N° 2 – Février 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE INSTITUT BANCAIRE ET FINANCIER INTERNATIONAL LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE À TERME THÉORIE ACADÉMIQUE VERSUS THÉORIE CAMBISTE DU CHANGE À TERME RETOUR SUR UNE CONTROVERSE ET DÉPASSEMENT Gilles MORISSON Innocent M. KOUAO N°2 – Février 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE INSTITUT BANCAIRE ET FINANCIER INTERNATIONAL LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE À TERME THÉORIE ACADÉMIQUE VERSUS THÉORIE CAMBISTE DU CHANGE A TERME RETOUR SUR UNE CONTROVERSE ET DÉPASSEMENT Gilles MORISSON Innocent M. KOUAO LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE À TERME THÉORIE ACADÉMIQUE VERSUS THÉORIE CAMBISTE DU CHANGE À TERME RETOUR SUR UNE CONTROVERSE ET DÉPASSEMENT Gilles MORISSON Institut Bancaire et Financier International Banque de France Innocent M. KOUAO Master Banque et Finance CESAG – Dakar AVERTISSEMENT Les idées développées dans ce document n’engagent que leurs auteurs et n’expriment pas nécessairement la position de la Banque de France J.M. Keynes est le premier économiste à s’être intéressé dans les années 1920 aux opérations d’arbitrage de taux d’intérêt couverts en change entre places financières et à la relation existant entre les cours de change au comptant et à terme. Il a alors proposé une théorie explicative de la formation des cours de change à terme, dite théorie de la parité des taux d’intérêt. Dans les années 1960-1970, cette théorie a donné lieu à de très nombreuses contributions académiques. Dans le même temps, les praticiens du change ont développé une approche quelque peu différente de celle des universitaires. P Prissert, de la Banque de France, en est à l’origine et il a été rejoint par quelques universitaires, dont P. Coulbois de l’Université de Paris I Panthéon Sorbonne. Une controverse est ainsi née sur la formation des cours de change à terme et l’équilibre du marché interbancaire des changes à terme, qui s’est finalement éteinte dans les années 1980, les universitaires campant sur leurs certitudes et les praticiens abandonnant un débat sans portée pratique pour eux. Le développement spectaculaire des marchés de produits dérivés depuis le milieu des années 1980 a semblé rendre totalement obsolète cette controverse. L’objet de ce document est pourtant de revenir sur cette controverse en la dépassant, et d’utiliser les instruments d’analyse développés à cette occasion pour comprendre les mécanismes de la formation des cours à terme fermes et conditionnels sur l’ensemble des marchés de gré à gré et organisés actuels, aussi bien de change que de taux d’intérêt, d'actions, d'indices ou de matières premières. La thèse que nous défendons ici est que la théorie académique de change à terme permet d’expliquer la formation des prix à terme sur les marchés organisés de produits dérivés, tandis que la théorie cambiste permet d’interpréter la formation des prix sur les marchés de gré à gré. Ces deux approches éclairent les relations d’arbitrage entre les différents prix à terme, qu’ils soient fermes ou conditionnels, qu’ils se fixent sur les marchés organisés ou de gré à gré. Réalisation du document : C. Kreckelbergh (IBFI) – Couverture : SIMA BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International 1 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO N°2 – FÉVRIER 2009 1| INTRODUCTION Les opérations sèches de change à terme, dites encore opération à terme sec ou « forward transactions » ou « spot forward transactions », se sont développées sur le marché interbancaire ou international des changes à la faveur de l’instabilité monétaire née de l’abandon progressif du système de l’étalon or par les différents pays européens durant les années 1920-1930. Leur importance s’est ensuite accrue après le retour à la convertibilité externe des devises européennes en 1959 puis le flottement généralisé des monnaies à partir de 1972-1973. J.M. Keynes est le premier économiste à s’être intéressé aux opérations d’arbitrage de taux d’intérêt couverts en change entre places, à la relation existant entre le cours de change au comptant et le cours de change à terme et avoir formulé une théorie explicative de la formation du cours de change à terme, dite théorie de la parité des taux d’intérêt, en 1923 dans son « Tract on Monetary Reform » puis en 1930 dans son « Treatise on money ». Dans les années 1960-1970 cette théorie a donné lieu à de très nombreuses contributions d’universitaires, dont celles de J. Spraos, de S. C Tsiang, de P. Einzig, de E. Sohmen, de R. Z. Aliber, de J. Frenkel, de H. Grubel, de B. Munier, et de P. Dockès sont parmi les plus représentatives. Ces auteurs distinguent la forme classique de la théorie du change à terme, fondée sur la théorie de la parité des taux d’intérêt énoncée par J.M. Keynes, de la forme qualifiée de moderne, du fait des approfondissements apportés à l’analyse des comportements des opérateurs, et qu’ils incarnent. Parallèlement les praticiens du change, ou cambistes, ont développé une approche quelque peu différente de celle des universitaires. La Banque de France est à l’origine de ces réflexions puisqu’elles ont été formulées par P. Prissert, alors cambiste, dès 1969 dans diverses notes internes, des colloques et des articles parus dans des revues d’économie françaises et étrangères. Parmi les universitaires qui se sont rangés dans le camp des praticiens figure P. Coulbois, alors professeur à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, qui a rédigé plusieurs articles sur ce sujet, seul ou en collaboration avec P. Prissert, et a publié un manuel de finance internationale consacré au change en 1979, qui expose clairement le fonctionnement du marché interbancaire des changes au comptant et à terme et les théories explicatives de la formation du cours à terme en présence. Une vive controverse est ainsi née entre les partisans de la théorie dite académique ou universitaire du change à terme et de la théorie dite cambiste du change à terme. Un colloque organisé à l’Université de Paris I, les 15 et 19 avril 1972, à l’initiative de P. Coulbois et de R.Z. Aliber de l’Université de Chicago et qui réunissait des universitaires et des praticiens a tenté, sans grand succès, de concilier ces deux approches divergentes de la détermination des cours de change à terme. Au début des années 1980 la controverse s’est finalement éteinte faute de contradicteurs, les théoriciens campant sur leurs certitudes et les praticiens, dont P. Coulbois, se retirant du débat. Pour P. Prissert, interrogé, les deux approches ont été renvoyées dos à dos en l’absence de véritables enjeux ou d’incidences pratiques et en raison du développement de nouveaux produits de change à terme, et notamment des options, rendant la querelle, en apparence, obsolète. 2 Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO À l’heure actuelle les ouvrages ou les articles qui traitent des marchés de produits dérivés ne font que très rarement usage des instruments d’analyse et notamment des diagrammes développés par les deux approches. La plupart des universitaires, notamment français, dont par exemple H. Bourguinat ou Y. Simon, qui présentent le fonctionnement du marché interbancaire des changes au comptant et à terme, continuent à utiliser le schéma d’ajustement de la théorie académique, mais sans toutefois y faire référence explicitement et sans en reprendre tout l’appareillage. Quelques 30 ans plus tard il nous est apparu intéressant de revenir sur cette controverse, non seulement pour rendre hommage au professeur P. Coulbois et à ses enseignements universitaires, et à P. Prissert, fondateur de l’approche cambiste à la Banque de France, mais aussi pour y puiser des éléments de réflexion utiles à la compréhension de la formation des cours de change à terme ferme et conditionnel sur les marchés de change actuels. 2| LA THÉORIE DE LA PARITÉ DES TAUX D’INTÉRÊT 2|1 PRÉSENTATION DE LA THEORIE Soient : St le cours au comptant d’une unité de devise en monnaie nationale à l’instant t ; Ft,t+n le cours à terme d’une unité de devise en monnaie nationale à l’instant t pour l’échéance t+n ; it,t+n le taux d’intérêt sur la monnaie nationale pour la période de t à t+n en % l’an ; i’t,t+n le taux d’intérêt sur la devise pour la période de t à t+n en % l’an ; j le nombre de jours de valeur de t à t+n. À l’équilibre il doit être indifférent à un investisseur de placer une somme St en monnaie nationale au taux d’intérêt it,t+n sur j jours ou de convertir cette somme en une unité de devise, de la placer au taux i’t,t+n sur j jours et de la revendre simultanément à terme au cours de Ft,t+n. Le résultat du placement en monnaie nationale est : R = St (1 + it,t+n x j ) 36 000 Le résultat du second placement en devise est : R’ = Ft,t+n x 1 (1 + i’t,t+n x j ) 36 000 À l’équilibre R’ = R soit : Ft,t+n x 1 (1 + i’t,t+n x j i x j ) = St (1 + t,t+n ) 36 000 36 000 BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International 3 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO N°2 – FÉVRIER 2009 Si R’ > R : il est plus intéressant d’emprunter de la monnaie nationale pour acheter des devises, de les placer et de les revendre simultanément à terme. Si R’ < R : il est plus intéressant d’emprunter des devises pour les convertir en monnaie nationale, de les placer et de les racheter simultanément à terme. Dans les deux cas il s’agit d’un arbitrage de taux d’intérêt couverts en change. Dans le premier cas il s’agit d’un arbitrage entrant sur la devise et dans le second cas d’un arbitrage sortant sur la devise. 