biotope........................................................................4
3.1. Définition et champ d’application...........................................................................4
3.2. Effets et intérêt de la protection..............................................................................5
Deuxième partie - Présentation de l’espèce..........................................................................6
1. Présentation de l’écrevisse à pieds blancs...................................................................6
1.1. Classification systématique....................................................................................6
1.2. Caractères biologiques...........................................................................................6
2. Statut de protection........................................................................................................8
2.1. Au niveau international...........................................................................................8
2.2. Au niveau européen...............................................................................................8
2.3. Au niveau national .................................................................................................8
2.4. Au niveau départemental (Val-d'Oise)....................................................................8
3. Répartition biogéographique de l’espèce......................................................................9
3.1. Au niveau européen, national et régional...............................................................9
3.2. Au niveau départemental (Val-d'Oise)....................................................................9
4. Exigences vis-à-vis des caractéristiques du milieu.....................................................11
4.1. Habitats, milieux physiques..................................................................................11
4.2. Qualité de l'eau et paramètres physico-chimiques..............................................12
Troisième partie - Les menaces qui pèsent sur l’espèce....................................................14
1. Les causes de raréfaction............................................................................................14
2. L’activité agricole.........................................................................................................14
2.1. La gestion de l’eau au sein des parcelles............................................................14
2.2. La gestion des intrants.........................................................................................15
2.3. L’élevage..............................................................................................................15
3. L’activité forestière ......................................................................................................17
4. La compétition avec des espèces allochtones............................................................18
5. L’anthropisation croissante des têtes de bassins versants.........................................19
Conclusion...........................................................................................................................20
Bibliographie........................................................................................................................21
Annexe.................................................................................................................................22
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Première partie - Les enjeux de
protection nationaux et régionaux
1. LA STRATÉGIE DE CRÉATION D’AIRES PROTÉGÉES (SCAP)
La stratégie nationale de création des aires protégées (SCAP), définie par la loi n° 2009-967 du 3
août 2009 (art 23), et réaffirmée dans le cadre de la conférence environnementale de septembre
2012, a pour objectif la mise sous protection forte, d’ici 10 ans, de 2% du territoire terrestre français
métropolitain sans que ce pourcentage s’applique de manière homothétique à chaque région.
Le terme de « protection forte » se définit par les outils réglementaires suivants : réserves naturelles
nationales ou régionales, les arrêtés préfectoraux de protection de biotope et de géotope, les cœurs
de parcs nationaux, les réserves biologiques forestières dirigées et intégrales. La déclinaison
régionale de cette stratégie a été confiée aux Directions régionales de l’environnement, de
l’aménagement et du logement (et en Île-de-France, à la Direction régionale et interdépartementale
de l’environnement et de l’énergie).
En octobre 2013, le Ministre en charge de l’environnement a validé la première liste de projets
potentiellement éligibles (PPE) au titre de la SCAP. Il a invité chaque préfet de région à engager la
mise en œuvre progressive, en priorité, de ce premier programme d’actions. Au total au niveau
français, 330 projets ont été retenus dont 25 projets en région Île-de-France.
La déclinaison francilienne de la SCAP intègre notamment les projets d’APPB sur 10 stations du
département du Val d’Oise pour la protection des écrevisses à pieds blancs.
2. L’ÉCREVISSE À PIEDS BLANCS, UNE ESPÈCE SCAP
La SCAP est une démarche conduite à un niveau national. Elle concerne des espèces et des
habitats patrimoniaux, menacés à l’échelle de la métropole terrestre et pour lesquels l’outil « aire
protégée » apparaît être une réponse appropriée. Le Muséum national d’histoire naturelle a ainsi
défini que la région Île-de-France a une responsabilité patrimoniale forte pour 64 espèces et 42
habitats SCAP.
Pour chaque espèce ou habitat SCAP, un niveau de priorité (allant de 1 à 3) a été proposé et
modulé en fonction du degré de connaissance de celui-ci. Les niveaux de priorité sont les
suivantes :
•
•
•
priorité 1 : pas ou peu d’aire protégée comprenant cette espèce ou cet habitat → création de
nouvelle aire protégée à envisager ;
priorité 2 : existence d’aires protégées mais réseau à renforcer ;
priorité 3 : existence d’aires protégées et réseau satisfaisant.
L'écrevisse à pieds blancs (Austropotamobius pallipes) a été classée en priorité 1 à la fois sur le
plan national (1+) et au niveau francilien (1-), vu l’importance de sa régression. La fiche descriptive
de cette espèce dans le cadre de la SCAP est présentée en ANNEXE.
3. PRÉSENTATION DE L’OUTIL ARRÊTÉ DE BIOTOPE
3.1. Définition et champ d’application
L’arrêté préfectoral de protection de biotope (APPB) est un outil de protection forte dont la mise en
œuvre relève du préfet de département. Il vise à protéger, par des mesures adaptées, le biotope
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d’une espèce.
