Section c) L`exploration oculaire - Département d`information et de

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chapitre 7
L’ŒIL ET LA VISION
c) L’exploration oculaire
. nystagmus, secousse, dérive, vergence
et torsion
. le balayage du regard
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EXERGUE
“Lorsqu’on décrit l’œil,
on le compare souvent à un appareil photo,
mais les aspects les plus intéressants
de la perception
sont justement ceux qui diffèrent
radicalement
de ceux de la caméra”.
Richard-L. GREGORY
psycho-physiologiste britannique
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c) L’EXPLORATION OCULAIRE
Nous avons donné un aperçu des mécanismes physiologiques qui sont à la base de la
perception visuelle. Mais pour lire une image, il faut d’abord porter les yeux sur
elle. Regarder une image, c’est donc, pour ce qui est de l’apparence extérieure au
moins, déplacer les yeux sur le champ de vision. Mais ce déplacement des yeux n’est
pas simple. C’est en réalité l’intrication harmonieuse de plusieurs types de
mouvements qui permettent au regard de balayer l’image. Des mouvements
involontaires et des mouvements conscients sont en cause.
Nystagmus, secousse, dérive, vergence et torsion
Les mouvement involontaires sont nombreux et répondent à deux fonctions
essentielles: celle de permettre à l’image rétinienne de persister (le nystagmus, les
secousses et la dérive) ou de coordonner les deux images pour permettre la vision
binoculaire (mouvements de vergence et de torsion).
Le nystagmus, dit aussi tremor ou tremblement, consiste en un micro-déplacement
réflexe de l’œil (en fait décomposable en deux temps: un mouvement continu dans
un sens et saccadé pour le retour). Ces déplacements ont une amplitude de plus ou
moins une minute d’arc à la fréquence de 50 à 100 fois par seconde. Le nystagmus est
autonome pour chaque œil (contrairement aux saccades qui sont coordonnées): le
nystagmus a pour fonction essentielle de changer continuellement l’emplacement
de l’image lumineuse sur la rétine. De cette manière, l’image focale se déplace
légèrement à chaque mouvement nystagmique et déclenche un certain nombre de
nouveaux récepteurs (30 à 50) qui prennent le relais des cellules déjà déclenchées et
qui sont donc devenues, comme on le sait, inertes pour un moment.
Les saccades involontaires (flicks, disent certains auteurs), que nous appellerons
secousses pour éviter la confusion avec les saccades d’exploration, sont des
déplacements, réflexes eux aussi, entre deux fixations fovéales. Elles ont une
amplitude moyenne de 5 minutes d’arc et se produisent environ une fois par
seconde (en réalité, la fréquence se répartit à l’intérieur d’une fourchette de 30 par
seconde à une à toutes les 5 secondes). Les secousses sont nécessaires pour visionner
le champ visuel. En effet, la vision fovéale n’est que de 2 minutes d’arc et le champ
total, incluant la vision périphérique, totalise près de 210 degrés. Il est donc
nécessaire, pour explorer ce champ en vision précise, de déplacer l’image lumineuse
pour l’amener plage par plage sur la fovea. Cela se fait grâce aux secousses. Les
psycho-physiologistes Riggs et alii (1953) ont démontré -en rendant l’image
lumineuse fixe sur la rétine par un mécanisme approprié- que sans secousse, l’image
rétinienne s’évanouit.
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AMPLITUDE ET FREQUENCE
La présente section mentionne un grand nombre de chiffres qui expriment des
amplitudes et des fréquences auxquelles répond l’œil humain. Nous rappelons ici
les systèmes de référence en question.
Pour décrire l’amplitude de déplacement du regard, on utilise les mesures
habituelles pour mesurer la circonférence: 360° degrés, chacun divisé en 60 minutes,
chacune divisée en 60 secondes. En effet, l’œil pivotant autour d’un axe dont la
pupille serait le centre, on peut imaginer facilement que le faisceau de balayage du
regard correspond à un arc de cercle, qui produit son équivalent à petite échelle sur
la rétine.
Par ailleurs, compte tenu que le temps dont il est question en matière de
mouvements oculaires est très petit, on divise la seconde en 1000 parties; on obtient
donc pour l’évoquer des millièmes de secondes, dits “millisecondes” (symbole:
msec.). On écrit tout aussi bien des fractions simples correspondant à leur valeur en
millisecondes:
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50 msec. 1/20 sec.
100 msec. 1/10 sec.
200 msec. 1/5 sec.
250 msec. 1/4 sec.
500 msec. 1/2 sec.
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La dérive, c’est le glissement progressif et involontaire de l’œil sur le champ visuel.