2|2 DIFFÉRENTIEL DE CHANGE ET DIFFÉRENTIEL D’INTÉRÊT À partir de la relation d’équilibre précédente on peut calculer le taux de report (ou de déport) ou différentiel de change (dc) : dc = dc = F–S S F–S F = – S = F –1 S S S S dc = F – S = 1 + ij / 36000 S 1 + i’j / 36000 –1 dc = F – S = 1 + ij / 36000 – 1 (1 + i’j / 36000) 1 + i’j / 36000 S dc = F–S ij / 36000 – i’j / 36000 = S 1 + i’j / 36000 = (ij / 36000 – i’j / 36000) x 1 1 + i’j / 36000 À l’équilibre le différentiel de change (dc) est égal au différentiel d’intérêt (di) si l’on néglige le terme 1 / (1 + i’j / 36000). On peut donner de cette relation les représentations graphiques utilisées par J.C. Chouraqui ou H. Bourguinat. Il s’agit de diagrammes à quadrants où sont représentés : • sur l’axe vertical, le différentiel de change, positif ou négatif ; • sur l’axe horizontal, le différentiel d’intérêt, positif ou négatif. La ligne de parité des taux d’intérêt est représentée par la bissectrice des deux quadrants : • dc > 0 , di > 0 ; • dc < 0 , di < 0. 4 Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO Figure 1 – Ligne de parité des taux d’intérêt Différentiel de change dc = F – S > 0 (report) S PTI Ligne de parité des taux d’intérêt (bissectrice : lieu de tous les points où dc = di) 45° di = i – i’ < 0 di = i – i’ > 0 Différentiel d’intérêt 0 dc = F – S < 0 (déport) S Considérons les situations représentées sur la figure 2 ci-après. Figure 2 – Ligne de parité des taux d’intérêt et mouvements de capitaux dc > 0 PTI Arbitrages entrants sur la devise (sorties de capitaux) A dc0 di < 0 E B Arbitrages sortants sur la devise (entrées de capitaux) • 0 di1 di0 di2 di > 0 dc < 0 BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International 5 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO N°2 – FÉVRIER 2009 Au point E le différentiel de change dc0 est égal au différentiel d’intérêt di0. Il n’y a pas de mouvement de capitaux en raison de l’absence d’opportunité d’arbitrage. Au point A le différentiel de change dc0 est supérieur au différentiel d’intérêt di1, il est donc intéressant de se porter sur les devises (arbitrage entrant sur la devise). Au point B le différentiel de change dc0 est inférieur au différentiel d’intérêt di2, il est donc intéressant de se porter sur la monnaie nationale (arbitrage sortant sur la devise). Si les frais de l’arbitrage couvert sont supérieurs aux gains de l’arbitrage, il n’y aura pas d’arbitrage puisqu’il n’est pas profitable. La droite de parité des taux d’intérêt devient alors une bande dont l’épaisseur dépend des frais de transactions. Figure 3 – Ligne de parité des taux d’intérêt et bande de non-arbitrage dc > 0 Ligne de parité des taux d’intérêt Sorties de capitaux 0 • di < 0 di > 0 Entrées de capitaux Bande de non-arbitrage dc < 0 2|3 DÉTERMINATION DES COURS À TERME On peut tirer de la relation de parité des taux d’intérêt l’expression du cours à terme en fonction du cours au comptant et des taux d’intérêt prorata temporis. À l’équilibre : Ft,t+n = St x 1 + it,t+n x j / 36000 1 + i’t,t+n x j / 36000 Trois cas peuvent se présenter : • Ft,t+n = St si it,t+n = i’t,t+n situation de parité ; • Ft,t+n > St si it,t+n > i’t,t+n situation de report ; • Ft,t+n < St si it,t+n < i’t,t+n situation de déport. 6 Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO On peut écrire : Ft,t+n = k x St La relation entre le cours au comptant St et le cours à terme Ft,t+n, les taux d’intérêt sur les deux devises et la durée de couverture étant donnés, peut être schématisée sur le diagramme ci-après. Figure 4 – Relation entre cours au comptant et cours à terme Ft,t+n = k x St Ft,t+n > St ; k > 1 Ft,t+n = St ; k = 1 Ft,t+n < St ; k < 1 F2 Report F0 Déport F1 0 • S0 St Toute variation du cours au comptant et/ou des taux d’intérêt sur les deux monnaies et/ou de la durée de couverture modifie le cours à terme d’équilibre. Si le cours à terme sur le marché à terme ne s’établit pas à son niveau d’équilibre donné par la parité des taux d’intérêt, les opérateurs vont : • acheter au comptant et vendre à terme si le cours à terme est supérieur à son cours d’équilibre, en réalisant ainsi un arbitrage dit « cash and carry » ; • vendre au comptant et acheter à terme si le cours à terme est inférieur à son cours d’équilibre, en réalisant ainsi un arbitrage dit « reverse cash and carry ». 3| LA THÉORIE ACADÉMIQUE DU CHANGE A TERME 3|1 LES FONDEMENTS DE L’APPROCHE ACADÉMIQUE Le point de départ de la théorie académique du change à terme est bien la théorie de la parité des taux d’intérêt, mais un certain nombre de compléments vont lui être apportés par les auteurs, dont ceux cités précédemment. BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International 7 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO N°2 – FÉVRIER 2009 La plupart des théoriciens estime que cette théorie n’est vérifiée qu’en tendance et qu’en pratique diverses raisons empêchent la réalisation d’une stricte égalité permanente entre le différentiel de change et le différentiel d’intérêt. Pour ces derniers : • l’opération d’arbitrage a un coût représenté par l’écart entre les cours acheteur et vendeur, aussi bien pour les transactions au comptant qu’à terme ; • l’arbitragiste n’agit que si le profit réalisé dépasse un certain seuil (de l’ordre de 0,5 % ou de 1 % selon certains auteurs) ; • les fonds disponibles pour réaliser des opérations d’arbitrage sont limités de sorte que les occasions d’arbitrage profitables ne sont pas toutes exploitées ; • il existe enfin une diversité d’actifs financiers et donc une multiplicité de taux d’intérêt sur les différentes devises ce qui rend difficile la vérification empirique de la théorie. Un écart entre le différentiel de change et le différentiel d’intérêt peut donc exister, faisant apparaître un déport ou un report qualifié d’intrinsèque : • si dc > di : il apparaît un report intrinsèque égal à la différence dc – di > 0 ; • si dc < di : il apparaît un déport intrinsèque égal à la différence dc – di < 0. Pour la théorie académique, l’existence de cet écart intrinsèque est l’élément essentiel du processus par lequel le taux de report, ou de déport, va tendre à devenir égal au différentiel d’intérêt. Les arbitragistes de taux d’intérêt couverts en change vont donc devenir les acteurs essentiels de l’équilibrage du marché des changes à terme. De nombreux opérateurs interviennent sur le marché international des changes, aussi les auteurs procèdent-ils à leur reclassement pour ne laisser apparaître que deux catégories d’opérateurs : • les arbitragistes couverts, intervenant à la fois au comptant et à terme d’une part ; • les spéculateurs purs intervenant uniquement à terme d’autre part. Les arbitragistes de taux d’intérêt non couverts en change et les spéculateurs au comptant sont considérés comme faisant à la fois un arbitrage couvert et une spéculation à terme. En effet, l’un et l’autre de ces agents peut être considéré comme effectuant une vente au comptant, un achat à terme sec et une vente à terme sec. Les deux premières opérations constituent un arbitrage couvert et la troisième opération une spéculation pure à terme. Le comportement des spéculateurs purs à terme sec et celui des arbitragistes de taux d’intérêt couverts en change dépendent d’un certain nombre de paramètres explicités dans la fonction de spéculation et dans la fonction d’arbitrage construites par les théoriciens. 3|2 LA FONCTION DE SPECULATION La spéculation est définie par N. Kaldor (1939) comme « l’achat, ou la vente, de biens avec une intention de revente, ou de rachat, à une date ultérieure quand le motif qui sous-tend cette action est l’anticipation d’une variation des cours, et non un gain provenant de leur utilisation, ou d’aucune sorte de transformation faite sur eux ». 