DOCUMENT PÉDAGOGIQUE N°2 – FÉVRIER 2009
LA DÉTERMINATION DES COURS DE CHANGE A TERME
GILLES MORISSON – INNOCENT M. KOUAO
2 Institut Bancaire et Financier International – BANQUE DE FRANCE
1| INTRODUCTION
Les opérations sèches de change à terme, dites encore opération à terme sec ou « forward
transactions » ou « spot forward transactions », se sont développées sur le marché
interbancaire ou international des changes à la faveur de l’instabilité monétaire née de
l’abandon progressif du système de l’étalon or par les différents pays européens durant les
années 1920-1930. Leur importance s’est ensuite accrue après le retour à la convertibilité
externe des devises européennes en 1959 puis le flottement généralisé des monnaies à
partir de 1972-1973.
J.M. Keynes est le premier économiste à s’être intéressé aux opérations d’arbitrage de taux
d’intérêt couverts en change entre places, à la relation existant entre le cours de change au
comptant et le cours de change à terme et avoir formulé une théorie explicative de la
formation du cours de change à terme, dite théorie de la parité des taux d’intérêt, en 1923
dans son « Tract on Monetary Reform » puis en 1930 dans son « Treatise on money ».
Dans les années 1960-1970 cette théorie a donné lieu à de très nombreuses contributions
d’universitaires, dont celles de J. Spraos, de S. C Tsiang, de P. Einzig, de E. Sohmen, de
R. Z. Aliber, de J. Frenkel, de H. Grubel, de B. Munier, et de P. Dockès sont parmi les plus
représentatives.
Ces auteurs distinguent la forme classique de la théorie du change à terme, fondée sur la
théorie de la parité des taux d’intérêt énoncée par J.M. Keynes, de la forme qualifiée de
moderne, du fait des approfondissements apportés à l’analyse des comportements des
opérateurs, et qu’ils incarnent.
Parallèlement les praticiens du change, ou cambistes, ont développé une approche quelque
peu différente de celle des universitaires. La Banque de France est à l’origine de ces
réflexions puisqu’elles ont été formulées par P. Prissert, alors cambiste, dès 1969 dans
diverses notes internes, des colloques et des articles parus dans des revues d’économie
françaises et étrangères.
Parmi les universitaires qui se sont rangés dans le camp des praticiens figure P. Coulbois,
alors professeur à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, qui a rédigé plusieurs articles
sur ce sujet, seul ou en collaboration avec P. Prissert, et a publié un manuel de finance
internationale consacré au change en 1979, qui expose clairement le fonctionnement du
marché interbancaire des changes au comptant et à terme et les théories explicatives de la
formation du cours à terme en présence.
Une vive controverse est ainsi née entre les partisans de la théorie dite académique ou
universitaire du change à terme et de la théorie dite cambiste du change à terme.
Un colloque organisé à l’Université de Paris I, les 15 et 19 avril 1972, à l’initiative de
P. Coulbois et de R.Z. Aliber de l’Université de Chicago et qui réunissait des universitaires et
des praticiens a tenté, sans grand succès, de concilier ces deux approches divergentes de la
détermination des cours de change à terme.
Au début des années 1980 la controverse s’est finalement éteinte faute de contradicteurs,
les théoriciens campant sur leurs certitudes et les praticiens, dont P. Coulbois, se retirant du
débat. Pour P. Prissert, interrogé, les deux approches ont été renvoyées dos à dos en
l’absence de véritables enjeux ou d’incidences pratiques et en raison du développement de
nouveaux produits de change à terme, et notamment des options, rendant la querelle, en
apparence, obsolète.