Avant que se produise un mouvement correctif par une nouvelle saccade, la dérive
peut atteindre une amplitude de plus ou moins 5 minutes d’arc; cinq cycles de dérive
peuvent se produire par seconde. La psycho-physiologiste américaine Ulker
Tuluney-Keesey (1976) affirme que c’est la dérive qui participe le plus à maintenir la
vision.
Tous ces mécanismes ne semblent pas régis par la nature de l’image mais bien plutôt
par la nature de la rétine. Cela est mis en évidence par Boyce (1967) qui a montré que
ni les variations de couleur, ni de brillance n’ont changé les patterns de
déplacement, mais Carifa & Hebbard (1967) ont montré que des variations de
contraste altèrent ces patterns. Toutefois, l’éminent ophtalmologiste chercheur
Tom-N. Cornsweet (1956) a montré que la séquence des saccades pouvait changer
selon la nature du stimulus. Tout cela pour dire qu’il y a une grande différence
entre garder les yeux immobiles et fixer du regard; dans ce dernier cas, afin de voir,
les yeux bougeront involontairement; dans le premier cas, on peut empêcher les
yeux de bouger involontairement, mais alors, infailliblement, l’image virera au flou.
Ce sont les mouvements de vergence (convergence/divergence) qui permettent
-avec le phénomène de l’accomodation cristalline, bien sûr- de conserver les rayons
lumineux exactement sur le plan rétinien. Ce sont des mouvement automatiques,
et pourtant, relativement lents: 1/2 à 3/4 de seconde pour un mouvement de
convergence (plan éloigné à plan rapproché) de l’ordre de 5 degrés d’arc. Ce qui ne
veut pas dire, au contraire, que le mouvement est lent à démarrer (latence faible). Le
mouvement de divergence est encore plus lent, avec accélération progressive pour
un mouvement de longueur croissante. Mais les différences interindividuelles sont
grandes. Ces mouvements de vergence sont supportés par des mouvements de
torsion qui, comme eux, ont pour but de conserver coordonnées les deux images.
Ces mouvements sont réflexes; certains sont automatiques et liés mécaniquement
aux muscles qui orientent l’œil dans une direction donnée, d’autres sont de type
gyroscopique et compensent (jusqu’à 6 degrés d’arc) l’inclination de la tête pour
tenter de conserver l’image perçue “à la verticale”.
Evidemment, il y a aussi la possiblité de mouvements plus ou moins conscients. Le
premier est la saccade, mouvement de déplacements sporadiques de l’ordre de 1/10
de seconde pour une amplitude de 40 degrés d’arc à moins de 1/40 de seconde pour
une amplitude de 5 degrés. Cela représente tout de même 10% du temps de balayage
d’une image, selon la psycho-physiologue française Ariane Levy-Schœn (1969); en
effet, grossièrement, chaque saccade de 1/40 de seconde est suivie d’un fixation de
1/4 de seconde. Ces saccades participent soit d’une réaction réflexe à l’apparition
d’information nouvelle dans le champ périphérique, soit à la correspondance
dérivée d’un élément du champ périphérique avec la Gestalt informationnelle en
voie de structuration. Evidemment, l’initiation du mouvement saccadique exige lui
aussi un certain temps de latence: entre 150 et 300 millisecondes. Mais ce temps
varie: il est plus court -réaction plus vive- pour une direction vers le haut, de même
que vers la droite, mais surtout il est corrélatif à l’éloignement fovéal (dans ce
dernier cas, existe une différence de l’ordre de plus ou moins 40 millisecondes entre
les stimuli selon qu’ils sont à 10 ou 40 degrés du point de fixation). Pendant le temps
de la saccade, se produit un brouillage partiel de la vision.
Le deuxième mouvement conscient est le balayage volontaire continu du champ. Le
regard se déplace habituellement sur un mode saccadique. Il peut être continu dans
le cas où l’objet d’observation se déplace par rapport au regardeur -mais seulement
dans ce cas. C’est ce que l’on appelle poursuite visuelle ou “pistage visuel”. Levy-
Schœn (1969) explique: “La détermination proprement optique du mouvement
oculaire continu est essentielle. En effet, presque tous les auteurs sont d’accord pour
reconnaître la nécessité de la fixation du regard sur un objet, mobile par rapport à la
tête, pour déclencher ce type de mouvement. Il ne peut être obtenu volontairement:
lorsqu’on croit ‘suivre des yeux’ une ligne ou un cercle, le regard procède en fait par
saccades, et ce n’est que si l’on guide le regard en parcourant du doigt cette ligne ou ce
cercle que les yeux décriront un trajet continu.” L’image se regarde obligatoirement
plage par plage, à moins de suivre une “proie” en déplacement.
Le balayage du regard
Tout cela nous amène à la seule question pratique relative à l’exploration oculaire:
existe-t-il un déroulement standard de la séquence de lecture des images? Certains
opposent la lecture imagique à la lecture alphabétique. Celle-ci serait séquentielle,
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