Le terme biotope doit être entendu au sens large de milieu indispensable à l’existence des espèces
de faune et de flore : un biotope est une aire géographique bien délimitée, caractérisée par des
conditions particulières (géologiques, hydrologiques, climatiques, sonores, etc).
En Île-de-France, la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie
instruit, en collaboration avec les Directions départementales des territoires, les demandes de
création et de modification d’APPB, qui sont proposées aux préfets de départements.
L’initiative de la demande peut émaner soit d’associations (cas le plus fréquent), soit d’un service de
l’Etat, soit d’une collectivité territoriale ou plus généralement de toute personne publique ou privée.
En vertu des textes, seuls deux avis simples doivent être recueillis : celui de la commission
départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, dans sa formation
« protection de la nature » et celui de la chambre d’agriculture. En outre, l’avis de l’Office national
des Forêts doit être recueilli si le territoire est soumis au régime forestier. En pratique, toutefois, le
préfet sollicite systématiquement l’avis des communes et celui des services de l’Etat concernés.
La publicité de l’arrêté est assurée par sa publication au recueil des actes administratifs du
département et dans deux journaux locaux. Il peut également être affiché en mairie.
3.2. Effets et intérêt de la protection
L’arrêté peut interdire toutes les actions susceptibles de nuire aux espèces et aux milieux à
sauvegarder. Toutefois, ces interdictions ne peuvent porter que sur les milieux et non sur les
espèces (car elles relèvent d’une protection spécifique au titre de leur statut de protection). L’arrêté
peut interdire ou limiter certaines activités, et en soumettre d’autres à autorisation. Il ne peut en
aucun cas contraindre un propriétaire à réaliser des actions de gestion.
La protection suit le territoire concerné en quelque main qu’il passe. Cependant il n’y a pas
d’obligation de le faire figurer en annexe du plan local d’urbanisme. Un APPB n’est pas une
servitude d’utilité publique.
L’arrêté de biotope est actuellement une procédure réglementaire rapide pour préserver des
secteurs menacés, moins complexe que la procédure de création d’une réserve naturelle. Cette
procédure est particulièrement adaptée pour faire face à des menaces de destruction ou de
modification sensible d’une zone. Toutefois, l’absence de gestion des sites nécessite que des
moyens complémentaires (acquisition foncière, convention de gestion…) soient envisagés si
nécessaire pour pérenniser l’intérêt écologique des milieux.
•
•
Textes applicables
Articles L. 411-1 et -2 et R.411-15 à -17 du code de l’environnement relatifs à la préservation du patrimoine
biologique
Circulaire n° 90-95 du 27 juillet 1990 relative « à la protection des biotopes nécessaires aux
espèces vivant dans les milieux aquatiques »
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Deuxième partie - Présentation de
l’espèce
1. PRÉSENTATION DE L’ÉCREVISSE À PIEDS BLANCS
1.1. Classification systématique
L'écrevisse à pieds blancs (Austropotamobius pallipes) appartient à l’embranchement des
arthropodes, à la classe des Crustacées et à la famille des Astacidae. Elle n'est pas la seule espèce
autochtone française : sont également présentes sur le territoire, l'écrevisse à pieds rouges (Astacus
astacus) et l'écrevisse des torrents (Austropotamobius torrentium), cette dernière étant très rare.
A ces espèces autochtones s'opposent des espèces exotiques américaines : l'écrevisse "signal" ou
de Californie (Pacifastacus leniusculus, Astacidae), l'écrevisse "américaine" (Orconectes limosus) et
l'écrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii), ces deux dernières appartenant à la famille des
Cambaridae.
1.2. Caractères biologiques
L'aspect général de l’écrevisse à pieds blancs rappelle celui d'un petit homard, le corps est
segmenté et porte une paire d'appendice par segment (voir figure 1). Elle porte 3 paires de « pattes
mâchoires » et 5 paires de « pattes marcheuses », dont les 3 premières paires sont terminées
chacune par une pince, et les 2 autres paires par une griffe. Le corps est généralement long de 8090 mm, pouvant atteindre 120 mm pour un poids de 90g. La coloration est variable selon les
individus. La face dorsale est le plus souvent vert bronze à brun sombre ; la face ventrale est pâle,
notamment au niveau des pinces d'où son nom d'écrevisses à « pieds blancs » ou « pieds blancs ».
L'accouplement a lieu en octobre voire en novembre quand la température de l'eau descend sous
les 10°C. Les œufs sont portés par la femelle. La durée d'incubation dépend de la température de
l'eau et peut s’étaler sur une période de 6 à 9 mois. L'éclosion a lieu au printemps (mi-mai à mijuillet) en fonction de la température de l'eau. La fécondité de cette espèce est très faible avec une
seule production de 20 à 30 œufs par an qui ont un taux d'éclosion très faible.
