Le grec ancien au lycée Périer « A quoi sert d’étudier le grec ancien, puisque plus personne ne le parle ? » Etudier le grec ancien est effectivement totalement inutile ! Bien sûr, l’on pourrait rappeler que le grec est le meilleur moyen d’avoir son bac, et avec mention : avec un coefficient 3 à l’oral et une moyenne des notes qui tourne autour de 14/20, c’est la quasi certitude d’avoir au moins douze points d’avance (et sans risques, puisque seuls les points au-dessus de la moyenne sont comptés). Bien sûr, l’on pourrait dire que le grec, outre son intérêt pour l’orthographe française, est LA langue incontournable pour quiconque veut faire des études de médecine. Vous avez des parenchymes ? C’est normal… Vous souffrez d’hypertrichose ? Rassurez-vous : cela signifie simplement que vous êtes poilu ! Cachexie, anaphylaxie, bradycardie, coccygodynie… autant de mots transparents pour un helléniste. Bien sûr, l’on pourrait dire aussi que faire étudier le grec à son enfant est un moyen détourné (mais assez sûr) de le faire figurer dans une « bonne classe » au lycée, et de lui assurer ainsi de travailler dans les meilleures conditions… Mais toutes ces raisons réunies ne sont pourtant pas une raison d’étudier le grec ancien. Le grec ancien ne rapporte pas autant d’argent que le Business English, il n’est pas immédiatement utile. Un tournevis, c’est utile. Un four micro-onde, c’est utile. Et la beauté d’un coucher de soleil, d’un morceau de musique, la saveur d’un met délicieux, le parfum délicat d’une fleur ne sont nullement indispensables à la vie : on peut effectivement vivre sans jamais ouvrir un livre ou écouter de la musique, en ne mangeant que des surgelés… Dans le même ordre d’idée, on peut aller à l’étranger pour commercer et gagner de l’argent. C’est utile… Mais, sinon, à quoi bon visiter des pays étrangers en dehors de toute volonté de s’enrichir ? Quoi de plus inutile que le plaisir de contempler de nouveaux horizons, ou de découvrir d’autres manières de vivre ? Théophile Gautier disait : « Tout ce qui est utile est laid ». Il avait bien raison. Le grec ancien a donc d’abord l’inutilité de la beauté, et c’est cela qui fait tout son prix. La littérature grecque est un monde immense, magnifique et surprenant : la belle violence de l’épopée avec Homère et Hésiode ; l’amère souffrance de la tragédie avec Eschyle, Sophocle et Euripide ; la profondeur de l’analyse historique avec Hérodote et Thucydide ; la réflexion de la philosophie avec Démocrite, Anaxagore, Socrate, Platon, Aristote, Epicure ; la puissance de la parole avec Gorgias, Protagoras, Démosthène, Isocrate, Lysias... Il serait trop long de rappeler tout ce que notre monde doit aux Grecs, toutes ces choses qui nous paraissent si évidentes et qui ont été développées par les Grecs : la démocratie avec Clisthène, les mathématiques avec Pythagore et Thalès, la médecine avec Hippocrate, l’architecture, l’astronomie... L’avantage du grec ancien est aussi d’ouvrir notre esprit, de montrer qu’une langue sert à autre chose qu’à communiquer. Il nous permet de nous extraire de nous-mêmes pour nous regarder comme dans un miroir. Tous ces écrivains qui nous parlent par-delà les siècles ont des choses à nous dire, en ce qu’ils sont à la fois très différents de nous et en même temps très proches. Ils nous permettent de relativiser, de regarder avec un œil nouveau toutes ces choses que nous ne voyons plus parce que nous y sommes trop habitués. Il ne s’agit pas bien sûr de trouver des solutions toutes faites dans un lointain passé : les auteurs grecs ne nous aideront pas à résoudre la crise économique ; mais on trouve dans leurs œuvres une attitude intellectuelle, une manière d’envisager les problèmes et de les exposer qui nous aide à réfléchir et à trouver des solutions. Ce contact avec les auteurs anciens nous confronte ainsi à notre humanité et contribue chez les élèves à la formation de l’homme futur, un homme responsable et intellectuellement ouvert. C’est la raison pour laquelle les études classiques étaient appelées jadis « les humanités ». Les