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N° 2 – Février 2009
DOCUMENT PÉDAGOGIQUE
INSTITUT BANCAIRE ET FINANCIER INTERNATIONAL
LA DÉTERMINATION
DES COURS DE CHANGE À TERME
THÉORIE
ACADÉMIQUE VERSUS THÉORIE CAMBISTE
DU CHANGE À TERME
RETOUR
SUR UNE CONTROVERSE ET DÉPASSEMENT
Gilles MORISSON
Innocent M. KOUAO
N°2 – Février 2009
DOCUMENT PÉDAGOGIQUE
INSTITUT BANCAIRE ET FINANCIER INTERNATIONAL
LA DÉTERMINATION
DES COURS DE CHANGE À TERME
THÉORIE ACADÉMIQUE VERSUS THÉORIE CAMBISTE DU CHANGE A TERME
RETOUR SUR UNE CONTROVERSE ET DÉPASSEMENT
Gilles MORISSON
Innocent M. KOUAO
LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE À TERME
THÉORIE ACADÉMIQUE VERSUS THÉORIE CAMBISTE DU CHANGE À TERME
RETOUR SUR UNE CONTROVERSE ET DÉPASSEMENT
Gilles MORISSON
Institut Bancaire et Financier International
Banque de France
Innocent M. KOUAO
Master Banque et Finance
CESAG – Dakar
AVERTISSEMENT
Les idées développées dans ce document n’engagent que leurs auteurs
et n’expriment pas nécessairement la position de la Banque de France
J.M. Keynes est le premier économiste à s’être intéressé dans les années 1920 aux
opérations d’arbitrage de taux d’intérêt couverts en change entre places financières et à la
relation existant entre les cours de change au comptant et à terme. Il a alors proposé une
théorie explicative de la formation des cours de change à terme, dite théorie de la parité des
taux d’intérêt.
Dans les années 1960-1970, cette théorie a donné lieu à de très nombreuses contributions
académiques. Dans le même temps, les praticiens du change ont développé une approche
quelque peu différente de celle des universitaires. P Prissert, de la Banque de France, en est
à l’origine et il a été rejoint par quelques universitaires, dont P. Coulbois de l’Université de
Paris I Panthéon Sorbonne.
Une controverse est ainsi née sur la formation des cours de change à terme et l’équilibre du
marché interbancaire des changes à terme, qui s’est finalement éteinte dans les années
1980, les universitaires campant sur leurs certitudes et les praticiens abandonnant un débat
sans portée pratique pour eux.
Le développement spectaculaire des marchés de produits dérivés depuis le milieu des
années 1980 a semblé rendre totalement obsolète cette controverse.
L’objet de ce document est pourtant de revenir sur cette controverse en la dépassant, et
d’utiliser les instruments d’analyse développés à cette occasion pour comprendre les
mécanismes de la formation des cours à terme fermes et conditionnels sur l’ensemble des
marchés de gré à gré et organisés actuels, aussi bien de change que de taux d’intérêt,
d'actions, d'indices ou de matières premières.
La thèse que nous défendons ici est que la théorie académique de change à terme permet
d’expliquer la formation des prix à terme sur les marchés organisés de produits dérivés,
tandis que la théorie cambiste permet d’interpréter la formation des prix sur les marchés de
gré à gré.
Ces deux approches éclairent les relations d’arbitrage entre les différents prix à terme, qu’ils
soient fermes ou conditionnels, qu’ils se fixent sur les marchés organisés ou de gré à gré.
Réalisation du document : C. Kreckelbergh (IBFI) – Couverture : SIMA
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DOCUMENT PÉDAGOGIQUE
LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME
GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO
N°2 – FÉVRIER 2009
1| INTRODUCTION
Les opérations sèches de change à terme, dites encore opération à terme sec ou « forward
transactions » ou « spot forward transactions », se sont développées sur le marché
interbancaire ou international des changes à la faveur de l’instabilité monétaire née de
l’abandon progressif du système de l’étalon or par les différents pays européens durant les
années 1920-1930. Leur importance s’est ensuite accrue après le retour à la convertibilité
externe des devises européennes en 1959 puis le flottement généralisé des monnaies à
partir de 1972-1973.
J.M. Keynes est le premier économiste à s’être intéressé aux opérations d’arbitrage de taux
d’intérêt couverts en change entre places, à la relation existant entre le cours de change au
comptant et le cours de change à terme et avoir formulé une théorie explicative de la
formation du cours de change à terme, dite théorie de la parité des taux d’intérêt, en 1923
dans son « Tract on Monetary Reform » puis en 1930 dans son « Treatise on money ».
Dans les années 1960-1970 cette théorie a donné lieu à de très nombreuses contributions
d’universitaires, dont celles de J. Spraos, de S. C Tsiang, de P. Einzig, de E. Sohmen, de
R. Z. Aliber, de J. Frenkel, de H. Grubel, de B. Munier, et de P. Dockès sont parmi les plus
représentatives.
Ces auteurs distinguent la forme classique de la théorie du change à terme, fondée sur la
théorie de la parité des taux d’intérêt énoncée par J.M. Keynes, de la forme qualifiée de
moderne, du fait des approfondissements apportés à l’analyse des comportements des
opérateurs, et qu’ils incarnent.
Parallèlement les praticiens du change, ou cambistes, ont développé une approche quelque
peu différente de celle des universitaires. La Banque de France est à l’origine de ces
réflexions puisqu’elles ont été formulées par P. Prissert, alors cambiste, dès 1969 dans
diverses notes internes, des colloques et des articles parus dans des revues d’économie
françaises et étrangères.
Parmi les universitaires qui se sont rangés dans le camp des praticiens figure P. Coulbois,
alors professeur à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, qui a rédigé plusieurs articles
sur ce sujet, seul ou en collaboration avec P. Prissert, et a publié un manuel de finance
internationale consacré au change en 1979, qui expose clairement le fonctionnement du
marché interbancaire des changes au comptant et à terme et les théories explicatives de la
formation du cours à terme en présence.
Une vive controverse est ainsi née entre les partisans de la théorie dite académique ou
universitaire du change à terme et de la théorie dite cambiste du change à terme.
Un colloque organisé à l’Université de Paris I, les 15 et 19 avril 1972, à l’initiative de
P. Coulbois et de R.Z. Aliber de l’Université de Chicago et qui réunissait des universitaires et
des praticiens a tenté, sans grand succès, de concilier ces deux approches divergentes de la
détermination des cours de change à terme.
Au début des années 1980 la controverse s’est finalement éteinte faute de contradicteurs,
les théoriciens campant sur leurs certitudes et les praticiens, dont P. Coulbois, se retirant du
débat. Pour P. Prissert, interrogé, les deux approches ont été renvoyées dos à dos en
l’absence de véritables enjeux ou d’incidences pratiques et en raison du développement de
nouveaux produits de change à terme, et notamment des options, rendant la querelle, en
apparence, obsolète.
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DOCUMENT PÉDAGOGIQUE
LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME
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À l’heure actuelle les ouvrages ou les articles qui traitent des marchés de produits dérivés ne
font que très rarement usage des instruments d’analyse et notamment des diagrammes
développés par les deux approches. La plupart des universitaires, notamment français, dont
par exemple H. Bourguinat ou Y. Simon, qui présentent le fonctionnement du marché
interbancaire des changes au comptant et à terme, continuent à utiliser le schéma
d’ajustement de la théorie académique, mais sans toutefois y faire référence explicitement et
sans en reprendre tout l’appareillage.
Quelques 30 ans plus tard il nous est apparu intéressant de revenir sur cette controverse,
non seulement pour rendre hommage au professeur P. Coulbois et à ses enseignements
universitaires, et à P. Prissert, fondateur de l’approche cambiste à la Banque de France,
mais aussi pour y puiser des éléments de réflexion utiles à la compréhension de la formation
des cours de change à terme ferme et conditionnel sur les marchés de change actuels.
2| LA THÉORIE DE LA PARITÉ DES TAUX D’INTÉRÊT
2|1 PRÉSENTATION DE LA THEORIE
Soient :
St
le cours au comptant d’une unité de devise en monnaie nationale à l’instant t ;
Ft,t+n
le cours à terme d’une unité de devise en monnaie nationale à l’instant t pour
l’échéance t+n ;
it,t+n
le taux d’intérêt sur la monnaie nationale pour la période de t à t+n en % l’an ;
i’t,t+n
le taux d’intérêt sur la devise pour la période de t à t+n en % l’an ;
j
le nombre de jours de valeur de t à t+n.
À l’équilibre il doit être indifférent à un investisseur de placer une somme St en monnaie
nationale au taux d’intérêt it,t+n sur j jours ou de convertir cette somme en une unité de
devise, de la placer au taux i’t,t+n sur j jours et de la revendre simultanément à terme au cours
de Ft,t+n.