Leur croissance est elle aussi fortement liée à la température de l'eau. Elle est plutôt lente et se
déroule pendant une période de 13 à 15 semaines par an (en été principalement). Les jeunes
atteignent la maturité sexuelle à l'âge de 2 ou 3 ans quand ils ont une longueur d'environ 5 cm.
Il faut environ 4 ou 5 ans pour que l'écrevisse à pieds blancs atteigne 9 cm. La longévité des adultes
est estimée à 12 ans.
L'écrevisse à pieds blancs est peu active en hiver et en période froide, elle reprend son activité au
printemps. Pendant la journée, elle reste dans son abri et ne se déplace qu'à la tombée de la nuit en
vue de se nourrir. Ses exigences biologiques lui font préférer les eaux fraîches, bien oxygénées.
Elle a généralement un comportement grégaire qui permet d'observer de nombreux individus sur un
territoire restreint. Par contre, au moment de la mue, les individus s'isolent. Il en est de même au
moment de la reproduction où la femelle s'isole pour pondre ses œufs.
La quête de nourriture est son activité essentielle. Elle s’effectue principalement pendant la nuit.
L’écrevisse a un régime alimentaire varié : elle se nourrit principalement de petits invertébrés (vers,
mollusques, phryganes....), mais aussi de larves, têtards de grenouille et petits poissons. Son
alimentation varie en fonction de la saison et de l’âge de l’individu. Les adultes consomment une
part non négligeable de végétaux qui, pendant la période estivale, constituent la majeure partie de
leur régime alimentaire.
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Fig 1 : Vues ventrale, dorsale et latérale de l’écrevisse à pieds blancs
(source : rapport J. Bellanger, 2006)
Légende
Mp : maxilipède
Mx : mandibule
Ml:maxillule
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2. STATUT DE PROTECTION
Conscientes des dangers qui pèsent sur leurs écrevisses indigènes, les autorités françaises et
européennes ont pris des mesures réglementaires visant à la fois à protéger l'habitat, les espèces
autochtones ainsi qu’à gérer les espèces invasives.
2.1. Au niveau international
L’ écrevisse à pieds blancs (Austropotamobius pallipes) est inscrite sur la liste rouge mondiale des
espèces menacées selon l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature et des
Ressources Naturelles). Elle est classée « en danger ».
2.2. Au niveau européen
La Directive 92/43/CEE du 21/05/1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de
la faune et de la flore sauvages prévoit notamment la désignation de Zones Spéciales de
Conservation au sein du réseau Natura 2000 pour la conservation des espèces d’intérêt
communautaire. L'écrevisse à pieds blancs figure dans les annexes II et V de cette directive
communautaire. On compte actuellement 217 sites Natura 2000 en France sur lesquels
Austropotamobius pallipes est recensée.
2.3. Au niveau national
La protection des biotopes des écrevisses est stipulée dans l'arrêté interministériel du 21/07/83,
modifié par l'arrêté du 18/01/2000 relatif à la protection des écrevisses autochtones. Il traite de
l'interdiction d'altérer et de dégrader sciemment les milieux particuliers des écrevisses à pieds
rouges (Astacus astacus) et à pieds blancs (Austropotamobius pallipes). Il soumet à autorisation
l’importation, le transport et la commercialisation de l’écrevisse rouge de Louisiane (Procambarus
clarkii) à l’état vivant.
De plus, une jurisprudence permet de verbaliser, au titre de la loi sur la protection de la nature (Loi
Barnier du 02/02/95), toute destruction de biotopes à écrevisses, même hors d'une zone de
protection délimitée par arrêté préfectoral (CSP DR 5, 2001).
Comme le précise l'article L. 411-3 du code de l'environnement, il est également interdit d'introduire
dans le milieu naturel, volontairement, par négligence ou par imprudence tout spécimen d'une
espèce animale à la fois non indigène au territoire d'introduction et non domestique, dont la liste est
fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et, soit du ministre chargé
de l'agriculture, soit lorsqu'il s'agit d'espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes.
A ces mesures s'ajoutent des mesures réglementaires limitatives pour l'exercice de la pêche. La
durée de pêche est définie aux articles R. 436-10 et suivants du code de l'environnement.
Enfin, l’écrevisse à pieds blancs appartient à la liste rouge des crustacés d'eau douce de France
métropolitaine menacés 2012, sur laquelle elle est classée comme « vulnérable ».
2.4. Au niveau départemental (Val-d'Oise)
Dans le Val-d’Oise, il existe, à ce jour, un seul arrêté préfectoral de protection de biotope qui prend
en considération une population d'écrevisses à pieds blancs. Il s'agit de l'arrêté portant création
d'une zone de protection de biotope du ru de Saint-Lubin en date du 24 février 1999. Il recouvre une
superficie de 5640 m² sur la commune de Frouville.