humanités représentent un outil précieux pour forger la capacité de chacun à penser, à critiquer au sens grec du terme, c’est-à-dire à avoir du discernement. C’est en ce sens que l’étude du grec ancien rejoint ce que Socrate appelait la dialectique : non pas un enseignement magistral, mais un dialogue fécond avec des gens venus du fond des âges, un dialogue dans lequel celui qui donne ne s’appauvrit pas, celui qui reçoit s’enrichit, en sorte que cet échange enrichit même celui qui donne. En ce sens l’étude du grec ne doit pas être conçue comme un savoir réservé à une élite, mais comme l’excellence à la portée de tous, comme un droit à l’humanité de chacun. Bon, et comment est-ce que ça fonctionne ? Les cours sont répartis sur trois heures hebdomadaires (et pas forcément entre midi et deux…). Ils seront ouverts cette année aux grands débutants : nul besoin d’avoir fait du grec au collège. Il s’agit d’acquérir en trois ans (ou en deux ans pour les premières ayant déjà fait un peu de grec) le niveau nécessaire pour présenter un texte grec à l’oral, ce qui est tout à fait faisable avec un travail modéré et régulier, de la méthode et de la motivation. 1- Les finalités de l’enseignement de grec ancien : C’est un enseignement de langue et de civilisation ; il permet de : − mieux comprendre notre culture (politique, historique, morale, littéraire et artistique) par la connaissance du monde antique : la littérature française a emprunté histoire, personnages, contextes à l’Antiquité ; − développer l’imagination par la connaissance des mythes, de l’art et de la littérature ; − renforcer la maîtrise du français, grâce à l’enrichissement du vocabulaire et la pratique de la traduction, qui développe la précision et la finesse ; − mieux appréhender le fonctionnement des langues étrangères ; − développer les compétences intellectuelles grâce à la variété des exercices pratiqués. 2- Les activités : − étude de la langue : travail sur le vocabulaire, l’étymologie, la grammaire ; − lecture des œuvres grecques avec la traduction française en regard, afin de ne pas ahaner pendant une heure sur trois vers, mais lire au contraire chaque fois une certaine quantité de texte qui donne la pratique irremplaçable de la langue ; − traduction du grec au français ; comparaison de traductions ; − thème d’imitation : écriture en grec de phrases qui sont des variations sur le texte étudié ; − découverte de la littérature grecque par la lecture de textes traduits en français ; prolongements dans la littérature française ; − questions de commentaire littéraire, recourant à la même méthode qu’en français, ce qui constitue un bon entraînement ; − étude de la civilisation à l’aide de différents supports : textes, mais aussi reproductions d’œuvres d’art (architecture, céramique, sculpture,...), ou d’inscriptions permettant une initiation à l’épigraphie, films documentaires ; − accompagnement de certaines séquences sur Internet : un site personnel est disponible, regroupant tous les cours et donnant un accès aisé à toutes sortes de documents (iconographiques et autres). 3- Les contrôles : − L’essentiel du travail se fait en classe, mais il faut apprendre régulièrement à la maison, notamment pour être prêt lors des devoirs en classe. − Les contrôles sont prévus à l’avance : ils portent sur la langue et la civilisation. De la technique, de la réflexion, de la mémoire sont nécessaires. L’épreuve de grec au baccalauréat À l’oral (option facultative, L, S et ES), l’examinateur interroge sur une liste de textes vus en classe, et demande une traduction partielle (quelques lignes) suivie d’un commentaire global du texte. Traduction et commentaire comptent chacun pour la moitié de la note. Les textes sont accompagnés d’une traduction française en regard ; il s’agit donc pour le candidat de retrouver le sens des mots grecs (longuement étudiés en classe) et de faire une explication de texte (entièrement rédigée et disponible sur le site Internet). Le candidat dispose en outre d’un dictionnaire au moment de passer l’épreuve. Dans de telles