Le résultat du placement en monnaie nationale est :
R = St (1 +
it,t+n x j )
36 000
Le résultat du second placement en devise est :
R’ = Ft,t+n x 1 (1 +
i’t,t+n x j
)
36 000
À l’équilibre R’ = R soit :
Ft,t+n x 1 (1 +
i’t,t+n x j
i
x j
) = St (1 + t,t+n
)
36 000
36 000
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LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME
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Si R’ > R :
il est plus intéressant d’emprunter de la monnaie nationale pour acheter des
devises, de les placer et de les revendre simultanément à terme.
Si R’ < R :
il est plus intéressant d’emprunter des devises pour les convertir en monnaie
nationale, de les placer et de les racheter simultanément à terme.
Dans les deux cas il s’agit d’un arbitrage de taux d’intérêt couverts en change. Dans le
premier cas il s’agit d’un arbitrage entrant sur la devise et dans le second cas d’un arbitrage
sortant sur la devise.
2|2 DIFFÉRENTIEL DE CHANGE ET DIFFÉRENTIEL D’INTÉRÊT
À partir de la relation d’équilibre précédente on peut calculer le taux de report (ou de déport)
ou différentiel de change (dc) :
dc =
dc =
F–S
S
F–S
F
=
– S = F –1
S
S
S
S
dc = F – S = 1 + ij / 36000
S
1 + i’j / 36000
–1
dc = F – S = 1 + ij / 36000 – 1 (1 + i’j / 36000)
1 + i’j / 36000
S
dc =
F–S
ij / 36000 – i’j / 36000
=
S
1 + i’j / 36000
= (ij / 36000 – i’j / 36000) x
1
1 + i’j / 36000
À l’équilibre le différentiel de change (dc) est égal au différentiel d’intérêt (di) si l’on néglige le
terme 1 / (1 + i’j / 36000).
On peut donner de cette relation les représentations graphiques utilisées par J.C. Chouraqui ou
H. Bourguinat. Il s’agit de diagrammes à quadrants où sont représentés :
• sur l’axe vertical, le différentiel de change, positif ou négatif ;
• sur l’axe horizontal, le différentiel d’intérêt, positif ou négatif.
La ligne de parité des taux d’intérêt est représentée par la bissectrice des deux quadrants :
• dc > 0 , di > 0 ;
• dc < 0 , di < 0.
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Figure 1 – Ligne de parité des taux d’intérêt
Différentiel de change
dc = F – S > 0 (report)
S
PTI
Ligne de parité des taux
d’intérêt (bissectrice :
lieu de tous les points
où dc = di)
45°
di = i – i’ < 0
di = i – i’ > 0
Différentiel d’intérêt
0
dc = F – S < 0 (déport)
S
Considérons les situations représentées sur la figure 2 ci-après.
Figure 2 – Ligne de parité des taux d’intérêt et mouvements de capitaux
dc > 0
PTI
Arbitrages entrants sur la devise
(sorties de capitaux)
A
dc0
di < 0
E
B
Arbitrages sortants sur la
devise (entrées de capitaux)
•
0
di1 di0
di2
di > 0
dc < 0
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Au point E le différentiel de change dc0 est égal au différentiel d’intérêt di0. Il n’y a pas de
mouvement de capitaux en raison de l’absence d’opportunité d’arbitrage.
Au point A le différentiel de change dc0 est supérieur au différentiel d’intérêt di1, il est donc
intéressant de se porter sur les devises (arbitrage entrant sur la devise).
Au point B le différentiel de change dc0 est inférieur au différentiel d’intérêt di2, il est donc
intéressant de se porter sur la monnaie nationale (arbitrage sortant sur la devise).
Si les frais de l’arbitrage couvert sont supérieurs aux gains de l’arbitrage, il n’y aura pas
d’arbitrage puisqu’il n’est pas profitable. La droite de parité des taux d’intérêt devient alors
une bande dont l’épaisseur dépend des frais de transactions.
Figure 3 – Ligne de parité des taux d’intérêt et bande de non-arbitrage
dc > 0
Ligne de parité des
taux d’intérêt
Sorties de capitaux
0
•
di < 0
di > 0
Entrées de capitaux
Bande de
non-arbitrage
dc < 0
2|3 DÉTERMINATION DES COURS À TERME
On peut tirer de la relation de parité des taux d’intérêt l’expression du cours à terme en
fonction du cours au comptant et des taux d’intérêt prorata temporis.
À l’équilibre :
Ft,t+n = St x
1 + it,t+n x j / 36000
1 + i’t,t+n x j / 36000
Trois cas peuvent se présenter :
• Ft,t+n = St
si
it,t+n = i’t,t+n
situation de parité ;
• Ft,t+n > St
si
it,t+n > i’t,t+n
situation de report ;
• Ft,t+n < St
si
it,t+n < i’t,t+n
situation de déport.
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LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME
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On peut écrire :
Ft,t+n = k x St
La relation entre le cours au comptant St et le cours à terme Ft,t+n, les taux d’intérêt sur les
deux devises et la durée de couverture étant donnés, peut être schématisée sur le
diagramme ci-après.
Figure 4 – Relation entre cours au comptant et cours à terme
Ft,t+n = k x St
Ft,t+n > St ; k > 1
Ft,t+n = St ; k = 1
Ft,t+n < St ; k < 1
F2
Report
F0
Déport
F1
0
•
S0
St
Toute variation du cours au comptant et/ou des taux d’intérêt sur les deux monnaies et/ou de
la durée de couverture modifie le cours à terme d’équilibre.
Si le cours à terme sur le marché à terme ne s’établit pas à son niveau d’équilibre donné par
la parité des taux d’intérêt, les opérateurs vont :
• acheter au comptant et vendre à terme si le cours à terme est supérieur à son cours
d’équilibre, en réalisant ainsi un arbitrage dit « cash and carry » ;
• vendre au comptant et acheter à terme si le cours à terme est inférieur à son cours
d’équilibre, en réalisant ainsi un arbitrage dit « reverse cash and carry ».
3| LA THÉORIE ACADÉMIQUE DU CHANGE A TERME
3|1 LES FONDEMENTS DE L’APPROCHE ACADÉMIQUE
Le point de départ de la théorie académique du change à terme est bien la théorie de la
parité des taux d’intérêt, mais un certain nombre de compléments vont lui être apportés par
les auteurs, dont ceux cités précédemment.
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La plupart des théoriciens estime que cette théorie n’est vérifiée qu’en tendance et qu’en
pratique diverses raisons empêchent la réalisation d’une stricte égalité permanente entre le
différentiel de change et le différentiel d’intérêt.
Pour ces derniers :
•
l’opération d’arbitrage a un coût représenté par l’écart entre les cours acheteur et
vendeur, aussi bien pour les transactions au comptant qu’à terme ;
•
l’arbitragiste n’agit que si le profit réalisé dépasse un certain seuil (de l’ordre de 0,5 % ou
de 1 % selon certains auteurs) ;
•
les fonds disponibles pour réaliser des opérations d’arbitrage sont limités de sorte que
les occasions d’arbitrage profitables ne sont pas toutes exploitées ;
•
il existe enfin une diversité d’actifs financiers et donc une multiplicité de taux d’intérêt sur
les différentes devises ce qui rend difficile la vérification empirique de la théorie.
Un écart entre le différentiel de change et le différentiel d’intérêt peut donc exister, faisant
apparaître un déport ou un report qualifié d’intrinsèque :
• si dc > di
: il apparaît un report intrinsèque égal à la différence dc – di > 0 ;
• si dc < di
: il apparaît un déport intrinsèque égal à la différence dc – di < 0.
Pour la théorie académique, l’existence de cet écart intrinsèque est l’élément essentiel du
processus par lequel le taux de report, ou de déport, va tendre à devenir égal au différentiel
d’intérêt. Les arbitragistes de taux d’intérêt couverts en change vont donc devenir les acteurs
essentiels de l’équilibrage du marché des changes à terme.
De nombreux opérateurs interviennent sur le marché international des changes, aussi les
auteurs procèdent-ils à leur reclassement pour ne laisser apparaître que deux catégories
d’opérateurs :
•
les arbitragistes couverts, intervenant à la fois au comptant et à terme d’une part ;
•
les spéculateurs purs intervenant uniquement à terme d’autre part.
Les arbitragistes de taux d’intérêt non couverts en change et les spéculateurs au comptant
sont considérés comme faisant à la fois un arbitrage couvert et une spéculation à terme. En
effet, l’un et l’autre de ces agents peut être considéré comme effectuant une vente au
comptant, un achat à terme sec et une vente à terme sec. Les deux premières opérations
constituent un arbitrage couvert et la troisième opération une spéculation pure à terme.
Le comportement des spéculateurs purs à terme sec et celui des arbitragistes de taux
d’intérêt couverts en change dépendent d’un certain nombre de paramètres explicités dans
la fonction de spéculation et dans la fonction d’arbitrage construites par les théoriciens.
3|2 LA FONCTION DE SPECULATION
La spéculation est définie par N. Kaldor (1939) comme « l’achat, ou la vente, de biens avec
une intention de revente, ou de rachat, à une date ultérieure quand le motif qui sous-tend
cette action est l’anticipation d’une variation des cours, et non un gain provenant de leur
utilisation, ou d’aucune sorte de transformation faite sur eux ».