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A cette mesure localisée s’ajoutent des arrêtés préfectoraux concernant les conditions d'exercice de
la pêche. Ainsi l’arrêté préfectoral du 23 décembre 2013, interdit de façon permanente la pêche de
l’écrevisse à pieds blancs sur l’ensemble du département. L’arrêté du 24 janvier 2013 protège par
ailleurs les frayères et les zones d’alimentation et de croissance de la faune piscicole.
3. RÉPARTITION BIOGÉOGRAPHIQUE DE L’ESPÈCE
3.1. Au niveau européen, national et régional
L'écrevisse à pieds blancs est une espèce originaire de l'Europe de l'Ouest comme le montre la
figure 2. Elle a également une distribution altitudinale élevée puisqu’on peut la rencontrer dans des
ruisseaux montagneux. Elle subsiste surtout dans des cours d’eau de têtes de bassins peu
anthropisés.
Fig 2 : Carte de répartition de l’écrevisse à pieds blancs en Europe
(source : Ecoscience Provence)
En France, l'écrevisse à pieds blancs est l’écrevisse indigène la plus représentée : elle est présente
dans la plupart des départements français, exception faite d'une partie Nord de la France et de la
Bretagne Sud. Encore présente dans la moitié sud du pays, elle peut y être abondante mais dans
des zones restreintes.
En Ile-de-France, l'écrevisse à pieds blancs n’est présente que dans deux départements (source
ONEMA et DDT 95, 2012) : une population dans le département des Yvelines et douze populations
dans le département du Val-d'Oise.
3.2. Au niveau départemental (Val-d'Oise)
Dans le département du Val-d'Oise, douze populations d'écrevisses à pieds blancs sont recensées.
Comme le montre la figure 3, la plupart se trouvent dans le Vexin français à l'exception de deux
populations qui se trouvent sur deux petits cours d'eau se rejetant dans l'Oise, au niveau de sa rive
gauche. Ces deux cours d'eau se trouvent dans la Réserve Naturelle Régionale « Le marais de
Stors ». C'est d’ailleurs dans cette réserve que l'on rencontre la plus belle population d'écrevisses à
pieds blancs avec plus de 200 individus comptés.
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Dans le département du Val d'Oise comme partout en France, l’écrevisse à pieds blancs a vu ses
populations régresser et se réfugier dans des ruisseaux de têtes de bassin. Elles se cantonnent
sur de courts secteurs qui sont disséminés dans le réseau hydrographique. Elles sont
principalement retranchées dans les zones forestières et les secteurs où les pressions anthropiques
sont limitées.
Dans les années 60, les écrevisses pieds blancs avaient un habitat beaucoup plus large
qu'aujourd'hui et leur présence s'étendait de la zone à truite à la zone à barbeau. Ainsi, le glissement
vers une présence réduite aux ruisseaux de têtes de bassin témoigne du caractère refuge des
secteurs aujourd'hui occupés par cette espèce en raison des perturbations subies par les parties
plus aval des systèmes aquatiques.
La carte ci-après indique les principales populations du Val-d'Oise. Il est à noter que des populations
d'écrevisses à pieds blancs sont aussi recensées en limite départementale avec l'Oise sur les têtes
de bassin versant de la Viosne et du Cudron.
● station écrevisse
— cours d'eau
Figure 3 : Cartographie des populations d'écrevisses du Val-d'Oise
(source : DDT-95)
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4. EXIGENCES VIS-À-VIS DES CARACTÉRISTIQUES DU MILIEU
4.1. Habitats, milieux physiques
L'écrevisse à pieds blancs (Austropotamobius pallipes) est une espèce aquatique des eaux douces
pérennes présente aussi bien en plaine qu'en montagne. Elle supporte toutefois une exposition à
l'air de courte durée, qui ne doit pas dépasser plus de 48h. On la trouve dans des cours d'eau au
régime hydraulique varié, et même parfois dans des plans d'eau.
Elle recherche les milieux riches en abris variés la protégeant du courant et des prédateurs. La
présence de caches semble être une caractéristique majeure de l'habitat des sites à écrevisses
(figures 4 et 5). Les écrevisses adultes trouvent refuge sous roches et cailloux alors que les plus
jeunes peuvent être trouvées également le long des berges, dans les radicelles ou au sein de la
végétation aquatique. Les berges constituées de racines ou avec des cavités, les blocs, les galets,
la végétation aquatique et les souches servent d'abri durant le jour. Pour les déplacements
nocturnes, elles préfèrent les graviers, galets et blocs.
En complément de l'hétérogénéité des substrats, les variations de profondeur (0,05 à 0,5 m) et de
largeur (1 à 5 m) sont également importantes. Un minimum de 5 cm de profondeur est requis pour
permettre l'implantation des écrevisses. Certains auteurs signalent que les peuplements les plus
denses d'écrevisses à pieds blancs se situent dans les zones de courant, surtout en ce qui concerne
les juvéniles.
Il est à noter qu'un couvert végétal riverain dense est favorable à ces individus à activité nocturne
qui privilégient les milieux ombragés.