conditions, il est aisé d’avoir au moins 15/20… Le coefficient est de 3 pour l’enseignement facultatif : dans ce cas, seuls sont comptés les points dépassant 10/20 (soit 15 points de plus pour une note de 15/20…). Pour comparaison, dans le bac S par exemple, le coefficient du grec est le même que celui de l’histoire, de la LV1 ou de la philosophie. Le programme : Il y a trois objets d’étude au programme en seconde. Voici les suggestions que donnent les instructions officielles : 1. L'homme grec a. Le citoyen Par exemple − − − Aristote, Constitution d'Athènes, LXIII. Isocrate, Aréopagitique, 24-28. Aristophane, Acharniens, 1-60. b. Les activités économiques Par exemple − − − Xénophon, Économique, IV, 2-3 ; VI, 8-10 ; VII, 10 sqq. ; XI, 14-18. Aristote, Politique, III, 3, 2-4 et V, 2, 1-2. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 40. c. Les pratiques religieuses Par exemple − − − − Isocrate, Aréopagitique, 29. Isée, Discours, VIII, 15-19. Pausanias, Périégèse, I. Aristophane, Nuées, 577-586 ; 615-622. Prolongements: Le Moscophore, Musée de l'Acropole. 2. Le monde grec : Regard et discours ethnographique − Homère, Odyssée, 9-12. − Hérodote, Enquête, 1, 2, 4. − Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, I, 10 sqq ; III. − Strabon, Géographie, IV ; XVII. − Arrien, L’Inde, XIV. − Héliodore, Éthiopiques, I. Prolongements : Montaigne, Essais, I, 31, “Les Cannibales” ; III, 6, “Les Coches” ; Diderot, Supplément au voyage de Bougainville ; Lévi-Strauss, Tristes tropiques ; Jacques Lacarrière, En cheminant avec Hérodote. 3. Figures héroïques et mythologiques a. La famille des Labdacides Par exemple - Laïos et Œdipe − Apollodore, Épitomé, III, 5, 8 Lectures complémentaires en traduction : Euripide, Les Phéniciennes. Sophocle, Œdipe-roi, Œdipe à Colone. Représentations graphiques. - Guerre des sept contre Thèbes − Apollodore, Epitomé, III, 6, 3-6. Lectures complémentaires en traduction : Eschyle, Les Sept contre Thèbes. Sophocle, Œdipe à Colone. - Antigone − Apollodore, Épitomé, III, 5, 9 ; III, 7, 1. Lecture complémentaire en traduction : Sophocle, Antigone. Prolongements : − Théâtre moderne : Anouilh, Antigone. Cocteau, La Machine infernale. − Céramique : Œdipe et le Sphinx, stamnos à figures rouges, musée du Louvre. − Peinture : Ingres, Œdipe explique l’énigme du Sphinx, musée du Louvre ; J.-P. Kraft, Œdipe et Antigone et H.-L. Lévy, Œdipe s’exilant, musée d’Orsay. − Sculpture : F.-L. Sicard, Œdipe et le Sphinx, musée d’Orsay ; Gustave Moreau, Œdipe et le Sphinx, Metropolitan Museum ; Tiepolo, Étéocle et Polynice, Kunsthistorisches Museum de Vienne. − Film : Pasolini, Œdipe roi (1967). b. Héraclès Par exemple - L’enfance d’Héraclès − Pindare, Néméennes, I. − Théocrite, Idylles, XXIV. − Apollodore, Épitomé, II, 4, 8-10. Prolongements : − Œuvres antiques latines : Hygin, Fables, 29-36. - Les travaux d’Héraclès − Pindare, Olympiques III. − Théocrite, Idylles, XXV − Apollodore, Épitomé, II, 5, 1-12. − Aristophane, Grenouilles, 38-164. − Euripide, Alceste, 773-802, 1126 à la fin. Lecture complémentaire en traduction : Euripide, Alceste, La Folie d’Héraclès. - La mort d’Héraclès − − Pindare, Néméennes, I. Apollodore, Épitomé, II, 7, 7. − − Sophocle, Les Trachiniennes. Œuvres antiques latines : Hygin, Fables, Herculis Athla, etc. Prolongements : c. Achille Par exemple - L’enfance d’Achille − Pindare, Néméennes, III. − Apollonios de Rhodes, Argonautiques, IV. - La colère d’Achille, la mort d’Hector − Apollodore, Épitomé, IV, 1-8. − Homère, Iliade. - La mort d’Achille − Apollodore, Épitomé, V, 3-5. − Homère, Odyssée, XI et XXIV. − Quintus de Smyrne, La Suite d’Homère, III. Prolongements Œuvres artistiques : Achille sur son char, tiré par ses chevaux Balios et Xanthos et Achille traînant le corps d’Hector ; J. L. David, La Douleur d’Andromaque, musée du Louvre ; Funérailles de Patrocle, Dublin, National Gallery. On pourra travailler également sur d’autres figures, la famille des Atrides, Thésée, Ulysse, etc., par exemple à partir de Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, IV.