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La spéculation consiste à prendre ou à conserver délibérément une position de change
longue ou courte dans l’espoir de réaliser un gain sur la variation (hausse ou baisse)
anticipée ou attendue des cours.
La spéculation est tantôt considérée comme déstabilisante en introduisant le jeu dans
l’activité économique et tantôt reconnue comme indispensable, voire consubstantielle, au
bon fonctionnement, ou au fonctionnement normal, des marchés (apport de liquidités).
Spéculer, au sens latin de « speculare », n’est pas péjoratif, comme cela le deviendra plus
tard au Moyen-Age. Spéculer c’est anticiper ou prévoir ce que sera demain. Le temps est
une variable clef du calcul économique. Il véhicule le changement et par conséquent le
risque. Les agents économiques sont donc obligés de constamment parier sur l’avenir.
Le spéculateur pur espère tirer un profit de la différence entre le cours de change à terme
aujourd’hui pour une échéance future, Ft,t+n, et le cours au comptant anticipé aujourd’hui pour
cette échéance future, S*t,t+n.
Si le cours à terme est inférieur au cours au comptant anticipé, Ft,t+n < S*t,t+n, les spéculateurs
vont prendre une position longue en achetant à terme et attendre l’échéance pour revendre
au comptant plus cher.
Si le cours à terme est supérieur au cours au comptant anticipé, Ft,t+n > S*t,t+n, les
spéculateurs vont prendre une position courte en vendant à terme, attendre l’échéance et
racheter au comptant moins cher.
Si le cours à terme est égal au cours au comptant anticipé, Ft,t+n = S*t,t+n, il n’y a pas de
prise de position spéculative.
La fonction de spéculation (FSP) est donc une fonction décroissante de l’écart entre le cours
à terme et le cours au comptant anticipé, soit :
FSP = ƒ (Ft,t+n – S*t,t+n)
Cette fonction peut être représentée sur un diagramme mettant en relation les cours de
change au comptant et à terme et les positions de change à terme.
Figure 5 – La fonction de spéculation
Cours à terme et au comptant
•
• F > S*
t,t+n
t,t+n
• Ft,t+n = S*t,t+n
Ft,t+n < S*t,t+n •
•
FSP
Vente à terme sec
Position courte (–)
•
V0
•
0
Positions à terme
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•
A0
Achat à terme sec
Position longue (+)
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Cette fonction de spéculation se déplace vers la droite si les anticipations concernant
l’appréciation de la devise par rapport à la monnaie nationale s’améliorent et vers la gauche
dans le cas contraire.
Figure 6 – La fonction de spéculation et ses déplacements
Cours à terme et au comptant
•
Détérioration des anticipations
Amélioration des anticipations
•
FSP1
•
FSP0
FSP2
•
0
Vente à terme sec
Achat à terme sec
Positions à terme
Le cours St,t+n doit être considéré comme la moyenne des probabilités objectives des
spéculateurs sur le futur cours au comptant. Plus la dispersion de ces probabilités est
grande, plus la spéculation est risquée. La pente de la courbe est d’autant plus forte que
l’écart-type de la distribution est grand.
Les fonds disponibles pour la spéculation ne sont pas illimités et le risque pris croît avec les
montants engagés. La fonction de spéculation n’est donc pas linéaire mais présente, selon
les théoriciens, l’allure suivante :
Figure 7 – Formes de la fonction de spéculation
Cours à terme et au comptant
•
Vente à terme sec
Ft,t+n = S*t,t+n
•
0
Achat à terme sec
Positions à terme
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3|3 LA FONCTION D’ARBITRAGE
La fonction d’arbitrage (FAR) est une fonction croissante de la marge d’arbitrage couvert qui
est égale à la différence entre le cours à terme qui s’établit sur le marché à un moment
donné F’t,t+n et le cours d’équilibre donné par la parité des taux d’intérêt :
Ft,t+n = St x
soit :
1 + it,t+n x j / 36000
1 + i’t,t+n x j / 36000
FAR = ƒ (F – F’)
Si F > F’ les arbitragistes couverts vont :
•
•
•
•
emprunter la devise nationale ;
vendre la devise nationale et acheter la devise étrangère au comptant ;
placer la devise étrangère ;
vendre simultanément à terme sec le produit du placement.
Si F < F’ les arbitragistes vont :
•
•
•
•
emprunter la devise étrangère ;
vendre la devise étrangère au comptant contre la devise nationale ;
placer la devise nationale ;
acheter simultanément la devise étrangère à terme.
On peut donner de la fonction d’arbitrage la représentation suivante :
Figure 8 – La fonction d’arbitrage
Cours à terme
FAR
F > F’
Marge d’arbitrage couvert
•
F = F’
F < F’
Achat à terme sec
Position longue (+)
0
Positions à terme
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Vente à terme sec
Position courte (–)
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Selon les auteurs la fonction d’arbitrage peut prendre les diverses formes représentées ciaprès.
Figure 9 – Formes de la fonction d’arbitrage
Cours à terme
FAR2
FAR0
FAR1
Parité des
taux d’intérêt
F = F’
Achat à terme sec
Vente à terme sec
0
Positions à terme
Les fonds disponibles pour les arbitrages ne sont pas illimités et l’élasticité de la fonction
d’arbitrage n’est donc pas infinie. Pour certains auteurs la fonction d’arbitrage se confond sur
une partie de son tracé avec la droite de parité des taux d’intérêt.
3|4 L’ÉQUILIBRE DU MARCHÉ DES CHANGES A TERME
L’équilibre du marché à terme dépend donc du comportement des arbitragistes de taux
d’intérêt couverts en change et des spéculateurs purs à terme. À l’équilibre, l’intersection des
deux courbes se fait au point où :
Ft,t+n = S*t,t+n = St x 1 + it,t+n x j / 36000
1 + i’t,t+n x j / 36000
Figure 10 – Équilibre du marché des changes à terme selon la théorie académique
Cours à terme et au comptant
FAR
•
Parité des taux d’intérêt
F = S* = S (1 + i / 1 + i’)
FSP
Vente à terme (spéculateur)
Achat à terme (arbitragiste)
0
Achat à terme (spéculateur)
Vente à terme (arbitragiste)
Positions à terme
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Le cours à terme correspond à la parité des taux d’intérêt (absence d’arbitrage) et au cours
au comptant anticipé pour le terme (absence de prises de positions spéculatives).
Supposons que les anticipations des spéculateurs se dégradent et que la fonction de
spéculation se déplace vers la gauche, entraînant des ventes à terme sec des spéculateurs
et une baisse du cours à terme de F0 à F1, toutes choses égales par ailleurs.
Figure 11 – Dynamique de l’équilibre du marché des changes à terme
selon la théorie académique
Cours à terme et au comptant
FAR0
F0
•
Parité des taux d’intérêt
•
• F1
•S*1
FSP0
FSP1
Vente à terme (spéculateur)
Achat à terme (arbitragiste)
0
Achat à terme (spéculateur)
Vente à terme (arbitragiste)
Positions à terme
L’apparition d’un report intrinsèque F1 < F0 ou F0 – F1 > 0 conduit les arbitragistes à vendre
au comptant et à acheter à terme sec et donc à se porter contrepartie des ventes à terme
sec des spéculateurs purs au cours F1.
Le cours d’équilibre à terme est donc F1. Les arbitragistes gagnent la marge d’arbitrage
couvert F0 – F1 et les spéculateurs vendent au cours F1 une devise qu’ils espèrent racheter
au comptant à l’échéance à S*1, encaissant ainsi un gain F1 – S*1.
3|5 LES CONCLUSIONS DE LA THEORIE ACADEMIQUE
Les implications de la théorie académique du change à terme sont les suivantes :
•
les ordres à terme sec des spéculateurs sont répercutés sur le marché au comptant par
les arbitragistes couverts, dont les arbitrages sont parfois appelés inversés par les
auteurs ;
•
la spéculation à terme n’a pas d’effet direct sur le marché au comptant, qui est influencé
par les arbitrages couverts déclenchés par l’apparition d’un report ou d’un déport
intrinsèque ;
•
l’équilibre du marché à terme à la parité des taux d’intérêt est exceptionnel. Des marges
d’arbitrage couvert non nulles sont donc nécessaires pour équilibrer le marché à terme ;
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13
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•
le cours à terme a seulement tendance à s’établir à la parité des taux d’intérêt ;
•
les arbitrages couverts influencent à la fin le marché au comptant et celui à terme, en
sens inverse l’un de l’autre.
4| LA THÉORIE CAMBISTE DU CHANGE A TERME
Le point de départ de la théorie cambiste est une critique de la fonction d’arbitrage. En effet,
pour les cambistes, la détermination du cours à terme peut s’expliquer autrement que par le
jeu des arbitrages couverts. Ainsi au lieu de faire intervenir des arbitragistes de taux couverts
en change, qui feraient la contrepartie des ordres à terme sec, elle se contente d’observer la
manière dont, en pratique, les banques traitent les ordres à terme sec de leur clientèle
comme le souligne P. Coulbois.