Figure 4 : Habitat sous blocs et cavités pour la population du rû du Vieux Moutiers
ou du rû de l'Abbaye (photo DDT 95 - 2011)
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Figure 5 : Habitat sous blocs, souches et cavités pour la population
du rû de St Lubin. (photo DRIEE – 2011)
4.2. Qualité de l'eau et paramètres physico-chimiques
L'écrevisse à pieds blancs (Austropotamobius pallipes) est surtout observée dans les eaux de bonne
qualité, même si elle peut résister à certaines contraintes chimiques. Les exigences de l'écrevisse à
pieds blancs en terme de qualité d'eau sont les suivantes :
•
•
•
•
•
•
•
•
Température: l'optimum thermique de l'écrevisse se situe entre 8 et 19°C selon les auteurs.
L'activité alimentaire et la mue sont influencées par ce paramètre, au même titre que la croissance
qui se trouve réduite en dessous de 10°C. Une température de 22 °C est fixée comme seuil de
tolérance au-delà duquel des perturbations physiologiques peuvent apparaître.
pH: le développement maximal des écrevisses est atteint pour un pH compris entre 6,2 et 8,5 . Des
valeurs trop extrêmes entraînent une perturbation de la reproduction.
Calcium: c'est un élément discriminant pour le développement de l'écrevisse, notamment pour la
construction de sa carapace. Les concentrations optimales seraient supérieures à 5 mg/L.
Nitrates: L'écrevisse à pieds blancs (Austropotamobius pallipes) est couramment rencontrée dans
les eaux n'excédant pas 6 mg/L de NO3-. son seuil de tolérance maximal se situe vers des taux de
13 mg/L.
Nitrites: l'écrevisse tolère des concentrations inférieures à 0,09 mg/L de ce composé toxique.
Ammonium: comme pour les nitrites, le seuil de tolérance est relativement bas de l’ordre de 0,2
mg/L .
Phosphates: les auteurs placent le seuil de tolérance sous 0,1 mg/L même si des populations ont
été observées parfois à des taux supérieurs.
Oxygène: cette espèce est particulièrement exigeante vis-à-vis de ce paramètre. Une teneur en
oxygène dissous de 7 mg/L (soit 80% de saturation) est annoncée comme une valeur optimale. Un
stress peut être induit à des expositions de plusieurs jours à moins de 5 mg/L. C’est pourquoi les
auteurs s'accordent à dire que l'écrevisse est sensible à des pollutions organiques engendrant de
fortes DBO (Demande Biologique en Oxygène). Néanmoins, il est difficile de définir des valeurs
seuils de qualité de l'eau en dessous desquelles les écrevisses ne peuvent pas survivre.
Le taux d'oxygène peut être perturbé par le colmatage de l'habitat qui constitue une altération de la
fonctionnalité du milieu : lorsque des sédiments fins comme le sable et l'argile se déposent et
s'accumulent, ils empêchent l'eau de circuler dans le substrat et diminuent donc l'oxygénation. Il a
été observé une réduction de la densité des écrevisses dans le cas d'un envasement du milieu. Cela
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est d'autant plus vrai pour les juvéniles qui ont de faibles capacités de déplacement et des besoins
élevés en oxygène.
Avec ses exigences particulières et sa grande sensibilité, l'écrevisse à pieds blancs peut être
considérée comme une espèce bio-indicatrice des têtes de bassin versant en bon état écologique.
Figure 6 : Individu d’écrevisse à pieds blancs – ru de St Lubin
(photo DDT 95)
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Troisième partie - Les menaces qui
pèsent sur l’espèce
1. LES CAUSES DE RARÉFACTION
La pérennité de l’écrevisse à pieds blancs est directement liée à la qualité du cours d’eau où elle vit
qui est dépendante de paramètres physiques, chimiques et biologiques du bassin versant : géologie,
relief, précipitations générant des débits, température, couverture végétale. Elle est également liée
aux activités qui s’exercent au sein du bassin versant.
Selon les activités et surtout la manière dont elles sont pratiquées, de graves menaces peuvent
mettre en péril l’écrevisse à pieds blancs et son habitat. Elles peuvent aboutir à :
• une altération physique du biotope : matières en suspension dans l’eau et envasement,
destruction des berges, recalibrage et curage en rivière, perturbation du régime hydraulique et
thermique ;
• une menace écotoxicologique : variable selon les substances (produits phytosanitaires,
substances eutrophisantes telles que l’azote ou le phosphore) et le mode de contamination
(pollution massive directe, ou chronique plus ou moins indirecte…) ;
• une menace biologique : prolifération des écrevisses d’origine américaine introduites (espèces
concurrentes, prédatrices et pouvant transmettre des maladies), ou de prédateurs exogènes
(par exemple le Rat musqué.
2. L’ACTIVITÉ AGRICOLE
Certaines pratiques agricoles peuvent générer des perturbations sur l’environnement préjudiciables
à l’écrevisse à pieds blancs.