8 Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO La spéculation consiste à prendre ou à conserver délibérément une position de change longue ou courte dans l’espoir de réaliser un gain sur la variation (hausse ou baisse) anticipée ou attendue des cours. La spéculation est tantôt considérée comme déstabilisante en introduisant le jeu dans l’activité économique et tantôt reconnue comme indispensable, voire consubstantielle, au bon fonctionnement, ou au fonctionnement normal, des marchés (apport de liquidités). Spéculer, au sens latin de « speculare », n’est pas péjoratif, comme cela le deviendra plus tard au Moyen-Age. Spéculer c’est anticiper ou prévoir ce que sera demain. Le temps est une variable clef du calcul économique. Il véhicule le changement et par conséquent le risque. Les agents économiques sont donc obligés de constamment parier sur l’avenir. Le spéculateur pur espère tirer un profit de la différence entre le cours de change à terme aujourd’hui pour une échéance future, Ft,t+n, et le cours au comptant anticipé aujourd’hui pour cette échéance future, S*t,t+n. Si le cours à terme est inférieur au cours au comptant anticipé, Ft,t+n < S*t,t+n, les spéculateurs vont prendre une position longue en achetant à terme et attendre l’échéance pour revendre au comptant plus cher. Si le cours à terme est supérieur au cours au comptant anticipé, Ft,t+n > S*t,t+n, les spéculateurs vont prendre une position courte en vendant à terme, attendre l’échéance et racheter au comptant moins cher. Si le cours à terme est égal au cours au comptant anticipé, Ft,t+n = S*t,t+n, il n’y a pas de prise de position spéculative. La fonction de spéculation (FSP) est donc une fonction décroissante de l’écart entre le cours à terme et le cours au comptant anticipé, soit : FSP = ƒ (Ft,t+n – S*t,t+n) Cette fonction peut être représentée sur un diagramme mettant en relation les cours de change au comptant et à terme et les positions de change à terme. Figure 5 – La fonction de spéculation Cours à terme et au comptant • • F > S* t,t+n t,t+n • Ft,t+n = S*t,t+n Ft,t+n < S*t,t+n • • FSP Vente à terme sec Position courte (–) • V0 • 0 Positions à terme BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International • A0 Achat à terme sec Position longue (+) 9 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO N°2 – FÉVRIER 2009 Cette fonction de spéculation se déplace vers la droite si les anticipations concernant l’appréciation de la devise par rapport à la monnaie nationale s’améliorent et vers la gauche dans le cas contraire. Figure 6 – La fonction de spéculation et ses déplacements Cours à terme et au comptant • Détérioration des anticipations Amélioration des anticipations • FSP1 • FSP0 FSP2 • 0 Vente à terme sec Achat à terme sec Positions à terme Le cours St,t+n doit être considéré comme la moyenne des probabilités objectives des spéculateurs sur le futur cours au comptant. Plus la dispersion de ces probabilités est grande, plus la spéculation est risquée. La pente de la courbe est d’autant plus forte que l’écart-type de la distribution est grand. Les fonds disponibles pour la spéculation ne sont pas illimités et le risque pris croît avec les montants engagés. La fonction de spéculation n’est donc pas linéaire mais présente, selon les théoriciens, l’allure suivante : Figure 7 – Formes de la fonction de spéculation Cours à terme et au comptant • Vente à terme sec Ft,t+n = S*t,t+n • 0 Achat à terme sec Positions à terme 10 Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO 3|3 LA FONCTION D’ARBITRAGE La fonction d’arbitrage (FAR) est une fonction croissante de la marge d’arbitrage couvert qui est égale à la différence entre le cours à terme qui s’établit sur le marché à un moment donné F’t,t+n et le cours d’équilibre donné par la parité des taux d’intérêt : Ft,t+n = St x soit : 1 + it,t+n x j / 36000 1 + i’t,t+n x j / 36000 FAR = ƒ (F – F’) Si F > F’ les arbitragistes couverts vont : • • • • emprunter la devise nationale ; vendre la devise nationale et acheter la devise étrangère au comptant ; placer la devise étrangère ; vendre simultanément à terme sec le produit du placement. Si F < F’ les arbitragistes vont : • • • • emprunter la devise étrangère ; vendre la devise étrangère au comptant contre la devise nationale ; placer la devise nationale ; acheter simultanément la devise étrangère à terme. On peut donner de la fonction d’arbitrage la représentation suivante : Figure 8 – La fonction d’arbitrage Cours à terme FAR F > F’ Marge d’arbitrage couvert • F = F’ F < F’ Achat à terme sec Position longue (+) 0 Positions à terme BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International Vente à terme sec Position courte (–) 11 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO N°2 – FÉVRIER 2009 Selon les auteurs la fonction d’arbitrage peut prendre les diverses formes représentées ciaprès. Figure 9 – Formes de la fonction d’arbitrage Cours à terme FAR2 FAR0 FAR1 Parité des taux d’intérêt F = F’ Achat à terme sec Vente à terme sec 0 Positions à terme Les fonds disponibles pour les arbitrages ne sont pas illimités et l’élasticité de la fonction d’arbitrage n’est donc pas infinie. Pour certains auteurs la fonction d’arbitrage se confond sur une partie de son tracé avec la droite de parité des taux d’intérêt. 3|4 L’ÉQUILIBRE DU MARCHÉ DES CHANGES A TERME L’équilibre du marché à terme dépend donc du comportement des arbitragistes de taux d’intérêt couverts en change et des spéculateurs purs à terme. À l’équilibre, l’intersection des deux courbes se fait au point où : Ft,t+n = S*t,t+n = St x 1 + it,t+n x j / 36000 1 + i’t,t+n x j / 36000 Figure 10 – Équilibre du marché des changes à terme selon la théorie académique Cours à terme et au comptant FAR • Parité des taux d’intérêt F = S* = S (1 + i / 1 + i’) FSP Vente à terme (spéculateur) Achat à terme (arbitragiste) 0 Achat à terme (spéculateur) Vente à terme (arbitragiste) Positions à terme 12 Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO Le cours à terme correspond à la parité des taux d’intérêt (absence d’arbitrage) et au cours au comptant anticipé pour le terme (absence de prises de positions spéculatives). Supposons que les anticipations des spéculateurs se dégradent et que la fonction de spéculation se déplace vers la gauche, entraînant des ventes à terme sec des spéculateurs et une baisse du cours à terme de F0 à F1, toutes choses égales par ailleurs. Figure 11 – Dynamique de l’équilibre du marché des changes à terme selon la théorie académique Cours à terme et au comptant FAR0 F0 • Parité des taux d’intérêt • • F1 •S*1 FSP0 FSP1 Vente à terme (spéculateur) Achat à terme (arbitragiste) 0 Achat à terme (spéculateur) Vente à terme (arbitragiste) Positions à terme L’apparition d’un report intrinsèque F1 < F0 ou F0 – F1 > 0 conduit les arbitragistes à vendre au comptant et à acheter à terme sec et donc à se porter contrepartie des ventes à terme sec des spéculateurs purs au cours F1. Le cours d’équilibre à terme est donc F1. Les arbitragistes gagnent la marge d’arbitrage couvert F0 – F1 et les spéculateurs vendent au cours F1 une devise qu’ils espèrent racheter au comptant à l’échéance à S*1, encaissant ainsi un gain F1 – S*1. 3|5 LES CONCLUSIONS DE LA THEORIE ACADEMIQUE Les implications de la théorie académique du change à terme sont les suivantes : • les ordres à terme sec des spéculateurs sont répercutés sur le marché au comptant par les arbitragistes couverts, dont les arbitrages sont parfois appelés inversés par les auteurs ; • la spéculation à terme n’a pas d’effet direct sur le marché au comptant, qui est influencé par les arbitrages couverts déclenchés par l’apparition d’un report ou d’un déport intrinsèque ; • l’équilibre du marché à terme à la parité des taux d’intérêt est exceptionnel. Des marges d’arbitrage couvert non nulles sont donc nécessaires pour équilibrer le marché à terme ; BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International 13 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO N°2 – FÉVRIER 2009 • le cours à terme a seulement tendance à s’établir à la parité des taux d’intérêt ; • les arbitrages couverts influencent à la fin le marché au comptant et celui à terme, en sens inverse l’un de l’autre. 4| LA THÉORIE CAMBISTE DU CHANGE A TERME Le point de départ de la théorie cambiste est une critique de la fonction d’arbitrage. En effet, pour les cambistes, la détermination du cours à terme peut s’expliquer autrement que par le jeu des arbitrages couverts. Ainsi au lieu de faire intervenir des arbitragistes de taux couverts en change, qui feraient la contrepartie des ordres à terme sec, elle se contente d’observer la manière dont, en pratique, les banques traitent les ordres à terme sec de leur clientèle comme le souligne P. Coulbois. 4|1 LE TRAITEMENT D’UN ORDRE À TERME SEC PAR UNE BANQUE Pour P. Prissert et P. Coulbois les banques qui reçoivent des ordres de change à terme de la clientèle opèrent une première compensation entre les ordres de sens opposé libellés dans les mêmes monnaies et sur une même échéance. Par exemple, un ordre de vente à deux mois de trois millions de dollars US sera compensé par un ordre d’achat à deux mois de trois millions de dollars US. Comme il n’est pas généralement possible de marier chaque ordre de sens opposé libellé dans la même monnaie et de même échéance, il se dégage de cette compensation une position résiduelle de la banque dans chaque monnaie et pour chaque date de valeur qui doit être couverte pour éviter de demeurer en risque. La couverture de la position résiduelle consiste à effectuer immédiatement une opération inverse sur le marché au comptant. Elle nécessite un aménagement de la trésorerie de la banque, qui doit emprunter la monnaie à vendre et placer la devise à acheter. Par exemple lorsqu’un achat à terme de livres sterling à deux mois contre euros donne naissance à un achat au comptant, la banque doit emprunter des euros pour payer les livres sterling qu’elle place jusqu’à l’échéance du contrat. Ces opérations ont un coût représenté par le différentiel d’intérêt entre les placements en euros et en livres sterling. Ce coût appelé taux de report prorata temporis est répercuté sur le client. Le cambiste dispose de deux solutions différentes pour réaménager sa trésorerie et financer ses opérations : • il peut effectuer des emprunts secs « en blanc » en monnaie nationale auprès d’autres banques et prêter de la même façon les devises étrangères acquises. Les prêts et les emprunts de cette nature sur les devises étrangères ont lieu généralement sur les marchés monétaires et sur les marchés des euro-devises qui, par leur souplesse, leur liquidité et l’absence de formalisme qui les caractérisent, se prêtent de façon particulièrement propice aux transactions de ce genre, comme le souligne P. Coulbois ; • il peut également recourir au marché des swaps où s’opèrent entre deux mêmes partenaires des échanges temporaires de monnaies. Cependant le swap n’est possible qu’entre deux banques ayant reçu des ordres à terme sec de sens opposé, ou entre les petites banques, qui n’ont pas accès aux euro-marchés, et les grandes banques. Dans le second cas, la grande banque décompose en fait le swap en un prêt et un emprunt « en blanc » sur les marchés monétaires ou euro-monétaires concernés. 