4|1 LE TRAITEMENT D’UN ORDRE À TERME SEC PAR UNE BANQUE
Pour P. Prissert et P. Coulbois les banques qui reçoivent des ordres de change à terme de la
clientèle opèrent une première compensation entre les ordres de sens opposé libellés dans
les mêmes monnaies et sur une même échéance. Par exemple, un ordre de vente à deux
mois de trois millions de dollars US sera compensé par un ordre d’achat à deux mois de trois
millions de dollars US. Comme il n’est pas généralement possible de marier chaque ordre de
sens opposé libellé dans la même monnaie et de même échéance, il se dégage de cette
compensation une position résiduelle de la banque dans chaque monnaie et pour chaque
date de valeur qui doit être couverte pour éviter de demeurer en risque.
La couverture de la position résiduelle consiste à effectuer immédiatement une opération
inverse sur le marché au comptant. Elle nécessite un aménagement de la trésorerie de la
banque, qui doit emprunter la monnaie à vendre et placer la devise à acheter. Par exemple
lorsqu’un achat à terme de livres sterling à deux mois contre euros donne naissance à un
achat au comptant, la banque doit emprunter des euros pour payer les livres sterling qu’elle
place jusqu’à l’échéance du contrat.
Ces opérations ont un coût représenté par le différentiel d’intérêt entre les placements en
euros et en livres sterling. Ce coût appelé taux de report prorata temporis est répercuté sur
le client.
Le cambiste dispose de deux solutions différentes pour réaménager sa trésorerie et financer
ses opérations :
• il peut effectuer des emprunts secs « en blanc » en monnaie nationale auprès d’autres
banques et prêter de la même façon les devises étrangères acquises. Les prêts et les
emprunts de cette nature sur les devises étrangères ont lieu généralement sur les
marchés monétaires et sur les marchés des euro-devises qui, par leur souplesse, leur
liquidité et l’absence de formalisme qui les caractérisent, se prêtent de façon
particulièrement propice aux transactions de ce genre, comme le souligne P. Coulbois ;
• il peut également recourir au marché des swaps où s’opèrent entre deux mêmes
partenaires des échanges temporaires de monnaies. Cependant le swap n’est possible
qu’entre deux banques ayant reçu des ordres à terme sec de sens opposé, ou entre les
petites banques, qui n’ont pas accès aux euro-marchés, et les grandes banques. Dans le
second cas, la grande banque décompose en fait le swap en un prêt et un emprunt « en
blanc » sur les marchés monétaires ou euro-monétaires concernés.
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Pour aménager la trésorerie, quelle que soit la solution retenue en pratique par la banque, la
monnaie vendue à terme sec par le client est empruntée par la banque pour être vendue au
comptant, et la monnaie achetée à terme sec par le client est placée après son achat au
comptant par la banque. Il y a donc une tendance à la hausse des taux d’intérêt sur la devise
vendue à terme et une tendance à la baisse des taux d’intérêt sur la monnaie achetée, cette
évolution se répercutant évidemment sur le taux de swap et sur le cours à terme pratiqué à
la clientèle.
4|2 LA FONCTION D’ARBITRAGE ET SES LIMITES : LES PSEUDO-ARBITRAGES DES BANQUES
L’analyse du traitement des ordres à terme sec par les banques montre que ce sont en fait
celles-ci qui agissent comme des arbitragistes. En effet, lorsqu’une banque reçoit un ordre
de vente à terme sec de dollars contre euros, elle procède implicitement à un arbitrage
sortant sur le dollar comme suit :
• elle emprunte du dollar ;
• elle vend le dollar emprunté contre l’euro au comptant, pour se couvrir ;
• et elle place l’euro reçu de la vente du dollar.
Ainsi, la banque vend sur le marché au comptant du dollar contre de l’euro et achète à terme
du dollar contre l’euro à son client, réalisant ainsi un arbitrage inversé comme celui décrit par
la théorie académique.
Mais à la différence des théoriciens, les banques ne justifient pas ces opérations par
l’apparition d’un report ou d’un déport intrinsèque. Elles les font de façon automatique et à la
parité des taux d’intérêt. Cette pratique n’est donc pas de l’arbitrage, mais plutôt comme
l’affirme P. Prissert, un pseudo-arbitrage. En effet la rémunération des banques provient non
pas de l’existence de reports ou de déports intrinsèques mais de l’écart entre les cours
acheteur et vendeur appliqués aussi bien au comptant qu’à terme sur un marché gouverné
par les prix ou de « market maker ».
Tout cela conduit les cambistes à nier l’existence d’une « fonction d’arbitrage » au sens
mathématique, puisque le comportement des banques traitant les ordres à terme sec n’est
en rien déterminé par l’existence d’un écart intrinsèque.
La détermination du cours appliqué à la clientèle résulte du calcul fait par le cambiste en
fonction du différentiel d’intérêt et des marges que la concurrence entre banques, ainsi que
la qualité de la signature du client, lui font considérer comme opportunes, ainsi que le
souligne P. Coulbois.
4|3 LA FONCTION DE SPÉCULATION
La théorie cambiste, comme la théorie académique, utilise la même fonction de spéculation
pour déterminer l’équilibre du marché des changes à terme. Mais l’interprétation qu’elle
donne de cette fonction est quelque peu différente.
En effet, tout mouvement spéculatif ne donne pas forcément lieu à un écart intrinsèque,
d’autant plus qu’il existe des arbitrages qui limitent l’ampleur de l’écart effectif entre le
différentiel d’intérêt et le taux de report ou de déport. Ces arbitrages sont utilisés par les
professionnels pour faire le lien entre le marché des prêts-emprunts en blanc et celui du
swap.
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Cependant, on ne peut nier l’existence de report ou de déport intrinsèque en période
spéculative, mais contrairement à ce qu’affirme la théorie académique, ceux-ci sont
simplement dus aux imperfections inévitables des anticipations de certains opérateurs, et ne
constituent pas l’élément essentiel du mécanisme de rééquilibrage du marché à terme.
La spéculation ne trouve pas son origine uniquement dans les ordres à terme sec de la
clientèle. Certaines banques, qualifiées d’actives sur le marché interbancaire des changes,
prennent délibérément des positions de change sans ordres préalables de la clientèle. En
effet, ces banques, sans cesse à la recherche de profit, prennent des positions à l’intérieur
de la journée (« intra-day ») à la hausse ou à la baisse en fonction de leurs anticipations sur
l’évolution des cours de change et des taux d’intérêt.
Cette situation a conduit les spécialistes à faire la distinction entre les opérations de la
clientèle et celles de la banque elle-même. Ainsi a-t-on pu constater que la majeure partie
des opérations de change sont le fait des banques. Celles-ci sont tenues d’intervenir
continuellement sur le marché et de suivre en temps réel son évolution afin de connaître les
tendances à très court terme pour conseiller leurs clients et puisqu’elles sont « market
maker ».
S’agissant de la formulation mathématique et de la représentation graphique de la fonction
de spéculation, la théorie cambiste ne s’écarte pas de la théorie académique. La fonction de
spéculation demeure une fonction décroissante de l’écart entre le cours à terme Ft,t+n et le
cours au comptant anticipé pour le terme S*t,t+n.
4|4 L’ÉQUILIBRE DU MARCHÉ DES CHANGES À TERME
La pratique cambiste réhabilite la théorie de la parité des taux d’intérêt et montre que la
contrepartie des ordres à terme sec est constituée par les banques et qu’il n’est nul besoin
d’un report ou d’un déport intrinsèque pour inciter ces dernières à faire l’opération,
puisqu’elles se rémunèrent en cotant un cours acheteur et un cours vendeur.
Ainsi, pour les cambistes, la détermination du cours à terme se fait toujours à la parité des
taux d’intérêt. Le cours de change d’équilibre est obtenu à l’intersection de la courbe de
spéculation et de la droite de parité des taux d’intérêt (figure 12).
Figure 12 – Équilibre du marché des changes à terme selon la théorie cambiste
Cours à terme et au comptant
•
PTI
FSP
Vente à terme (spéculateurs)
Position courte ( – )
•
0
Achat à terme (spéculateurs)
Position longue ( + )
Positions à terme
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Une analyse dynamique de la figure précédente montre que la courbe représentant la
fonction de spéculation se déplace, en cas d’afflux d’ordres à terme sec.
Elle se déplace vers le bas, si la monnaie concernée fait face à une vague de ventes
spéculatives (figure 13), et vers le haut dans le cas contraire.
Figure 13 – Dynamique de l’équilibre du marché des changes à terme
selon la théorie cambiste
Cours à terme et au comptant
•
Ft,t+n = S*t,t+n
PTI0
•
PTI1
FSP0
Vente à terme (spéculateurs)
Position courte (–)
•
0
Positions à terme
FSP1
Achat à terme (spéculateurs)
Position longue (+)
En cas de vente spéculative massive à terme de leur clientèle par exemple, les banques se
couvrent en vendant au comptant les ordres à terme excédentaires, ce qui a pour
conséquence de faire baisser le cours au comptant et varier le différentiel d’intérêt suite à
l’augmentation du taux d’intérêt sur la devise empruntée et à la baisse du taux d’intérêt sur la
monnaie nationale prêtée. La ligne de parité de taux d’intérêt se déplace donc vers le bas et
un nouvel équilibre s’établit sans qu’apparaisse de déport intrinsèque.
