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associe par exemple la sociologie du droit à une « juristique » 19, Henri Rolin à une « science
du droit » 20, Hubert Rottleuthner évoque une « théorie sociologique du droit » 21, … Quant
aux clivages généralement évoqués (sociologie juridique/du droit, empirique/théorique,
matérielle/formelle, dans le droit/sur le droit, …), ils suscitent plus qu’ils ne clôturent le débat
épistémologique 22.
Sans prétendre nullement épuiser ces controverses, la présente étude se veut une
tentative d’apporter des éléments de définition d’une sociologie spécifiquement politique du
droit, de manière à la distinguer non seulement des disciplines voisines, mais aussi de ce
qu’on a pu appeler de manière très générale « les sociologies juridiques » 23.
L’optique étant précisée, deux précautions méthodologiques s’imposent. D’abord, il
ne s’agira évidemment pas de présenter la sociologie politique du droit comme la
« meilleure » discipline, celle qui serait la mieux apte à expliquer le phénomène juridique. Le
choix d’une approche, qu’elle soit philosophique ou sociologique ne se justifie pas
scientifiquement, mais résulte d’une option personnelle elle-même fondée sur des motifs les
plus variés 24. En revanche, nous tenterons de démontrer que, si l’on opte pour la sociologie
politique comme stratégie d’approche, on est amené à assumer un certain nombre de prises de
position qui jalonnent la recherche et qui, comme nous le verrons, sont loin d’être neutres ou
simplement « techniques ». Ensuite, l’étude vise à apporter des éléments de définition, mais
ne prétend pas apporter des réponses infaillibles et définitives. Les éléments sont autant
d’ouvertures à la discussion non seulement auprès de ceux qui mènent des recherches
empiriques, mais aussi des théoriciens spécialistes des autres sciences que nous serons amené
à aborder.
17 Voy. J. Commaille et J.F. Perrin, « Le modèle de Janus de la sociologie du droit », Droit et société, N°1, août 1985, p. 96;
R. Treves, « La sociologie du droit : un débat » in J. Carbonnier, R. Treves et la sociologie du droit. Archéologie
d’une discipline, op.cit., pp. 165 et ss.; E. Jorion, De la sociologie juridique. Etudes de sociologie juridique,
Bruxelles, U.L.B., Ed. de l’Institut de sociologie, 1967, pp. 10 et ss. et, du même auteur, « Nouveaux commentaires
d’une conception originale de la sociologie juridique », Revue de l’Institut de sociologie, 1971, pp. 650 et 657.
18 Voy. p. ex. l’ouvrage de D. Touret, Introduction à la sociologie et à la philosophie du droit. La bio-logique du droit,
Paris, litec, 1995. Les différences entre les deux disciplines ne sont pas distinguées dans le cours de l’étude.
19 Sociologie du droit, Paris, P.U.F., coll. Que sais-je ?, 7ème éd., 1990, pp. 87 et ss.
20 Prolégomènes à la science du droit. Esquisse d’une sociologie juridique, Bruxelles, Bruylant, Paris, Félix Alcan, 1911, p.
1.
21 « Le concept sociologique de droit », R.I.E.J., 1992.29, p. 69.
22 R. Pound, « Sociologie du droit » in G. Gurvitch et W.E. Moore (dir.), La sociologie au XXème siècle. Les grands
problèmes de la sociologie, tome I, Paris, P.U.F., 1947, p. 317. Pour une exposé de l’ensemble de ces distinctions, v.
p. ex. R. Treves, Sociologie du droit, op.cit.
23 J. Commaille, « Esquisse d’analyse des rapports entre droit et sociologie. Les sociologies juridiques », R.I.E.J., 1982-8,
pp. 9 et ss.
24 V. F. Ost et M. van de Kerchove, "De la scène au balcon. D’où vient la science du droit ? » in F. Chazel et J. Commaille
(éds.), Normes juridiques et relations sociales, Paris, L.G.D.J., coll. "Droit et société », 1991, p. 68 et A.J. Arnaud,
"Sociologie et droit. Rapports savants, rapports politiques », même ouvrage, p. 81.