14 Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO Pour aménager la trésorerie, quelle que soit la solution retenue en pratique par la banque, la monnaie vendue à terme sec par le client est empruntée par la banque pour être vendue au comptant, et la monnaie achetée à terme sec par le client est placée après son achat au comptant par la banque. Il y a donc une tendance à la hausse des taux d’intérêt sur la devise vendue à terme et une tendance à la baisse des taux d’intérêt sur la monnaie achetée, cette évolution se répercutant évidemment sur le taux de swap et sur le cours à terme pratiqué à la clientèle. 4|2 LA FONCTION D’ARBITRAGE ET SES LIMITES : LES PSEUDO-ARBITRAGES DES BANQUES L’analyse du traitement des ordres à terme sec par les banques montre que ce sont en fait celles-ci qui agissent comme des arbitragistes. En effet, lorsqu’une banque reçoit un ordre de vente à terme sec de dollars contre euros, elle procède implicitement à un arbitrage sortant sur le dollar comme suit : • elle emprunte du dollar ; • elle vend le dollar emprunté contre l’euro au comptant, pour se couvrir ; • et elle place l’euro reçu de la vente du dollar. Ainsi, la banque vend sur le marché au comptant du dollar contre de l’euro et achète à terme du dollar contre l’euro à son client, réalisant ainsi un arbitrage inversé comme celui décrit par la théorie académique. Mais à la différence des théoriciens, les banques ne justifient pas ces opérations par l’apparition d’un report ou d’un déport intrinsèque. Elles les font de façon automatique et à la parité des taux d’intérêt. Cette pratique n’est donc pas de l’arbitrage, mais plutôt comme l’affirme P. Prissert, un pseudo-arbitrage. En effet la rémunération des banques provient non pas de l’existence de reports ou de déports intrinsèques mais de l’écart entre les cours acheteur et vendeur appliqués aussi bien au comptant qu’à terme sur un marché gouverné par les prix ou de « market maker ». Tout cela conduit les cambistes à nier l’existence d’une « fonction d’arbitrage » au sens mathématique, puisque le comportement des banques traitant les ordres à terme sec n’est en rien déterminé par l’existence d’un écart intrinsèque. La détermination du cours appliqué à la clientèle résulte du calcul fait par le cambiste en fonction du différentiel d’intérêt et des marges que la concurrence entre banques, ainsi que la qualité de la signature du client, lui font considérer comme opportunes, ainsi que le souligne P. Coulbois. 4|3 LA FONCTION DE SPÉCULATION La théorie cambiste, comme la théorie académique, utilise la même fonction de spéculation pour déterminer l’équilibre du marché des changes à terme. Mais l’interprétation qu’elle donne de cette fonction est quelque peu différente. En effet, tout mouvement spéculatif ne donne pas forcément lieu à un écart intrinsèque, d’autant plus qu’il existe des arbitrages qui limitent l’ampleur de l’écart effectif entre le différentiel d’intérêt et le taux de report ou de déport. Ces arbitrages sont utilisés par les professionnels pour faire le lien entre le marché des prêts-emprunts en blanc et celui du swap. BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International 15 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO N°2 – FÉVRIER 2009 Cependant, on ne peut nier l’existence de report ou de déport intrinsèque en période spéculative, mais contrairement à ce qu’affirme la théorie académique, ceux-ci sont simplement dus aux imperfections inévitables des anticipations de certains opérateurs, et ne constituent pas l’élément essentiel du mécanisme de rééquilibrage du marché à terme. La spéculation ne trouve pas son origine uniquement dans les ordres à terme sec de la clientèle. Certaines banques, qualifiées d’actives sur le marché interbancaire des changes, prennent délibérément des positions de change sans ordres préalables de la clientèle. En effet, ces banques, sans cesse à la recherche de profit, prennent des positions à l’intérieur de la journée (« intra-day ») à la hausse ou à la baisse en fonction de leurs anticipations sur l’évolution des cours de change et des taux d’intérêt. Cette situation a conduit les spécialistes à faire la distinction entre les opérations de la clientèle et celles de la banque elle-même. Ainsi a-t-on pu constater que la majeure partie des opérations de change sont le fait des banques. Celles-ci sont tenues d’intervenir continuellement sur le marché et de suivre en temps réel son évolution afin de connaître les tendances à très court terme pour conseiller leurs clients et puisqu’elles sont « market maker ». S’agissant de la formulation mathématique et de la représentation graphique de la fonction de spéculation, la théorie cambiste ne s’écarte pas de la théorie académique. La fonction de spéculation demeure une fonction décroissante de l’écart entre le cours à terme Ft,t+n et le cours au comptant anticipé pour le terme S*t,t+n. 4|4 L’ÉQUILIBRE DU MARCHÉ DES CHANGES À TERME La pratique cambiste réhabilite la théorie de la parité des taux d’intérêt et montre que la contrepartie des ordres à terme sec est constituée par les banques et qu’il n’est nul besoin d’un report ou d’un déport intrinsèque pour inciter ces dernières à faire l’opération, puisqu’elles se rémunèrent en cotant un cours acheteur et un cours vendeur. Ainsi, pour les cambistes, la détermination du cours à terme se fait toujours à la parité des taux d’intérêt. Le cours de change d’équilibre est obtenu à l’intersection de la courbe de spéculation et de la droite de parité des taux d’intérêt (figure 12). Figure 12 – Équilibre du marché des changes à terme selon la théorie cambiste Cours à terme et au comptant • PTI FSP Vente à terme (spéculateurs) Position courte ( – ) • 0 Achat à terme (spéculateurs) Position longue ( + ) Positions à terme 16 Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO Une analyse dynamique de la figure précédente montre que la courbe représentant la fonction de spéculation se déplace, en cas d’afflux d’ordres à terme sec. Elle se déplace vers le bas, si la monnaie concernée fait face à une vague de ventes spéculatives (figure 13), et vers le haut dans le cas contraire. Figure 13 – Dynamique de l’équilibre du marché des changes à terme selon la théorie cambiste Cours à terme et au comptant • Ft,t+n = S*t,t+n PTI0 • PTI1 FSP0 Vente à terme (spéculateurs) Position courte (–) • 0 Positions à terme FSP1 Achat à terme (spéculateurs) Position longue (+) En cas de vente spéculative massive à terme de leur clientèle par exemple, les banques se couvrent en vendant au comptant les ordres à terme excédentaires, ce qui a pour conséquence de faire baisser le cours au comptant et varier le différentiel d’intérêt suite à l’augmentation du taux d’intérêt sur la devise empruntée et à la baisse du taux d’intérêt sur la monnaie nationale prêtée. La ligne de parité de taux d’intérêt se déplace donc vers le bas et un nouvel équilibre s’établit sans qu’apparaisse de déport intrinsèque. L’ajustement du marché à terme est donc réalisé par la couverture au comptant, par les banques, de la quantité excédentaire vendue à terme par les spéculateurs. L’absence de déport ou de report intrinsèque, donc d’arbitrage au sens académique du terme, suscite une interrogation : comment les banques se rémunèrent-elles ? Les banques se rémunèrent simplement par l’application d’un cours acheteur au client, tant au comptant qu’à terme. Comme le soulignent P. Coulbois et P. Prissert, peut-on imaginer une banque refusant un ordre à terme sec de sa clientèle, sous prétexte que l’arbitrage auquel l’obligerait cette opération ne serait pas rentable ? 