L’ajustement du marché à terme est donc réalisé par la couverture au comptant, par les
banques, de la quantité excédentaire vendue à terme par les spéculateurs.
L’absence de déport ou de report intrinsèque, donc d’arbitrage au sens académique du
terme, suscite une interrogation : comment les banques se rémunèrent-elles ?
Les banques se rémunèrent simplement par l’application d’un cours acheteur au client, tant
au comptant qu’à terme. Comme le soulignent P. Coulbois et P. Prissert, peut-on imaginer
une banque refusant un ordre à terme sec de sa clientèle, sous prétexte que l’arbitrage
auquel l’obligerait cette opération ne serait pas rentable ?
4|5 LES CONCLUSIONS DE LA THÉORIE CAMBISTE DU CHANGE A TERME
Pour P. Coulbois et P. Prissert, l’élaboration de la théorie cambiste part de l’observation du
traitement des ordres à terme sec par les banques. L’interprétation qui en découle donne lieu
à des conclusions qui contredisent la théorie académique du change à terme :
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• les mouvements à terme sec d’une certaine importance influencent le différentiel d’intérêt,
et par là, le cours à terme. Tout achat spéculatif se traduit graphiquement par un
déplacement de la courbe de spéculation vers le bas qui s’accompagne d’un abaissement
de la ligne de parité des taux. Ce réajustement permet donc de définir un nouvel
équilibre ;
• la fonction d’arbitrage au sens de la théorie académique n’existe pas, d’autant plus que
les interventions des banques face aux ordres à terme sec ne sont pas suscitées par un
quelconque déport ou report intrinsèque, mais se font plutôt automatiquement ;
• le cours de change à terme se détermine toujours à la parité des taux d’intérêt, ce qui
signifie que la ligne de parité est dynamique ;
• les taux de report, ou de déport, peuvent ne pas correspondre aux différentiels d’intérêt
dans le cas où les arbitragistes prennent en considération des types de placements
autres que ceux qui déterminent les taux directeurs des banques (taux des eurodevises)
ou lorsque les cambistes font des erreurs d’anticipation lors d’une spéculation intense.
5| LES TENTATIVES DE CONCILIATION ET LEUR ECHEC : LE COLLOQUE DE 1972
5|1 LA PERSISTANCE DES DÉSACCORDS
Le colloque de Paris d’avril 1972 avait pour objectif de confronter les conceptions
divergentes des universitaires d’une part et des praticiens des changes d’autre part sur les
mécanismes de fonctionnement du marché interbancaire des changes à terme. De cette
confrontation s’est dégagé un consensus timide sur certains aspects du change à terme,
mais les opinions sont restées opposées quant aux arbitrages couverts, principal enjeu du
débat.
Les discussions ont donc abouti à un certain rapprochement des points de vue en ce qui
concerne les incidences des opérations à terme, sèches ou liées, sur le marché au
comptant. En effet, les praticiens et les universitaires ont fini par s’accorder à reconnaître
qu’en définitive le cours à terme, le cours au comptant et les taux d’intérêt des deux
monnaies en cause étaient tous affectés par les opérations des banques faisant suite à la
réception d’ordres à terme excédentaires.
Cependant, les interprétations cambistes et académiques diffèrent quant à l’enchaînement
des phénomènes : pour les théoriciens, c’est la marge à terme (ou déport) qui est d’abord
modifiée alors que pour les praticiens, c’est le différentiel d’intérêt.
Cette divergence n’est pas négligeable pour P. Coulbois car l’équilibre total du marché
n’étant en pratique jamais réalisé, il importe de savoir comment les différentes variables se
situent les unes par rapport aux autres à un moment donné. Par ailleurs, les éventuelles
interventions à terme des banques centrales dépendent de la façon dont les événements se
déroulent dans la réalité.
Il est malheureusement peu probable que le problème puisse recevoir un jour une solution
certaine. De plus, tant d’influences diverses s’exercent sur les marchés à tout moment qu’il
serait illusoire de chercher dans l’observation chiffrée la confirmation de l’une ou l’autre des
deux thèses en présence, comme le souligne P. Coulbois.
Les désaccords persistent donc entre les deux écoles sur l’arbitrage couvert.
18
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La théorie académique définit l’arbitrage couvert comme étant la conséquence de l’apparition
d’un déport ou d’un report intrinsèque sur le marché des changes. Cette analyse de
l’arbitrage couvert fait intervenir deux opérateurs essentiels : les spéculateurs d’une part et
les arbitragistes d’autre part.
Pourtant, sur le marché, la contrepartie d’un arbitrage couvert peut être une opération non
spéculative comme le font remarquer P. Coulbois et P. Prissert. En effet, les opérateurs
commerciaux (traders) qui se couvrent à terme donnent à leur banque un ordre sec, mais ils
le font pour fermer leur position de change ouverte par les transactions commerciales et non
pour prendre une position. Cette attitude est donc contraire à la spéculation même si, sur le
marché, leurs opérations ont le même impact que les opérations purement spéculatives. Il
reste alors à s’interroger sur les conséquences pratiques de l’introduction des « traders »
dans l’analyse de l’incidence des arbitrages couverts.
Selon l’interprétation académique, les opérations commerciales affectent à la fois les cours
au comptant et à terme, suscitant ainsi des contreparties d’origine commerciale : des
importateurs ou des exportateurs sont incités à se porter acheteurs ou vendeurs, tant au
comptant qu’à terme, parce qu’ils jugent avantageux les cours cotés suite à l’arbitrage. Il n’y
a donc plus de mystère dans l’identification de la contrepartie des opérations d’arbitrage.
Les cambistes rejettent cette thèse et estiment que l’incidence de l’arbitrage couvert sur le
cours au comptant est postulée au départ du raisonnement. En effet, aucun d’entre eux ne
conteste qu’une hausse du cours au comptant de l’euro par rapport au dollar puisse stimuler
les exportations américaines vers l’Europe et freiner les importations en provenance de
l’Union Européenne, pour autant que cette variation soit assez importante, les mouvements
de marchandises assez élastiques par rapport aux prix et les délais de réaction assez
rapides. Toutefois, imputer la hausse de l’euro à un arbitrage couvert entrant serait poser
comme hypothèse initiale le phénomène à démontrer, comme le souligne P. Coulbois.
La complexité du problème suffit sans doute à expliquer pourquoi les deux thèses en
présence n’ont pu se rapprocher à propos des arbitrages couverts, au contraire de ce qui
semble s’être passé pour l’interprétation des opérations à terme sec.
Au total, le colloque de 1972 à Paris sur le change à terme a répondu aux attentes des
initiateurs puisqu’il a permis la confrontation des conceptions divergentes des universitaires
d’une part, et des praticiens du change d’autre part. Mais reste à savoir s’il a été
effectivement fructueux et permis un rapprochement des thèses en présence et un
approfondissement de la connaissance des mécanismes du marché interbancaire ou
international des changes.
5|2 UNE TENTATIVE DE CONCILIATION ET SES LIMITES
La réponse à cette préoccupation semble se retrouver dans la synthèse du colloque
présentée par J. Spraos. Ce dernier met l’accent sur l’attitude du système bancaire à l’égard
du marché du terme, lorsque celui-ci se trouve déséquilibré par des ordres excédentaires à
l’achat ou à la vente. En reprenant une variante de la fonction d’arbitrage qui présente une
zone dite d’indifférence où la courbe d’arbitrage et la droite de parité des taux d’intérêt se
confondent, il distingue deux aspects différents du comportement des banques lorsque
celles-ci reçoivent des ordres à terme sec, selon qu’elles se situent dans cette zone
d’indifférence ou non.
En effet, dans cette zone, les banques acceptent de modifier la répartition de leurs
portefeuilles-devises sous l’effet des ordres à terme de la clientèle sans exiger l’existence
d’un report intrinsèque. Les deux théories se rejoignent donc dans la zone d’indifférence.
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Toutefois, à partir d’un certain degré de déséquilibre du marché à terme, le système
bancaire dans son ensemble n’est plus indifférent à la répartition de ses avoirs et exige dès
lors, de la part des donneurs d’ordre, le paiement d’un report intrinsèque qui, s’ajoutant au
taux de report normal, rémunère la banque d’une répartition indésirable de son portefeuille
consécutive à l’afflux d’ordres à terme de la clientèle.
A l’extérieur de la zone d’indifférence, la marché s’ajuste dans des conditions beaucoup plus
proches de celles de la théorie classique selon J. Spraos.
Une telle analyse est pour les universitaires l’un des moyens d’intégrer le schéma cambiste à
la théorie générale du marché et cela dans les limites de la « zone d’indifférence ».