2.1. La gestion de l’eau au sein des parcelles
L’irrigation
Le développent de l’irrigation (figure 7) est accentué par la conjonction d'épisodes climatiques secs
extrêmes de plus en plus fréquents. Cette pratique, même si elle reste globalement faible au niveau
francilien, peut avoir des conséquences localement sur le débit des cours d’eau.
Le drainage
Le drainage agricole peut être une source de pollution du milieu naturel, dans la mesure où il
contribue à déverser dans les cours d’eau des nutriments ou certains traitements phytosanitaires
lessivés. Il a été démontré que la concentration en MES (matières en suspension) des eaux de
drainage était supérieure à celle des eaux de la rivière. De ce fait, les phénomènes de colmatage du
lit des cours d'eau, très dommageables pour l’ écrevisse à pieds blancs, peuvent être accrus.
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Figure 7 : Part de l’irrigation dans la surface agricole utile
(source : Agreste - Mémento agricole 2012 du bassin Seine-Normandie)
2.2. La gestion des intrants
Fertilisation
Les pratiques d’épandage et de fertilisation, si elles ne sont pas maîtrisées, provoquent des rejets
diffus, qui sont la principale source de contamination en milieu agricole. On observe fréquemment
sur les bassins versants agricoles un enrichissement significatif au niveau du phosphore, de l’azote
et de la turbidité.
Pesticides
Les produits phytosanitaires contiennent des molécules de synthèse destinés à lutter contre les
parasites animaux et végétaux des cultures et à détruire les plantes indésirables. L'utilisation des
pesticides peut être à l’origine de pollutions si une quantité non négligeable parvient aux
écosystèmes aquatiques. La proportion de produit pouvant être exportée de la parcelle vers le milieu
aquatique représente généralement une très petite partie de la dose appliquée (le plus souvent
inférieure à 2 % et rarement supérieure à 10%) mais cela peut suffire le plus souvent à engendrer
une contamination significative des ressources en eau. Si on se réfère aux données de l'Institut
Français de l'Environnement, la contamination des eaux de surface et souterraines est préoccupante
: sur 320 pesticides recherchés, 148 ont été retrouvés dans les eaux de surface.
2.3. L’élevage
L’accès du bétail au cours d’eau est source de perturbations multiples. Le broutement et le
piétinement répété des animaux provoquent la disparition ou l’appauvrissement de la végétation
rivulaire et contribuent à l’élargissement du cours d’eau (figure 8). La mise en suspension de
matériaux conduit au colmatage des fonds et dégrade ainsi l’habitat des invertébrés et les frayères.
Les déjections du bétail participent à la dégradation de la qualité physico-chimique et
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bactériologique de l’eau.
Figure 8 : Piétinement d’un cours d’eau par le bétail
(source – rapport J. Bellanger, 2006)
Recommandations
Des infrastructures anti-érosives tels que les zones tampon implantées le long du cours d’eau sont
capitales pour préserver le milieu aquatique. Selon l’Office national de l’eau et des milieux
aquatiques et l’IRSTEA (voir bibliographie), les zones tampons permettent de maîtriser et de limiter
les transferts de contaminants d’origine agricole vers les milieux aquatiques. Le taux d’abattement
de flux de matière en suspension peut atteindre 70 % à 90 % si les largeurs sont appropriées. La
pente, la longueur du versant sont des facteurs-clés. Pour atténuer le transfert de pesticides par
ruissellement, dès que le versant est long (> 100 m), la bande enherbée doit être supérieure à 20
m. Il semble que dans de nombreux cas, une largeur minimale d’une vingtaine de mètres soit
adaptée (figure 9).
Par ailleurs pour préserver la qualité physico-chimique du cours d’eau dans les zones d’élevage,
l’organisation de l’accès du bétail au cours d’eau permet de limiter les perturbations (pose de
clôtures pour protéger la végétation rivulaire, mise en place d’abreuvoirs, etc.).
Pente (%)
Largeur recommandée (m)
de la zone tampon
< 0,5
11 - 22
0,5 - 5
22 - 36
>5
36 - 71
Figure 9 : Définition de la zone tampon pour préserver le milieu
aquatique selon la pente (source : ONEMA-IRSTEA 2016)
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3. L’ACTIVITÉ FORESTIÈRE
L’écrevisse à pieds blancs affectionne particulièrement les petits cours d’eau forestiers. Plus le cours
d’eau est modeste, plus il est sensible aux modifications de la ripisylve et de la forêt à proximité.
Certaines opérations forestières peuvent être dommageables à l’écrevisses à pieds blancs, dans la
mesure où elles modifient les conditions du milieu.
Le traitement chimique
L'emploi d'engrais et de pesticides reste limité en forêt. Cependant lorsque des quantités
importantes de bois sont stockées, les grumes peuvent être soumises à des traitements chimiques,
notamment à des insecticides contenant de la Deltaméthrine. Ce dernier est considéré comme
toxique pour les organismes aquatiques. Il est donc recommandé d’éviter de réaliser ces stockages
à proximité du cours d’eau.