4|5 LES CONCLUSIONS DE LA THÉORIE CAMBISTE DU CHANGE A TERME Pour P. Coulbois et P. Prissert, l’élaboration de la théorie cambiste part de l’observation du traitement des ordres à terme sec par les banques. L’interprétation qui en découle donne lieu à des conclusions qui contredisent la théorie académique du change à terme : BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International 17 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO N°2 – FÉVRIER 2009 • les mouvements à terme sec d’une certaine importance influencent le différentiel d’intérêt, et par là, le cours à terme. Tout achat spéculatif se traduit graphiquement par un déplacement de la courbe de spéculation vers le bas qui s’accompagne d’un abaissement de la ligne de parité des taux. Ce réajustement permet donc de définir un nouvel équilibre ; • la fonction d’arbitrage au sens de la théorie académique n’existe pas, d’autant plus que les interventions des banques face aux ordres à terme sec ne sont pas suscitées par un quelconque déport ou report intrinsèque, mais se font plutôt automatiquement ; • le cours de change à terme se détermine toujours à la parité des taux d’intérêt, ce qui signifie que la ligne de parité est dynamique ; • les taux de report, ou de déport, peuvent ne pas correspondre aux différentiels d’intérêt dans le cas où les arbitragistes prennent en considération des types de placements autres que ceux qui déterminent les taux directeurs des banques (taux des eurodevises) ou lorsque les cambistes font des erreurs d’anticipation lors d’une spéculation intense. 5| LES TENTATIVES DE CONCILIATION ET LEUR ECHEC : LE COLLOQUE DE 1972 5|1 LA PERSISTANCE DES DÉSACCORDS Le colloque de Paris d’avril 1972 avait pour objectif de confronter les conceptions divergentes des universitaires d’une part et des praticiens des changes d’autre part sur les mécanismes de fonctionnement du marché interbancaire des changes à terme. De cette confrontation s’est dégagé un consensus timide sur certains aspects du change à terme, mais les opinions sont restées opposées quant aux arbitrages couverts, principal enjeu du débat. Les discussions ont donc abouti à un certain rapprochement des points de vue en ce qui concerne les incidences des opérations à terme, sèches ou liées, sur le marché au comptant. En effet, les praticiens et les universitaires ont fini par s’accorder à reconnaître qu’en définitive le cours à terme, le cours au comptant et les taux d’intérêt des deux monnaies en cause étaient tous affectés par les opérations des banques faisant suite à la réception d’ordres à terme excédentaires. Cependant, les interprétations cambistes et académiques diffèrent quant à l’enchaînement des phénomènes : pour les théoriciens, c’est la marge à terme (ou déport) qui est d’abord modifiée alors que pour les praticiens, c’est le différentiel d’intérêt. Cette divergence n’est pas négligeable pour P. Coulbois car l’équilibre total du marché n’étant en pratique jamais réalisé, il importe de savoir comment les différentes variables se situent les unes par rapport aux autres à un moment donné. Par ailleurs, les éventuelles interventions à terme des banques centrales dépendent de la façon dont les événements se déroulent dans la réalité. Il est malheureusement peu probable que le problème puisse recevoir un jour une solution certaine. De plus, tant d’influences diverses s’exercent sur les marchés à tout moment qu’il serait illusoire de chercher dans l’observation chiffrée la confirmation de l’une ou l’autre des deux thèses en présence, comme le souligne P. Coulbois. Les désaccords persistent donc entre les deux écoles sur l’arbitrage couvert. 18 Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO La théorie académique définit l’arbitrage couvert comme étant la conséquence de l’apparition d’un déport ou d’un report intrinsèque sur le marché des changes. Cette analyse de l’arbitrage couvert fait intervenir deux opérateurs essentiels : les spéculateurs d’une part et les arbitragistes d’autre part. Pourtant, sur le marché, la contrepartie d’un arbitrage couvert peut être une opération non spéculative comme le font remarquer P. Coulbois et P. Prissert. En effet, les opérateurs commerciaux (traders) qui se couvrent à terme donnent à leur banque un ordre sec, mais ils le font pour fermer leur position de change ouverte par les transactions commerciales et non pour prendre une position. Cette attitude est donc contraire à la spéculation même si, sur le marché, leurs opérations ont le même impact que les opérations purement spéculatives. Il reste alors à s’interroger sur les conséquences pratiques de l’introduction des « traders » dans l’analyse de l’incidence des arbitrages couverts. Selon l’interprétation académique, les opérations commerciales affectent à la fois les cours au comptant et à terme, suscitant ainsi des contreparties d’origine commerciale : des importateurs ou des exportateurs sont incités à se porter acheteurs ou vendeurs, tant au comptant qu’à terme, parce qu’ils jugent avantageux les cours cotés suite à l’arbitrage. Il n’y a donc plus de mystère dans l’identification de la contrepartie des opérations d’arbitrage. Les cambistes rejettent cette thèse et estiment que l’incidence de l’arbitrage couvert sur le cours au comptant est postulée au départ du raisonnement. En effet, aucun d’entre eux ne conteste qu’une hausse du cours au comptant de l’euro par rapport au dollar puisse stimuler les exportations américaines vers l’Europe et freiner les importations en provenance de l’Union Européenne, pour autant que cette variation soit assez importante, les mouvements de marchandises assez élastiques par rapport aux prix et les délais de réaction assez rapides. Toutefois, imputer la hausse de l’euro à un arbitrage couvert entrant serait poser comme hypothèse initiale le phénomène à démontrer, comme le souligne P. Coulbois. La complexité du problème suffit sans doute à expliquer pourquoi les deux thèses en présence n’ont pu se rapprocher à propos des arbitrages couverts, au contraire de ce qui semble s’être passé pour l’interprétation des opérations à terme sec. Au total, le colloque de 1972 à Paris sur le change à terme a répondu aux attentes des initiateurs puisqu’il a permis la confrontation des conceptions divergentes des universitaires d’une part, et des praticiens du change d’autre part. Mais reste à savoir s’il a été effectivement fructueux et permis un rapprochement des thèses en présence et un approfondissement de la connaissance des mécanismes du marché interbancaire ou international des changes. 5|2 UNE TENTATIVE DE CONCILIATION ET SES LIMITES La réponse à cette préoccupation semble se retrouver dans la synthèse du colloque présentée par J. Spraos. Ce dernier met l’accent sur l’attitude du système bancaire à l’égard du marché du terme, lorsque celui-ci se trouve déséquilibré par des ordres excédentaires à l’achat ou à la vente. En reprenant une variante de la fonction d’arbitrage qui présente une zone dite d’indifférence où la courbe d’arbitrage et la droite de parité des taux d’intérêt se confondent, il distingue deux aspects différents du comportement des banques lorsque celles-ci reçoivent des ordres à terme sec, selon qu’elles se situent dans cette zone d’indifférence ou non. En effet, dans cette zone, les banques acceptent de modifier la répartition de leurs portefeuilles-devises sous l’effet des ordres à terme de la clientèle sans exiger l’existence d’un report intrinsèque. Les deux théories se rejoignent donc dans la zone d’indifférence. BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International 19 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO N°2 – FÉVRIER 2009 Toutefois, à partir d’un certain degré de déséquilibre du marché à terme, le système bancaire dans son ensemble n’est plus indifférent à la répartition de ses avoirs et exige dès lors, de la part des donneurs d’ordre, le paiement d’un report intrinsèque qui, s’ajoutant au taux de report normal, rémunère la banque d’une répartition indésirable de son portefeuille consécutive à l’afflux d’ordres à terme de la clientèle. A l’extérieur de la zone d’indifférence, la marché s’ajuste dans des conditions beaucoup plus proches de celles de la théorie classique selon J. Spraos. Une telle analyse est pour les universitaires l’un des moyens d’intégrer le schéma cambiste à la théorie générale du marché et cela dans les limites de la « zone d’indifférence ». Figure 14 – Equilibre du marché des changes à terme selon J. Spraos Cours à terme et au comptant FSP1 FSP0 FAR • Vente à terme (spéculateurs) Achat à terme (banques) Zone d’indifférence Achat à terme (spéculateurs) Vente à terme (banques) Positions à terme À l’intérieur de la zone d’indifférence, les universitaires semblent accepter l’ensemble du « schéma cambiste ». Mais comme le souligne P. Prissert, cela suppose qu’ils acceptent toutes les implications qu’il comporte quant aux mécanismes d’ajustement du marché à savoir : • les opérations d’arbitrage que la théorie académique désigne comme l’élément unique d’ajustement du marché sont en réalité de pseudo-arbitrages, en ce sens que les opérations de couverture et de financement par les banques des ordres excédentaires à terme sont la conséquence automatique desdits ordres, et que les banques ne peuvent s’y soustraire ; • les pseudo-arbitragistes que sont les banques ne sont pas responsables de l’impact des ordres à terme sur les cours au comptant, contrairement à l’idée reçue des théoriciens. Une telle responsabilité doit être attribuée entièrement aux opérateurs à terme initiaux que sont les spéculateurs, et non à ces instruments techniques et mécaniques de la liaison permanente entre marché à terme et marché au comptant par les banques ; 20 Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO • l’ajustement automatique du marché par les banques exclut l’existence d’une fonction d’arbitrage ou d’un seuil de profit d’arbitrage ; • le taux de report entre deux monnaies s’établit en permanence à la parité des taux d’intérêt pratiqués entre les banques sur le marché international des trésoreries bancaires, ces taux étant eux-mêmes influencés de façon plus ou moins importante par les opérations de change à terme ; • l’existence d’un « taux de report intrinsèque » n’est nullement nécessaire à l’équilibre du marché ; son apparition éventuelle est extrêmement rare et tout à fait accidentelle au niveau de ces « pseudo-arbitragistes » que sont les banques. 