Figure 14 – Equilibre du marché des changes à terme selon J. Spraos
Cours à terme et au comptant
FSP1
FSP0
FAR
•
Vente à terme (spéculateurs)
Achat à terme (banques)
Zone d’indifférence
Achat à terme (spéculateurs)
Vente à terme (banques)
Positions à terme
À l’intérieur de la zone d’indifférence, les universitaires semblent accepter l’ensemble du
« schéma cambiste ». Mais comme le souligne P. Prissert, cela suppose qu’ils acceptent
toutes les implications qu’il comporte quant aux mécanismes d’ajustement du marché à
savoir :
• les opérations d’arbitrage que la théorie académique désigne comme l’élément unique
d’ajustement du marché sont en réalité de pseudo-arbitrages, en ce sens que les
opérations de couverture et de financement par les banques des ordres excédentaires à
terme sont la conséquence automatique desdits ordres, et que les banques ne peuvent
s’y soustraire ;
• les pseudo-arbitragistes que sont les banques ne sont pas responsables de l’impact des
ordres à terme sur les cours au comptant, contrairement à l’idée reçue des théoriciens.
Une telle responsabilité doit être attribuée entièrement aux opérateurs à terme initiaux
que sont les spéculateurs, et non à ces instruments techniques et mécaniques de la
liaison permanente entre marché à terme et marché au comptant par les banques ;
20
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• l’ajustement automatique du marché par les banques exclut l’existence d’une fonction
d’arbitrage ou d’un seuil de profit d’arbitrage ;
• le taux de report entre deux monnaies s’établit en permanence à la parité des taux
d’intérêt pratiqués entre les banques sur le marché international des trésoreries
bancaires, ces taux étant eux-mêmes influencés de façon plus ou moins importante par
les opérations de change à terme ;
• l’existence d’un « taux de report intrinsèque » n’est nullement nécessaire à l’équilibre du
marché ; son apparition éventuelle est extrêmement rare et tout à fait accidentelle au
niveau de ces « pseudo-arbitragistes » que sont les banques.
5|3 L’EXTINCTION DE LA CONTROVERSE
Après le colloque de 1972, aucune autre réunion de ce type n’a eu lieu sur ce sujet et
chacun est resté sur ses positions, les rapprochements observés n’étant le fait que de
quelques protagonistes.
La controverse s’est progressivement éteinte, les universitaires conservant leur approche de
l’ajustement des cours à terme et au comptant, et les cambistes abandonnant le débat.
Deux raisons majeures expliquent cette évolution :
• la première raison est, comme le souligne P. Prissert, l’absence de portée pratique de la
controverse. Les cambistes ont continué à travailler comme ils l’avaient toujours fait et
leur effort pour théoriser leur pratique était purement intellectuel et sans conséquence
pour l’action ;
• la seconde raison est la transformation rapide des opérations de change à terme. À côté
du marché interbancaire des changes sont apparus des marchés à terme organisés de
change et de nouveaux instruments financiers à terme, ou produits dérivés, qui offrent
d’autres moyens de gérer les risques liés aux fluctuations erratiques des cours de change
et de profiter de la variabilité des taux de change (spéculation) ou de différences
anormales entre les cours (arbitrage).
TRANSFORMATION DES MARCHES ET LES NOUVELLES RELATIONS D’ÉQUILIBRE
COMPTANT-TERME
6| LA
6|1 LA TRANSFORMATION DES MARCHES
S’inspirant des principes et des pratique développés depuis le milieu du 19ème siècle sur les
marchés à terme de matières premières, l’International Monetary Market (IMM) du Chicago
Mercantile Exchange (CME) a lancé les premiers contrats à terme (future) sur devises dans
les années 1970 à l’instigation de Léo Melamed, alors président du CME, et de Milton
Friedman alors professeur à l’université de Chicago. Des contrats sur devises sont ensuite
apparus sur d’autres marchés à terme d’instruments financiers comme le LIFFE (London
International Financial Future Exchange) à Londres. Il en existe à présent sur les principales
places financières.
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Dans les années 1980 ont été créés les premiers contrats d’options sur devises, puis
d’options sur contrats futures sur devises, sur les marchés à terme organisés américains
principalement. Ces options sont exerçables à tout moment et les contrats d’options sont
négociables jusqu’à l’échéance.
Par la suite, le marché interbancaire des changes a proposé, lui aussi, des options
classiques sur devises ainsi que des options dites exotiques, des « caps », des « floors »,
des « collars », et aussi d’autres produits dérivés et des dérivés de dérivés (swaptions). Les
transactions se déroulent ici sur un marché de gré à gré (OTC : « over the counter »), c’està-dire de « market-makers ». Les options de change comme les futures de change peuvent
servir aussi bien à se prémunir contre une variation adverse des cours de change qu’à en
profiter en prenant des positions spéculatives.
L’enquête triennale sur l’activité du marché des changes et des marchés de produits dérivés
OTC publiée par la Banque des Règlements Internationaux (BRI) en septembre 2007 estime
le montant journalier moyen des transactions sur le marché international des changes à
3210 milliards USD qui se répartissent comme suit :
Tableau 1 : Montants journaliers moyens des transactions
(milliards USD)
•
2001
2004
Transactions au comptant
387
621
1 005
Transaction à terme sec
131
208
362
Swaps cambistes
655
944
1 714
27
107
129
1 200
1 880
3 210
7
21
80
Options
60
117
212
Autres
1
2
1
68
140
293
1 268
2 020
3 503
Opérations de change OTC
Ajustement statistique
Total
•
Produits dérivés OTC
Swaps de devises
Total
•
2007
Total
Au premier trimestre 2004 le volume des transactions sur les marchés organisés de change
s’est établi à 2 000 milliards de USD soit environ 31 milliards de USD en moyenne
journalière.
22
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Le marché interbancaire des changes est donc beaucoup plus important que les marchés
organisés de change en termes d’activité journalière moyenne et d’encours notionnel sur
instruments dérivés.
Nous sommes ainsi passés de la notion de marché des changes, entendu comme le marché
interbancaire ou international des changes, à celle de marchés de change regroupant les
marchés de gré à gré et organisés de change.
La structure actuelle des marchés de change peut être schématisée comme ci-après.
Figure 15 – Structure des marchés de change
J
●
J+1
●
J+2 J+3
●
●
J+30
J+360
●
●
Spot
OTC
3 ans
●
5 / 10 ans
●
échéance
Forward (terme sec)
Swaps cambistes ou de trésorerie
Options
Caps – Floors - Collars
Swaps de couverture
Swaps de taux d’intérêt et de change
Options de swap – Swaptions
Organisés (contrats)
Futures
Options
Options sur Futures
•
date
d’engagement
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6|2 LES NOUVELLES RELATIONS D’ÉQUILIBRE COMPTANT-TERME ET TERME-TERME
6|2.1 Les principales relations d’équilibre
Le développement des opérations fermes à terme sur les contrats sur devises et des
opérations conditionnelles à terme sur les options sur devises a fait apparaître de nouvelles
relations d’équilibre entre les cours au comptant et les différents cours à terme et entre les
différents cours à terme eux-mêmes.
Il existe six relations principales qui peuvent être schématisées comme ci-après.
Figure 16 – Relations entre les cours au comptant et à terme
Cours au comptant
S
•
(1)
(2)
(3)
Cours ferme à terme
(forward)
Fw •
• Fu
(4)
(5)
Cours ferme à terme
(future)
(6)
•
O
Cours conditionnel à terme
(option)
Il existe 3 relations d’équilibre comptant-terme :
• la relation (1) entre le cours au comptant S et le cours à terme sec Fw ou forward, déjà
longuement analysée puisque étant au centre de la controverse ;
• la relation (2) entre le cours au comptant S et le cours à terme des contrats Fu ;
• la relation (3) entre le cours au comptant S et celui des options O.
Il existe 3 relations d’équilibre terme-terme :
• la relation (4) entre le cours à terme sec Fw et le cours future Fu ;
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• la relation (5) entre le cours à terme sec Fw et celui des options O ;
• la relation (6) entre le cours future Fu et celui des options O.
6|2.2 La relation comptant-terme sec (forward)
La théorie cambiste du change à terme est la seule qui soit cohérente avec la pratique du
marché interbancaire ou international des changes. Elle décrit de façon précise
l’enchaînement des opérations et la manière dont les banques répercutent les ordres de la
clientèle sur les marchés au comptant et de prêt-emprunt des devises et calculent le prix de
revient de ces opérations en se rémunérant sur l’écart entre les prix acheteur et vendeur.
La droite de parité des taux d’intérêt n’est pas fixe, comme le professe l’approche
académique, mais se déplace en fonction des modifications du cours au comptant et des
taux d’intérêt qui font varier le montant du report ou du déport.
Le cours à terme sec ne se forme pas indépendamment du cours au comptant et des taux
d’intérêt sur les devises. Il résulte d’un calcul fait par les banques à partir de ces 3 éléments.
En conséquence, le marché à terme n’existe pas en tant que tel et le marché au comptant et
à terme n’en forment qu’un seul.
Considérons une situation où le taux d’intérêt sur la devise est supérieur au taux d’intérêt sur
la monnaie nationale et où l’on assiste à des ventes sèches à terme de devises contre
monnaie nationale. Cela va se traduire par des emprunts de devises et des placements de
monnaie nationale, une variation des taux d’intérêt et un accroissement du déport initial de d0
à d1 sur les diagrammes ci-après.