L’artificialisation des peuplements
L’enrésinement consiste à remplacer la forêt d'origine par un peuplement artificiel de résineux. Un
enrésinement des berges et des fonds de vallées provoque une acidification des eaux et des sols
défavorable à la faune. La densité d'invertébrés benthiques sous une ripisylve artificielle constituée
de conifères est deux à quatre fois moindre que celle sous un couvert de feuillu s (source : rapport J.
Bellanger, 2006).
Les plantations de conifères en bordure de cours d'eau sont par ailleurs peu efficaces pour retenir la
berge, à l'inverse des essences poussant naturellement comme les saules, les aulnes, les frênes. Le
système racinaire des résineux n'assure pas une bonne tenue des terrains et l'érosion des berges
aboutit à un élargissement du lit. Une étude comparative (source : rapport J. Bellanger, 2006) a
montré que l’érosion des berges à ripisylve naturelle de feuillus concerne au plus 12 % du linéaire
alors qu’elle peut, pour une ripisylve artificielle d'épicéas, atteindre 30 à 91% du linéaire.
Les plantations de peupliers sont également susceptibles de perturber le milieu favorable aux
écrevisses. Si le pouvoir épurateur ou fixateur de polluants des plantations de peupliers est avéré, il
ressort que le défrichement et le drainage, souvent mis en place conjointement pour optimiser le
rendement des massifs, sont néfastes à la survie des écrevisses à pieds blancs.
La coupe à blanc
Le rôle de la forêt dans la lutte contre l'érosion, notamment dans les secteurs avec un dénivelé
marqué, est reconnu. Des études relatives à l'impact des pratiques forestières sur l'hydrologie des
cours d'eau (source : rapport J. Bellanger, 2006) ont montré une augmentation des débits de pointe
de pluie, ainsi que de leur fréquence, sur des bassins versants forestiers coupés à plus de 50%. La
pratique de coupe rase induit ainsi des risques d'érosion et de glissement de terrain, avec à la clé un
important transport de matériaux parvenant aux cours d'eau. L'apport de particules fines cause des
problèmes de colmatage des fonds.
De plus, la coupe rase d'un peuplement conduit à un relargage non négligeable d'éléments dissous,
notamment du fait de la minéralisation rapide d'une partie de l'humus. Les produits de cette
minéralisation, essentiellement de l'azote sous forme de nitrites et de nitrates, ne sont pas absorbés
et peuvent être lessivés vers les cours d'eau en particulier pendant les premières années qui suivent
la coupe.
Le débardage et le franchissement de cours d'eau
La nécessité de franchir des cours d’eau, pour accéder à la coupe ou circuler sur la coupe, est
fréquente en exploitation forestière. Ces franchissements, s’ils sont pratiqués sans ouvrage adapté,
peuvent provoquer des dégâts irrémédiables sur les écosystèmes aquatiques : pollution des eaux,
dégradation des habitats (berges, fond), perturbation de la faune et de la flore.
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Recommandations
L'activité forestière sur les secteurs fragiles, écologiquement riches et situés majoritairement sur en
tête de bassin versant, est une activité humaine susceptible de perturber le biotope de l’écrevisse à
pieds blancs. Elle peut toutefois s’exercer sous réserve de respecter certains principes :
- éviter les coupes à blanc ;
- éviter les stockages de bois à proximité du cours d’eau ;
- éviter l’artificialisation des peuplements ;
- mettre en place de techniques temporaires de franchissement de cours d’eau adaptées.
Figure 10 : Exemple de pratique forestière adaptée pour le franchissement d’un cours d’eau
(source : Fédération des parcs naturels régionaux de France)
4. LA COMPÉTITION AVEC DES ESPÈCES ALLOCHTONES
L’écrevisse à pied blanc subit la concurrence des écrevisses américaines introduites artificiellement
et pouvant fréquenter les mêmes habitats. Plusieurs auteurs s'accordent à dire que ces espèces
invasives sont moins exigeantes vis-à-vis de la qualité du milieu que les écrevisses indigènes et sont
plus résistantes à la dégradation des biotopes.
Ces espèces introduites présentent généralement un avantage démographique : elles peuvent se
reproduire plus jeunes avec une maturité sexuelle précoce, elles sont plus prolifiques et croissent
plus rapidement. Ainsi il a été observé que les écrevisses à pieds blancs en populations mixtes ne
survivent pas plus de 5 ans, même si l’écrevisse américaine n’est pas porteuse de la « peste de
l’écrevisse ».
Outre leur caractère territorial et agressif, les écrevisses exotiques posent en effet le problème de la
transmission de la « peste de l'écrevisse » causée par un champignon (Aphanomyces astaci). Les
espèces nord-américaines sont résistantes à cette maladie et peuvent être "porteur sain". Elles
participent ainsi à la dissémination de la maladie dans le milieu naturel. Après infestation, les
écrevisses autochtones succombent en quelques semaines.