5|3 L’EXTINCTION DE LA CONTROVERSE Après le colloque de 1972, aucune autre réunion de ce type n’a eu lieu sur ce sujet et chacun est resté sur ses positions, les rapprochements observés n’étant le fait que de quelques protagonistes. La controverse s’est progressivement éteinte, les universitaires conservant leur approche de l’ajustement des cours à terme et au comptant, et les cambistes abandonnant le débat. Deux raisons majeures expliquent cette évolution : • la première raison est, comme le souligne P. Prissert, l’absence de portée pratique de la controverse. Les cambistes ont continué à travailler comme ils l’avaient toujours fait et leur effort pour théoriser leur pratique était purement intellectuel et sans conséquence pour l’action ; • la seconde raison est la transformation rapide des opérations de change à terme. À côté du marché interbancaire des changes sont apparus des marchés à terme organisés de change et de nouveaux instruments financiers à terme, ou produits dérivés, qui offrent d’autres moyens de gérer les risques liés aux fluctuations erratiques des cours de change et de profiter de la variabilité des taux de change (spéculation) ou de différences anormales entre les cours (arbitrage). TRANSFORMATION DES MARCHES ET LES NOUVELLES RELATIONS D’ÉQUILIBRE COMPTANT-TERME 6| LA 6|1 LA TRANSFORMATION DES MARCHES S’inspirant des principes et des pratique développés depuis le milieu du 19ème siècle sur les marchés à terme de matières premières, l’International Monetary Market (IMM) du Chicago Mercantile Exchange (CME) a lancé les premiers contrats à terme (future) sur devises dans les années 1970 à l’instigation de Léo Melamed, alors président du CME, et de Milton Friedman alors professeur à l’université de Chicago. Des contrats sur devises sont ensuite apparus sur d’autres marchés à terme d’instruments financiers comme le LIFFE (London International Financial Future Exchange) à Londres. Il en existe à présent sur les principales places financières. BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International 21 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO N°2 – FÉVRIER 2009 Dans les années 1980 ont été créés les premiers contrats d’options sur devises, puis d’options sur contrats futures sur devises, sur les marchés à terme organisés américains principalement. Ces options sont exerçables à tout moment et les contrats d’options sont négociables jusqu’à l’échéance. Par la suite, le marché interbancaire des changes a proposé, lui aussi, des options classiques sur devises ainsi que des options dites exotiques, des « caps », des « floors », des « collars », et aussi d’autres produits dérivés et des dérivés de dérivés (swaptions). Les transactions se déroulent ici sur un marché de gré à gré (OTC : « over the counter »), c’està-dire de « market-makers ». Les options de change comme les futures de change peuvent servir aussi bien à se prémunir contre une variation adverse des cours de change qu’à en profiter en prenant des positions spéculatives. L’enquête triennale sur l’activité du marché des changes et des marchés de produits dérivés OTC publiée par la Banque des Règlements Internationaux (BRI) en septembre 2007 estime le montant journalier moyen des transactions sur le marché international des changes à 3210 milliards USD qui se répartissent comme suit : Tableau 1 : Montants journaliers moyens des transactions (milliards USD) • 2001 2004 Transactions au comptant 387 621 1 005 Transaction à terme sec 131 208 362 Swaps cambistes 655 944 1 714 27 107 129 1 200 1 880 3 210 7 21 80 Options 60 117 212 Autres 1 2 1 68 140 293 1 268 2 020 3 503 Opérations de change OTC Ajustement statistique Total • Produits dérivés OTC Swaps de devises Total • 2007 Total Au premier trimestre 2004 le volume des transactions sur les marchés organisés de change s’est établi à 2 000 milliards de USD soit environ 31 milliards de USD en moyenne journalière. 22 Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO Le marché interbancaire des changes est donc beaucoup plus important que les marchés organisés de change en termes d’activité journalière moyenne et d’encours notionnel sur instruments dérivés. Nous sommes ainsi passés de la notion de marché des changes, entendu comme le marché interbancaire ou international des changes, à celle de marchés de change regroupant les marchés de gré à gré et organisés de change. La structure actuelle des marchés de change peut être schématisée comme ci-après. Figure 15 – Structure des marchés de change J ● J+1 ● J+2 J+3 ● ● J+30 J+360 ● ● Spot OTC 3 ans ● 5 / 10 ans ● échéance Forward (terme sec) Swaps cambistes ou de trésorerie Options Caps – Floors - Collars Swaps de couverture Swaps de taux d’intérêt et de change Options de swap – Swaptions Organisés (contrats) Futures Options Options sur Futures • date d’engagement BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International 23 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO N°2 – FÉVRIER 2009 6|2 LES NOUVELLES RELATIONS D’ÉQUILIBRE COMPTANT-TERME ET TERME-TERME 6|2.1 Les principales relations d’équilibre Le développement des opérations fermes à terme sur les contrats sur devises et des opérations conditionnelles à terme sur les options sur devises a fait apparaître de nouvelles relations d’équilibre entre les cours au comptant et les différents cours à terme et entre les différents cours à terme eux-mêmes. Il existe six relations principales qui peuvent être schématisées comme ci-après. Figure 16 – Relations entre les cours au comptant et à terme Cours au comptant S • (1) (2) (3) Cours ferme à terme (forward) Fw • • Fu (4) (5) Cours ferme à terme (future) (6) • O Cours conditionnel à terme (option) Il existe 3 relations d’équilibre comptant-terme : • la relation (1) entre le cours au comptant S et le cours à terme sec Fw ou forward, déjà longuement analysée puisque étant au centre de la controverse ; • la relation (2) entre le cours au comptant S et le cours à terme des contrats Fu ; • la relation (3) entre le cours au comptant S et celui des options O. Il existe 3 relations d’équilibre terme-terme : • la relation (4) entre le cours à terme sec Fw et le cours future Fu ; 24 Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO • la relation (5) entre le cours à terme sec Fw et celui des options O ; • la relation (6) entre le cours future Fu et celui des options O. 6|2.2 La relation comptant-terme sec (forward) La théorie cambiste du change à terme est la seule qui soit cohérente avec la pratique du marché interbancaire ou international des changes. Elle décrit de façon précise l’enchaînement des opérations et la manière dont les banques répercutent les ordres de la clientèle sur les marchés au comptant et de prêt-emprunt des devises et calculent le prix de revient de ces opérations en se rémunérant sur l’écart entre les prix acheteur et vendeur. La droite de parité des taux d’intérêt n’est pas fixe, comme le professe l’approche académique, mais se déplace en fonction des modifications du cours au comptant et des taux d’intérêt qui font varier le montant du report ou du déport. Le cours à terme sec ne se forme pas indépendamment du cours au comptant et des taux d’intérêt sur les devises. Il résulte d’un calcul fait par les banques à partir de ces 3 éléments. En conséquence, le marché à terme n’existe pas en tant que tel et le marché au comptant et à terme n’en forment qu’un seul. Considérons une situation où le taux d’intérêt sur la devise est supérieur au taux d’intérêt sur la monnaie nationale et où l’on assiste à des ventes sèches à terme de devises contre monnaie nationale. Cela va se traduire par des emprunts de devises et des placements de monnaie nationale, une variation des taux d’intérêt et un accroissement du déport initial de d0 à d1 sur les diagrammes ci-après. Figure 17 – Dynamique de l’équilibre des marchés de taux d’intérêt domestique et étranger idev inat S0 S0 S1 i’1 i’0 d0 D0 D1 i0 d1 i1 D0 Emprunts de devises Qdev Placements en monnaie nationale BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International Qnat 25 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO N°2 – FÉVRIER 2009 La baisse du cours au comptant et l’augmentation du déport font baisser le cours à terme à due concurrence. Figure 18 – Dynamique de la relation entre cours au comptant et cours à terme Fw Parité Fw = S Fw0 = k0 S0 déport Fw0 Ventes à terme Fw1 = k1 S1 déport Fw1 0 S1 S S0 Ventes spot Le « market-maker » propose