Figure 17 – Dynamique de l’équilibre des marchés de taux d’intérêt
domestique et étranger
idev
inat
S0
S0
S1
i’1
i’0
d0
D0
D1
i0
d1
i1
D0
Emprunts de devises
Qdev
Placements en monnaie nationale
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Qnat
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La baisse du cours au comptant et l’augmentation du déport font baisser le cours à terme à
due concurrence.
Figure 18 – Dynamique de la relation entre cours au comptant et cours à terme
Fw
Parité Fw = S
Fw0 = k0 S0
déport
Fw0
Ventes à terme
Fw1 = k1 S1
déport
Fw1
0
S1
S
S0
Ventes spot
Le « market-maker » propose en permanence un cours acheteur et un cours vendeur des
devises sur lesquels travaillent les contreparties. L’équilibre du marché OTC peut donc se
schématiser à l’aide de la figure 19.
Figure 19 – « Market-maker » et équilibre du marché OTC
Taux de change
Offre du marché
Cours vendeur
eV
Cours acheteur
eA
Offre du market-maker
Ecart
•
Demande du market-maker
Demande du marché
0
26
QC
QN
Quantité de devises
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Les cours acheteur et vendeur sont proposés pour des quantités normales (QN) de devises
(5 millions USD). Au-delà le « market-maker » peut élargir l’écart entre les cours ou le
« spread ».
En cas de vente importante de devises le « market-maker » va modifier ses prix d’achat et
de vente en les ajustant à la baisse jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre soit trouvé comme
l’indique la figure 20.
Figure 20 – « Market-maker » et dynamique de l’équilibre du marché OTC
Taux de change
SM0
SM1
SMM0
eV0
eA0
●
DMM0
SMM1
eV1
●
eA1
DMM1
DM0
0
Q0
Q1
Quantité de devises
S’agissant des arbitrages comptant-terme, la théorie cambiste nie l’existence d’une fonction
spécifique d’arbitrage qui, avec la fonction de spéculation, déterminerait l’équilibre sur le
marché à terme. Ce sont les banques qui se portent contrepartie des ordres à terme et non
une catégorie mythique d’opérateurs, les arbitragistes de taux d’intérêt couverts en
change, comme le souligne P. Coulbois.
L’approche cambiste ne nie cependant pas l’existence d’arbitrage comptant-terme mais en
donne une interprétation différente.
Supposons qu’il existe un écart positif (report intrinsèque) entre le cours à terme coté par un
« market-maker » Fw1 et le cours à terme tel qu’il résulte de la parité des taux d’intérêt Fw0.
Un arbitrage est donc possible. L’arbitragiste, qui est en l’espèce un autre « market-maker »,
va donc acheter la devise au comptant et la porter jusqu’au terme, ce qui lui revient à Fw0, et
la revendre simultanément à terme au « market-maker » à Fw1. Le « market-maker » va,
quant à lui, couvrir cette opération en vendant la devise au comptant et en finançant
l’opération, ce qui lui rapporte Fw0.
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Marchés
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Dépôt
Comptant
Forward
DEV
NAT
Arbitragiste
ADEV – VNAT
PDEV
ENAT
VDEV - ANAT
Market maker
VDEV – ANAT
EDEV
PNAT
ADEV - VNAT
Prix de revient
S0
CC0
Fw1
Fw0
Achat (A) – Vente (V) – Prêt (P) – Emprunt (E) – Devise (DEV) – Monnaie nationale (NAT)
L’arbitragiste gagne ce que perd le « market-maker » soit Fw1 – Fw0.
Le « market-maker » va donc ajuster son cours à terme pour le faire coïncider avec la PTI
soit Fw0.
Au total, le cours au comptant de la devise en monnaie nationale n’a pas varié de même que
les taux d’intérêt puisque l’arbitragiste et le « market-maker » ont fait des opérations de sens
inverse sur chacun des marchés, qui se neutralisent l’une l’autre.
On peut schématiser cette situation à l’aide de la figure 21.
Figure 21 – Fonction d’arbitrage et équilibre du marché à terme
Cours à terme
FAR
Fw1
•
MM
•Fw
PTI
0
0
Vente de l’arbitragiste
Achat du market-maker
Positions à terme sec
6|2.3 La relation comptant-future
La seconde relation (2) doit être identique à la première (1) dans la mesure où il n’y a pas de
différence dans les modes de calcul du cours à terme sec et du cours à terme sur les
contrats futures.
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La même formule peut être utilisée pour calculer le cours à terme d’un contrat future, soit :
i x j
36 000 )
Fut,t+n = St, t+n (
i’ x j
1+
36 000
où j représente le nombre de jours jusqu’à l’échéance du contrat.
1+
Le marché des contrats est un marché gouverné par les ordres et les opérateurs y sont
spécifiques.
Le mode de formation du cours à terme sur le marché des contrats futures diffère donc de
celui du cours à terme sec sur le marché interbancaire et l’analyse académique redevient ici
pertinente puisque les marchés au comptant et à terme sont distincts.
Les arbitragistes assurent bien le pont entre le marché des contrats futures et le marché
interbancaire au comptant.
La fonction d’arbitrage retrouve tout son sens et permet, avec la fonction de spéculation, de
déterminer le cours à terme d’équilibre sur le marché des contrats futures.
Ainsi, face à une augmentation des achats à terme par les spéculateurs, le cours à terme sur
le marché des futures va s’apprécier pour inciter les arbitragistes à se porter contrepartie.
Comme le marché interbancaire au comptant et le marché à terme sont distincts le cours au
comptant ne réagit pas dans un premier temps, faisant apparaître un report intrinsèque.
Les arbitragistes couvrent leurs ventes à terme par des achats au comptant qui font monter
le cours au comptant et se déplacer vers le haut la droite de parité des taux d’intérêt comme
l’indique la figure 22.
Figure 22 – Équilibre du marché à terme des contrats futures
Fu
FAR0
●
Fu1
PTI1
•
Fu •
PTI0
0
FSP1
FSP0
0
Q
Achat à terme des spéculateurs
Vente à terme des arbitragistes
Positions à terme
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Le cours à terme passe de Fu0 à Fu1, la ligne de parité des taux d’intérêt de PTI0 à PTI1 et
l’axe vertical des cours est translaté à droite de 0Q où s’établit le nouvel équilibre du marché
après arbitrage.
6|2.4 La relation comptant-option
Le droit d’acheter (call) une devise 1 contre une devise 2 doit être équivalent au droit de
vendre (put) la devise 2 contre la devise 1.
Le call EUR/USD de prix d’exercice PE = 1,25 USD et de prime PC = 0,01 USD est le droit
d’acheter 1 EUR contre 1,25 USD moyennant le paiement immédiat d’une prime de
0,01 USD.
On peut écrire :
PE = 1 EUR = 1,25 USD
PE = 1,25 (1 / 1,25) EUR = 1,25 USD
Le call EUR/USD de prix d’exercice PE = 1,25 USD est équivalent au droit de vendre
1,25 USD contre 1,25 (1 / 1,25) EUR , c'est-à-dire 1,25 fois un put USD/EUR de prix
d’exercice PE = 1/1,25 EUR = 0,80 EUR, dont la prime PP est en EUR.
A l’équilibre :
PCEUR/USD x PE = SEUR/USD PE x PPUSD/EUR x (1 / PE)
Symétriquement :
PPEUR/USD x PE = SEUR/USD PE x PCUSD/EUR x (1 / PE)
Nous pouvons illustrer la première relation par un exemple. Soient les données suivantes :
Call EUR/USD
Put USD/EUR
PE = 1,25 USD
PC = 0,01 USD
PE = 0,80 EUR
Sachant que le cours au comptant s’établit à 1 EUR = 1,30 USD, la prime d’équilibre du put
USD/EUR doit être égale à :
PPUSD/EUR = (PCEUR/USD x PE)
PPUSD/EUR = (PCEUR/USD
SEUR/USD x PE x (1 / PE)
SEUR/USD) x (1 / PE) = (PCEUR/USD
SEUR/USD) x PE
PPUSD/EUR = (0,01 / 1,30) x 1,25 = 0,00615 EUR
ou en USD : 0,00615 x 1,30 = 0,0080 USD
Si la cotation du put USD/EUR est supérieure à 0,00615 EUR, soit par exemple 0,0070 EUR,
l’arbitragiste a intérêt à vendre un put à 0,0070 EUR et acheter un call à 0,01 USD dans la
proportion de 1 call pour 1,25 put puisque :
0,01 USD < 1,30 USD x 1,25 x 0,0070 EUR
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0,0100 USD < 0,011375 USD
Prime versée
Prime reçue
Si la cotation du put EUR/USD est inférieure à 0,006115 EUR, soit par exemple 0,0059 EUR,
l’arbitragiste a intérêt à acheter un put à 0,0059 EUR et à vendre un call à 0,0100 USD dans
la proportion de 1 call pour 1,25 put puisque :
0,0100 USD > 1,30 USD x 1,25 x 0,0059 EUR
0,0100 USD < 0,0096 USD
Prime reçue
Prime versée
Dans la première hypothèse, l’arbitrage provoque :
• une baisse des cours de EUR/USD suite à la vente sèche au comptant ;
• une diminution de la prime du put suite à la vente de put ;
• une augmentation de la prime du call suite à l’achat de call.