Enfin, l’écrevisse est également recherchée en tant que nourriture par certains poissons (anguille,
brochet, perche), par des oiseaux ainsi que par la loutre. Il importe de ne pas faire d’introduction
d’espèces. Les repeuplements piscicoles, l’introduction d’espèces comme le rat musqué sont à
proscrire.
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Recommandations
La principale mesure afin d’éviter la destruction des populations d’écrevisses autochtones par des
espèces concurrentes consiste à éviter de les mettre en présence. Ainsi il est recommandé :
- le maintien des seuils naturels ou artificiels qui séparent les populations d’écrevisses à pieds
blancs des populations d’écrevisses américaines ;
- l’interdiction d’introduction d’espèces concurrentes ou prédatrices.
5. L’ANTHROPISATION CROISSANTE DES TÊTES DE BASSINS VERSANTS
La plupart des sites relictuels à écrevisses à pieds blancs se situent sur des bassins versants ruraux
qui s’urbanisent de plus en plus (en particulier dans le Val-d'Oise). La proximité d’activités humaines
peut perturber le biotope de l’écrevisse.
L’assainissement des communes
Lorsque les communes présentent un déficit en assainissement, cela engendre une pollution diffuse.
La présence de l’ écrevisse à pieds blancs doit être un facteur prioritaire quant à la mise en place
d’un plan d’assainissement de ces communes ; il faut également veiller à bien positionner les rejets
de stations d’épuration par rapport à la localisation des populations d’écrevisses .
Les travaux effectués dans le cours d'eau
Les travaux d'aménagement réalisés dans les cours d'eau à l’occasion de la réfection de voiries ou
de franchissements peuvent avoir un impact direct sur le biotope de l’écrevisse à pieds blancs.
Même si des refuges naturels ou artificiels peuvent être installés, cela ne suffit pas toujours à
récupérer les conditions favorables aux écrevisses: leur succès dépend du débit, du substrat et de
leur accessibilité. Cela est d'autant plus complexe que le taux de recolonisation par l’écrevisse à
pieds blancs est très lent.
Le jardinage
En secteur urbanisé, le sol est plus imperméabilisé, les engrais et les produits phytosanitaires
comme les désherbants, les insecticides ou les fongicides utilisés par les particuliers dans leurs
jardins peuvent être entraînés vers la rivière et altérer la qualité de l’eau. Des alternatives existent
pour éviter l’utilisation des produits de synthèse (prédateurs naturels, rotations de cultures, lombricompostage, etc.), qui sera prochainement interdite.
En effet la loi du 6 février 2014, dite loi « Labbé », modifiée par la loi du 22 juillet 2015 relative à la
transition écologique (art. 58), vise à restreindre l’utilisation de produits phytopharmaceutiques dans
le domaine non agricole. Ainsi l’utilisation de produits phytosanitaires sera interdite au 1er janvier
2017 pour l’entretien des espaces verts, forêts et promenades accessibles ou ouverts au public,
ainsi que sur les voiries (sous certaines réserves de sécurité). Pour les particuliers, la vente en libreservice sera interdite au 01 janvier 2017 et l'interdiction d'utilisation entrera en vigueur au 01 janvier
2019.
Recommandations :
- éviter l’artificialisation des berges et des cours d’eau, ainsi que les constructions à proximité
immédiate ;
- s’assurer que les interdictions de traitement à proximité des cours d’eau (5m) sont bien respectées
et mettre en place des zones tampon (cf. § sur les pollutions agricoles) ;
- s’assurer d’un assainissement bien dimensionné et opérationnel.
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Conclusion
La pérennité de l’écrevisse à pieds blancs (Austropotamobius pallipes) est liée à un habitat naturel
hétérogène, une eau de qualité et une absence de polluants. Les sources de perturbations occasionnées par
les différentes activités sont nombreuses. Si aucune mesure de protection n’est prise, les populations
d’écrevisse à pieds blancs pourraient disparaître d’ici 20 ans. C’est pourquoi, il est urgent de préserver les
sites relictuels d’Île-de-France. La prise d’arrêtés de biotope permet de rappeler la réglementation existante
et de stabiliser les pratiques actuelles afin de préserver à la fois le milieu physique, la qualité et la quantité
de la ressource en eau favorables aux écrevisses à pieds blancs.
Eau de bonne qualité,
fraîche et bien oxygénée
Végétation naturelle sur les
berges
Présence de caches sous
les rives
Petit cours d’eau
de tête de bassin,
large
de d’eau
50 decm
à1
Petit cours
tête de
bassin, large de 50 cm à 1m
m et
profond
et profond
de 5 à 50 de
cm 5 à
50 cm
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Bibliographie
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Annexe
Fiche SCAP de l’écrevisse à pieds blancs
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