en permanence un cours acheteur et un cours vendeur des devises sur lesquels travaillent les contreparties. L’équilibre du marché OTC peut donc se schématiser à l’aide de la figure 19. Figure 19 – « Market-maker » et équilibre du marché OTC Taux de change Offre du marché Cours vendeur eV Cours acheteur eA Offre du market-maker Ecart • Demande du market-maker Demande du marché 0 26 QC QN Quantité de devises Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO Les cours acheteur et vendeur sont proposés pour des quantités normales (QN) de devises (5 millions USD). Au-delà le « market-maker » peut élargir l’écart entre les cours ou le « spread ». En cas de vente importante de devises le « market-maker » va modifier ses prix d’achat et de vente en les ajustant à la baisse jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre soit trouvé comme l’indique la figure 20. Figure 20 – « Market-maker » et dynamique de l’équilibre du marché OTC Taux de change SM0 SM1 SMM0 eV0 eA0 ● DMM0 SMM1 eV1 ● eA1 DMM1 DM0 0 Q0 Q1 Quantité de devises S’agissant des arbitrages comptant-terme, la théorie cambiste nie l’existence d’une fonction spécifique d’arbitrage qui, avec la fonction de spéculation, déterminerait l’équilibre sur le marché à terme. Ce sont les banques qui se portent contrepartie des ordres à terme et non une catégorie mythique d’opérateurs, les arbitragistes de taux d’intérêt couverts en change, comme le souligne P. Coulbois. L’approche cambiste ne nie cependant pas l’existence d’arbitrage comptant-terme mais en donne une interprétation différente. Supposons qu’il existe un écart positif (report intrinsèque) entre le cours à terme coté par un « market-maker » Fw1 et le cours à terme tel qu’il résulte de la parité des taux d’intérêt Fw0. Un arbitrage est donc possible. L’arbitragiste, qui est en l’espèce un autre « market-maker », va donc acheter la devise au comptant et la porter jusqu’au terme, ce qui lui revient à Fw0, et la revendre simultanément à terme au « market-maker » à Fw1. Le « market-maker » va, quant à lui, couvrir cette opération en vendant la devise au comptant et en finançant l’opération, ce qui lui rapporte Fw0. BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International 27 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO Marchés N°2 – FÉVRIER 2009 Dépôt Comptant Forward DEV NAT Arbitragiste ADEV – VNAT PDEV ENAT VDEV - ANAT Market maker VDEV – ANAT EDEV PNAT ADEV - VNAT Prix de revient S0 CC0 Fw1 Fw0 Achat (A) – Vente (V) – Prêt (P) – Emprunt (E) – Devise (DEV) – Monnaie nationale (NAT) L’arbitragiste gagne ce que perd le « market-maker » soit Fw1 – Fw0. Le « market-maker » va donc ajuster son cours à terme pour le faire coïncider avec la PTI soit Fw0. Au total, le cours au comptant de la devise en monnaie nationale n’a pas varié de même que les taux d’intérêt puisque l’arbitragiste et le « market-maker » ont fait des opérations de sens inverse sur chacun des marchés, qui se neutralisent l’une l’autre. On peut schématiser cette situation à l’aide de la figure 21. Figure 21 – Fonction d’arbitrage et équilibre du marché à terme Cours à terme FAR Fw1 • MM •Fw PTI 0 0 Vente de l’arbitragiste Achat du market-maker Positions à terme sec 6|2.3 La relation comptant-future La seconde relation (2) doit être identique à la première (1) dans la mesure où il n’y a pas de différence dans les modes de calcul du cours à terme sec et du cours à terme sur les contrats futures. 28 Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO La même formule peut être utilisée pour calculer le cours à terme d’un contrat future, soit : i x j 36 000 ) Fut,t+n = St, t+n ( i’ x j 1+ 36 000 où j représente le nombre de jours jusqu’à l’échéance du contrat. 1+ Le marché des contrats est un marché gouverné par les ordres et les opérateurs y sont spécifiques. Le mode de formation du cours à terme sur le marché des contrats futures diffère donc de celui du cours à terme sec sur le marché interbancaire et l’analyse académique redevient ici pertinente puisque les marchés au comptant et à terme sont distincts. Les arbitragistes assurent bien le pont entre le marché des contrats futures et le marché interbancaire au comptant. La fonction d’arbitrage retrouve tout son sens et permet, avec la fonction de spéculation, de déterminer le cours à terme d’équilibre sur le marché des contrats futures. Ainsi, face à une augmentation des achats à terme par les spéculateurs, le cours à terme sur le marché des futures va s’apprécier pour inciter les arbitragistes à se porter contrepartie. Comme le marché interbancaire au comptant et le marché à terme sont distincts le cours au comptant ne réagit pas dans un premier temps, faisant apparaître un report intrinsèque. Les arbitragistes couvrent leurs ventes à terme par des achats au comptant qui font monter le cours au comptant et se déplacer vers le haut la droite de parité des taux d’intérêt comme l’indique la figure 22. Figure 22 – Équilibre du marché à terme des contrats futures Fu FAR0 ● Fu1 PTI1 • Fu • PTI0 0 FSP1 FSP0 0 Q Achat à terme des spéculateurs Vente à terme des arbitragistes Positions à terme BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International 29 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO N°2 – FÉVRIER 2009 Le cours à terme passe de Fu0 à Fu1, la ligne de parité des taux d’intérêt de PTI0 à PTI1 et l’axe vertical des cours est translaté à droite de 0Q où s’établit le nouvel équilibre du marché après arbitrage. 6|2.4 La relation comptant-option Le droit d’acheter (call) une devise 1 contre une devise 2 doit être équivalent au droit de vendre (put) la devise 2 contre la devise 1. Le call EUR/USD de prix d’exercice PE = 1,25 USD et de prime PC = 0,01 USD est le droit d’acheter 1 EUR contre 1,25 USD moyennant le paiement immédiat d’une prime de 0,01 USD. On peut écrire : PE = 1 EUR = 1,25 USD PE = 1,25 (1 / 1,25) EUR = 1,25 USD Le call EUR/USD de prix d’exercice PE = 1,25 USD est équivalent au droit de vendre 1,25 USD contre 1,25 (1 / 1,25) EUR , c'est-à-dire 1,25 fois un put USD/EUR de prix d’exercice PE = 1/1,25 EUR = 0,80 EUR, dont la prime PP est en EUR. A l’équilibre : PCEUR/USD x PE = SEUR/USD PE x PPUSD/EUR x (1 / PE) Symétriquement : PPEUR/USD x PE = SEUR/USD PE x PCUSD/EUR x (1 / PE) Nous pouvons illustrer la première relation par un exemple. Soient les données suivantes : Call EUR/USD Put USD/EUR PE = 1,25 USD PC = 0,01 USD PE = 0,80 EUR Sachant que le cours au comptant s’établit à 1 EUR = 1,30 USD, la prime d’équilibre du put USD/EUR doit être égale à : PPUSD/EUR = (PCEUR/USD x PE) PPUSD/EUR = (PCEUR/USD SEUR/USD x PE x (1 / PE) SEUR/USD) x (1 / PE) = (PCEUR/USD SEUR/USD) x PE PPUSD/EUR = (0,01 / 1,30) x 1,25 = 0,00615 EUR ou en USD : 0,00615 x 1,30 = 0,0080 USD Si la cotation du put USD/EUR est supérieure à 0,00615 EUR, soit par exemple 0,0070 EUR, l’arbitragiste a intérêt à vendre un put à 0,0070 EUR et acheter un call à 0,01 USD dans la proportion de 1 call pour 1,25 put puisque : 0,01 USD < 1,30 USD x 1,25 x 0,0070 EUR 30 Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO 0,0100 USD < 0,011375 USD Prime versée Prime reçue Si la cotation du put EUR/USD est inférieure à 0,006115 EUR, soit par exemple 0,0059 EUR, l’arbitragiste a intérêt à acheter un put à 0,0059 EUR et à vendre un call à 0,0100 USD dans la proportion de 1 call pour 1,25 put puisque : 0,0100 USD > 1,30 USD x 1,25 x 0,0059 EUR 0,0100 USD < 0,0096 USD Prime reçue Prime versée Dans la première hypothèse, l’arbitrage provoque : • une baisse des cours de EUR/USD suite à la vente sèche au comptant ; • une diminution de la prime du put suite à la vente de put ; • une augmentation de la prime du call suite à l’achat de call. Dans la deuxième hypothèse l’arbitrage provoque : • une hausse du cours de EUR/USD suite à l’achat sec au comptant ; • une augmentation de la prime du put suite à l’achat de put ; • une diminution de la prime du call suite à la vente de call. Figure 23 – Arbitrage comptant-option et équilibre du marché au comptant Cours au comptant S2 ● PC2 = S2 x PE x PP2 S0 • S • Parité PC0 = S0 x PE x PP0 1 PC1 = S1 x PE x PP1 FSP2 FSP0 FSP1 Vente sèche des arbitragistes 0 Achat sec des arbitragistes Positions au comptant BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International 31 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO N°2 – FÉVRIER 2009 Les ventes sèches consécutives à l’arbitrage entraînent un déplacement vers la gauche de la fonction de spéculation et un nouvel équilibre en S1 après le retour à la parité call – put. Les achats secs consécutifs à l’arbitrage entraînent un déplacement vers la droite de la fonction de spéculation et un nouvel équilibre en S2 après le retour à la parité call – put. 6|2.5 La relation forward-future Pour une même échéance, on doit avoir l’égalité suivante : Fut,t+n = Fwt,t+n Toute différence entre Fw et Fu pour une même échéance (mensuelle ou trimestrielle) génère un arbitrage qui rétablit l’égalité des deux cours (aux coûts de transaction et au spread de prix près). Figure 24 – Gains et pertes sur des positions fermes à terme Gains + Achat forward Fu0 – Fw0 0 Gain d’arbitrage • • Fw0 • • Cours à terme Fu0 Vente future − Pertes Si le cours à terme sec Fw0 est inférieur au cours future Fu0 pour une même échéance, les arbitragistes achèteront un forward (prise d’une position longue) et vendront un future (prise de position courte) simultanément, dégageant un gain d’arbitrage certain. Sous l’effet des arbitrages, les cours convergent jusqu’à ce que Fu = Fw. Le déplacement vers la droite de la fonction de spéculation fait monter le cours du future de Fu0 à Fu1, qui devient supérieur à Fw0. Les arbitragistes vont donc acheter à terme sec ce qu’ils viennent de vendre sur le marché des futures. L’achat de devises à terme sec par les arbitragistes aux « market-makers » s’apparente à une opération de spéculation qui entraîne le déplacement de FSP0 à FSP2 de la fonction de spéculation. 