Dans la deuxième hypothèse l’arbitrage provoque :
• une hausse du cours de EUR/USD suite à l’achat sec au comptant ;
• une augmentation de la prime du put suite à l’achat de put ;
• une diminution de la prime du call suite à la vente de call.
Figure 23 – Arbitrage comptant-option et équilibre du marché au comptant
Cours au comptant
S2
●
PC2 = S2 x PE x PP2
S0
•
S
•
Parité
PC0 = S0 x PE x PP0
1
PC1 = S1 x PE x PP1
FSP2
FSP0
FSP1
Vente sèche des arbitragistes 0
Achat sec des arbitragistes
Positions au comptant
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Les ventes sèches consécutives à l’arbitrage entraînent un déplacement vers la gauche de
la fonction de spéculation et un nouvel équilibre en S1 après le retour à la parité call – put.
Les achats secs consécutifs à l’arbitrage entraînent un déplacement vers la droite de la
fonction de spéculation et un nouvel équilibre en S2 après le retour à la parité call – put.
6|2.5 La relation forward-future
Pour une même échéance, on doit avoir l’égalité suivante :
Fut,t+n = Fwt,t+n
Toute différence entre Fw et Fu pour une même échéance (mensuelle ou trimestrielle)
génère un arbitrage qui rétablit l’égalité des deux cours (aux coûts de transaction et au
spread de prix près).
Figure 24 – Gains et pertes sur des positions fermes à terme
Gains
+
Achat forward
Fu0 – Fw0
0
Gain d’arbitrage
•
•
Fw0
•
•
Cours à terme
Fu0
Vente future
−
Pertes
Si le cours à terme sec Fw0 est inférieur au cours future Fu0 pour une même échéance, les
arbitragistes achèteront un forward (prise d’une position longue) et vendront un future (prise
de position courte) simultanément, dégageant un gain d’arbitrage certain. Sous l’effet des
arbitrages, les cours convergent jusqu’à ce que Fu = Fw.
Le déplacement vers la droite de la fonction de spéculation fait monter le cours du future de
Fu0 à Fu1, qui devient supérieur à Fw0. Les arbitragistes vont donc acheter à terme sec ce
qu’ils viennent de vendre sur le marché des futures.
L’achat de devises à terme sec par les arbitragistes aux « market-makers » s’apparente à
une opération de spéculation qui entraîne le déplacement de FSP0 à FSP2 de la fonction de
spéculation.
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Il génère des achats au comptant de la part des « market-makers » conduisant à une
hausse du cours au comptant des devises, une modification des taux d’intérêt sur les deux
monnaies et donc du report ou du déport, et partant du cours à terme sec qui augmente
jusqu’à Fw1 = Fu1 où il n’y a plus d’arbitrage.
Figure 25 – Équilibre simultané des marchés à terme « forward » et « future »
Fu
Fw
FAR
Fu1
•
Fu0
Fw0
Fw1 = Fu1
PTI0
•
FSP1
FSP0
0
FSP0
Q1
0
Achat spéculateur
Vente arbitragiste
arbitrage
PTI1
FSP1
Q1
Vente market-maker
Achat arbitragiste
Future
Forward
6|2.6 La relation option-future-forward
La combinaison d’un achat (vente) de call et d’une vente (achat) de put de même prix
d’exercice et de même échéance équivaut à un achat (vente) à terme synthétique et donc à
une prise de position longue (courte) à terme.
Figure 26 – Achat à terme synthétique
Gains
Achat call
Vente put
+ 20
•
80
0
•
95 100
• •
115 120
Cours de change
- 15
Achat à terme synthétique
Pertes
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La figure 25 représente la combinaison d’un achat de call et d’une vente de put de PE = 100
et de primes PC = 15 et PP = 20.
Lorsque le prix de l’actif sous-jacent vaut 80, les gains sur le put sont nuls (point mort du put)
et la perte est de 15 sur le call.
Lorsque le prix de l’actif sous-jacent vaut 115 (point mort du call), les gains sont nuls sur le
call et de 20 sur le put.
Lorsque le prix de l’actif sous-jacent vaut le prix d’exercice, le gain est de 20 sur le put et la
perte de 15 sur le call soit un gain net de 5.
Au total, la combinaison des deux options équivaut à un achat à terme synthétique au prix de
95, qui correspond au prix d’exercice augmenté de la prime de call et diminué de la prime du
put.
Prix d’achat à terme synthétique = Prix d’exercice + Prime du call – Prime du put.
Il convient de tenir compte également du coût financier des primes ou, en l’espèce, de la
différence des primes sur la période. A l’équilibre, le cours à terme sec, ou forward, sur le
marché interbancaire ou le cours à terme sur le marché des futures doit être égal au cours à
terme synthétique augmenté des intérêts prorata temporis sur la différence des primes, soit :
Fw = Fu = Fs = PE + ( PC – PP ) ( 1 + ij / 36000 )
PC – PP =
Fw – PE
1 + ij / 36 000
A l’équilibre la différence des primes est égale à la différence actualisée entre le prix à terme
et le prix d’exercice.
Toute différence entre Fs et Fw ou Fu génère un arbitrage dont l’impact sur les marchés de
change dépend de la nature du marché de gré à gré ou organisé.
Figure 27 – Arbitrage et équilibre du marché organisé des options
Cours à terme
FAR
Fs > Fw, Fu
•
Fu = Fw = Fs
parité des cours
Fs < Fu, Fw
Achat à terme synthétique
Vente à terme sec
34
•
0 Vente à terme synthétique
Achat à terme sec
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Dans le cas d’un achat à terme synthétique et d’une vente à terme sec on assiste à des
achats de call (hausse de la prime), à des ventes de put (baisse de la prime) et à des ventes
à terme (baisse des cours au comptant et à terme).
Figure 28 – Arbitrage et dynamique de l’équilibre du marché organisé des options
Fu, Fw, Fs
FAR0
•
E
•
Fw0 = Fs0 = Fu0
PTI0
•
Fw1 = Fu1 = Fs1
PTI1
FSP0
FSP1
•
0
Positions à terme
L’apparition d’un écart intrinsèque entre Fw et Fs suite à un déplacement de la fonction de
spéculation vers la gauche génère des arbitrages entre le marché des options et le marché
interbancaire au comptant qui modifient les prix sur chacun des marchés jusqu’à un nouvel
équilibre en E sur la figure 28.
Figure 29 – Arbitrage et dynamique de l’équilibre du marché OTC des options
Cours à terme
FAR0
•
Fw0 = Fs0
PTI0
•
Fs1 < Fw0 = Fs0
•
0
Achat à terme synthétique (arbitragiste)
Vente à terme synthétique (market maker)
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Le « market-maker » qui cote Fs1 n’est pas au prix et un arbitragiste peut en profiter. A
l’issue de l’opération, l’arbitragiste a gagné Fw0 – Fs1 tandis que le « market-maker », qui a
perdu Fw0 – Fs1, ajuste son prix à la hausse.
7| CONCLUSION
La controverse entre les universitaires et les cambistes à propos de la relation entre le cours
de change à terme et le cours de change au comptant et la manière dont s’équilibre le
marché à terme des devises (forward) n’a pas été inutile car elle a permis à chaque camp
d’affiner ses analyses.
Toutefois, il est dommage qu’aucune réconciliation des deux approches n’ait été possible, la
plupart des théoriciens déniant, non sans morgue, aux cambistes la capacité à théoriser leur
pratique.
Les universitaires ont donc rejeté dans leur grande majorité l’approche développée par les
cambistes alors que cette dernière est la seule qui soit cohérente avec le fonctionnement
quotidien du marché interbancaire des changes.
A l’heure actuelle, seuls quelques universitaires l’ont adoptée, dont A. Cartapanis,
J.M. Dalbarade ou D. Plihon, mais tous les outils analytiques développés, tant par les
praticiens que par les théoriciens, ont disparu des manuels traitant du change et plus aucun
auteur ne fait encore référence à cette controverse.
Le développement de nouveaux produits de gestion du risque de change, comme les
contrats futures ou les options, ne rend pas pour autant caduques les analyses déjà menées.
L’approche cambiste demeure adaptée à la détermination de l’équilibre sur le marché
interbancaire ou OTC, alors que l’approche académique retrouve son sens pour expliquer le
processus d’équilibrage des marchés organisés de change.
Les deux approches sont donc complémentaires pour décrire la manière dont les différents
marchés, au comptant et à terme, OTC et organisés, s’influencent réciproquement et
comment se déterminent les cours d’équilibre sur chacun d’eux.
Par ailleurs, les outils analytiques développés à cette occasion peuvent être utilisés pour
expliquer la formation des cours à terme sur les marchés des autres produits dérivés (taux
d’intérêt, indices boursiers, actions, matières premières), élargissant ainsi leur portée.
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