32 Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO Il génère des achats au comptant de la part des « market-makers » conduisant à une hausse du cours au comptant des devises, une modification des taux d’intérêt sur les deux monnaies et donc du report ou du déport, et partant du cours à terme sec qui augmente jusqu’à Fw1 = Fu1 où il n’y a plus d’arbitrage. Figure 25 – Équilibre simultané des marchés à terme « forward » et « future » Fu Fw FAR Fu1 • Fu0 Fw0 Fw1 = Fu1 PTI0 • FSP1 FSP0 0 FSP0 Q1 0 Achat spéculateur Vente arbitragiste arbitrage PTI1 FSP1 Q1 Vente market-maker Achat arbitragiste Future Forward 6|2.6 La relation option-future-forward La combinaison d’un achat (vente) de call et d’une vente (achat) de put de même prix d’exercice et de même échéance équivaut à un achat (vente) à terme synthétique et donc à une prise de position longue (courte) à terme. Figure 26 – Achat à terme synthétique Gains Achat call Vente put + 20 • 80 0 • 95 100 • • 115 120 Cours de change - 15 Achat à terme synthétique Pertes BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International 33 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO N°2 – FÉVRIER 2009 La figure 25 représente la combinaison d’un achat de call et d’une vente de put de PE = 100 et de primes PC = 15 et PP = 20. Lorsque le prix de l’actif sous-jacent vaut 80, les gains sur le put sont nuls (point mort du put) et la perte est de 15 sur le call. Lorsque le prix de l’actif sous-jacent vaut 115 (point mort du call), les gains sont nuls sur le call et de 20 sur le put. Lorsque le prix de l’actif sous-jacent vaut le prix d’exercice, le gain est de 20 sur le put et la perte de 15 sur le call soit un gain net de 5. Au total, la combinaison des deux options équivaut à un achat à terme synthétique au prix de 95, qui correspond au prix d’exercice augmenté de la prime de call et diminué de la prime du put. Prix d’achat à terme synthétique = Prix d’exercice + Prime du call – Prime du put. Il convient de tenir compte également du coût financier des primes ou, en l’espèce, de la différence des primes sur la période. A l’équilibre, le cours à terme sec, ou forward, sur le marché interbancaire ou le cours à terme sur le marché des futures doit être égal au cours à terme synthétique augmenté des intérêts prorata temporis sur la différence des primes, soit : Fw = Fu = Fs = PE + ( PC – PP ) ( 1 + ij / 36000 ) PC – PP = Fw – PE 1 + ij / 36 000 A l’équilibre la différence des primes est égale à la différence actualisée entre le prix à terme et le prix d’exercice. Toute différence entre Fs et Fw ou Fu génère un arbitrage dont l’impact sur les marchés de change dépend de la nature du marché de gré à gré ou organisé. Figure 27 – Arbitrage et équilibre du marché organisé des options Cours à terme FAR Fs > Fw, Fu • Fu = Fw = Fs parité des cours Fs < Fu, Fw Achat à terme synthétique Vente à terme sec 34 • 0 Vente à terme synthétique Achat à terme sec Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO Dans le cas d’un achat à terme synthétique et d’une vente à terme sec on assiste à des achats de call (hausse de la prime), à des ventes de put (baisse de la prime) et à des ventes à terme (baisse des cours au comptant et à terme). Figure 28 – Arbitrage et dynamique de l’équilibre du marché organisé des options Fu, Fw, Fs FAR0 • E • Fw0 = Fs0 = Fu0 PTI0 • Fw1 = Fu1 = Fs1 PTI1 FSP0 FSP1 • 0 Positions à terme L’apparition d’un écart intrinsèque entre Fw et Fs suite à un déplacement de la fonction de spéculation vers la gauche génère des arbitrages entre le marché des options et le marché interbancaire au comptant qui modifient les prix sur chacun des marchés jusqu’à un nouvel équilibre en E sur la figure 28. Figure 29 – Arbitrage et dynamique de l’équilibre du marché OTC des options Cours à terme FAR0 • Fw0 = Fs0 PTI0 • Fs1 < Fw0 = Fs0 • 0 Achat à terme synthétique (arbitragiste) Vente à terme synthétique (market maker) BANQUE DE FRANCE – Institut Bancaire et Financier International 35 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO N°2 – FÉVRIER 2009 Le « market-maker » qui cote Fs1 n’est pas au prix et un arbitragiste peut en profiter. A l’issue de l’opération, l’arbitragiste a gagné Fw0 – Fs1 tandis que le « market-maker », qui a perdu Fw0 – Fs1, ajuste son prix à la hausse. 7| CONCLUSION La controverse entre les universitaires et les cambistes à propos de la relation entre le cours de change à terme et le cours de change au comptant et la manière dont s’équilibre le marché à terme des devises (forward) n’a pas été inutile car elle a permis à chaque camp d’affiner ses analyses. Toutefois, il est dommage qu’aucune réconciliation des deux approches n’ait été possible, la plupart des théoriciens déniant, non sans morgue, aux cambistes la capacité à théoriser leur pratique. Les universitaires ont donc rejeté dans leur grande majorité l’approche développée par les cambistes alors que cette dernière est la seule qui soit cohérente avec le fonctionnement quotidien du marché interbancaire des changes. A l’heure actuelle, seuls quelques universitaires l’ont adoptée, dont A. Cartapanis, J.M. Dalbarade ou D. Plihon, mais tous les outils analytiques développés, tant par les praticiens que par les théoriciens, ont disparu des manuels traitant du change et plus aucun auteur ne fait encore référence à cette controverse. Le développement de nouveaux produits de gestion du risque de change, comme les contrats futures ou les options, ne rend pas pour autant caduques les analyses déjà menées. L’approche cambiste demeure adaptée à la détermination de l’équilibre sur le marché interbancaire ou OTC, alors que l’approche académique retrouve son sens pour expliquer le processus d’équilibrage des marchés organisés de change. Les deux approches sont donc complémentaires pour décrire la manière dont les différents marchés, au comptant et à terme, OTC et organisés, s’influencent réciproquement et comment se déterminent les cours d’équilibre sur chacun d’eux. Par ailleurs, les outils analytiques développés à cette occasion peuvent être utilisés pour expliquer la formation des cours à terme sur les marchés des autres produits dérivés (taux d’intérêt, indices boursiers, actions, matières premières), élargissant ainsi leur portée. 36 Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE N°2 – FEVRIER 2009 DOCUMENT PÉDAGOGIQUE LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME GILLES M ORISSON – INNOCENT M. KOUAO 8| BIBLIOGRAPHIE • • Théorie académique du change à terme – A tract on Monetary Reform John Maynard Keynes Royal Economic Society – Cambridge – 1971 – A treatise on money John Maynard Keynes Macmillan – 1930 – The theory of forward exchange rate and recent practice John Spraos Manchester School of Economic and Social Studies – 1953 – Speculation, arbitrage and sterling John Spraos Economic journal – Mars 1959 – A dynamic theory of forward exchange Paul Einzig Mac Millan – 2ème édition – 1967 – The interest rate parity theorem : a reinterpretation Robert Z. Aliber Journal of Political Economy – n° 81 – 1973 – La théorie du change à terme et la rationalité de l’intervention Pierre Dockes Économies et sociétés – Cahiers de l’ISEA – t.II – n°5 – mai 1968 – Le cambisme et le jeu monétaire international Bertrand Munier PUF – 1970 – La spéculation et la politique de défense des monnaies J.C. 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KOUAO • 38 – Forward Exchange, short term capital flows and monetary policy Pierre Prissert – Paul Coulbois De Economist – 122 – n° 4 – 1974 – Cours de finance internationale Paul Coulbois ème année de Licence ès sciences économiques Cours de 4 Université de Paris I – Panthéon Sorbonne – Année 1973-74 – Fonctionnement et théorie générale du marché des changes Michel Galy, Vivien Levy-Garboua, Dominique Plihon Document de recherche Banque de France – Février 1977 – Finance internationale : le change Paul Coulbois Cujas – 1979 N°2 – FÉVRIER 2009 Les analyses récentes des marchés de change – Les options de change Odile Lombard, Didier Marteau Eska – 1986 – Pratique des paiements internationaux : influence des phénomènes monétaires François Selleslags ème édition – 1988 Presse universitaire de Bruxelles – 2 – Les taux de change Dominique Plihon Repères La découverte – 1991 – Les marchés des changes : opérations et couvertures Josette Peyrard Vuibert – 1995 – International Financial Markets J. 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